Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Avril 2018 (10 articles)
27 avril 2018 – Pour cette fois, comme une première fois, on ne parlera pas pour cette rubrique du “tourbillon crisique” d’un ensemble de crises et d’évènements de nature générale et affectant plusieurs domaines, mais au départ d’un événement très technique. L’intérêt est dans les conséquences, véritablement tourbillonnaires
L’événement, d’abord passé inaperçu parce que venu d’un séminaire lundi dernier de spécialistes US de la guerre électronique (EW, pour Electronic Warfare), se trouve dans quelques extraits d’une conférence du général Raymond Thomas, chef du US Special Operations Command. Phrases principales, où “nos adversaires” sont évidemment les Russes :
« Actuellement, en Syrie, nous nous nous trouvons, du fait de nos adversaires, dans l’environnement de guerre électronique le plus agressif que l’on puisse trouver dans le monde. Ils nous attaquent chaque jour, interrompant nos communications, désactivant nos AC [EC ?]-130, etc... »
Il y a une querelle d’interprétation pour savoir si Thomas a dit AC-130 ou EC-130 (versions spéciales, d’attaque et de guerre électronique, du vieux et increvable C-130 dont le premier vol-proto remonte à 1954). Deux articles, les premiers à citer cette information, – Breaking Defense du 24 avril et War Zone du 25 avril, – développent cet aspect accessoire du propos. Ils présentent également des éléments précis mettant en évidence l’infériorité sévère des forces US dans le domaine de la guerre électronique. (Voir aussi, très bien documenté, Breaking Defense du 8 janvier 2018.) Un débat essentiel est en train de s’ouvrir, concernant les capacités électroniques des forces armées US dans un conflit de haute intensité, face essentiellement à la Russie dont les progrès considérables sont désormais actés. Ce débat, avec les propos du général Thomas, sonnent, dix jours après, comme une confirmation implicite de la version russe de l’attaque du 13-14 avril, et des interprétations qui ont donné un rôle essentiel dans l’interception des cruise missiles aux capacités de guerre électronique des Russes, soit pour repérer et informer les batteries syriennes, soit pour interférer directement dans le vol des missiles.
Une autre nouvelle se chuchote sous le manteau, dans le même registre : les Israéliens auraient décidé de renvoyer à 2025 leur deuxième commande imminente de F-35, avec une commande de F-15 pour verrouiller l’intervalle. L’aviation militaire israélienne est une référence fondamentale : cette décision, très-très-probable pour mon compte, confirmerait que le F-35, notre fabuleux JSF, est bien inapte dans l’état actuel des choses à tout emploi opérationnel sérieux alors que tout le programme est dans l’impasse d’un chaos technologique, bureaucratique et budgétaire. L’avenir de la puissance aérienne US est ainsi dramatiquement mise en cause et en lumière.
Le déclin de la puissance militaire US est maintenant un fait incontestable, avec divers points de possibilités de rupture précipitant le déclin vers l’effondrement. Est-ce le moment rêvé pour la Russie, pour affirmer sa puissance ? Paradoxalement, – ou bien, pas vraiment, – les propos du général Thomas ont amené une réaction de protestation à Moscou : « La Russie a autre chose à faire en Syrie » qu’interférer dans le vol des avions US, déclare l’adjoint du président de la commission de la défense de la Fédération de Russie Evguéni Serebrennikov. « Je ne sais pas qui ils [les Américains] désignent par le mot “nos adversaires”, mais la Russie n’a rien à voir avec cette affaire, et toutes ces allégations sont infondées. »
Ce n’est pas une protestation de circonstance. Les Russes ne veulent pas exercer une domination, ils veulent un monde multipolaire où les divers pôles de puissance s’accordent pour établir des situations stables et apaiser les conflits. Ils veulent que les USA “gèrent” aimablement et sagement leur déclin, – puisque déclin il y a, – et que tout le monde s’entendent dans le respect mutuel. Bien entendu, cela relève du vœu pieux : la gent américaniste, exceptionnelle comme nulle autre cela va de soi, ne sait pas se replier, encore moins accepter des défaites même partielles. Cette attitude se retrouve dans un de ses traits psychologiques, l’indéfectibilité.
Ceux qui croient que le déclin désormais accéléré de la puissance US est un gage d’apaisement des tensions se trompent non pas lourdement, mais absolument, du tout au tout. Les Russes y croient-ils ? Ils seront vite ramenés à la grande vérité-de-situation. Le déclin des USA ne peut se faire que dans le bruit et la fureur, dans un effondrement qui emportera le Système jusqu’au plus profond de ce trou noir sans fond qui nous menace. Tous les vrais américanistes l’ont prévu ainsi ;
que ce soit leur grand président Abraham Lincoln (« Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant ») ; que ce soit leur grand poète Walt Whitman (« Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l’histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu… »).
20 avril 2018 – J’ai ressenti comme particulièrement importante dans le champ de la communication, et par conséquent dans le champ de la psychologie pour chacun d’entre nous comme pour moi-même, la nouvelle développée hier (“Le Système pulvérise la ‘réalité’”). Il y a d’une part l’incident qui oppose l’ancien First Sea Lord, Lord West, et une journaliste de la BBC, Annita McVeigh ; et d’autre part, une remarque de Brandon Smith qui est à mon avis tout à fait accessoire et sans signification fondamentale pour l’auteur par rapport à son texte mais qui, sans qu'il le veuille, met en évidence l’importance rupturielle de l’événement dont je veux traiter ici, d’un point de vue à la fois personnel et intuitif.
D’une part, cette phrase qui résume l’incident McVeigh-West (« Désormais, il est avéré qu’une journalise moyenne d’un organe de communication de la presseSystème a barre sur la plupart des autorités du Système pour indiquer ce qui peut être dit et ce qui ne peut l’être ») ; d’autre part, cette observation “en passant” de Brandon Smith, où il importe impérativement de lire “Système“ là où Brandon-Smith écrit “gouvernement” (« À ce stade avancé du jeu, il est peu probable que notre gouvernement ou tout autre gouvernement impliqué dans le théâtre syrien ne se soucie même plus d'expliquer ses actions »).
...Onira jusqu'à observer qu’il y a même une graduation entre les deux citations, qui décompose l’événement en deux phases. Dans la première, il est implicite que le Système envisage encore de nous dire certaines choses de sa narrative impérative, évidemment sous le contrôle totalitaire du personnage communication-Système, la journaliste investie de tous les pouvoirs totalitaires ; dans la seconde, il est dit qu’après tout et finalement, le Système ne juge même plus nécessaire de nous dire quoi que ce soit, ni même de fabriquer une narrative, pour “justifier” ses actions. L’interprétation de ce second point qui supplante le premier revient à observer que le Système ne juge même plus nécessaire ni utile de nous tromper, en fait que cette question est complètement laissée de côté par lui parce que désormais la seule chose qui l’intéresse et mobilise toute son énergie et son attention est le développement absolument sans limite, sans contrôle, sans explication, de sa dynamique de surpuissance.
(Suite)
18 avril 2018 – Avant-hier en fin d’après-midi m’est venue l’idée étrange, pour meubler un temps de repos qui permet de penser à autre chose, d’allumer l’“étrange lucarne“ et de me rendre sur une chaîne française d’info pour tomber sur un débat de France-5, sur l’interview paraît-il surréaliste du Macron face à J.J. Bourdin et au cher Edwy, chevalier Plenel de Médiapart. Je vous passe les exclamations formidaaaaables sur les conditions sans précédent de cette interview du président et de ses deux tourmenteurs, qui correspond si bien à l’air du temps de cette étrange époque. Le “président” déguisé en premier communiant avec les manches trop courtes de son costume (ou les manches trop longues de sa chemise à poignets “mousquetaires”), face aux redoutables plumitifs que l’on sait, col ouvert et mise d’un négligé de bon aloi, l'interpellant comme dans une réunion du Café du Commerce.
(Le titre de l’émission : Macron et les tontons flingueurs, ce qui a dû faire se retourner de rire le brave Audiard, mort de rire dans sa tombe, de ce fait postmoderne qu’on puisse comparer ces deux louveteaux-causeurs, Bourdin-Plenel, aux bulldozers Blanche-Blier-Ventura... Tout de même, on ne joue pas dans la même catégorie...)
L’émission de la série C dans l’Air de 17H50, ce 16 avril 2018, réunissait quatre éminents personnages/personnalités de la communication (trois journalistes, un sondeur) qui sont de ceux qu’on ne cesse de voir en boucles sur toutes les chaînes TV depuis des mois et des mois : Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Claude Weill, éditorialiste politique à Nice-Matin/ Var-Matin, Brice Teinturier, directeur délégué de l’institut de sondages IPSOS et dame Catherine Nay, éditorialiste politique à Europe 1. Ce qui m’intéresse n’est pas leur bavardage relevant des salons de la République mais le passage où l’on causa des déclarations du mini-Président sur la Syrie.
(Suite)
15 avril 2018 – Quelle belle invention que le “missile de croisière” ! L’expression marie si heureusement une idée presque touristique avec la charge technologique-mythologique du mot “missile”, – anglicisme devenu notre pain quotidien. Je me rappelle le temps de l’apparition de ce “système” pas encore baptisé Tomahawk et l’extase des gens du Pentagone pour cette arme superbe, dont le caractère essentiel est le vol dit de “suivi-de-terrain“ (très basse altitude, effectivement en croisière puisqu’on y voit si bien le paysage, comme si on se trouvait en première classe). C’était en 1978-1979, et même le président Carter s’enthousiasmait à ce propos, – j’imagine qu’il a bien dû changer d’avis depuis. Quarante ans plus tard, le missile de croisière, sans cesse rajeuni et remis au goût du jour, assure la vedette de l’incomparable spectacle de cette nuit du sacré vendredi-13 du mois d’avril 2018. Selon qu’on sente d’où vienne le vent, on aura une présentation hollywoodienne d’une narrative inimaginable d’hybris de caniveau, ou bien l’ampleur du désastre du processus d’effondrement de la postmodernité.
Une sorte d’exercice de “masturbation militaire”, nous explique le site WhatDoesItMeans qui, cette fois, n’a pas eu besoin d’inventer un complot pour décrire la chose... Ainsi Sister-Sorchal présente-t-elle l’attaque de la nuit du vendredi-13, effectivement comme un exercice de “masturbation militaire” ; un spectacle conçu, écrit et réalisé par le Pentagone (le masturbateur-masturbé) avec notamment arrangement plus ou moins bidouillé avec des Russes narquois en échange de toutes les garanties du monde de s’en tenir au minimum de l’attaque de bâtiments déjà abandonnés, pour pouvoir acclamer une opération “précise, écrasante et efficace” selon les mots du porte-parole, le lieutenant-général Kenneth McKenzie Jr., et sauver paraît-il la tête du président Trump encerclé de toutes parts par le DeepState. (C’est une version parmi d’autres.)
En effet à propos du McKenzie Jr., lisez, bouche bée avant d'en rester coi, ce qu’en dit le Telegraph de Londres, hier : « S’adressant aux médias en Virginie, le lieutenant-général Kenneth McKenzie Jr, le directeur du personnel interarmées, a déclaré qu'il choisirait trois mots pour décrire l’attaque : “Précis, écrasante et efficace”. Il a ajouté que la Syrie avait lancé 40 missiles surface-air dans le but d'abattre les missiles alliés, mais que la plupart d'entre eux avaient été tirés après la destruction de la dernière cible syrienne. »
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13 avril 2017 – Parlant pour ce qui est du comportement de que je nomme selon le Glossaire.dde du site le “bloc-BAO” (avec les USA en tête de proue), on sait que depuis 5-6 jours, se déploie la perspective intense d’une attaque qu’on croirait massive de la Syrie. Il y a eu deux ou trois “moments” où l’on a cru sentir que l’attaque était imminente, suivis d’une perception inverse, où l’on pouvait sentir diverses hésitations, des consultations, des interrogations. Des affirmations nettes ont été posées, puis perdant de leur netteté. (On notera un “détail” important à mon sens, deux affirmations nettes qui survivent à cette indécision et paradoxalement l’alimentent : le refus de l’Allemagne et de l’Italie de participer à une éventuelle attaque.)
C’est une dynamique nouvelle. Pour l’attaque de l’Irak comme pour celle de la Libye, qui demandaient les mêmes ingrédients, notamment la constitution d’une coalition pour l’attaque, la dynamique fut claire et nette : une montée régulière en accélérant vers la perspective de l’attaque, puis l’attaque elle-même. Pour l’attaque avortée contre la Syrie en août-septembre 2013, il y eut deux phases très nettes : montée en puissance vers l’attaque, le tournant du 30 août (vote des Communesle 30 août contre la participation anglaise), repli jusqu’à l’abandon du projet le 11 septembre avec un arrangement Russie-USA. La séquence actuelle est nouvelle parce qu’elle est chaotique de toutes les façons du côté-BAO, incertaine, paroxystique, furieuse, faite de hauts et de bas, entachée d’affrontements internes ouverts (essentiellement à Washington) sur la forme de l’attaque, sinon l’attaque elle-même.
Aujourd’hui encore, alors qu’il est évident que dans ce genre d’entreprise, il faut acquérir un rythme irrésistible de montée en puissance culminant directement dans le paroxysme de l’acte, personne n’est sûr de rien et tout est possible : pas d’attaque du tout, ou dans la même veine un tir symbolique, une attaque puissante contre les Syriens seuls, une attaque massive contre tous, y compris les Russes, avec les conséquences qu’on imagine. Il s’agit d’une situation inédite, qui indique un changement de nature de la dynamique politique du bloc-BAO, des USA singulièrement.
Tout se passe comme si la formidable puissance (surpuissance) psychologique de la volonté d’attaquer initiale, avec toute la force possible, tendait à s’effilocher, à s’effriter, sans qu’aucun événement majeur extérieur puisse paraître en être la cause ; comme si elle s’effilochait, s’effritait d’elle-même, cette surpuissance psychologique.
Je ne conçois qu’une seule explication qui soit à la hauteurde cette perception, à la hauteur de la surpuissance initiale de la dynamique psychologique, à la hauteur de l’enjeu énorme qui est née de circonstances si futiles, complètement fabriquées et bidouillées, et si mal, si grossièrement, comme s’il n’y avait plus que des amateurs au rabais pour cette sorte de besogne... Le fondement de la cause est constitué d’une multitude de mensonges d’une grossièreté et d’une faiblesse insupportables pour la psychologie, et une perception plus ou moins consciente du mensonge par à peu près tous ; appuyer cette “surpuissance initiale de la dynamique psychologique” sur un tel fondement fait par conséquent de cette “surpuissance” un simulacre de “surpuissance”... Une “surpuissance” vide, la “surpuissance” de rien, une psychologie qui fait un bruit de tonnerre (communication) mais qui est en fait complètement épuisée et vidée de sa substance. La fréquentation exclusive du mensonge n’est pas un remontant de premier choix pour la psychologie.
Comme tout le monde je pense, j’ignore si l’attaque aura lieu, et j’ignore ce qui se passera si l’attaque a lieu. Mais je crois bien sentir, et presque savoir à partir de cette intuition, que si l’attaque n’a pas lieu ou aboutit à un simulacre très-très-voyant, – un simulacre-bouffe, ou simulacre d’une attaque-bouffe si vous voulez, – alors nous devons nous préparer à contempler la dernière phase de l’effondrement du Système, transmutation achevée de la surpuissance en autodestruction. Le Système, – pas la Russie ni la Syrie, – le Système joue son va-tout.
12 avril 2018 – Ayant l’esprit plein des bruits d’attaque contre la Syrie, je consultai hier matin mes quelques sites coutumiers. Parmi ceux-ci, il y a, comme chacun le sait bien à la lumière de mes fermes convictions, le site WSWS.org. Je connais, par habitude journalistique, les classements de l’importance des nouvelles selon la mise en page. Grande fut ma surprise de voir les nouvelles sur la Syrie rétrogradées en seconde catégorie, à peine visible dans le lot général... La vedette revenant à Zuckerberg, – avec photo et cravate inhabituelle, il est en train de s’agenouiller devant le Congrès et de s’ériger lui-même, en se battant la coulpe, en impitoyable censeur qu’il aurait dû être dès l’origine. Quand on a la fibre démocratique, messieurs les sénateurs, rien n’y fait.
A côté de cette “manchette”très postmoderne-grinçante (WSWS.org ne peut pas sentir les jeunots de GAFA & Cie), il y avait l’article d’analyse de fond quotidien. Je crus y voir la Syrie, titre et premiers mots pouvaient faire illusion (titre « The noose tightens around Trump », premiers mots « The extraordinary events of Monday... »), – pour m’apercevoir aussitôt que non, pas du tout, qu’il s’agit du raid du FBI dans l’appartement de l’avocat de Trump, Michael Cohen, qui met le président dans une situation extraordinairement dangereuse, pour différentes raisons, différents documents, différentes magouilles, peu importe ; au bout du compten, le constat d'une perquisition brutale qui en dit long (je laisse en anglais, c’est plus savoureux : « The use of tactics against a sitting president normally reserved for mafia dons or alleged terrorists... »). L’édito du NYTest lugubre : « The Law Is Coming, Mr. Trump » ; même pas du “Mr. President”, la haine exsude de ce titre si poliment glacial. Au milieu du texte de WSWS.org, ceci, cette ligne :
« Ils tiennent Trump à la gorge, et Trump le sait... »
(Suite)
9 avril 2018 – Le 22 mars 2018, le pathétique Sarko venait sur TF1 clamer son indignation et brandir son honneur bafoué sur TF1, interrogé par Gilles Bouleau. Lorsqu’il fut question de l’intervention française en Libye, qui entraîna le reste (l’OTAN, les USA, la très-honorable “communauté internationale”), Sarko utilisa divers arguments à la fois impératifs et pleins d’honorabilité diverses comme on met de la confiture sur ses tartines, dont la nécessité de défendre Benghazi contre la terrible menace de Kadhafi d’y faire couler “des fleuves” de sang. C’est là effectivement qu’il fut pathétique, Sarko : “Vous vous rendez comptes, monsieur Bouleau, des fleuves de sang ! Des fleuves de sang !”. Cette répétition de l’expression “fleuve de sang” dite en roulant des yeux terribles me sembla être l’expression de ce qui devait être le sommet de la pensée stratégique et de la vision géopolitique, voire métahistorique de cet ex-président-là, qui eut tout de même la retenue et le sens du devoir dus à sa fonction de ne pas identifier le fleuve. (Le Nil ? L’Amazone ? Le Gange ? Comme on sait, ce “détail” à la-Le-Pen est toujours classé “Secret-Défense” ; on est ex-président et on sait se tenir, mes chers concitoyens.)
(Suite)
7 avril 2018 – Je vous l’avoue, grands-amis lecteurs, la grande bataille en cours en France ne me passionne guère. (Ou dois-je écrire cela au passé ? On verra plus loin.) Peut-être ai-je tort et d’ailleurs je ne prétends aucunement avoir raison. Simplement, je cède à la honte d’être Français et citoyen de ce pays qui n’a cessé de se mettre toujours au plus bas ces dernières années, jusqu’aux abysses de la médiocrité, au Mordor furieux du non-Être qui se permet de souffler comme une forge, comme s’il n'“était” autre chose que du rien...
Mais bon, peut-être me trompe-je, – pour ce qui concerne “la bataille du rail” en cours notamment, dont je me disais qu’il y en avait eu de plus glorieuses, – mais là aussi, brusquement, incertitude à propos de ce jugement, hésitation soudain...
Les dernières 24 heures m’ont donc fait m’interroger. (Inutile de vous dire, si me venait l’idée d’en parler comme je l’écris présentement, de quel côté je me trouve, je dirais objectivement, avec une certaine distance mais sans hésitation, par l’évidente force des choses.) Hier, je me baladai, dix minutes par-ci un quart d’heure par là sur les réseaux TV-info, pour m’arrêter plus longuement au “Débat” de LCI, de la vénérable Arlette Chabot, avec Soarig Quéméner, jeune femme charmante qui dirige la politique à Marianne, et Jean-Sébastien Ferjou, directeur d’Atlantico. J’avais déjà vu ces deux-là à l’une ou l’autre occasion, notamment durant la campagne présidentielle, et les avait mis un peu en-dehors de l’insupportable classe des bobardiers-Système qui pullulent en France où la presseSystème montre un zèle souvent à la mesure de la Grande Nation, – un “zèle d’exception”... Dans le cas présent, le “débat” dont je parle c’était plutôt un chœur à l’unisson.
(Suite)
5 avril 2018 – L’hégémonie des États-Unis d’Amérique est à la fois totale et incontestable, totalitaire et au-dessus de tout argument. Eux seuls agissent avec un zèle exceptionnel dans le cadre de la seule mission qu’il soit désormais possible d’exécuter officiellement, la seule qui ait l’aval méprisant du Système dont ces mêmes États-Unis d’Amérique sont l’esclave obligé, totalement sous sa dépendance. Cette mission, certes, c’est la recherche zélée, fiévreuse, pressante, im-monde et sublime, de l’entropisation du monde. Leurs moyens en sont la mesure : énormes, anarchiques, incroyablement corrupteurs et formidablement gaspillés ; leur politique en est l’illustration : confuse, absurde, sans aucun sens et dans tous les sens pourvu qu’elle brise ; leur communication en est le véhicule : simulacre sur simulacre, et même simulacre de simulacre, où les mensonges finissent par ne plus signifier que le vide d’un cercle vicieux débarrassé de son contenu, et par conséquent se dissolvant par absence de contenu. (Leur simulacre-mensonge comme banc d’essai de l’entropisation du monde.)
Mais il reste et il y a la direction politique, humaine-trop-humaine, absolument corrompue et déstructurée qui, brusquement, dans une inversion d’elle-même inattendue même pour elle-même, met en cause jusqu’à la délégitimer et à la mettre en pièces une si superbe dynamique. Elle s’est choisie un président si fantasque et si inculte, si changeant et si narcissique, si vide de tout projet et de tout concept, si pétulant et avide de propositions-surprises lancées à la vitesse d’un échange Borg-McEnroe de Wimbledon-1980, que ce nommé-Trump est enfin parvenu à s’établir au cœur du tourbillon crisique comme le maître de l’inversion et du paradoxe cosmique.
Même s’il l’ignore, il a trouvé, Trump, sa formule stratégique : il entropise la dynamique d’entropisation. Ainsi la surpuissance se trouve-t-elle entraînée de plus en plus vite au rythme d’une valse folle avec son partenaire désormais impératif-dominant et qui mène le bal, qui a nom “autodestruction”.
Cela, c’est le cadre général, dans une période d'une bonne grosse semaine, de bonne cuvée sans nul doute, entre le championnat des sanctions antirusses qui se poursuit et le manège scintillant des variations de la politique syrienne de “D.C.-la-folle” où les changements d’orientation vont à la vitesse du même échange Borg-McEnroe dont je parlai plus haut, lorsque le tennis avait encore figure humaine ; et enfin, ceci que j’allais oublier, comme autre facteur d’excitation des esprits enfiévrés, les bruits d’effondrement financier qui continuent à nous interpréter l’Ouverture de Tannhäuser.
Le reste se divise en deux castes. La première, qui ne la reconnaîtrait, se trouve dans les tenants de la servitude volontaire peinturlurée aux diverses tendances du jour, qui goûtent les délices de l’asservissement postmoderne comme on fait relâche à Capoue, en attendant que le ciel leur tombe sur la tête. Je parle de ce que l’on avait coutume de nommer “civilisation européenne” ...
La civilisation européenne se termine en funèbre et folle farce dansante, comme les rats qui suivent le joueur de flûte de Hamelin, imbue d’elle-même, insupportable à cause de son bâfrement à la moraline nietzschéenne, presque émouvante à force de cette intelligence bêtifiée jusqu’à l’infantilisation, la civilisation européenne terminale dans une sorte d’Alzheimer réduite aux acquêts des enfants trouvés et abandonnés. Pauvre Europe dirais-je plein de compassion, en souvenir de la grandeur qu’elle fut, comme Bigeard écrivant à ses hommes sur un bout de papier héroïque et froissé l’ordre de capitulation de son 6meBataillon de Parachutistes Coloniaux à Dien Bien-Phu : “Pauvre para, pauvre Six”.
Les autres font de la résistance sans illusion ni forfanterie parce qu’à avoir de si médiocres adversaires on se trouve soit mêmes un peu éprouvé ; mais avec un succès grandissant, transformant la technique “faire aïkido” en percées à-la-Patton où “D.C.-la-folle”, totalement accro au Système qui l’aveugle, n’y voit que du feu. On a vu et bien vu, par contre, Erdogan-Rouhani-Poutine agir hier de la sorte, jouant avec la Syrie comme s’ils en étaient les ordonnateurs et les organisateurs, – et ils le sont en vérité. Là-dessus, je manquerais à mon devoir d’oublier le formidable Xi avec son pétroyuan, veillant derrière ce beau monde, dans la position de ce verrou cosmique du jeu qu’est l’arrière.
(Je parle en termes de rugby : en rugby, l’arrière est l’homme-clef qui peut briser, en dernier rideau, les plus terribles offensives et pourtant marquer un déluge de points qui font la victoire ; et ma nostalgie de rappeler à votre mémoire le titanesque Don Clarke, 1,88 mètre et 110 kilos, avec son “un coup de pied phénoménal” et des placages de légende, qui marqua 781 points lors de ses 89 matches avec les All Blacks dans les années 1950-1960.)
Soufflez un peu et appréciez un très court instant, quelques heures ou quelques minutes de brise légère entre deux ouragans crisiques, juste le temps de conclure pour le temps présent... L’esprit est là, qui vous suggère la profonde et irréfragable vérité : non seulement le tourbillon crisique règne, mais il mérite désormais, lorsque l’occasion le désigne, le surnom de “tourbillon cosmique”. Les Temps Exceptionnels approchent.
2 avril 2018 – Voici quelques observations intéressantes de l’ambassadeur de la Fédération de Russie à Washington D.C., capitale des États-Unis d’Amérique et “D.C.-la-folle” pour les amis et entre intimes. Anatoly Antonov était interviewé par la chaîne ABC... Voici quelques-unes de ces observations, un peu en vrac et qu’importe, parce qu’au contraire ce qui importe c’est l’atmosphère dont sont imprégnées ces paroles qui importe. (Le texte est repris un peu partout, vous pouvez aller voir ZeroHedge.com comme TheDuran.com.)
« “Il me semble que l'atmosphère à Washington est empoisonnée – c'est une atmosphère toxique... Cela dépend de nous tous de décider si nous sommes en temps guerre froide ou pas, mais ... je ne me souviens pas d’une situation aussi catastrophique de nos relations.”
» “Il existe une incroyable méfiance entre les Etats-Unis et la Russie... On dirait que la Russie est aujourd'hui responsable de tout, même du mauvais temps”. “Il est grand temps que nous arrêtions de nous blâmer les uns les autres, il est grand temps que nous entamions une véritable conversation sur de vrais problèmes.” »
(Suite)