Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

“Paris-la-folle” ?

  lundi 23 juillet 2018

23 juillet 2018 – Avec l’affaire Benalla se pose pour mon compte une question fort délicate : la France est-elle capable de s’offrir encore un grand scandale, une de ces choses qui donnent à la République numérotée impliquée quelque chose comme ses lettres de noblesse ? La France de Macron peut-elle s’offrir l’équivalent d’une affaire Stavisky ou d’une affaire Ben Barka, une affaire où l’enjeu est très grand et où la tragédie n’est pas loin ? (Dans les deux cas cités, il y eut mort d’homme.) Pardonnez-moi si j’hésite et retiens ma réponse mais je la sens et je la crains, la France, me semble-t-il, un peu trop légère et éparse pour ça...

J’écris ces lignes sous l’impression de la vision épisodique mais néanmoins intéressée des auditions de l’Assemblée Nationale qui nous sont offertes depuis ce matin en direct sur toutes les TV d’information, avec encore à l’esprit les images des très récentes auditions de la Chambre des Représentants aux USA où c’est surtout, justement devrais-je dire, le climat qui m’avait marqué (voir le 18 juillet 2018) :

Le temps de la dérision

  lundi 16 juillet 2018

Alors qu’on en parle à Helsinki, le lecteur sait-il les affres de celui qui a fait sa mission d’écrire sur la marche d’un temps qu’on ne peut qualifier que de dément, comme si une main gigantesque secouait le monde, par distraction, par amusement, ou bien avec une idée derrière le poing ? J’ai plus d’un demi-siècle de pratique de la chose, jamais, au grand jamais je n’ai rencontré de tels moments que je traverse ces temps-ci, ni même songé qu’il en puisse exister de tels ; tout cela, à ce point qu’il m’est impossible de ne pas me répéter chaque jour, absolument chaque jour, que nous vivons dans un univers qui, en quelques années, a basculé dans un univers parallèle de ce qu’il était quelques années auparavant, parallèle mais complètement différent. Combien de fois dans une semaine, dans spasme de temps où le flux des nouvelles plus folles les unes que les autres s’empilent les unes sur les autres pour disparaître les unes après les autres, combien de fois ne me suis-je retrouvé dans cette position de tenter sans succès de reprendre mon souffle, de rassembler mon jugement, d’assurer ma décision et de dire : “Voilà, c’est de cette affaire dont aujourd’hui je discourrais”.

Les événements se  précipitent en cataractes diluviennes. Rien ne peut les arrêter, ils sont les maîtres du  monde, et nous les fétus emportés. Ici et là, quelque fou vous crie qu’il a tout compris et qu’il va décrire à l’instant la résolution de l’énigme. Quelque fou sur la colline, au pied du torrent grondant des événement... 

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Respect... L’Afrique en finale

  dimanche 15 juillet 2018

L’ami Bonnal a récupéré, il y a quelques jours, un texte venu de Washingtonpost.com, donc du Post lui-même, de Karen Attiah, sous le titre « Why Calling Fance the last African Team in the World Cup is problematic » ; un texte qui pèse son pesant de narrative vertueuses-postmodernes et allumées à l’ombre des Lumières (j’aurais dû écrire, selon l’expression consacrée, “qui pèse son pesant de cacahuètes”, mais ne risquais-je pas d’être accusé de racisme ? Cela doit être considéré et mon civisme a pris le dessus). Lisez-le en ce Saint-Jour de Finale de la Coupe du Monde de football qui vous montre ces foules furieusement et joyeusement plongées dans un délire d’enthousiasme, survoltées et envertigées jusqu’à la vision, déchaînées d’enthousiasme et de folies déguisementeuses et barbouilleuses des visages hilares, ivres de joies visionnaires comme dans une sorte de sabbat, persuadées dans ce délire planétaire que leur malheur et l’abysse de médiocrité que sont leur vie et le monde qui les y précipitent n’est qu’un ramassis de FakeNews.

Vous lirez que l’auteur(e) du texte susmentionné voit dans l’équipe de France une équipe africaine. Elle se satisfait que les Noirs triomphent en s’implantant dans nos terres blanches, c'est-à-dire dans le Système (je traduis pour les atrabilaires grincheux & antiSystème : heureux d’être aussi cons que nous, en un sens qui “pèse son pesant de...”, etc., – puisqu’après tout il s’agit d’égalité conquise de haute lutte). En face, l’équipe de Croatie, qui est uniformément blanche, n’a pas été vraiment et tout à fait accusée de racisme (quoique...), contrairement à la Russie (également sans un seul Africain) parce qu’un de ses joueurs a salué la qualification en finale (Angleterre battue) en parcourant le terrain, torse nu et slogan aux lèvres, – « Vive l’Ukraine libre », –  et parce que la Croatie fait partie de l’OTAN. Anne Applebaum, du Washington Post et épouse de l’ancien ministre polonais Sikorski au parler rude, avait tweeté avant les demi-finales que l’OTAN avait gagné la Coupe du Monde puisque les quatre demi-finalistes étaient membres de l’OTAN. Lisez cet article de Spiked.online sur les démarches de politisation de la Coupe du Monde une fois qu’il eût été avéré qu’il serait impossible de guillotiner la Russie pour avoir organisé une Coupe du Monde sordide, oppressive, policière, fasciste, puante, anarchique et haineuse à l’image de ce que toutes leurs narrative nous disent que ce pays est, mais que c’est le contraire qui s’est produit.

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Tourbillon crisique-55 : “La folie devient stratégique”

  mercredi 11 juillet 2018

11 juillet 2018 – Faut-il que je m’explique du titre ? Tout se passe comme si Trump utilisait à dessein, en très-fin stratège, sa “folie”, cette hypermanie-narcissique que j’ai audacieusement diagnostiquée avec quelques collègues touchés par la même affection que la mienne, lors d’un séminaire tenu en hôpital psychiatrique (à l’OTAN ou à l’UE, je ne sais plus, enfin à “Bruxelles-la-folle” comme il y a “D.C.-la-folle”). D’où cette remarque d’un haut diplomate de l'UE à Reuters, avant-hier, parlant de ce que je nommerais “la folie de Trump” : « Nous avions l'habitude de rouler des yeux affolés en observant les politiques de Trump mais maintenant nous voyons la folie elle-même devenir stratégique. » 

Ce diplomate fait-il la critique suprême ou bien, à l’insu de son plein gré et à l’instar de ce Grand Européen, Érasme d’Amsterdam, l’Éloge de la folie ?

La “folie stratégique” ne se marque-t-elle pas non plus dans cette sorte de supplique étrangement dépourvue de la moindre pudeur de l’esclave à son maître, ou de la fille à son mac, l’avertissant qu’il ou elle pourrait bien changer de maître, c’est-à-dire cette Europe-esclave parlant au maître avec l’arrogance de la servitude, du directeur pour l’Europe du German Marshall Fund of the US, Jan Techau, écrivant avant les deux terribles sommets (OTAN et Poutine-Trump) : « Cela renvoie également à une question beaucoup plus vaste qui se cache derrière nos attaques de panique provoquées par Twitter : l'Amérique veut-elle conserver sa propriété géopolitique en Europe ou est-elle prête à l'abandonner? [...] Certes, les dirigeants américains doivent se demander s'ils veulent que de plus en plus de pays européens se sentent tentés d'appeler Moscou d’abord au lieu de Washington sur des questions de politique étrangère... » ?

Tom Luongo pense, quant à lui avec une certaine légèreté jubilatoire, que le sommet Trump-Poutine sera un sommet réussi justement à cause de cette “folie de Trump” qui lui fait vouloir réussir de “très-gros-coups”, en faisant des concessions si nécessaire, par exigence même de son caractère pathologique (je lui trouve du charme, à cette pathologie) : « Je pense qu'il est juste de dire que Donald Trump a un très grand ego. S’il y a une chose qui caractérise sa présidence jusqu'ici, c’est sa volonté d’aborder [pour les résoudre] des conflits insolubles, vieux de plusieurs décennies. A cet égard, ses tendances narcissiques sont un avantage majeur. »

“En même temps”, comme dirait l’autre dans la tribune du stade de Saint-Petersbourg, non seulement “la folie de Trump” devient stratégique, mais elle n’est qu’une sorte de “folie stratégique” parmi d’autres. Aux USA, le choix de Trump pour le nouveau Juge de la Cour Suprême est salué par une “folie stratégique” de type “Guerre Civile”par l’organisation progressive-sociétale du groupe Parti Démocrate-Soros, qui déchaîne une hystérie collective de groupe à la fois si bien organisé et si sincère dans son hystérie. Cela nous rappelle que les USA sont toujours et plus que jamais un baril de poudre bourré jusqu’à la gueule, depuis trois ans déjà, et le colonel Pat Lang prévoit que ce sera une Guerre d’Espagne Made In USA plutôt qu’une Guerre de Sécession 2.0.

Et n’est-ce pas une “folie stratégique” venue d’une vraie folie, cette plume du Bild Zeitung  signant un éditorial qui fait du joueur de légende allemand Lothar Matthaus un méprisable “collabo de propagande”, pour avoir accepté avec une délégation de l’UEFA de dîner avec Poutine, pour remercier la Russie de cette Coupe du Monde, et allant, – horreur sans nom, – jusqu’à serrer la main dégoulinante du sang frais d’un petit enfant de ce “criminel de guerre” ? Matthaus de répondre par tweet, en soulignant involontairement la formidable victoire de communication de la Russie, et ainsi aggravant son cas : « La politique et le sport ne peuvent pas être séparés, mais pour nous sportifs, seule la compétition pacifique et équitable compte. Le peuple de Russie a organisé une fantastique Coupe du Monde et a montré au monde son hospitalité et sa cordialité, pour cela, il mérite nos remerciements ! »

Il faut dire que, tandis que l’entraîneur de l’équipe d’Angleterre adresse à la Russie les remerciements et l’estime britanniques dont est bien incapable la lugubre Theresa May baladée des montages amateurs du MI5 en éditos du Sun, les rues de Moscou, de Saint-Petersbourg, d’Ekaterinbourg, résonnent d’encore une sorte autre de “folie stratégique”, – une joie collective extraordinaire qu’aucun incident n’émaille, faite d’une estime assez bruyante mais surtout d'un respect réciproque. Les avenues de la Ville-Lumière, jusqu’à la plus prestigieuse d’entre toutes, dégénèrent en anarchie de rues et sauvagerie publique pour célébrer une poussive victoire d’une France Black-Beur-machinfriqué en demi-finale, qui doit tout à un catenaccio postmoderne... La Barbarie de la diversité est-elle une de ces “valeurs” européennes et catégorisable aussi “folie stratégique” ?

“Valeurs” versus principes

  mardi 10 juillet 2018

10 juillet 2018 – Par ailleurs, ce même  10 juillet 2018, le site dedefensa.orgvous parle de l’opposition entre “valeurs” et principes. Pour éclaircir et étayer le propos, je me propose de citer un des nombreux textes du site qui nous entretiennent de cette question. Il s’agit de la deuxième partie, la partie “réflexion-commentaire” développée sur cette question, à partir d’une circonstance d’actualité, le  11 juin 2014. (On voit dans ce texte, référencés sur URL, d’autres textes développant cette question, et donc les étapes de notre réflexion à cet égard dès l’origine.)

Il s’agit d’une problématique d’une réelle importance, au moins à deux niveaux et chaque fois de la façon la plus directe. D’une part, elle intervient directement dans l’affrontement théorique autour de la modernité et de ce que nous nommons le “Système”, en permettant d’identifier parfaitement les positions antagonistes. D’autre part, du point de vue opérationnel, elle est directement sollicitée parce qu’elle entre directement dans la définition et le développement des deux grandes politiques qui expriment cet affrontement, – en gros, disons la politique humanitariste et globaliste d’une part, la politique souverainiste et identitaire d’autre part.

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Business as unusual

  samedi 07 juillet 2018

7 juillet 2018 – Ce texte-là aurait pu aussi bien être glissé dans les rubriques sérieuses du site ; mais non, il est parfois un peu trop leste me suis-je dit, et il est préférable de le ranger dans mes, propres polissoneriues...

Cela commence par cette remarque, que je me fais de plus en plus en voyant l’immense asticot au teint orangé et à la permanente à ne pas croire s’agiter avec autant d’assurance qu’il y a deux ou trois ans : en fait, le plus souvent, Trump a-t-il besoin de parler, voire même de paraître, pour aussitôt déclencher des tempêtes ? Dans tous les cas et avec lui, on se trouve obligé de constater comme je le fais sans réticences que les nombreux sommets, conférences de travail, G-machin et autres institués tout au long de l’année, et qui nous assommaient des mêmes communiqués incroyablement plats comme un jour sans pain et chiants (chiantis, disent les Italiens dans leur code) comme une exposition d’Art Contemporain présidée par Anne Hidalgo, – tout cela pour nous rassurer sur la belle santé du bloc-BAO, de l’alliance transatlantique, de l’ensemble euro-américain, de l’amitié des USA pour l’UE, de la vigueur de l’OTAN, – tout cela, avec l’asticot, fait partie du passé...

Aujourd’hui, sous l’empire de Trump, chaque sommet et chaque G-machin devient l’objet d’une longue période préparatoire marquée d’une angoisse indicible de la part de toute la communauté transatlantique (experts-Système, dirigeants-Système, presseSystème). Ensuite il y a la réunion, la fiesta si vous voulez, avec un Trump qui prend ses aises, qui est en général suivie, après encore par respect pour la chronologie, d’un debriefing où chacun confronte sa narrative faite pour s’auto-rassurer avec celle de son voisin. On imagine de quelle angoisse il s’agit lorsque le sommet de l’OTAN de Bruxelles (11-12 juillet) se tient quatre jours avant le sommet-“surprise” d’Helsinki (Poutine-Trump !).

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Nos Grands Cimetières sous la lune

  jeudi 05 juillet 2018

5 juillet 2018 – Cela fait plusieurs fois que je réagis à un article d’Orlov publié sur ce site grâce à nos amis du Sakerfrancophone, – et une fois de plus comme on va le voir. Je m’interroge à ce propos et trouve cette explication qu’Orlov a un regard sur le monde d’un étranger à mon pays (ai-je d’ailleurs encore l’esprit ou le goût de dire cela de la France-telle-qu’elle-est ?), dont l’intelligence est avérée et fort vive, la culture incontestable puisque Russe, l’ironie flegmatique et piquante faite pour ne pas déplaire à un Français, enfin avec la tournure de l’esprit bien marquée mais je pense très différente de la mienne. Donc, référence incontestablement respectable, mais qui excite chez moi le besoin du commentaire sur une voie différente, sur les problèmes essentiels qu’il aborde avec un bon sens de l’universalité.

Il s’agit donc du texte mis en ligne aujourd’hui, et traitant du “cimetière européen” (ou du “suicide européen” selon Lavrov, autre référence de haute valeur).

Cette idée de “cimetière” européen choisi par Orlov est particulièrement significative et justifiée. Encore y a-t-il cimetière et cimetière, et Orlov lui-même le dit bien... Celui qu’évoque Karamazov pour le compte de Dostoïevski, et même bien sûr ceux de Bernanos, ont infiniment plus d’allure et de grandeur tragique, infiniment plus de vie en un sens, – goûtez donc le paradoxe, chers zombies-postmodernes qui raffolez des paradoxes déconstructeurs, – que l’extrême entropisation qui caractérise les nôtres, – je veux dire “les vôtres”, de cimetières, ô zombies-postmodernes. C’est-à-dire qu’il s’agit de cimetières où ne reposent pas de ces morts d’antan qui méritaient le respect puisqu’ils étaient parvenus à l’étape suprême pour qu’on se souvienne de leurs gloires et de leurs vertus, mais de cimetières des zombies-postmodernes, c’est-à-dire des morts-vivants, exactement le standard de notre contre-civilisation, – qui dansent leurs bacchanales sur un rythme-rap d’entropisation, sur une rengaine lancinante mais très rock’n’roll de reductio ad nihilum.

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Aux sources de l’antiSystème

  mardi 03 juillet 2018

3 juillet 2018 – On sait, ou on doit le savoir, que je ne suis pas à proprement parler “un homme public” malgré que je pratique une activité où l’on trouve des conférenciers, des personnes à interviewer, etc. Il y a beaucoup de moi dans cette retenue, et cela se sent. Je me rappelle le cas d’une ravissante jeune fille toute fraîche émoulue de l’ENA, passée au ministère des affaires étrangères, affectée à la délégation française à l’UE, ou quelque chose de ce genre, qui m’avait appris qu’on me désignait, chez les habitués de la bibliothèque de l’ENA qui recevait dedefensa & eurostratégie (papier), comme “l’ermite de Fléron”.

Néanmoins, j’ai quelques liens, quelques amitiés... Nous nous entendons très bien, nos chers amis du Sakerfrancophone et moi. Ils ont notamment la générosité de me faire partager “leurs Orlov” jusqu’à me permettre d’ouvrir une rubrique à partir de leurs traductions. Parfois, ils reprennent un texte de dedefensa.org, et ce fut le cas dernièrement, dans l’habituelle formule hard d’Ouverture libre, un texte substantiel de dedefensa.org suivie d’un texte d’un auteur extérieur, ici une traduction d’un texte de Kunstler. La surprise fut que Le Sakerfrancophone y faisait figurer une photo de moi-même dont je n’avais aucun souvenir, ni du lieu, ni de la circonstance, etc., sauf que je me paraîs être à moi-même un tantinet plus jeunet que l’implacable témoignage que me renvoie mon miroir. Ils me répondirent que cela venait d’un site portugais qui avait repris un texte de dde.org en juin 2014 et l’avait assorti de la fameuse photo.

Entretemps, j’avais réfléchi au cas, rapidement repris mes nombreuses sorties publiques dans ce XXIème siècle (on les compte sur les doigts des mains d’un manchot), et tout aussi rapidement conclu que ce ne pouvait être que lors de cette conférence-débat que je situe en décembre 2006 sur le thème de “9/11, complot ou pas”, avec trois orateurs dont un député européen d’Italie, et myself  (j’ai oublié le troisième). C’est ma dernière sortie publique, depuis l’“ermite” a regagné sa taverne de Platon. Cela se passait dans un cinéma bruxellois, avec une organisation nettement “de gauche” et un public tout acquis à la thèse du coup monté.

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L’impérieuse puissance de la communication

  lundi 02 juillet 2018

2 juillet 2018 – Ce que j’aime bien chez Orlov, c’est sa volonté affirmée de ne pas vouloir prévoir (« Ce que j’essaie de faire, ce n’est pas de pronostiquer mais d’expliquer »). C’est également tout à fait mon propos lorsque je fais l’apologie des principes d’Inconnaissance et d’Incertitude.

Il n’empêche, lui et moi c’est la même chose comme toujours chez cette sorte de gens, on ne peut s’empêcher, je dirais presque selon une logique dialectique, en écrivant qu’on ne veut rien prévoir de développer une réflexion ou de faire une remarque sans suite que certains prendront pourtant pour une prévision. La raison si souvent commune à tous, – c’est plus fort qu’elle, – est habituée à vouloir connaître le futur du monde, comme si elle dominait le monde. (Réflexe moderne, auquel personne n’échappe, même les antimodernes qui sont lus d’une certaine façon, même par des gens qui se jurent d’être de ce parti et d’aucun autre, même moi c’est tout dire pour mon compte.)

“Ainsi soit-il” comme disait l’autre, c’est-à-dire en langage commun “il faut faire avec”.

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Pfaff le visionnaire

  vendredi 29 juin 2018

29 juin 2018 – Puisque l’ami Bonnal a eu l’idée de publier la traduction d’un de ces textes visionnaires et de haute culture que l’historien et commentateur William Pfaff avait l’habitude d’écrire du temps où la presse US qui se veut de qualité l’était encore un peu avant de dégringoler dans le marigot pourri et puant de la presseSystème, je m’y mets aussi.

Mon propos est de republier le texte que j’écrivis le 5 mai 2015 pour saluer celui que je crois pouvoir désigner comme l’“ami précieux” pour mon esprit qu’il avait été, par la lecture de ses articles, pendant au moins deux décennies pour mon compte. Comme on le lira, ou le relira, j’avais rencontré Pfaff à quelques reprises et si nous avions des relations épisodiques assez rares, elles valaient bien, puisque le sens de “rare” désigne aussi la haute qualité de certaines choses, d'être le signe d'une “amitié” dans le sens de l’estime et du respect réciproques.

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Tourbillon crisique-54 : notre Guerre Civile soft

  mercredi 27 juin 2018

27 juin 2018 – Les “Tourbillon crisique” (je parle de la rubrique, proclamée invariable) tourbillonnent, se suivent et s’imposent, et se ressemblent d’une certaine façon tout en étant chaque fois différentes. Elles s’accumulent, ces rubriques, tentant péniblement de rendre compte d’un mouvement devenu fou, fait de dynamiques folles rassemblant des acteurs déments, chaque jour dévoilant sa folie particulière... Même les esprits les plus déterminés ne s’y reconnaissent plus. Prenez un Obrador, dont on nous dit qu’il sera élu dimanche président du Mexique et dont l’élection devrait déclencher une phase de tension terrible avec les USA, sinon une guerre civile, – et le voilà qui doit se dire : “Ces gringos-yankees, ils sont fous ! Ils n’ont même pas attendu mon élection pour commencer ‘leur’ guerre civile ! Ont-ils besoin de moi pour ça ?”

Il faut dire que la Grande République s’est à nouveau enflammée comme une torche mal éteinte, – non, pardon, qui ne s’éteint jamais, qui attend chaque instant d’occasion pour faire éruption à nouveau. C’est la torche du “désordre éclairant le monde”. L’affaire des enfants migrants séparés de leurs parents, mis dans des camps différents, d’ailleurs selon des législations héritées de l’époque Obama, a lancé une nouvelle phase de l’insurrection absolument increvable, sans fin, impossible à stopper, contre le clown-bouffon (et Messie ?) qui les dirige, – qui prétend les diriger, qui ne dirige personne, qui s’en fout d’ailleurs parce qu’il n’en fait qu’à sa tête... On a les présidents qu’on peut dans ces Temps du Grand Trouble, la France de la Fête de la musique à l’Élysée et d’autres fleurons de notre civilisation peuvent en témoigner.

Un parlementaire de la Chambre a posté un tweet : « America is heading in the direction of another Harpers Ferry. After that comes Ft. Sumter » (Consultez vos Wikipédia : Harpers Ferry et Fort Sumter sont deux épisodes menant à la Guerre de Sécession.) Ils sont tous d’accord, c’est vraiment le sentiment et le jugement qui importent aujourd’hui, et il est complètement inutile de se donner la peine de traduire tant ces mots-là résonnent dans nos esprits. « I think we’re at the beginning of a soft civil war. … I don’t know if the country gets out of it whole », dit le “political scientist” Thomas Schaller ; et le professeur Glenn Harlan Reynolds interroge “Est-ce que l’Amérique se dirige vers une guerre civile ?”, pour répondre, après avoir répondu que oui, que cette guerre civile est d’ailleurs d’ores et déjà en marche “à un bon rythme” : « Will it get worse? Probably. » L’auteur Tom Ricks approuve tout cela, et moi, voyez-vous, je ne suis pas d’un avis très différent.

.... Ce à quoi ajoute, fort justement, notre ami James Howard Kunstler : « Le problème est que les entités qui sont dans l’attente pour remplacer à la fois ces démocrates et ces républicains devenus inutiles, irresponsables et sans le moindre courage, sont le chaos et la violence, et non des partis constitués avec des programmes politiques cohérents. Les États-Unis, et en réalité toutes les nations dites avancées sur terre, se dirigent vers une ère de pénurie et d'austérité qui risque de se présenter comme un terrible et meurtrier désordre. »

Kunstler a raison de parler de “toutes les nations dites avancées” car nous sommes dans le même luxueux paquebot à la coque criblée de voies d'eau pleines de flots d’immigrants, – le Titanic dans sa version postmoderne, on s’en serait douté. Nous, en Europe, dans le chef de nos irresponsables dirigeants, sommes complètement responsables, bien sûr sous la magistère de nos maîtres d’Outre-Atlantique et spécifiquement du progressiste-sociétal Obama lui-même, – et ceci explique cela, – donc, complètement responsables par nos guerres infâmes de cette crise migratoire. (Voyez l’article d’Eric Zuesse.) Ce qui est à la fois sympathique et ironique, c’est que le Système a ainsi tracé des avenues impériales pour nos terrifiants populistes, dont certains s’avèrent drôlement pugnaces et terriblement activistes (voyez l’Italien Salvini), et qui plongent dans leur 19th Nervous Breakdown les distinguées journalistes-dames de la BBC interviewant dans un état d’une terrible et indescriptible indignation un ministre du gouvernement Orban stupéfait par cette intrusion télévisuelle. Tel autre sage nous disait bien que la libération de la femmes apporterait enfin un peu de sagesse, de tendresse et de bienveillance dans ce monde plein de brutes et de fureur, raconté par un mec obtus et qui ne signifie rien.

J’irais vers ma conclusion en vous signalant la délicieuse aventure de l’ancien secrétaire général de l’OTAN et Haut Représentant de l’UE Javier Solana qui s’est vu refuser un visa pour les USA pour une série de séminaires et de conférences parce qu’il s’était rendu en Iran. C’est indubitable, il y est allé, en Iran, puisqu’il a négocié l’accord avec les Iraniens au nom de l’UE, avec ses amis américains et russes. On s’est quand même un peu inquiété de la chose, à “D.C.-la-folle” et l’on a découvert que le décisionnaire-suprême pour la délivrance des visas était un algorithme du temps d’Obama. (Mais certains jugent, et on les comprend, que l’actuel POTUS-clown-bouffon a une grande part de responsabilité là-dedans.)

Cela a été à un point que notre ancien ambassadeur à l’ONU puis aux USA Gérard Arraud, pourtant fort élégant et fort ami de “our American friends”, a tweeté, en American-English comme il se doit : « Strange that our American friends are discovering only now this Obama regulation. Scores of European scholars, parlementarians and business people have already faced the same constraints. »

Enfin, croyez-vous qu’il soit utile de tenter d’approcher une vérité-de-situation, même sur ce cas accessoire mais si symbolique du Solana, qui nous montre que la crise de l’immigration avait précédé Trump ? Tout comme de savoir si l’immigration, d’ailleurs enfantée par notre propre barbarie guerrière où trônent bien haut, vertu au vent, ces mêmes progressistes-interventionnistes qui nous jettent en pleine poire l’insupportabilité de leur vertu offensée, finira effectivement par une guerre civile (“soft”, certes) ? Mais non mais non, inutile démarche,  parce que la guerre civile s’est depuis longtemps constituée en un tourbillon crisique (le vrai, pas la rubrique), qui tourne dans leurs têtes et nullement à nos frontières.

Il y a un signe de Dieu, qui pourrait bien être en train de se réveiller pour faire ses comptes, dans cette correspondance des deux crises sur le même thème selon des origines complètement différentes, sur les deux rives de notre Atlantique commune, pour des avatars complètement différents, et pourtant toutes deux dans le même sens et selon un destin qui se révèle commun. La solidarité transatlantique mène à tout, y compris à la Chute commune.

Tourbillon crisique-53 : Merkel, isolationnisme, Panmunjom 

  dimanche 17 juin 2018

17 juin 2018 –Le recours à la “rubrique dans la rubrique” (Tourbillon crisique dans le Journal-dde.crisique) s’impose de plus à moi, comme les évènements eux-mêmes. (Cette abondance justifiant l’apparition de titres accompagnant la rubrique numérotée.) C’est le signe de la maturation à une très grande vitesse de la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES) dont le moyen opérationnel est évidemment l’accélération du tourbillon crisique. Dont acte, même s’il s’agit d’une confirmation de ce que j’écrivais dans le Tourbillon crisique-49.

L’illustration sollicite ici trois évènements, qu’ils soient directs ou décrits par un commentaire.Ils sont liés les uns aux autres, ils ne peuvent être que liés parce que c’est la raison d’être à la fois météorologique et métahistorique du “tourbillon crisique” : tout se touche, tout se tient, tout influence tout, tout s’explique par tout. Une vision intégrée de la GCES est, sinon chaque jour, dans tous les cas constamment nécessaire pour permettre une juste appréciation de l’événement dès qu’un événement d’importance se produit. Plus que jamais, chaque jour davantage, l’actuel (“l’actualité”) renvoie directement à la métahistoire.

Le premier cas est celui de Merkel, dont a déjà vu qu’elle est plongée dans une grave crise interne. Kai Whittaker, un député de son parti (la CDU), – cette fois, ce n’est pas un canard (FakeNews, comme disent les zombies), – a résumé hier la situation : « Nous sommes dans une situation grave parce que la question de la crise migratoire est devenue une question de pouvoir ... La question est de savoir qui dirige le gouvernement ?Est-ce Angela Merkel ou est-ce Horst Seehofer ? Tout le monde reste sur ses positions... [...] [...I]l se pourrait bien qu’à la fin de la semaine prochaine nous ayons une situation nouvelle. Probablement un nouveau chancelier. »

Imagine-t-on ce que signifierait le départ de Merkel dans de telles conditions, alors que Seehofer, patron de le CSU bavaroise, fait face à des élections régionales au début de l’automne et, craignant de ne plus avoir la majorité avec un AfD triomphant, ne cesse de radicaliser sa position ? C’est la possibilité du basculement de l’Allemagne dans ce qu’on doit désormais nommer “le camp populiste”.

Le deuxième cas est un article de l’ancien diplomate et conseiller républicain au Congrès, James George Jatras, « It’s Time for America to Cut Loose Our Useless So-Called ‘Allies’ ». L’intérêt de cet article est à mon sens d’être archétypique d’une vision isolationniste d’un type absolument nouveau, que je qualifierais d’“activiste” dans le sens d’une rupture réaliste mais complète des liens “privilégiés” sans nombre qui unissent les USA à des régions et à des partenaires (dont les Européens au premier rang) au nom de principes et d’intérêts vieux de près de trois-quarts de siècle, – une sorte assez curieuse sinon audacieuse, et nouvelle certes, d’“isolationnisme engagé”...

Je m’arrête à cet article car il faut bien essayer, d’un instant à l’autre , de comprendre la profondeur et la vitesse des changements en cours. Il se pourrait bien qu’on trouve là la description de l’Amérique telle que le comportement fait pour être imprévisible, la brutalité, le caractère hypomaniaque (maniaque contrôlé) associé à une vision extrêmement réaliste de l’économie de Trump sont en train de la modifier profondément. Tout se passe comme si Jatras nos offrait une clef pour comprendre des conséquences extraordinaires mais désormais concevables du désordre trumpiste qui est, désormais lui aussi, la principale dynamique dans le tourbillon crisique, secouant avec une fureur étonnante le très vieux “Nouvel Ordre Mondial” que l’establishment atlantiste n’a cessé de nous offrir depuis quelque part entre 1945 et 1950.

Parmi les bruits de cette fureur, il y a les échos de la rencontre de Singapour, entre Trump et Kim, qu’un républicain anti-Trump cité par Jatras qualifie d’“axe des trous du cul”, ou “CRANK” (*), – pour China-Russia-America-North-Korea. Drôle d’alliance, non ? Cette rencontre, ce « Trump-Kim geopolitical reality-TV show » a ouvert un nouveau front de crise à Washington, pour la simple cause, nous dit Pépé Escobar, de la présence du point 3 du communiqué commun : « La réaffirmation de la ‘Déclaration de Panmunjom’ du 27 avril 2018 où [la Corée du Nord] s’engage à travailler à la complète dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Cet engagement implique bien entendu la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais aussi celle de la Corée du Sud, c’est-à-dire le départ des forces US de Corée du Sud.

Voilà pourquoi “D.C.-la-folle” résonne d’une nouvelle polémique furieuse à la suite du reality-show historique de Singapour, parce que tout ce qui se rapproche d’une perspective de paix et de stabilité dans le monde, notamment mais essentiellement par le moyen du retrait de troupes US, est dans la capitale du Système un motif de profonde terreur. Une crise de plus dans la suite crisique interminable, comme une basse continue démente, qui règne à “D.C.-la-folle” : ainsi le clown-et-bouffon, The-Donalds’avère-t-il aussi un véritable terroriste, de la pire espèce. Qui arrêtera jamais le tourbillon crisique ?

Note

(*) “Crank” : on dit que ce mot, outre de désigner une manivelle, désigne une “personne stupide”, “complètement tombée sur la tête”.

Le modèle collapsologique ukrainien

  jeudi 14 juin 2018

14 juin 2018 – On a assez peu l’habitude sur ce site d’intervenir directement à propos d’un texte d’un collaborateur ou d’un chroniqueur extérieur qu’on y publie. Parfois, l’exception vient confirmer la règle, et pour mon compte, pour cette fois, c’est à propos du texte d’Orlov sur l’Ukraine de ce même 14 juin 2018, « Mort et résurrection d’un blogueur ».

Ce texte repose sur une trouvaille brillante, c’est-à-dire la conceptualisation de l’idée que l’Ukraine est un modèle grandeur nature de l’effondrement, du collapsus qui est le thème de la discipline développée par Orlov de la collapsologie : « ...un laboratoire in vivo et en temps réel du processus de l’effondrement ». D’une certaine façon, on pourrait exposer l’hypothèse que le destin de l’Ukraine est sans doute un des modèles de ce qui nous attend...

D’autres pays se sont effondrés, – on les appelle des “failed States”, – mais aucun ne l’a fait, ou plutôt n’est en train de le faire, de lui-même, sans intervention brutale décisive de l’extérieur ; et certains d’eux sont éventuellement capables de se relever lorsqu’une cause extérieure majeure sera annihilée. Ce n’est pas le cas de l’Ukraine. Littéralement, l’Ukraine se déstructure et se dissout d’elle-même, parce qu’elle dispose de tous les “ingrédients collapsologiques” que produit le Système dans le développement de son équation surpuissance-autodestruction.

Il n’y a pas eu d’attaques extérieures très violentes et destructrices, comme en Irak ou en Libye par exemple, ni de multitudes de conflits internes très violents alimentés par de nombreux acteurs extérieurs, comme en Syrie, ni de guerre civile de forte intensité, ni d’invasion, ni de campagne d’annihilation, ni d’installation importante de contingents étrangers armés importants, ni de groupes transnationaux de désordre ou de terreur actifs, etc. Il y aurait pu y avoir l’un ou l’autre de ces éléments, et il y a eu comme on dit des “départs de feu” dans ce sens, mais rien de décisif et l’Ukraine a été laissée à elle-même. D’où cet aspect de “laboratoire”, sans aucun doute.

Le sort actuel de l’Ukraine a été préparée et développée par une intervention déstabilisatrice initiale de l’Union Européenne (novembre 2013), un coup d’État complètement manipulé par les USA (février 2014), un conflit interne (depuis avril 2014) qui aurait pu devenir une sorte de “guerre d’Espagne” postmoderne mais qui s’est transmuté en une sorte de sécession stagnante, une sécession rapide et décisive (mars 2014) qui a provoqué une rupture sans riposte (la Crimée), une agitation de groupes extrémistes armés (extrême-droite néo-nazis) quasi-permanente mais qui ne s’est jamais transmutée en une action de désordre organisée significative. Il y a eu des interventions diverses des acteurs extérieurs principaux (UE, USA, Russie), mais toutes assez dissimulées, par des moyens indirects, aucune ne prenant l’aspect d’une intervention puissante, visible, ni décisive en aucune façon.

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Justin, gare au Red Plan

  lundi 11 juin 2018

11 juin 2018 – Le jeune Trudeau est entré dans la catégorie des haines irrémédiables du président des États-Unis (POTUS n°45). C’est simple, on lui promet l’enfer, tandis que son père, lui, n’avait eu droit qu’à un très classique “son of a bitch” de Nixon en 1972, et encore resté en petit comité et resté classifié jusqu’en 2008 ; l’inimitié entre Kennedy et Diefenbaker était également connue...

Le fait est que les relations entre les USA et le Canada (anglophone), qui sont entrées dans un nouvel épisode épique, n’ont jamais été si faciles qu’elles paraîtraient si l’on se fie à leurs liens divers, notamment culturel (l’anglosphère), notamment économique (l’accord ALENA, aujourd’hui remis en cause par Trump),notamment de sécurité (par exemple la défense aérienne du Canada et des USA est entièrement intégrée à l’avantage évidemment des seconds, au sein de NORAD, – North American Aerospace Defense). Sans remonter aux origines (des USA) où insurgents, Français, Anglais et certaines tribus indiennes s’affrontèrent dans des conflits divers, le XXème siècle lui-même a été le théâtre d’un épisode dépassant largement le stade de l’insulte, classified ou tweetée. L’histoire du Red Plan mérite un rappel parce qu’il bouleverse et même pulvérise le sentiment unitaire irrésistible, et suprémaciste cela va de soi, que le monde anglo-saxon, l’anglosphère, entend répandre autour de lui.

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Tourbillon-crisique-52 – Sapiens au milieu des ruines

  lundi 11 juin 2018

11 juin 2018 – Le bloc-BAO, la civilisation occidentale, l’anglosphère, l’américanisation-globalisation, le Système enfin, appelez la chose comme vous voulez, est devenu décidément un immense champ de ruines qui semble se poursuivre au-delà de l’horizon, en fait comme privé d’horizon pour le limiter. Le G7, ou G7-1, peu importe, nous a offert un spectacle sans précédent de désintégration accélérée d’un ensemble qui tient toutes les structures politico-économiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

« Ce qui se déroule est un effondrement historique des relations diplomatiques et économiques entre les grandes puissances impérialistes. Pendant les trois quarts de siècle qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante a largement reconnu que les guerres commerciales de la Grande Dépression des années 1930 ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de cette guerre et que les guerres commerciales devaient être évitées à tout prix. Ce consensus est maintenant rompu.

Les conflits explosifs et l'incertitude dominent l'économie mondiale. Les États-Unis, l’UE et le Canada préparent des tarifs qui auront des répercussions sur des milliards de dollars de marchandises et qui menaceront des dizaines de millions d'emplois dans le monde. Comme le montrent les propos de Trudeau et Trump, les menaces tarifaires américaines mettent en branle une spirale ascendante de tarifs et de contre-tarifs aux conséquences potentiellement dévastatrices. » (Alex Lantier, WSWS.org, le 11 juin 2018.)

Un premier fait essentiel est que nous sommes un certain nombre à observer en parfaite conscience et directement, instant pour instant, comme l’on dit “en temps réel”, à cet événement de l’effondrement. La majorité du public est encore dans la caverne de Platon, certes, puisque le programme reste des plus attractifs mais l’affluence commence à se réduire et, surtout, à se réduire la croyance que le programme projeté représente l’essentialité et la vérité des évènements fondamentaux. 

Désormais une majorité, – ceux qui y pensent intensément, ceux qui ne veulent pas trop y penser mais qui le savent, ceux qui ne pensent pas mais ne s’en contentent plus, etc., – une majorité sait qu’il se passe des choses terribles et que nous le savons bien, et que nous voyons la chose même si nous ne comprenons pas tous comme cela doit l’être, même si nous nous perdons dans les interprétations diverses ; mais l’ébranlement, lui, est ressenti par toutes et par tous. C’est comme un énorme frisson du monde que nous identifions parfaitement et qui nous saisit, parcourt notre colonne vertébrale et serre notre âme de l’affreuse incertitude de l’inconnu...

Au début de son essai Chronique de l’ébranlement – Des tours de Manhattan aux jardins de l’Élysée (Mols, 2003), PhG, qui ne tenait pas encore son Journal-dde.crisis comme je le fais désormis, écrivait :

« D'abord, il y a ceci: en même temps que nous subissions cet événement d'une force et d'une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s'accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d'observer cet événement. L'histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire. On sait également que ceux qui ont décidé et réalisé cette attaque l'ont fait parce qu'ils savaient qu'existe cet énorme phénomène d'observation des choses en train de se faire, et de nous-mêmes en train d'observer. Le monde est comme une addition de poupées russes, une duplication de la réalité en plusieurs réalités emboîtées les unes sur les autres.

» Nous ne pouvons prétendre sortir indemnes de tout cela... »

Ce commentaire concernait, on l’a deviné, l’attaque du 11 septembre 2001. Depuis, le phénomène ainsi décrit se poursuit, au jour le jour, heure après heure, charge à nous de débrouiller le faux infiniment faux du vrai perdu dans des vérités-de-situation... Sauf que ce week-end, lors du G7 devenu l’espace de deux ou trois tweets ravageurs de qui-l’on-sait G7-1, tout le monde a vu toujours dans ce même temps réel, devenu le Temps-métahistorique, cette extraordinaire implosion de la structure fondamentale de l’ordre du monde devenu désordre indescriptible, – Les hommes au milieu des ruines, écrivait Julius Evola, qui n’avait encore rien vu même s’il en devinait pas mal... Il y avait longtemps que cela n’était plus arrivé dans ce déluge de nouvelles fausses et de discours trompeurs : nous avons tous vu la même chose, en même temps, se produire sous nos yeux.

Le plus remarquable de ce week-end magique au Québec, ce fut la façon dont les composants de la réunion d’habitude si contrôlée et si bornée brisèrent toutes les normes et tous les cloisonnements. En un instant, l’événement devint cosmique, général, concernant le Système dans son entièreté. A part celui du bouffon de Dieu ou du Diable, ou des deux qui sait, qui s’était déjà envolé pour d’autres désordres, tous les visages exprimaient la même extraordinaire incertitude : Et maintenant, qu’allons-nous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?

A l’autre bout du monde, en Chine, Xi et Poutine échangeaient des avis culinaires sur des gâteries chinoises dans une salle d’une immensité dont seul le régime communiste chinois a le secret. La réunion de l’Organisation de Coopération de Shanghai se déroulait dans un ordre parfait, comme un contrepoint moqueur au désordre de l’autre côté. Les deux hommes échangeaient des sourires complices et ironiques. La réunion s’est fort bien passée, à la satisfaction de tous. Je n’ai pas une seconde eu l’impression qu’ils étaient là pour clamer : “Nous voilà, nous allons vous remplacer !” Ils semblaient dire plutôt : “Eh bien, nous vous l’avions bien dit. Voilà les ruines désormais partout éparses. Et maintenant, qu’allez-vous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Valsez, les G !

  samedi 09 juin 2018

9 juin 2018 – Au départ, c’était net, clair, digne et d’une cooltitude infinie puisque émanant de Sa Grâce Insurmontable, Barack H. Obama : on liquidait les Russes du G8 et on passait au G7, point-barre, point-Barack. C’était en 2014, du temps où il y avait encore quelques restes épars de civilisation-Système, c'est-à-dire un peu d'ordre dans les rangs. Cela faisait sérieux. C’était planté net dans un tapis de ces FakeNews-là qui n’avaient pas encore reçu leur nom de baptême, auxquelles il était de bonne tenue de croire. Le bon ton était enfin de conclure : “Enfin, nous voilà ensemble, entre amis et complices, sans trouble-fête suspect. Nous allons pouvoir faire du bon travail et sauver la civilisation.”

Comme The Times they are a changin’... Voyez comment se passe une vraie jam session aujourd’hui, simplement en préparation de la réunion des G, et goûtez la différence.

D’abord, il y a Bruno Lemaire sortant de la réunion des ministres, une semaine avant le pow-wow des grands chefs, et contenant difficilement son ire, pour finalement lâcher la flèche du Parthe : “On pourrait tout aussi bien faire un G6+1 !” (C’est-à-dire, voulait-il dire : un G7-1, ce serait plus juste.) A partir de là, tout alla très, très vite.

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Tourbillon crisique-51

  jeudi 07 juin 2018

7 juin 2018 – Quand vous avez deux gentils jeunes hommes comme Macron et Trudeau qui discutent et que le premier dit au second, comme pour le rassurer( ?), « Aucun dirigeant n’est éternel », et cela parlant du président Trump, vous êtes fondé à vous dire qu’il se passe des choses peu communes et qu’ils iront tous demain à la réunion du G7 avec un pistolet à la ceinture. On dit même que Merkel est décidée à dire toutes ses vérités à Trump, et la liste est impressionnante. On ajoute même que ce G7 pourrait bien se terminer sans communiqué commun, marquant l’extraordinaire désunion de ce que nous nommons “bloc-BAO”.

Un monsieur qui se nomme Ian Bremner et qui dirige l’Eurasia Group, une forme de consultance pour les prises de risques politiques, juge le G7 de demain comme le plus dysfonctionnel et le plus antagoniste qui ait jamais eu lieu. Son commentaire est le suivant : « L’ordre ancien est mort. Ce pour quoi nous nous nous battons aujourd’hui, alors qu’émerge un ordre nouveau, c’est autour de la question qui est posée de savoir si les USA occuperont la place la plus importante autour de la table ou non. D’ores et déjà pour moi, la réponse est non. »

Encore parle-t-il d’une réunion où des puissances telles que la Russie, la Chine, l’Inde sont absentes, c’est-à-dire les puissances qui s’affirment déjà comme dominantes, sans lesquelles rien ne peut être fait... Mais faire quoi d’ailleurs ? A la Maison-Blanche, on dit : “Mais non, tout ne va pas si mal”, tout en peaufinant une nouvelle opération de protectionnisme. Quoi qu’il sorte de ce G7, il est déjà historique simplement, – rien de moins ! – parce qu’est apparu le sentiment de la réalisation que le monde est entré dans la phase finale de l’effondrement du Système.

Ce qui ne paraît étrange et presqu’irréel, c’est que, disant cela, je m’aperçois qu’il n’y a plus grand chose à ajouter, plus de commentaire qui s’impose, plus aucune orientation à donner à la réflexion. La crise d’effondrement, c’est bien la plongée dans le trou noir et le G7 où nous accueille le gentil Trudeau qui vient d’indirectement insulter Trump est le premier marquoir de la chute. L’importance de ce G7 qui semble inutile dans les échanges et les décisions qu’on pourrait y prendre le précède et le dépasse, elle existe avant même qu’il ait lieu et quoi qu’il se passe pendant qu’il aura lieu

L’importance de l’événement qu’est ce G7 existe déjà et quel que soit cet événement au niveau de ses participants, d’ores et déjà dépassés. Des forces obscures ou lumineuses, et certainement très puissantes, agissent désormais sans intermédiaires. La puissance de l’événement (cette réunion) est au-dessus et au-delà de la réunion. Nous sommes entrés directement dans le grand domaine de la métahistoire de la crise de l’effondrement, dans une bataille qui est comme un “jugement de Dieu”, comme l’on disait dans les Temps Anciens.

Le D-Day de l’éternel présent

  jeudi 07 juin 2018

7 juin 2018 ... • On a posé une question indiscrète à la porte-parole du département d’État sur les relations entre les USA et l’Allemagne à cause de la “guerre commerciale”. • La porte-parole se récrie : “Mais non, nous sommes les meilleures amis du monde !”. • A preuve ? Les cérémonies de commémorations du D-Day du 6 juin 1944 où USA et l’Allemagne se tiennent par la main comme deux amoureux si touchants et si Sieg Heil. • Comme on sait, le jour commémore en effet leur grande amitié. • Par ailleurs, tout le monde se fout bien que telles conneries soient dites, alors j’en profite...

D’une façon générale, le département d’État n’a pas vraiment de chances avec ses porte-paroles, depuis quelques années, au moins depuis Victoria Nuland qui quitta cette fonction en février 2013 pour aller préparer, – fort bien d’ailleurs, je m’en rappelle, avec une élégance de bulldozer, – le “coup de Kiev” de février 2014.

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Alors, l’Auteur, où sont Les Âmes ? A Verdun ?

  samedi 02 juin 2018

2 juin 2018 – Une fois de plus (voir “FN au Kosovo”, c’est sûr ?), j’ai attendu bien longtemps pour consulter l’auteur sur le lancement d’un livre où il est partie prenante. Cette fois, il est question des Âmes qui se trouveraient à Verdun, dans le cadre incontestable des Âmes de Verdun, et non plus de Nietzsche effectivement repéré au Kosovo.

Cette fois, présentation un peu plus courte, avec reprise pure et simple des citations de départ de la première interviewsur cette sorte de “série” d’articles destinée à faire, sans fausse honte ni dissimulation de l’appât du gain. (Pensez ! €5,80 le prix du volume, frais de port compris, il y de quoi se régaler, un festin de roi...) : « Enfin, jouons le jeu : PhG c’est moi, “l’Auteur” c’est un peu lui-moi, quelque chose dans ce goût-là… […] Avec[…] mon don peu commun d’ubiquité, je me suis donc transformé en intervieweur de l’“Auteur”, et c’est la substance de la chose que je veux vous restituer ici... »

C’est-à-dire qu’avec l’aide de quelques questions et les réponses de l’“Auteur”, nous allons faire la description de la situation à laquelle nous sommes arrivés. Quelque peu et diablement morose ou désenchanté par les premiers résultats du lancement du volume, comme d’habitude en quelque sorte, au point qu’il s’agirait presque d’un sujet de plaisanterie, sinon de paradoxale bonne santé... (“Moins tu vends plus tu vaux et mieux tu te portes”, quelque chose comme ça.)  Car l’Auteur, contrairement aux préoccupations d’un lecteur si attentif et bienveillant, reste gaillard parce qu’il est l’Auteur et qu’il doit bien ça à l’ouvrage, parce que ce fut pour lui, et je le comprends ô combien, ce fut un honneur de sa vie d’être l’Auteur dans la galère nommée Les Âmes de Verdun.

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Du Parthénon au Colisée

  lundi 28 mai 2018

28 mai 2018 – L’Europe a le sens du symbole, ou bien est-ce l’Histoire qui choisit d’imposer aux piètres artisans de la déstructuration qu’ils sont tous les instruments et toutes les circonstances qu’il faut pour donner au symbole qui en émerge toute la force qui importe et ainsi les placer devant le spectacle des ruines qu’ils accumulent... Je l’avoue et je suis sûr que je n’étonnerai personne, je suis partisan du deuxième terme de cette alternative du symbole. Eux, les déconstructeurs qui entropisent comme s’ils étaient anthropophages, ils ne savent pas grand’chose, ni de l’art ni de la puissance du symbole ; quand on fait dans l’entropie, on reste sur sa faim et l’on finit par se manger soi-même.... 

Ce qu’on veut faire avec l’Italie aujourd’hui, à peine selon une autre méthode, c’est ce qu’on fit avec la Grèce il y a trois ans. L’Histoire nous impose, avec sa Grâce sans retenue, un symbole qui court du Parthénon au Colisée, de Platon à Julien l’Apostat.

(Si je cite Julien, c’est parce que je crois que, de tous les empereurs dont Rome se dota, il fut le moins sensible à la bureaucratie qui était déjà aux mains des chrétiens de son temps [d’où son surnom, cadeau des spécialistes en RP de l’Église], et qu’il fut le plus hostile à l’idée que tout ce qui se prétend nouveauté et progrès est nécessairement une vertu. Pour tout cela, j’ai une grande affection pour l’Apostat qui commit ce sacrilège de l'être au nom de la Tradition.)

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