Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Mars 2017 (12 articles)
Parfois, souvent même, se pose la question : mais enfin, sont-ils sérieux ? Je me la suis posée à nouveau à propos de la “crise iranienne” documentée hier, qui me passe devant les yeux comme un vieux film qui passe au ralenti, pour ne pas rayer la pellicule, ou bien ne pas interférer sur l’impulsion électrique d’un DVD plein de puces-espionnes Google, ou bien ne pas laisser traîner une peau de banane dans la marche du robot futuriste de service, ceui qui nous remplacera, que sais-je moi, – avec la crise iranienne et l’attaque possible contre l’Iran, tout, même le futur de la post-postmodernité me paraît vieillot… On se disait la même chose “mais enfin, sont-ils sérieux”, déjà en 2005-2006-2007-2008, après que GW nous eût affirmé puis répété à toutes les occasions possibles que “all the options are on the table”. On aurait pu se le dire en 1979-1980, pour la crise des otages et le pauvre Carter.
L’Iran, c’est une crise qui dure depuis largement plus d’un tiers de siècle, et qui est caractérisée depuis plus de quinze ans par l’intention furieuse de la Grande République, avec son Congrès émoustillé par les horions qui ne lui font pas peur parce qu’il n’en est pas le destinataire, de finir enfin par parveir à en finir au plus vite ; la crise du “toutes les options sont sur la table”, ou dit autrement, “ne me retenez pas sinon je fais un malheur” ; la crise du strike-blitzkrieg qui fait du sur-place… Même quand “elle est finie-nie-nie ça recommen-en-ce”, comme dit la chanson et comme aujourd’hui après l’épisode de la signature du traité, accouché après une super-césarienne, – seul acte héroïque, reconnaissons-le-lui, du président Obama.
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Je vais revenir, avec ma voix solitaire et ma plume exigeante, sur un aspect essentiel du commentaire de ce 28 mars, dans Ouverture Libre, et ce qu’il expose de la méthodologie que les événements nous conduisent, et même nous forcent à adopter. Il y a cette entre-parenthèse dans le propos, que je cite ici (je fais sauter les parenthèses, justement, pour la facilité de lecture) :
« Il doit être compris d’une façon impérative que le but n’est pas de mettre en évidence une “trouvaille” [d’un personnage], – sans aucun doute par ailleurs connu, notamment de nombre de nos lecteurs, – encore moins de le glorifier ou toute autre chose de ce genre, mais bien de saisir l’occasion d’un exemple pour détailler une méthodologie de notre travail d’identification des références et des perceptions, et de leurs variations à très grande vitesse au rythme extraordinaire des événements que nous connaissons. Nous détaillons plus loin diverses observations qui mettent en évidence la nécessité d’une telle méthode. »
On comprend que je veux explorer encore plus l’idée, qu’elle m’apparaît d’une importance primordiale. Elle suppose une extrême agilité de l’analyse, avec de l’expérience, de l’imagination et je l’espère de l’intuition, avec une capacité de changer de jugement dans tel ou tel cas singulier avec paradoxalement la sensation et même la certitude de ne pas se déjuger sur l’essentiel en faisant cela.
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Ici ou là, souvent en commentaires, il m’arrive de lire des appréciations qui me font craindre que l’on comprend mal la démarche de dedefensa.org ou bien que l’on (à dde.org) ne s’en explique pas assez clairement. Il s’agit de bien comprendre ce que l’on tient pour l’essentiel, et à côté ce qui nous paraît accessoire, parce que parfois il apparaît que l’on s’arrête trop à l’accessoire. Je veux bien croire, parce que la chose est toujours de la responsabilité de celui qui écrit, qu’il s’agit d’être encore plus clair, toujours plus clair à cet égard. Bref, il s’agit de bien écrire pour notre cas ce que nous voulons dire, et pour le lecteur de de bien nous lire pour ce que nous écrivons.
Je prends un premier exemple avec cette remarque de lecteur à propos d’une Le Pen avec son programme, laquelle Le Pen n’était dans l’esprit du commentaire l’héroïne de la nouvelle que par accident collatéral et, dans ce cas, le programme et son application n’important guère. Je crois qu’il existe une réticence naturelle, presque de réflexe, à prendre en compte le fait même de la communication, ce qui est à mon avis une faiblesse mortelle dans cette époque où la communication écrase tout le reste. Il y a notamment cette idée absolument centrale selon mon appréciation, à travers la circulation forcenée de certains épisodes, confidences, chuchotements et le reste, en général d’ailleurs avec leur prestige rehaussé par la chasse aux FakeNews des incroyables flics, les impayables “Dupont & Dupond” de la presseSystème, latrines de censeur en main, il y a cette idée selon laquelle, “les effets d’un événement [en arrivent à précéder] l’événement lui-même” et, par conséquent, modifient d’une façon extraordinaire ce que cet événement attendu sera en vérité.
La remarque du texte du 22 mars 2017 consistait à observer d’une façon critique et véhémente ce que serait le programme de Le Pen si elle était élue (sous le titre « On nous enfume » : « L'orientation soi-disant anti-européenne de Le Pen, qui veut seulement renégocier les traités tout en prenant bien garde de ne pas sortir de l'UE… »). J’y ajoute une deuxième intervention, en précisant que, dans les deux cas, et comme je le fais d’habitude en toute loyauté, il n’y a aucune animosité, aucun mauvais esprit, aucune critique dissimulée à l’encontre des lecteurs, notamment dans ces deux cas, et cela d’autant plus qu’il n’y a rien dans leurs commentaires qui puisse être entendu comme accusateur pour mon cas. Il s’agit de cette seconde remarque qui accompagne le texte du 23 mars, qui n’est certainement pas fausse stricto sensu si l’on choisit de s’en tenir au premier sens de la démarche. (« Pardonnez-moi, Philippe Grasset, mais là où vous voyez des “forces de résistance nées de la Tradition et opérationnalisées sous une forme antiSystème” aux USA, je ne vois que des conflits internes au système, la fragmentation que René Guénon appelait “dissolution finale dans la pure multiplicité”. »)
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Malgré les soubresauts syriens, qui se poursuivent comme dans une sorte de fièvre d'autodestruction, malgré l’inaltérable constance corruptrice et diffamatoire des clowns de “Kiev-la-folle” qui continuent à développer leur univers parallèle, l’essentiel de la crise haute reste bouillonnante sur le grand axe transatlantique ; non pas en opposition mais en parallèle… C’est un cas remarquable, comment dirais-je, une sorte d’effet-miroir, une sorte de solidarité du simulacre crisique qui s'invertit, transatlantique justement parce que constaté dans les deux poignes qui tiennent l’axe. On parlera aussi bien d’une sorte de solidarité de simulacre de crise, ou d’inversion de crise pour tenter vainement de transformer la crise en un double qui voudrait contenir la panique et qui au contraire nourrit l’hystérie.
C’est une tentative de plus de repousser une vérité-de-situation crisique qui les contraint. Cet épisode paroxystique sollicite une nouvelle “humeur-de-crise” suscitée par les événements. En Europe, et particulièrement en France, quelle triste aubaine... Pendant deux-trois jours, on ne parle plus que de ces choses affreuses nommées “attentats”, et en plus d’une nouvelle sorte, avec “répliques” comme dans le cas d’un tremblement de terre. L’affaire devient universelle, s’épanche dans le girons des experts sans fin et permet de ne plus parler de cette abominable campagne présidentielle où personne ne comprend plus rien, où même la presseSystème ne croit plus guère à ses propres sondages, où les commentateurs-Système affolés s’interrogent : mais que veut donc ce peuple-ingrat ? Je ne crois pas une seconde que cette question des attentats et le traitement colossal qu’on leur a accordés soient une manœuvre de simulacre, – justement, pas du tout pour ce cas, – mais bien au contraire une incursion bienvenue hors du calvaire de ces élections présidentielles qu’ils devaient contrôler et qui les écrasent.
Aux USA, à Washington D.C., la confusion et le désordre au Congrès sont considérables et apocalyptiques. Les démocrates ont atteint un tel degré de nihilisme-hystérique qu’ils parviennent même à pousser un Lindsay Graham, pourtant adversaire implacable de Trump et dénonciateur tout aussi implacable des Russes aux côtés des démocrates, dans les bras du président. Il s’exclame « Enough is enough » (“Trop c’est trop”). S’ils poursuivent sur cette course, – et ils poursuivront, — les démocrates vont finir par l’absurde de leur cause, qui est la désintégration du pouvoir washingtonien. La haine de Trump est plus forte que la sagesse tactique d’une manœuvre bien tempérée manipulant le président au profit du Système.
Les faussaires ne contrôlent même plus les simulacres qu’ils parviennent à monter et à lancer sans s’aviser qu’ils (les simulacres) échappent aussitôt à leur trajectoire pour leur revenir en pleine face. L’hypercrise est en super-crise.
Cela se passait au cours de la première ou de la seconde campagne électorale (je dirais plutôt la première) de Margaret Thatcher, lorsque Thatcher conquit de haute lutte le pouvoir et s’y installa pour durer. Son slogan fit mouche et acquit une notoriété qui ne nous a plus quittés : TINA, pour “There Is No Alternative”, phrase déjà utilisée au XIXème siècle pour ce cas de l’économie mais qu’elle rendit absolument emblématique et symbolique à la fois de la postmodernité et de l’aspect totalitaire de la postmodernité. C’était pour nous dire qu’il fallait s’y résoudre ou plutôt, pour les non-encore-convaincus, capituler avec armes et bagages et si possible joyeusement. Il n’y avait aucune alternative possible au système de la loi du marché, de l’ultra-libéralisme, du libre-échange, – ou encore et en un mot terrible inspiré par le Très-Haut à sa fervente messagère : il n’y a pas d’alternative au Système... C’était à la fin des années 1970. Là-dessus, en 1980-1981, le vif et séduisant intellectuel venu d’Hollywood lui apporta son concours décisif. Thatcher & Reagan étaient faits pour roucouler ensemble.
TINA, tout le monde obtempéra, à commence par nos socialistes dès 1983. Bientôt, les bolchéviques libérés allaient pouvoir y goûter à leur tour, on sait comment et avec quelle violence... A cette époque, nous étions entrés dans la magie, dans la caverne de Platon type-fluo ; l’ultralibéralisme, le commerce et le libre-échange commençaient à se colorer des reflets de la divinité, avec le clown Clinton et son nez rouge et les grand’messes régulières. On swinguait sur l’air du Washington Consensus, qui était une sorte de In The Mood ou de Chattanooga Choo Choo, ou mieux encore d’American Patrol, tout cela d’un Glenn Miller postmoderne et globalisé ; et l’on commençait à aller chaque début d’année à Davos, comme on va à Jerusalem, admirer le petit enfant qui venait de naître ; et chaque année, ô miracle, non seulement il naissait mais encore il renaissait. C’était le temps où TINA nous promettait la plus belle des aubes, ditto la Renaissance (Renaissance 2.0, That is). Effectivement, je vous parle de quelque chose de profondément religieux, qui se nourrit de la foi.
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Je vais vous parler des présidentielles France-2017, mais c’est juré, pas un mot sur Fillon et se fringues ajustées et puis tout juste une allusion ou l’autre sur Micron. Disons que ce texte marque la clôture des candidatures et confirme que je ne suis pas candidat malgré la sollicitation d’un nombre à ne pas croire de maires prêts à me donner leur soutien ; ce qui me permet enfin d’entrer dans mon sujet qui est celui de Mr. Asselineau...
C’est admis par le fait même, je réponds à l’exclamation inscrite dans le Forum du 13 courant de monsieur Nicolas Laurenceau à propos du candidat François Asselineau, président de l’UPR, qui venait à ce moment (le 10, je crois) de dépasser les 500 signatures de maires lui permettant de participer à l’élection pour la présidence de la République … Celle-là (d’exclamation) quelques jours plus tard suivie d’une autre. (*)
Voici l’intervention de monsieur Laurenceau, sous le titre « Etonnement » : « Personne ne commente la montée en puissance de celui qui va peut-être réussir à faire tomber l'Union Européenne (de façon ordonnée)? Personne ne voit qu'un homme “Antisystème” peut être à 100% basé sur des principes et à 100% crédible? https://www.youtube.com/watch?v=DlIS2pp8Qmw
» J'ai voté pour lui en 2015 (tout comme 190000 électeurs) malgré la censure complète. Cette censure est en train de lâcher maintenant qu'il a ses signatures (obligations légales de médiatisation), et la progression est exponentielle. Il a un caractère rassembleur explosif, et veut rendre la liberté à la France notamment via la triple sortie EURO UE OTAN.
» Ouvrez les yeux sur ce qui est en train de se passer, vous serez agréablement surpris ! https://www.youtube.com/watch?v=7Sor-BAf2bE. »
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Tel texte sur dedefensa.org hier, qui se rapporte aux années 1960 en France et à la période “gaulliste” (de Gaule, 1958-1969), me donne l’occasion et l’idée de quelques réflexions sur cette période et particulièrement son ambiguïté extrême, ouvrant la séquence inéluctable et décisive du destin qui nous conduit là où nous sommes aujourd’hui. (Ces réflexions peuvent et doivent trouver quelque résonnance dans la situation actuelle en France, vers les présidentielles, soit comme un miroir brouillé, soit comme un prélude lointain.) L’observation qui en ressort est le constat extrêmement paradoxal sinon provocant qu’une IVème République poursuivie, si lachose avait pu se faire, nous eût peut-être mené moins loin dans la décadence et la chute que la nouvelle Vème République faite pour redresser la France et qui, en fait, s’offrit très rapidement, malgré deux présidents qui méritaient bien de ce régime-là (de Gaulle et Mitterrand), à la manufacture de l’inversion dont nous sommes aujourd’hui le produit fini. Bien entendu, l’évolution de la situation extérieure n’y est pas pour rien, et pas qu’un peu ; mais le fait est que ce régime qui se voulait souverain et structurant, et qui l’était dans son moule initial, n’a su en rien protéger la France des effets de ces événements.
(D’autre part, l’on sait bien que je tiens que nul, de toutes les façons, ne peut résister à “ces événements” nés du Système, et qu’au contraire il faudrait en un sens laisser faire et les accélérer pour qu’ils trouvent eux-mêmes, dans leur surpuissance, le destin de l’autodestruction. Ils s’y emploient. Une IVème République prolongée, ou disons une IVème-bis, nous eût peut-être fait la chose plus douce, mais sans nous éviter l’essentiel certes...)
J’ai vécu les années 1960 dans une conscience politique naissante mais déjà exacerbée par les événements. Cela ne protège pas des erreurs, au contraire cela les amplifie ; pour cette raison, et sans pouvoir fournir la preuve que ces erreurs anciennes n’ont pas été remplacées par de nouvelles mais avec ma seule et ferme conviction à cet égard, je me perçois comme immensément différent aujourd’hui de ce que j’étais dans les années 1960 sans pour autant me condamner. (Mais je n’ai rien, vraiment rien d’un juge, alors cette remarque n’apporte rien de décisif.) J’entamai les années 1960 avec au cœur un sentiment d’un antigaullisme forcené et sans nécessité d'explication, et je terminai cette décennie avec le même sentiment, mais cette fois dans l’esprit, et prétendant l’expliciter par des raisonnements et des choix élaborés. Tout cela n’est pas pour offrir un chapitre de mon roman personnel de ces années-là, mais pour signifier plus simplement qu’on ne peut me soupçonner d’avoir favorisé dans mon jugement le gaullisme puisque je me percevais en opposition contre lui absolument.
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La chose est comme une cascade, un tourbillon, une poignée de sable entre les doigts... Passez de la fuite massive dite-Vault7 sur les œuvres de la CIA pour écouter et manipuler everybody et la Russie en premier, à l’antirussisme furieux et sans retour qui soulève les cœurs à Washington D.C. mais aussi bien le cœur gros comme ça du p’tit Micron, à cette deuxième réunion en moins d’un mois des deux chefs d’état-major US et russe (cette fois avec le CEM turc, à Ankara) – puis soufflez un peu, d’une part pour vous reprendre et comprendre qu'il n'y a rien à comprendre après tout, d’autre part comme on éteint une bougie puis la rallume en se frottant les yeux pour voir si l’on a bien vu ce qu'on a cru voir. Voyez, c’est ce que je fais.
En composant le titre de cette page de mon Journal-dde.crisis, je n’ai pas pris garde qu’il avait deux significations. Un entonnoir est cet objet que le fou met sur sa tête en guise de couvre-chef, et qui vous indique obligeamment que le fou est bien fou, qu’il le sait et qu’il se trouve très bien ainsi. (C’est la signification qui me poussa à ce choix.) Mais un entonnoir est aussi cet instrument qui siphonne un flot tournant et furieux pour le forcer à se précipiter dans un passage étroit, en quelque chose forcée à s’intégrer, à se transmuter en une autre chose complètement agglomérée qui présentera bien ce que le torrent furieux initial est en substance. De ce point de vue, un entonnoir peut aussi bien prétendre à la représentation paisible et domestique de ce que je nomme “tourbillon crisique”, qui tourne-fou jusqu’à une intégration, une transmutation de ses composants qui sont autant de crises folles jusqu’au trou noir de son fond sans-fin, et alors ce deuxième modèle est également parfaite représentation de l’époque. Les deux modèles sont non seulement acceptables, ils sont interchangeables.
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A Washington D.C., au cas où on ne l’aurait pas noté, tout se passe comme si BHO passait en mode “ciel ouvert” pour activer son “coup” contre Trump ; et le sort stupéfiant fait au secrétaireà la Justice Sessions nous conduit tout droit à une “crise institutionnelle”. A Paris, France, tout se passe comme si Fillon semblait pouvoir être accusé de préparer une sorte de “coup” contre l’“État-de-Droit”... (Ils récitent cette expression sans reprendre leur souffle, comme à genoux devant monsieur le curé, comme s’ils étaient humbles-lyriques, comme s’ils avaient le regard profond d’une ardeur tournant à vide, le vide endimanché et le parler majusculé.) Bien, à ce point de ce que je nommerais aussi bien “Les convergences invertie” (j’ai hésité à mettre l’expression en titre), je précise fugacement le cas français avant de revenir à la chose, – “échos”, “convergences”... Il s’agirait donc, dans le chef de Fillon de nous refaire, demain avec ce qui lui viendra au Trocadéro du peuple-de-droite, un 6-février-34 mais dans le style relooké de la postmodernité, avec la populace supposée avide de produire son acte de forfaiture contre la “république-dictature des juges”. Observons à ce point que la magistrature français si probe sur elle a, cela ne fait aucun doute, bien participé, avec brio et sous le regard étonnamment fourbe du président-poire, à la manufacture de la forfaiture qu’elle serait prompte à dénoncer au gré de ses multiples silences.
Savent-ils ce qu’ils disent et ce qu’ils font, à Washington D.C. et à Paris, France ?
Voyez-vous, il est difficile de trouver des points de comparaison entre les deux hommes (BHO et Fillon), leurs postures, leurs buts, leurs ambitions, sinon qu’ils s’opposent sur nombre de points, au point qu’on peut conjecturer sans surprise que ce tourbillon d’échos et de convergences se fait au seul rythme des inversions croisées en quête d’une néantisation qui séduise le populo. Mais peu m’importe. Ce qui importe, c’est la dynamique de la chose événementielle, et le “bruit de fond” de cette dynamique ; et dans ce cas, l’interprétation qu’on doit en donner selon une approche habillée de l’objectivité métahistorique est celle de la similitude (“échos”, “convergences”). Tout cela nous dit la même chose de la couleur de ces temps déchaînés.
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La question posée dans le titre est bien de savoir si les présidentielles de 2017 en France présenteront une sorte d’équivalence des présidentielles des USA en 2016. Je ne m’interroge en aucune façon sur le “détail” des événements (par exemple et exemple à l’esprit de tous, Le Pen élue en France comme Trump aux USA) ; je parle d’une équivalence dans l’esprit de la chose... Les présidentielles France-2017 seront-elles une surprise aussi extraordinaire, par les avatars et les effets totalement inattendus, – quels que soient ces avatars et ces effets, – que les présidentielles USA-2016 ? Dans les deux cas, tout était plié, comme l’on dit aujourd’hui : des élections importantes, certes, mais sans surprise... Aux USA, Clinton élue et une brutale aggravation de la politique extérieure de désordre et d’agression, sans remous intérieurs particuliers ; en France, Le Pen sans aucun doute en tête pour le second tour, mais pas assez pour empêcher le candidat de la droite de l’emporter.
Pour ce qui concerne USA-2016, on sait ce qui s’est passé, avec notamment, comme surprise de première dimension encore plus que l’élection de Trump, une déstabilisation intérieure extraordinaire entraînant un tourbillon crisique aux USA même. En France, aujourd’hui, après l’événement d’hier matin qui justifiait aussitôt une nouvelle “Humeur de crise”, on réalise de plus en plus, c’est mon sentiment, que la cavalcade est brusquement en train de déboucher sur une terra incognita d’un très beau cru.
Certes, il y avait des bruits avant-coureurs, on sentait bien que sourdait la possibilité d’un événement important, voire considérable ; cela paraissait inconcevable dans cette France qui a atteint de tels sommets de bassesse (oxymore des temps courants) que l’on parlerait presque d’une sublimité de la médiocrité ; pourtant il semble péremptoirement que cela est... La possibilité d’une crise, comme Houellebecq parle de La possibilité d’une île, est fermement parmi nous ; et d’une crise qui serait à la fois inédite, incontrôlable, insaisissable, et pour beaucoup parfaitement incompréhensible, bref une hypercrise ou tourbillon crisique.
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Au départ, l’expression désigne une unité de cavalerie constituée pendant la Grande Révolution, mais je m’en souviens mieux dans son emploi singulier, parce que c’était le surnom que le grand as au courage insensé de l’aviation française de la Grande Guerre, Nungesser, avait donné à son Nieuport-17, Le Hussard de la Mort. (*) Je viens de lui trouver un nouvel emploi, repassant au pluriel en en faisant une image : “Les hussards de la mort [de la littérature]”, désignant en cela le groupe informel et en grand désordre, assez dispersé d’ailleurs, souvent avec quelques malentendus, tout cela dans l’après-guerre, de 1947-1948 et je dirais symboliquement jusqu’à la mort de Roger Nimier le 28 septembre 1961.
D’habitude, “les hussards” sont quatre, – Nimier, Jacques Laurent, Antoine Blondin, Michel Déon, qu’on verrait comme les Mousquetaires du même nombre caché, unis par une même indéfectible amitié. C’est un peu de l’imagerie de communication, un peu du FakeNews avant l’heure, et l’on pourrait énoncer diverses remarques qui nuancent cette imagerie : soit ils sont beaucoup plus que quatre à se classer comme “hussards” ; soit ils se distinguent comme étant d’une droite affichée comme telle avec insolence essentiellement parce qu’on se trouve dans une époque où triomphe la gauche (Sartre-PCF), policière comme d’habitude, avant qu’on ne distingue des nuances politiques béantes qui les distinguent entre eux en les séparant (Nimier plutôt gaulliste contre l’antigaulliste progressif jusqu'à l'irrédentisme des trois autres), et souvent des variations dans les relations (essentiellement entre Nimier et Laurent, qui ne s’aimaient guère) ; soit ils proclament un style en forme d’héritage, d’Alexandre Dumas et Stendhal, à Morand, Chardonne, Giono, Aymé, qui font d’eux des continuateurs beaucoup plus que des “jeunes Turcs” en quête de rupture ; soit ils n’acceptent en rien le surnom qu’avait trouvé pour les désigner en 1953 le jeune écrivain Bernard Frank, qui avait tout pour être lui-même un “hussard” bien qu’étant nettement de gauche... Les choses sont moins simples que ne laissent penser les étiquettes convenues, cela sans surprise.
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C’est la nouvelle du jour, nul n’en doute ! Il est donc exceptionnellement possible et fortement probable que, le 15 mars, le Système sera mis en examen. Je dis bien et je l’écris sans trembler : le Système lui-même. Et tout cela à cause de la France, cette France pas sérieuse, à qui l’on ne peut jamais faire confiance pour suivre les consignes, s’exclament Bruxelles-UE et le Financial Times d’un même élan.
Dans la basse-cour, ils caquètent tous que c’est affreux, terrible et catastrophique, qu’on ne parle toujours pas et qu’on parle encore moins des problèmes de fond, qu’on est encalminé dans les cales du Titanic, avec ces affaires judiciaires comme autant d’icebergs jouant au ping-pong avec le gros bateau. Moi, je dis au contraire que l’on s’approche de plus en plus du port d’attache, tout proche du but : “Nous y sommes, mes gaillards d’avant !”.
Les juges jurent en se haussant du col, la main sur le cœur, là où est la vertueuse Justice : “Mais nous faisons notre travail !” Ils ont tout de même raison. Fillon fronce les sourcils (qu’il a considérables) et pointe l’index, là où se trouve le destin de la France : “C’est un assassinat politique !” Il n’a tout de même pas tort.
A qui profite le crime, Cui bono ? s’interrogent fiévreusement les comploteurs. Plus de réponse, car l’on ne sait plus très bien ce qui peut sortir de ce cloaque, car les sondages s’affolent, car l’on a tant conjecturé, car l’heure tourne, car enfin le poète qui se permet d’ironiser : « Vienne la nuit sonne l'heure. Les jours s'en vont je demeure »... Et dire que nous allons voter, oui messieurs-dames, voter, en tout exercice-citoyen de la démocratie.
Moi, je pense qu’il faut avoir de l’audace et considérer ce champ de ruines pour ce qu’il est. Le 15 mars, ce n’est pas monsieur Fillon François que les juges recevront, mais bel et bien le Système lui-même. Et les juges lui poseront cette question terrible : “Mais comment en êtes-vous arrivé là, à ce désordre affreux, épouvantable et catastrophique ?” Et, pour une fois, le Système ne saura quoi répondre, parce que, voyez-vous, il n’a pas d’alibi le Système. Vraiment, oseront-ils mettre le Système en examen ? Il faut être César, trempant un majeur indécemment tendu à partir d’une main repliée dans l’eau traîtresse du Rubicon, pour sentir si l’eau est froide, pour oser répondre : “Tu quoque, fillon !”
Nous ne sommes plus fils du temps du César Imperator.