Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

Humeur de crise-20

  mardi 02 août 2016

Est-ce la coutume du mois d’août qui voulait que l’actualité du monde, sauf pour cas de Guerre Mondiale, se fasse in abstentia et que ce temps-là, de mon très vieux temps d’avant, était alors vécu comme une période d’indolence qui ne manquait pas d’un doux attrait ? (Dans ce temps-là où l’on chantait Paris au mois d’août et où l’épouvantable grouillement du tourisme globalisé n’avait pas encore posé son groin sinistre et son poids écrasant sur le monde, la capitale, où je passai ce mois-là une année ou l’autre, révélait un charme comme inactuel et magnifique, qui se savourait comme un délice de l’âme et du cœur. Nous vivions comme on fréquente un poème.) Cette année pour mon compte, – je parle de 2016, – c’est comme si le phénomène s’installait effectivement, – je ne parle plus de Paris mais plutôt d’une façon symbolique, au nom du veilleur de la communication que je suis devenu, – mais dans sa plus complète inversion. Le calme et le silence en un sens, mais comme un raté, un passage à vide qui se révélera très bref, bien en-deça du mois, dissimulant à peine les affreux bouillonnements qui se préparent.

Les lampions des fiestas américanistes que sont les conventions se sont éteintes. Elles ont montré le terrifiant volume de haine, de tromperie, de veulerie, de volonté de destruction qui marque aujourd’hui la bataille politique, pour des objectifs si incertains à moins qu’ils ne renvoient aux symboles les plus simples qu’on qualifiera également de terrifiants. (L’un des deux a décidé de qualifier sa concurrente du simple terme de Devil et le plus remarquable est que cette apostrophe ne paraît nullement outrée ni déplacée dans le climat régnant.) Les autres crises semblent également moins tonitruantes, que ce soit la Turquie, le terrorisme et son cortège d’outrances, d’impasses et d’aveuglement, le naufrage de l’Europe, les perspectives de guerre contre la Russie, et tout le chaos du monde en général. Tout cela n’apaise rien et ne fait que ressortir le silence de l’angoisse qui veille, et ne conduit qu’à cet avertissement exprimé comme l’évidence, venu du Ciel ou bien des entrailles du Mordor : “Vous ne perdez rien pour attendre...”

C’est un de ces moments d’entre-deux et d’entretemps comme l’on en connaît, mais dans ce cas si fortement symbolisé par le contraste avec le fracas de l’une ou l’autre semaine d’avant, par l’ivresse et le vertige d’où l’on croit sortir et où l’on sait qu’on retombera aussi vite. Pour cette fois, avec le calme nullement simulé de mon esprit et de ma plume, je suis dans cet état où il devient futile sinon impossible d’avancer un avis, une prédiction, etc., quelque chose comme “l’automne sera terrible”, “le calme avant la tempête” ou “l’œil du cyclone”... Rien qu’une lassitude temporaire, qui vous fait pourtant mesurer sa profondeur vertigineuse ; vous êtes à la fois spectateur et acteur, vous interrogeant vaguement et vainement sur le sens de ces événements que vous continuiez à observer hier et sur l’utilité de la bataille que vous continuerez à mener demain ; à la fois assuré de ne trouver aucune réponse qui satisfasse, et confirmé de l’importance dérisoire de cette insatisfaction. Les événements du monde dictent leur loi et nul ne peut prétendre ni l’ignorer ni la contourner. Le mois d’août nous chuchote notre destin.

Il n’est pas “un des nôtres”...

  lundi 01 août 2016

Je poursuis par conséquent la chronique d’hier dans ce Journal dde.crisis, en notant une remarque de notre excellent accompagnateur-commentateur Perceval-78, sur le Forum du même texte, et disant ceci :

« Ah mais que si, dans la saison 4 le président Underwood en campagne électorale est victime d'une tentative d'assassinat par un ex journaliste, attentat dont il se remettra difficilement par le biais d'une greffe de foie.

» La rumeur, Washington bruisse de rumeurs, dit que Claire pourrait tuer son mari dans la saison 5 pour avoir le poste de Présidente. »

La remarque concerne un passage précis (voir plus loin) du texte en question, et ce qui m’intéresse est bien sûr, tout en en reconnaissant l’intérêt général, de préciser que sur ce point de la chronique régulière de Perceval-78 je suis en désaccord amical mais insistant, notamment et essentiellement pour l’esprit de la chose. Je sais que les gens de House of Cards ont l’habitude de se féliciter qu’à chaque saison ils introduisent un élément extraordinaire qui se vérifie dans la situation politique de Washington D.C. l’année d’après ; là, je crois que cette règle n’est pas rencontrée du tout et que c’est plutôt Washington D.C. qui les a pris de vitesse.

(Je précise que j’ai trouvé ce feuilleton admirable, jusqu’à la saison 3 [je ne suis pas sûr du numéro] qui, brutalement, m’a particulièrement déçu, jusqu’au quasi-dégoût ; cela, lorsque j’ai découvert le portait caricatural-Système qu’ils ont fait du président Poutine, alias-Ivanov, selon les canons des plus incroyablement stupides caricatures-narrative du personnage ; et là-dessus, cerise de service sur le gâteau, par contraste la vertu ontologique au-delà de toutes les charogneries courantes d’usage de la politique US, dans le chef des réflexes humanitaires de la First Lady Claire Underwood, et de son mépris très type-Park Avenue pour le thug venu des steppes sauvages et des officines cliquetant d’instruments de torture du KGB, – et, du coup ceci [l’humanitaire-chic/salonard] rattrapant aisément cela [charogneries d’usage, etc.], et comment ! Ce réflexe de vertu américaniste m’a laissé extrêmement désappointé quant à la valeur intrinsèque de l’entreprise.)

Revenons à notre propos en citant le passage auquel notre excellent Perceval-78 fait allusion, et aussi je vais me permettre de souligner en gras ce qui me paraît essentiel pour mon explication, laquelle fera progresser la question de la description et de l’éventuelle compréhension de la situation aux USA : « [...L]a situation des USA, qui semblait montrer une solidité d’une extrême résilience dans les tempêtes crisiques qui se succèdent depuis plusieurs années, devient soudain quelque chose de proche d’un “château de cartes”, où même un assassinat politique est envisagé froidement et avec une pointe de dérision et de scepticisme (House of Cards, le feuilleton, n’a jamais envisagé cela) : seront-ils assez organisés pour monter une tentative d’assassinat de Trump, en auront-ils l’audace, les guts, ou bien même cela les dépasse-t-il ? »

(Suite)

Saison de tous les dangers terribles et informes...

  dimanche 31 juillet 2016

Il m’est venu le sentiment, bientôt formé en une idée présentable qu’avec trois événements illustratifs de tendances puissantes événementielles et incontrôlables, – c'est-à-dire complètement hors de notre compréhension et de notre contrôle humains, trop humains, – dont je retrouve la description dans trois articles considérés aussi bien comme symboliques que politiques, et de sources aussi variées qu’indépendantes des narrative courantes, se forme un point de convergence chargé d’une forte potentialité déstabilisante, également aussi bien symbolique que politique, ouvrant ce qui pourrait être cette “saison de tous les dangers terribles et informes...”. Ces trois “tendances puissantes”, trois parmi d’autres mais exemplaires de notre situation générale, concernent, après la nomination de Clinton, la fixation des présidentielles US dans un affrontement frontal et furieux qui engage non plus une élection comme on les voit en général aux USA, mais une bataille suprême aux conséquences que l’on devine considérables, complètement incompréhensible pour ce qu’on sait rationnellement des USA ; après le putsch d’Ankara et désormais avec des conséquences géopolitiques considérables, un courant de bouleversement moins dans la région concernée que dans les grands espaces et l’organisation politique autour de cette région centrale du monde ; après divers événements depuis septembre 2015 et l’intervention en Syrie, l’évolution de la politique russe, notamment les conséquences sur les relations de la Russie avec la Chine, et d’une façon générale les conséquences de déstructuration et de dissolution de ce qu’on avait jugé être le courant stabilisateur et structurant des BRICS.

Pour ce propos, je me réfère à trois articles d’auteurs variés, certains très mal considérés, d’autres présumés plus “sérieux”, etc., mais tous trois effectivement échappant au courant des consignes-Système qui nous donne une pensée totalement anesthésiée et réduite à un “rien” impliquant le “vide” par absence de la moindre substance. Je n’ai aucun esprit d’apriorisme fondamental vis-à-vis d’eux, aucun interdit décisif, même si j’entretiens bien des nuances dans mon jugement. En l’occurrence, je juge qu’ils illustrent bien, et selon une spéculation qui est appuyée sur des vérités-de-situation, les “tendances puissantes” dont je veux parler. Je vais donc procéder avec ordre, résumant le contenu des trois articles, c’est-à-dire la description rapide de ces “tendances puissantes”.

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Su-24 & “État parallèle”

  mardi 26 juillet 2016

Comme il m’arrive assez rarement, je prends ici la plume, directement en réaction à des commentaires de lecteurs de l’article dedefensa.org/Alexandre Douguine du 21 juillet. L’on débat dans ces commentaires, notamment, de l’affaire de la destruction en novembre 2015 d’un Su-24 russe par deux F-16 turcs, et l’idée selon laquelle la chose aurait été une initiative “rebelle” non autorisée ni voulue par Erdogan étant ici et là contestée, sinon ridiculisée. Quant à moi, j’ai déjà laissé voir le bout de mon nez dans un dde.crisis du 22 juillet sur “le putsch du F-16”... Pour rappel et vous éviter une recherche épuisante dans le texte :

« Pour DD, les Forces Aériennes Turques étaient une extension directe de l’USAF, à un degré absolument inconnu en Europe ; lui-même en témoignait avec des arguments, ayant été dans la Force Aérienne Belge, puis avec GD négociant avec la Force Aérienne. A cette lumière, on comprend qu’une telle structure, renforcée à partir de 1999 par d’autres structures dites de l’“État parallèle” de Gülen et de son mouvement transnational et islamiste Hizmet, activé et soutenu par la CIA, ait largement perduré, Erdogan ou pas Erdogan ; et l’on comprendrait sans trop être contraint que Incirlik ait été le centre de coordination du putsch de la semaine dernière, tout comme ne paraît plus si folle ni grotesque l’idée que le pilote de F-16 qui a abattu un Su-24 russe en novembre dernier l’ait fait sans passer nécessairement par l’approbation d’Erdogan... »

Maintenant, je vais être beaucoup plus affirmatif : l’idée des F-16 téléguidés sinon contrôlés, jusqu’au pilotes eux-mêmes, par l’équipe Gülen/CIA (et d’ailleurs quai-officiellement guidés, comme cela fut écrit à l’époque, par l’un ou l’autre AWACS, soit de l’USAF, soit saoudien  mais servi par des équipages US), cette idée me paraît au contraire beaucoup plus cohérente et sensée que celle d’un Erdogan ordonnant une telle attaque. Du point de vue d’Erdogan, à moins de l’explication du cerveau instable qui a eu une faveur certaine (y compris sur ce site quand aucune autre explication n’était disponible), cette attaque, provocation gratuite et sans le moindre bénéfice, s’aliénant la Russie dont Erdogan sait bien qu’avec Poutine à sa tête elle ne plaisante pas, cette attaque n’avait guère de sens. Si l’on introduit le facteur Gülen/CIA, la chose est beaucoup mieux éclairée, elle devient cohérente, parfaitement compréhensible... Cela n’exonère pas Erdogan de ses divers coups bas et de ses rapines nombreuses, et j’aimerais bien que ceci soit entendu haut et fort et bien compris pour ce que cela dit exactement : nous ne sommes pas là pour décerner des prix de vertu, mais pour distinguer le Système où il se trouve et reconnaître l’antiSystème quand il se manifeste.

Il s’agit d'abord de rappeler une évidence, car les exemples abondent : ce genre de circonstance n’est pas du tout absurde, ni rarissime, mais au contraire très fréquente et ne peut être écartée avec le qualificatif décisif et bien arrogant de “ridicule”. Je me rappelle, c’était en 1956 ou 1957, que des avions de chasse français interceptèrent dans l’espace aérien international, au large de l’Algérie, un avion de ligne marocain transportant une délégation de la direction du GPRA, – gouvernement “en exil” constitué par le FLN, – avec comme prise majeure Ahmed Ben Bella, futur premier président de la République algérienne indépendante. L’ensemble fut ramené à Alger et il fut aussitôt évident à l’époque que les militaires français avaient agi de leur propre chef, évidemment sans instruction ni même information du pouvoir civil puisque l’opération avait notamment pour but de torpiller certains contacts du gouvernement français vers le FLN, pour des négociations de paix que les militaires refusaient. Le gouverneur-général/ministre délégué pour la question algérienne d’alors, Robert Lacoste, socialiste devenu belliciste anti-FLN et assurant la direction gouvernementale française en Algérie, couvrit aussitôt les militaires (peut-être même fut-il complice, c’est à voir), obligeant le gouvernement de Guy Mollet à couvrir lui-même la chose. Les dirigeants du GPRA furent donc internés, d’ailleurs dans des conditions extrêmement confortables, jusqu’aux accords d’Evian du début 1962.

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Humeur de crise-19

  lundi 25 juillet 2016

C’est comme si, sous vos yeux, accélérait follement (encore une fois...) la dissolution du monde ; d’où mon humeur, moi le veux briscard-crisique, plutôt interdite et quelque peu incertaine, un peu foldingue, type-entonnoir sur la tête, presque rêveuse et moi-même me pinçant pour vérifier si je ne rêve pas, PhG le vieux rêveur-crisique... L’on ne cesse d’atteindre des sommets, des paroxysmes, et l’on se dit “cette fois, pas plus haut, pas plus paroxystique, c’est impossible”, et pourtant oui ! Hier, en fin d’après-midi, coincé entre la crise des JO, avec la Russie vouée aux gémonies comme seule pourvoyeuse au monde de l’enfer du dopage, et les démocrates néo-clintoniens submergés de leur propre merde e-mailesque et fuitée, accusant Trump et les Russes, Trump d’être un agent russe, les Russes de manipuler Trump pour couler la pauvre Hillary, et finalement balançant la manipulatrice anti-Sanders Wasserman-Schultz, présidente du parti démocrate et démissionnaire pour ouvrir en beauté la convention du couronnement de la reine-Hillary armée du visage en beauté de celle qui a réussi à tenir quinze rounds contre Mohammed Ali ! Imaginez-vous un peu cela, vous, braves vacanciers sur les plages au sable chaud ?

Tragédie-bouffe, disait-on : pourquoi pas métahistoire-bouffe ? Allez donc lire les révélations de l’expert Andrew Korybko, qui vous détaille les plans US de déstructuration de l’UE, sous les conseils avisés de Soros, sous une dictature implacable conduite par le führer Juncker brandissant la menace de ses canettes de bière, ou bien, – “Plan B” oblige, – en mini-blocs bien rangés dans le sens des anguilles d’une montre, avec Hollande armé de sa coiffure type-Louis-XIV au million d’€euros la permanente : « Post-Brexit EU: Between Regional Breakdown and Full-Blown Dictatorship »... Et qui dirigera cette machination d’outre-Atlantique ? L’équipe Trump-Poutine ? La sorcière Hillary menant la bataille à grands coups de rire satanique et de milliers d’e-mails fournis par le général Assange, de la division WikiLeaks ? Le Texas indépendant coalisé avec la république de Californie ?

La dernière, tout de même, à savourer en famille, à l’ombre des rosiers-palmiers en fleurs de la Maison-Blanche : l’hagiographie de Trump faite par Malik Obama, demi-frère de Barack H., qui ne rêve que d’une chose, que son frère foute le camp pour que les affaires reprennent (sous la direction éclairée du nouveau POTUS, The Donald). « I am deeply disappointed » par l’administration de Barack H., nous dit Malik, 58 ans. 

Le putsch du F-16

  vendredi 22 juillet 2016

On n’a pas été sans remarquer le rôle prépondérant de la Force Aérienne Turque (disons FAT) dans le putsch avorté contre Erdogan, le chef de l’opération étant même supposé être le chef d’état-major de cette force. On n’a pas manqué de remarquer (suite) combien il apparaissait hautement probable qu’on trouve, dans cette affaire, la marque à la fois des USA et de l’OTAN, d’autant, si j’ose dire dans un affreux jeu de mots, qu’une bonne partie de l’opération a été conduite de la base d’Incirlik où l’on trouve mêlés un contingent turc avec un général qui fait office de potiche commandant l’ensemble de la base, une autre partie (la plus grande, c’est sûr) de la base où l’USAF est maîtresse chez elle dans le genre off limits, tout cela nominalement OTAN, et qui accueille n’importe quel avion d’une nationalité amie (type-saoudien & consorts), l’ensemble (US) avec un sympathique stock de bombe nucléaire B-61 et, bien entendu, le contingent habituel lot d’officiers de la CIA. On comprend de quel centre stratégique il s’agit, avec les Turcs qui y sont comme chez eux pour autant qu’ils soient bien amarrés par des liens vieux comme la Guerre froide...

On y trouve donc aussi des F-16, tant de l’USAF que de la FAT, et cela me ramenant à un souvenir fait d’épisodes épars dont je vais tenter de restituer l’essentiel. D’abord, retour à 1974-1975, en Belgique, où avait lieu une compétition échevelée, essentiellement entre le F-16 US et le Mirage F1-E français. Je rappelle qu’à époque j’étais plutôt, – sans doute à l’étonnement possible de l’un ou l’autre, – dans une période d’entre-deux pour mon opinion politique et plutôt proaméricaniste, tendance-Pentagone dans le domaine de l’aviation, c’est-à-dire favorable au F-16. Comme le temps passe...

Cette position ne m’empêchait nullement de faire équipe avec un ami, journaliste à Aviation Magazine (premier et excellent magazine d’aviation français depuis 1945, disparu au début des années 1980 dans des circonstances sordides et irresponsables d’argent de capitalistes incompétents). Lui était partisan du Mirage, bref notre équipe marchait bien. Lors d’un des innombrables cocktails donnés à Bruxelles par les uns et les autres au rythme de la compétition, mon ami me fait faire connaissance d’un jeune officier de la Force Aérienne Belge (nommons-le Dupont-Dupond en le ramenant aux initiales qui font l’affaire [DD], pour brouiller les pistes) ; sans doute un capitaine ou un commandant, assez juvénile et sympathique, du type-tête brûlée/Chevaliers du Ciel, qui nous annonce, d’abord que “le F-16, c’est le Spitfire des années quatre-vingts”, ensuite qu’il quitte l’armée pour un poste intéressant chez GD (General Dynamics, concepteur et producteur du F-16 à Fort-Worth, avant que cette division Fort-Worth lui soit rachetée par Lockheed au début des années 1990). De ce que j’ai deviné de Dupont-Dupond, je suis sûr que l’appréciation du F-16 précéda dans son esprit l’engagement chez GD, et non le contraire, et qu’il alla chez GD comme un gamin achète une maquette convoitée d’un modèle d’avion qu’il juge exceptionnel. Quoi qu’il en soit, et parce qu’il était fidèle en amitié, DD nous reçut ensuite régulièrement, mon ami et moi, chaque semaine dans son bureau de GD à Bruxelles, pour nous laisser lire confidentiellement, s’absentant quelques minutes de ce bureau pour nous y laisser seuls à notre besogne d’espions en herbe, le bulletin interne de GD qui constituait un véritable rapport de renseignement ultrasecret.

(Suite)

Le crépuscule à Nice

  vendredi 15 juillet 2016

A chaque attaque, l’effet grandit avec ses composants, l’horreur, la panique devant cette forme d’agression sanglante, et aussi le doute lui-même qui ressurgit devant toutes les déstructurations chaotiques de notre civilisation, et l’angoisse avec ce doute. L’attaque de Nice dans cette manière absolument barbare et aveugle, pleine de sang, de mort et de symboles terribles, un 14 juillet qui est le jour de la République et aussi des racines de la modernité, ne peut être réduite à la France et a aussitôt un retentissement mondial. L’exemple le plus frappant est celui des USA, puissance habituellement isolée du reste par sa certitude d’elle-même, où les réactions politiques immédiates et très nombreuses ont été à l’égal de ce qu’elles auraient été si un évènement semblable avait frappé les USA, jusqu’à amener un candidat à repousser sa décision de choisir son colistier pour la vice-présidence, et peut-être même à modifier le choix qu’il semblait avoir fait. (Jusqu’à suggérer à l’affligeante et désespérante Clinton l’étrange idée de proposer de renforcer l’OTAN, sans doute pour attaque la Russie.) Cette “globalisation” n’est pas tant celle du terrorisme, même si c’en est la cause apparente, que l’effet de la compréhension le plus souvent inconsciente de la globalité de sa cause profonde.

Il ne semble pas que cette attaque, suivant les autres, à leur rythme et selon des méthodes différentes, soit un simple épisode de plus, quelque sanglant qu’il soit, dans ce qui serait une “guerre contre le terrorisme”. A chaque attaque, l’horreur et la panique engendrant un choc psychologique supplémentaire renforçant nécessairement les interrogations angoissées, un doute crépusculaire, et par conséquent la mise en cause des conditions de vie et des “politiques” qui montrent leur impuissance, conduisent à conclure que cela ne se réduit pas à une “guerre contre le terrorisme” mais qu’il s’agit d’un épisode d’une succession de chocs terribles qui marquent la Crise Générale de notre civilisation et du Système qui l’emprisonne et la nourrit. Qui jusqu’au dernier ne finira par apprendre et admettre, notamment, ce que tout le monde devrait savoir, que Daesh, ou EI, ou ISIS qu’importe, est une pure création de la politique-Système en général, et plus directement de l’action des USA, de la Maison-Blanche elle-même, durant ces quatre dernières années ?

La marque de la guerre contre le terrorisme en général, lorsqu’elle est menée comme elle doit l’être, dans les conditions techniques, psychologiques et morales qu’elle doit susciter, est qu’on s’habitue à cette guerre sans l’ignorer un instant, en vivant autrement, avec le durcissement de la résolution et la maîtrise du comportement dans la lutte, à mesure que cette guerre se développe alors que c’est le contraire qu’on constate aussitôt, une fois de plus avec cette attaque de Nice. Chaque attaque est un paroxysme plein d’une surprise horrifiée de plus, dans l’horreur certes, dans l’ébranlement psychologique sans aucun doute, dans la réalisation consciente ou inconsciente c’est selon de cette vérité-de-situation qu’il y a là un épisode terrible et fatal d’un enchaînement de causes-à-effets où toutes les choses de notre univers tel que nous l’avons fait sont concernées. C’est le contraire d’une “guerre contre le terrorisme” qui se serait déclarée comme cause fondamentale ; c’est une “guerre contre le terrorisme” comme conséquence, qui a été engendrée par notre Crise de Civilisation, et le choc qui nous frappe à chaque fois est celui de l’horreur et de la panique, de notre doute et de notre angoisse devant cette Grande Crise dont nous subissons les effets affreux.

Ode attristée à Bernie Tsipras

  jeudi 14 juillet 2016

On n’en finirait pas de sarcasmer et de sarcastiquer à propos du sort du malheureux, s’époumonant dans une sorte de gelée furieuse faite de sourires forcée et de lyrisme bazaroïde, avec à côté de lui son flic-de-la-pensée, l’étrange et complètement robotisée Hillary qui, on l’a décompté dans une vidéo désormais fameuse, a hoché la tête en signe d’approbation 406 fois durant le discours de sa victime achevée sans pitié, pour souligner les envolées conformes. Spectacle attristant qui m’a gêné plus qu’autre chose, moi qui suis d’une extrême sensibilité dans les instants tragiques.

J’ai éprouvé une grande tristesse et de la compassion pour ce gigantesque acte manqué, pour ce personnage soudain dégonflé comme une baudruche d’après-boire. Les lendemains qui chantent, tu parles... Qui a plus l’air d’un “bouffon”, comme ils disent, lui ou Trump ? Je n’aurais pas la cruauté de répondre, jamais, car l’on respecte et l’on se découvre, la tristesse au cœur, devant une ambulance qui passe au train d’un corbillard.

J’ai bien attendu deux jours après le faire-part de décès avant de m’y mettre. Sans le vouloir, le commentaire du chroniqueur est tombé un 14 juillet ; comme le temps, l’Histoire et la patience font bien les choses de l'écrit. Ce n’est pas pour dire : que le vieux Bernie n’ait eu l’audace de Danton (sans la corruption), que rien n’arrêtât sinon la guillotine de Robespierre qu’il n’aimait point ! Qu’il n’ait adhéré à l’idéologie glacée et impitoyable de Saint-Just, qui offrait le bonheur au monde nouveau comme on conduit ceux du monde ancien à la guillotine ! C’est comme cela qu’on fait les révolutions, avec le résultat qu’on voit, sans avoir froid aux yeux, en repoussant tous les compromis, à-la-Lénine, en se bol-ché-vi-sant...

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The Lady Is A Trump

  mardi 12 juillet 2016

Il suffit de changer une lettre et le standard à la signification ambiguë de 1937 (voyez The Lady Is A Tramp interprété par Lady Gaga et le vieux Tony Bennett, Lady Gaga grande chanteuse presque jazzy), ce standard devient une fable ironique sur un destin qui hésité entre le tragique, le monstrueux, l’ironie grinçante et le dérisoire. “Tramp” signifie “vagabond” et décrit dans la chanson une “Dame” fantasque  peu préoccupée des conventions et qui n’a que mépris pour les richesses affichées (version bienveillante), qui s’avère être aussi bien une “vagabonde”, une “clocharde” comme il y en avait tant à cette époque de désastre économique ; ainsi l’ambiguïté est-elle de faire d’une Lady une vagabonde, et d’une vagabonde une Lady... Avec une seule lettre changée, “Trump” signifie “atout” ou “carte maîtresse”, et c’est aussi le nom que vous savez, et le titre devient tout à fait différent, d’une actualité brûlante puisque l’élection se joue entre une Lady et un Trump, mais d’une signification également très ambigüe. Le destin ne cesse de ricaner.

Hillary (The Lady), en deux petites semaines, pas plus, a inversé le sens des choses de la communication. Depuis lors, en effet, c’est elle qui tient la vedette de la une des médias de la communication, où elle a remplacé l’innommable Donald Trump, ainsi rattrapant le capital de célébrité médiatique qui avait été jusqu’alors la rente de situation de The Donald. On peut alors dire effectivement que The Lady Is A Trump, mais d’une façon bien contradictoire qui mérite sans le moindre doute une explication précise. L’énergie de la communication a changé de camp, mais en même temps le destin lui-même, tout cela faisant de ce champ de la communication qui avait été une route semée de pétales de rose pour la notoriété populiste du Trump, un redoutable champ de mines pour The Lady. Je crois qu’on devrait apprécier ce phénomène comme un double renversement extraordinaire, où Clinton reprend l’avantage de la notoriété et de la communication, mais pour exposer en pleine lumière, chose affreuse, le côté sombre du personnage. (The Lady Is A McBeth.)

L’ironie complexe et à plusieurs faces du destin est que se sont enchaînés dans une séquence rapide deux évènements qui ont été autant de crises, dont Hillary a été l’incontestable vedette, renvoyant Trump à une sobriété et un effacement auxquels il ne nous avait nullement accoutumés. Mais quelle vedette catastrophique !  L’enchaînement s’est fait entre le paroxysme de la crise de l’emailgate et la crise de la fusillade de Dallas qui fait crier à la “guerre raciale”, avec l’expansion générale du mouvement BlackLiveMatters (BLM), dont The Lady est une fervente partisane et une avocate bruyante et affichée.

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L’OTAN atéléologique face au logocrate

  lundi 11 juillet 2016

Le sommet de Varsovie, c’est juré et nous-même, et moi-même, y croyions, devait être le terrible rugissement à la fois de l’aigle (US) et du lion (UK), et du coq (franchouillard), contre l’ours vicieux et horrible. Il n’en fut rien, en aucune façon, sinon du bla-bla de convenance et sans conséquence. La montagne a accouché d’une souris d’une espèce particulière, qui est un peu monstrueuse, qui a des ailes de poisson et des pattes de limace. Je le jure, pour la première fois depuis très, très longtemps,  j’ai écouté en traduction française, l’une et l’autre conférences de presse du dernier en date des SecGen de l’OTAN, désormais formatés au charme fascinant des politiciens gris-souris des petits pays froids du Nord de l’Alliance. Finalement, j’ai retrouvé le texte en anglais (la traduction française étant aussi détestable que le texte original est insipide).

Tout cela était accidentel, certes, puisque je suis convaincu depuis longtemps qu’il n’y a strictement rien à retenir de leurs discours qui sont effectivement vide et sans rapport avec l’essence de quelque pensée que ce soit, mais mon attention avait été attirée par un fragment de texte publié sur Tass le 9 juillet. Je voulais retrouver l’original, parce qu’avec les Russes il y a toujours une entourloupe sous roche, vous savez bien, depuis l’Ukraine-Maidan et Fiodor Dostoïevski on sait bien qu’ils ne savent que mentir ; je l’ai retrouvé, Tass n’avait pas inventé, et d’autre part je me suis saisi au passage d’un autre fragment... Je vais vous présenter les deux choses et, ensuite, je vous donnerai mon interprétation.

Dans les deux cas, il s’agit donc d’interventions du SecGen Soltenberg, dont je vous confirme qu’il est aussi excitant qu’une arapède de la Mer Morte (pour paraphraser très, très librement Rogozine, “pris individuellement, ce sont des [braves] types comme les autres, mis ensemble ils ressemblent à une colonie d’arapèdes de la Mer Morte incarnant le diable, [dont on se doutera qu’il s’agit d’une version assez peu vigoureuse]”). Dans les deux cas, je mets mon grain de poivre noir, en mettant en gras les extraits qui importent à mon propos.

La première porte sur la situation générale de l’OTAN, et du bloc-BAO pris dans sa globalité dialectique, vis-à-vis de la Russie ; elle a lieu, cette intervention de Soltenberg, lors d’une conférence de presse du 9 juillet. « We don’t see any imminent threat against any NATO ally. Russia is neither the strategic partner we tried to, or we are not in a strategic partnership with Russia which we tried to develop after the end of the Cold War but we are neither in a Cold War situation.  We are in a new situation which is different from anything we have experienced before. The dinner yesterday was an informal dinner where leaders were able to discuss in a very frank and open way and the main message from that dinner is that the Alliance is united, that we stand together in our approach based on defence, strong defence and constructive dialogue... » (bla bla bla)...

La seconde, ainsi classée parce qu’elle est moins importante que la première, plus accessoire si l’on veut ; elle porte sur les missiles antimissiles, d’une conférence de presse du 8 juillet, et elle dit ceci : « Today we have decided to declare Initial Operational Capability of the NATO ballistic missile defence system. This means that the US ships based in Spain, the radar in Turkey, and the interceptor site in Romania are now able to work together under NATO command and NATO control. Importantly, the system we are building is entirely defensive. It is designed to shield against attacks from outside the Euro-Atlantic area and represents no threat to Russia’s strategic nuclear deterrent. »

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C’était au temps du Watergate...

  vendredi 08 juillet 2016

La reine-Clinton ne me fait pas penser à Nixon, mais les circonstances, les évènements poussent au souvenir, c’est-à-dire à la comparaison et à la mesure de l’évolution d’un temps qui se contracte, d’une Histoire qui accélère, d’un Système qui hurle de fureur comme un monstre blessé et torturé par la souffrance de l’épouvantable contradiction entre la surpuissance qui affirme son ambition ultime et l’autodestruction qui trace son destin catastrophique....

...J’approchais la trentaine et suivais, haletant, cet énorme et catastrophique série sur la “chute finale” d’un président en général haï par l’establishment mais qu’on jugeait indéboulonnable après une réélection triomphale. Les évènements défilaient, il fallait se tenir comme sur un esquif dans la tempête !... A partir de mai 1973 et quelques démissions tonitruantes, je me rappelle, avec en toile de fond les auditions au Congrès menées par le vieux sénateur sudiste Sam Ervin et transmises jour après jour par la télévision en direct, l’impression écrasante et fascinante que tout le système washingtonien tremblait sur ses bases, qu’une machine s’était irrésistiblement mise en marche. On se disait : quel événement ex-tra-or-di-nai-re, et nous n’en verrons jamais plus de semblable ! Eh bien, non.

Rétrospectivement, combien ces mois endiablés, ces folles semaines me paraissent calmes et, comment dirais-je, “sous contrôle” c’est cela ; les protagonistes restaient aux commandes, y compris les manipulateurs et les comploteurs ; c’est-à-dire que ce désordre qu’était devenu Washington suivait un certain ordre, et que la chose contrôlait ses excès... “Sous contrôle”, exactement, malgré le bruit terrible de cette affaire qui alimenta une des plus graves crises du pouvoir US.

Alors, et malgré le souvenir de la tension formidable du Watergate et des évènements inattendus et imprévus, quelle différence avec ces journées vertigineuses autour de la reine-Clinton ! Et cela, après des semaines et des mois de controverses, et cela qui semble installé pour durer encore, s’amplifier, et déboucher sur on ne sait quoi ! En vérité, la reine semble de moins en moins couronnée, et même indigne de porter une couronne, à mesure qu’elle croit se rapprocher du trône. Le directeur du FBI Comey, convoqué illico presto hier au Congrès, a encore fait une gâterie à la reine en faisant l’hypothèse qu’elle n’était (elle, la reine) peut-être “pas assez sophistiquée” pour distinguer une information secrète (classified) d’une information courante ; “pas assez sophistiquée”, vous imaginez ! Elle, la reine, qui fut dans les quasi-quarante dernières années, femme et maîtresse-femme d’un gouverneur puis d’un président des États-Unis, sénatrice de New York, secrétaire d’État, enrichie à millions, acclamée partout dans le monde, connaissant l’essentiel de ce qu’il faut connaître et en tenant plus d’un par la barbichette avec quelques secrets embarrassants ! Elle, qui a fait de sa “compétence” un argument de feu pour son élection, “pas assez sophistiquée” ! Mais quoi, il fallait bien que Comey, pour répondre aux questions des parlementaires en majesté, émette une hypothèse qui lui évite justement d’aller sur le fond ; et, par le fait même, il met à nu encore plus visiblement qu’il n’a fait les soupçons, voire même les vides insoupçonnés de la forme même du comportement de la reine, de ce qui charpente sa superbe et son arrogance. Les républicains ont même lancé un projet de loi qui interdirait l’accès aux informations classified à la candidate Clinton, jusqu’à l’élection de novembre ; et pourquoi pas, si elle est élue, après son élection, une nouvelle loi qui en ferait une présidente interdite de “documents secrets” ? Mais non, c’est une plaisanterie cela, puisqu’un président, une présidente peut tout... Alors, on se rabattrait bien sur une procédure de destitution, qu’on commencerait à préparer dès le lendemain de son élection, si elle est élue la reine, s’il lui reste encore quelque chose des débris de sa royale ambition le 8 novembre prochain, si les États-Unis ont tenu le coup jusque-là dans leur unité bien connue, leur ordre et leur respect absolument enthousiaste des choses de la Loi.

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Humeur de crise-18

  mercredi 06 juillet 2016

Cela pourrait s’appeler la “révolte des zombies-Système”, ou « It’s Time for the Elites to Rise Up Against the Ignorant Masses » comme le proclame Mr. James Traub, dans Foreign Policy le 28 juin. Le cas du FBI versus Clinton, dont le directeur annonce que, “oui elle a effectivement mis en danger la sécurité nationale, mais non nous ne l’inculpons pas parce que c’est elle...”, – le cas est donc époustouflant et ne nous déçoit pas. Comme l’écrit ZeroHedge.com après avoir réuni un certain nombre de témoignages d’anciens procureurs et anciens officiers du FBI disant que le FBI devait inculper Hillary, « peut-être est-ce l’ancien ministre de la Justice Eric Holder qui l’a dit le mieux lorsqu’il avait expliqué que son département refusait d’inculper ceux [les banksters de Wall Street] qu’il estimait “trop importants pour être inculpés” [‘too big to prosecute’] : “Si vous les inculpez, il y aura des effets très négatifs sur l’économie nationale, peut-être sur l’économie mondiale”... Et hop, juste comme ça, Hillary est ‘trop importante’, dans tous les cas pour ses nombreux donateurs de Wall Street. »

J’ai l’humeur-de-crise joyeuse, parce qu’après les péripéties des derniers jours (à quoi vous ajouterez qu’Hillary aurait promis au ministre de la Justice d’Obama, Loretta Lynch, de rester à son poste si elle était élue), c’est tellement énorme, superbe, grotesque que cela procure évidemment un moment de joie. On en jugera dans ce sens d’autant plus que l’attitude du directeur du FBI Comey est plus qu’ambiguë. Cette attitude pourrait être prise comme la considération que, par prudence pour la sécurité de sa propre position par rapport aux recommandations-pressions de sa hiérarchie, il n’inculpe pas ; mais que, pour se couvrir lui-même, il constate sa complète et paradoxalement criminelle irresponsabilité (“extremely careless”) en même temps qu’il confirme que des pays étrangers ont eu accès à la réserve personnelle du matériel Clinton avec conséquences possibles et préoccupantes (chantage, pressions sur la possible-future présiodente).

Humeur-de-crise joyeuse parce que le blanchiment express d’Hillary réalisé avec une lessive de très mauvaise qualité confirme à quel degré de panique se trouve le Système. Ambiance électrique garantie pour les prochaines heures, jours, semaines, mois... Le Système a riposté comme s’il était acculé, avec la très grosse artillerie mais en laissant traîner diverses bombes à retardement. Il a aussi montré, sans surprise, ses divisions, ses contradictions, ses antagonismes. Les républicains ont convoqué le directeur Comey la semaine prochain devant le Congrès, pour l’interroger durement parce que, pour blanchir la reine-Clinton, il faut entrer dans son propre royaume du mensonge. La vidéo qui en fait foi, – seule vérité en ce royaume, – en confrontant les constats de Comey et les déclarations mensongères  d’Hillary pendant trois ans doit devenir une vedette de l’internet. On pourra mesurer l’exceptionnelle conviction mise par Clinton dans l’affirmation de ses mensonges, c’est-à-dire l’incontestable vérité du mensonge chez elle.

La soirée ne fut ni perdue ni amère. Même si elle n’est pas inculpée, la reine est nue, – en tout bien tout honneur. Le dénouement n’en est pas un parce qu’il ouvre la porte à un épouvantable chaos d’accusations, d’attaques, de polémiques, où le caractère même de la reine sera l’enjeu de la bataille, et son caractère est bien ce qui constitue la faiblesse ultime de Clinton, là où se révèlent des vérités-de-situation. Le Système va se déchirer à belles dents, avec une fureur renouvelée. The Donald, s’il reste ce qu’il a été, devrait en faire ses choux-gras. Mon humeur-de-crise est toute à cette joie de mesurer une fois de plus combien il n’y a pire ennemi du Système que le Système lui-même. L’“insurrection des élites” a bien lieu, mais disons tentativement et de façon piètrement rhétorique car ne s’insurge pas qui veut : pour cela, il faut être victime d’injustice, de mensonges, de malveillance et d’oppression. Les élites n’ont rien de tout cela ; ce sont de pauvres hères chargés de privilèges, zombies-Systèmes d'infortune et souvent fortunés, et ainsi sans cause pour s’insurger.

Le sapiens-sous-tension, ou sapiens-tension

  samedi 02 juillet 2016

L’on me dit, et je le crois volontiers car je connais bien mes sources, que l’atmosphère est, depuis le Brexit , au sein de l’UE (direction, bureaucratie, États-membres en réunion), de la sorte qu’on nomme “crise de nerfs à répétition” (“19th Nervous Breakdown” nous renseignent obligeamment les Rolling Stones). La première réunion post-Brexit du Collège des Commissaires (Commission, sous présidence Juncker) fut extrêmement agitée. “On en est presque venu aux mains”, dit une de mes sources absolument loyale et parfaitement informée. Deux ou trois Commissaires, dont sans doute le slovaque (pas d’autres précisions) se levèrent et désignèrent Juncker avec fureur et un manque notable de respect pour une Excellence de cette sorte si exceptionnelle, réclamant sa démission immédiate. D’autres intervinrent à leur tour, protestant contre cette attitude agressive contre la susdite Excellence. La tension et le désordre furent extraordinaires, selon le reproche adressé à Juncker par les premiers désignés de n’avoir pas fait ce qu’il fallait, notamment lors des négociations, pour donner assez d’arguments à Cameron pendant le référendum, et ainsi d'avoir précipité le Brexit.

Une scène assez similaire eut lieu le soir du premier jour du sommet, lors du dîner informel des chefs d’État et de gouvernement, lorsque le président polonais agressa rudement le président de l’UE, également Polonais puisque Donald Tusk, l’accusant également de n’avoir pas fait assez (bis) pour les Britanniques, pour éviter le Brexit. L’accusation générale, pour les deux cas, est que l’attitude rigide des dirigeants de l’UE, leur manque de doigté et de finesse, leur arrogance, conduisent à des situations de tension et de rupture dont le Brexit est l’un des enfants les plus remarquables jusqu’ici.

Cette atmosphère de fureur, de frustration, de découragement, etc., règne partout dans les institutions européennes et dans tout ce qui est européen-Système. Cela contraste singulièrement avec l’affichage bon entant, satisfait et optimiste, qui marqua le comportement public de tous ces zombies-Système, en marge de ces réunions. (Justement, ce climat qui m’avait tant affecté, que je présentai dans la précédente page de ce Journal-dde.crisis, sous cette forme : « J’ai ainsi pu faire un tour d’horizon autorisé, selon les normes en cours, de la situation post-Brexit. L’impression laissée par ces réunions de Bruxelles, toutes excellences confondues, a été tonique et volontariste : certes nous traversons une phase délicate et nous ignorons encore les modalités du divorce, mais quelle occasion superbe de “relancer Europe”, non, même de “construire l’Europe”. »)

Bien entendu, tout cela n’est que pour introduire le sujet principal de cette page, un exemple courant du temps de crise qui va, mais un exemple qui n’est pas sans intérêt. Cette description de la crise de nerfs multiple de l’UE à l’occasion du Brexit illustre un paroxysme parmi d'autres d’une tension permanente qui règne dans ces organisations, essentiellement à cause de la dualité que le Système impose à ses zombies-Système, parce que zombies certes mais pas moins sapiens, et appliquant avec rigueur et zèle (lobe-Système de leur cerveau) une politique que la partie sapiens d’eux-mêmes (lobe-presque-antiSystème de leur cerveau) considère dans certains instants de lucidité avec angoisse et horreur. (Cela n’est pas une narrative de mon cru : j’ai dans l’esprit des exemples quotidiens de cette attitude double, là aussi provenant de la meilleure source du monde, vous pouvez me croire.)

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La guerre pour la vérité du monde

  mercredi 29 juin 2016

J’ai regardé hier soir, fait rarissime, tel ou tel JT sur les rencontres européennes. (Qu’importe la chaîne, ils sont tous les mêmes, comme le goût uniforme et sans goût de la viande hachée obtenue de ces usines à vaches qui existent aujourd’hui dans nos pseudo-campagnes, ces exploitations où il y a mille vaches et bientôt plus alignées en rang d’oignon, gavées mécaniquement, dans quelque lieu industrieux choisi ironiquement sur le Plateau des Millevaches.) J’ai ainsi pu faire un tour d’horizon autorisé, selon les normes en cours, de la situation post-Brexit. L’impression laissée par ces réunions de Bruxelles, toutes excellences confondues, a été tonique et volontariste : certes nous traversons une phase délicate et nous ignorons encore les modalités du divorce, mais quelle occasion superbe de “relancer Europe”, non, même de “construire l’Europe”. Il y avait un air du refrain “du passé faisons table rase” bien que ce fût leur passé à eux, et l’on jettera par conséquent le bébé britannique avec l’eau du bain ; ainsi, nous serons en bien meilleure posture pour réaliser ce qui doit l’être.

Comparant cette impression générale avec l’atmosphère qui émane de cette autre sphère à laquelle s’alimente dedefensa.org pour écrire ses articles, et notamment pour le cas le plus proche de nous et de ces réunions européennes, le contraste ne pouvait que saisir, presque prendre à la gorge pour forcer à l’angoisse, et dans quelque instant terrible, jusqu’au doute de soi-même. Il faut combattre cette angoisse, dissiper ce doute en un combat sauvage et tout intérieur, – en sachant que ce n’est qu’une bataille, et que bientôt la même bataille sera à livrer à nouveau, puis une autre ensuite, puis une autre encore, jusqu’à ce que le Ciel et notre destin tranchent enfin.

Il m’a fallu quelques heures et une courte nuit pour accomplir la besogne (écarter le doute toujours aux aguets). Ce qui m’avait été suggéré ici et là par une observation que je faisais, une remarque et une plaisanterie échangées avec un ami qui a  les mêmes intérêts de l’esprit que moi, se transforma en une conviction retrouvée ce matin, qui se trouve d’ailleurs à peine entre les lignes dans tous les articles du site... Nous ne sommes pas dans le même monde ni sur la même planète ; mais non, plus encore, plus décisivement, plus massivement, plus brutalement et eschatologiquement : ce n’est pas la même réalité, ils (les excellences européennes) ont la leur, j’ai (avec tant d’autres) la mienne... Enfin, tout cela pour confirmer et retrouver d’une façon opérationnelle le fondement de cette position qui ne cesse de se renforcer, de se documenter et de se structurer en moi depuis deux ans au moins (depuis la crise ukrainienne), qui est le constat qu’il est nécessaire, à chaque occasion, de réaffirmer pour retrouver la  conviction vitale que la réalité n’existe plus, qu’elle (la réalité) est devenue l’enjeu sans fin de toutes nos batailles jusqu’au terme de cette guerre finale. Par conséquent, l’essentiel au départ de cette conviction n’est pas que “deux réalités s’affrontent” mais bien que “la réalité n’existe plus”. Cela rejoint le fondement des Glossaire.dde sur le déterminisme-narrativiste et, surtout pour ce cas, sur la vérité-de-situation. Voilà un passage qui résume l’idée, à partir d’une analyse reprenant les évènements depuis 9/11 :

« Il ne fait aucun doute à nos yeux, – si l’on ose dire, – que ce processus représente une véritable entreprise réussie de destruction du concept de la réalité, par conséquent une révolution cognitive qui ne peut avoir aucun  précédent par définition puisqu’avant d’être détruite la réalité existait. Ainsi 9/11 et tout ce qui l’accompagne, et notamment l’installation sur le trône de la puissance suprême du système de la communication, représentent une révolution également sans précédent, échappant complètement aux domaines de la politique, de la stratégie, de la géopolitique, de la culture, etc., pour rejoindre le domaine de l’essence même du monde qui est ainsi modifiée. »

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L’irrésistible fascination du Texit

  dimanche 26 juin 2016

La psychologie de l’américanisme, ou simplement psychologie américaine dans ce cas, a-t-elle découvert que l’Europe existe pour se rappeler d’un même élan que la sécession existe pour les USA ? Question pour un psychanalyste... Ou bien pour un chroniqueur ; ou bien mieux encore, pour un chroniqueur qui se fait psychanalyste parce qu’un psychanalyste courant ne prendrait évidemment pas (encore) la chose au sérieux. Moi, elle m’apparaît sérieuse, parce que si conforme à cette psychologie américaine. Je dis bien “psychologie américaine” dans ce cas parce que le phénomène dont je veux vous entretenir ici est “dissident” en soi, donc que l’américanisme, chose qui est “au Système” comme l’on appartient à son maître, se refuse absolument à seulement évoquer ce phénomène ; il se soumet, comme fait la presse-Système US, à cette incroyable autocensure qui s’exerce aujourd’hui, qui éclipse en force toutes les censures totalitaires dont l’Histoire nous a montré l’existence.

(Les faits qui m’ont alerté, en trois jours depuis le Brexit, n’existent pas vraiment selon la narrative-Système ; quasi-silence complice, quelques mots condescendants, petit sourire nerveux, rire jaunasse, tout cela n’est pas sérieux cher ami-prenez-un-autre-verre-les-petits-fours-sont-délicieux... Le Système et ses zombies vivent dans les temps actuels sous dose massive de Prozac-déni, catégorie particulière du produit : euphorie forcée de l’expectoration continuelle par vomissements d’une vérité-de-situation dont ils espèrent montrer le non-être en la vomissant, avec le Royaume-Uni en lambeaux, ses bouseux anti-UE, sa xénophobie insupportable parce qu’ils n’embrassent pas les migrants ; Prozac-déni, vomissements, Prozac-déni, vomissements, ainsi va le zombie-Système dans ces jours galopants dont le sens lui est complètement alien, et la non-ontologie évidente. Rame, zombie, rame, tandis que l’on déplace les transats sur le pont du Titanic.)

D’abord, cet article de Ryan McMaken, de The Mises Institute du 24 juin, repris par ZeroHedge.com, signalé sur ce site le 25 juin. En un mot : l’Ecosse prépare une nouvelle procédure de sécession du Royaume-Uni suite au Brexit, voilà qui constitue un excellent modèle pour le Texas vis-à-vis des USA ; nommons cela Texit. Puis un article de ZeroHedlge.com le 26 juin, signalant un formidable intérêt dans les réseaux pour l’idée, dans le genre extrêmement affirmatif : « Calls For Texas Independence Surge After Brexit Vote. » Il s’agit simplement du constat de l’intérêt du citoyen-internet US pour le mot et l’idée, disons pour le concept-Texit pour faire sérieux... J’ai une estime particulière pour cette sorte de “sondage”, qui ne témoigne pas de la progression d’un jugement mais de l’ouverture soudaine de la psychologie au concept, et donc à la possibilité effective et soudain complètement réaliste de la chose :

« As Vocativ reports, the site analyzed the use of “Texit” since the beginning of 2016, and found that the phrase exploded when the Brexit results were announced, as more than 5,800 people on Twitter used the phrase, a five-fold increase from the day before. 1,745 people tweeted about Texit between 7am - 8am London time, the hour when the final results were announced. [...] According to Vocativ, the largest group advocating for secession is the Texas Nationalist Movement (TNM), which has been promoting its own version of Brexit called “Texit” over the past several weeks. “The vast majority of the laws, rules and regulations that affect the people of Texas are created by the political class or unelected bureaucrats in Washington,” said Daniel Miller, president of TNM. »

Là-dessus, le bulldozer, The Donald soi-même. (Lequel entretient l’opinion originale et point du tout dépourvue de bon sens que “Poutine et moi-même” sont les deux grands bénéficiaires, – les vainqueurs, en un sens, du Brexit.) Interrogé sur ces “bruits” de Texit, Trump répond droitement que cela n’arrivera pas (la sécession du Texas) parce que “le Texas m’adore” (terme amoureux : “because ‘Texas loves me’”.) Précision intéressante : “Le Texas ne fera jamais cela si je suis président”. The Donald s’institue donc comme le garant de l’unité des USA. (Inutile de vous demander ce qu’il arriverait si, par extraordinaire, Hillary-la-puante [notre traduction à moi de “Crooked-Hillary”] était élue...)

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Humeur (Brexit) de crise–17

  vendredi 24 juin 2016

La première fois que j’ai consulté les résultats dans cette journée, à 03H25, c’était, – ô surprise pour moi qui ne suis pas du tout un optimiste contrairement à ce qu’on croit parfois, – 54% pour Leave (1.305.353) et 46% pour Remain (1.126.815), avec 341 sur 382 centres de vote devant encore donner leurs résultats, soit autour de 12-13% de dépouillement... Puis, à 03H38, 49% Leave (2.172.573) 51% Remain (2.678.628), 316 sur 382 (oui, la fortune vacilla un instant)... Puis, à 04H32, 50,2% Leave (4.185.849), 49,8% Remain (4.149.554), 260 sur 382... Puis à 05H50, 52% Leave (12.698.977), 48% Remain (11.855.653), 78 sur 382 ... My God et malgré les hoquets, “si ça continue comme ça est-ce à dire, me dis-je gravement, que les Anglais seraient de parfaits Européens et qu’ils serviraient encore à quelque chose ?”. Le Guardian titre tristement, à la même heure, infortune faite semble-t-il pour lui : « EU referendum results: Farage declares ‘independence day’ as UK votes to leave– live »... Puis, à 07H20, 52% Leave (16.992.701), 48% Remain, (15.812.753), 5 sur 382...

My God, cela semble bien être dit et quelle leçon ! Les Anglais sont donc de parfaits Européens, finalement je confirme...

Hier soir, il y avait des débats sur les TV bienpensantes et à la pointe de l’intelligence, bien entendu opposant des gens d’accord sur le fond, c’est-à-dire les habituels débatteurs-Système. On fermait partout les écoutilles pour annoncer que cette mise en cause de l’UE par le fait même du référendum impliquerait un nouvel élan d’intégration et de fédéralisation, quel que soit le résultat, avec ou sans les Britts. Tout le monde en convenait, à peine in petto, exactement comme vient de dire le président de la république allemande, déclarant fameusement que, voyez-vous, « les élites ne sont pas le problème pour le moment, ce sont les populations qui sont le problème »... Bien entendu, les galopins d’Infowars.com qui ont relayé cette déclaration, ont mis en ligne un DVD où l’on se réfère inévitablement à Brecht qui, après les émeutes de juin 1953 à Berlin-Est, suggérait que le Parti dissolve le peuple et en désigne un autre séance tenante.

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes », dit tout aussi fameusement Bossuet. C’est dire s’Il a devant Lui des moments d’intenses réjouissances. Nous, – c’est-à-dire nous, les-élites-qui-ne-sommes-pas-le-problème-aujourd’hui, – nous allons accélérer, accroître, renforcer de toutes les façons possibles ce qui entraîne toutes les catastrophes qu’on connaît en Europe aujourd’hui. Le Brexit avait fait son office avant que de donner ses résultats, – quels qu’ils soient. “Attaquons, attaquons comme la lune”, “Un con ça ose tout...” et “l’on ne change pas une équipe qui perd” sont parmi les lieux communs qui figurent dans notre arsenal pour cette contre-offensive fougueuse. J’ai avisé Dieu que je suis de Ses festivités, et que, finalement, je rirai grandement à Son côté. On dit que Dante Alighieri sortirait pour l’occasion une version mise à jour, assez postmoderne, de son grand thriller-médiéval & Fantasy, en changeant le titre ; ce serait désormais La Divine Rigolade.

Une supplique, sans nul doute...

  jeudi 23 juin 2016

Poutine... Est-ce un homme pressé par sa “droite” (les nationalistes, ultras, communistes, etc., les militaires, les “Organes”) ou bien est-ce un homme qui croit lui-même au danger qu’il décrit ? Les deux sans doute, se combinant, car finalement la conviction est partagée même si les positions sur les mesures à prendre divergent sans doute. Ce qu’il y a d’impressionnant dans cette vidéo que nous signalait monsieur Frédéric Lagoanere dans son message du 22 mai dans le Forum du texte du 21 mai, c’est sans aucun doute la conviction de l’homme ; sa fièvre insistante qui baigne le calme habituel, presque monocorde, de sa voix, avec en toile de fond de cette intervention, ceci comme une supplique s’adressant aux journalistes qui l’entourent : “Mais ne comprenez-vous donc pas ce qui se passe ? Si cela continue, ne comprenez-vous donc pas nous allons être obligés de ‘riposter’, de frapper contre cette épée de Damoclès qu’ils sont en train d’installer au-dessus de nos moyens stratégiques fondamentaux ?” Une supplique, sans nul doute...

Normalement, un tel texte aurait bien pu sinon du figurer dans les rubriques habituelles du site plutôt que dans ce Journal-dde.crisis où intervient le “je” du commentaire personnel, nécessairement subjectif de forme alors que le sujet semble devoir relever du commentaire plus impersonnel qu’on trouve dans ces rubriques. La cause en est qu’il faut, à mon sens, regarder et écouter ces 93 secondes, avec une psychologie aiguisée et particulièrement sensibles aux intonations, aux mimiques, à la fermeté du phrasé, à tout ce qui nous parle de la situation secrète d’un être qui occupe une fonction de haute responsabilité, qui s’exprime en public, qui doit mesurer ses mots, parce que ce qu’il nous dit ne peut se comprendre que si l’on saisit la pensée profonde que nous suggèrent tous ces caractères qui transgressent les limites habituelles de la communication politique.

Le cas est simplement et précisément réglé. Les autres, – OTAN, USA, bloc-BAO, ce qu’il vous plaira, – ont installé leur première base dite d’anti-missiles (BMDE) en Roumanie, qui constitue en fait une adaptation terrestre du système général AEGIS monté sur les frégates de l’US Navy destinées à cet emploi. L’argument initial, qui relève d’une pensée-Disney (la menace iranienne) est balayée d’un revers de mot : n’en parlons plus, cet argument-bouffe ne vaut rien d’autre que le silence et l’oubli. Le fait est que les batteries installées utilisent des conteneurs, ou “capsules”, qui ne permettent pas d’identifier le type de missiles. Il est acquis que le type de “capsules” utilisé permet de disposer notamment de cruise missiles offensifs sol-sol Tomahawk comme de missiles sol-air défensifs Standard, les Tomahawk avec des versions de 500 km de portée, sinon 1.000, voire au-delà, et équipées d’on de ne sait quelle tête, ce qui implique une menace d’attaque directe et par surprise, y compris nucléaire, contre des éléments-clef de la dissuasion nucléaire russe. De toutes les façons, cette proximité (Roumanie, Pologne bientôt, quasiment sur la frontière russe) est intenable sur le terme, évidemment lorsqu’elle porte sur cette incertitude.

Si l’on veut, c’est la dissuasion retournée, c’est-à-dire invertie comme toutes choses dans notre époque : la dissuasion, c’est la défenseur, l’attaqué qui fait planer l’incertitude et rend la décision d’attaque quasi-impossible à cause du risque : comment ripostera-t-il, quels dégâts inacceptables infligera-t-il à l’attaquant ? Dans notre cas, c’est le défenseur qui subit l’incertitude et doit prendre la décision absolument insensée par rapport à la logique de la dissuasion d’être à un moment ou l’autre le premier à “riposter” à une attaque qui n’a pas encore eu lieu, parce que cette attaque menace de se déclencher par surprise et de le priver de tous ses moyens ... La sécurité maximale que fournit la dissuasion est transformée en insécurité maximale. C’est la crise de Cuba en bien pire, parce que débarrassée de tout argument préliminaire apportant des nuances extrêmement rationnelles, qui sont des bases de discussion, dans l’intentionnalité potentielle d’attaque à très courte distance (parce que la défense de Cuba pouvait justifier d’armer Cuba, parce que les Russes, en plaçant des missile nucléaires à moyenne portée proche des USA, pouvaient juger qu’ils ripostaient au déploiement, quatre ans auparavant de missiles nucléaires US à moyenne portée Jupiter en Turquie).

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Suicides & paraboles

  mardi 21 juin 2016

Pour ce premier jour sinistre de l’été (ici, en Belgique, pays européen exemplaire où triomphe le chicon, ou endive), je m’arrête à une obsession qui m’accompagne depuis plusieurs années et qui pourrait se comprendre comme une parabole de notre destin planétaire et globalisé. (Je la désigne comme “obsession” mais elle n’est nullement, cette chose, obsessionnelle dans le sens d’une présence constante, qui vous étouffe, qui mobilise l’esprit pour une cause incertaine ; plutôt une obsession épisodique, énigmatique et pas antipathique, et finalement qui ne m’obsède que lorsque l’esprit est libre et ne pense plus à rien, dans ces instants où le vide de l’esprit permet de se revivifier en suivant des sentiers de traverse.) Son origine se perd dans la nuit de ma mémoire, et je ne peux en dire l’origine ; est-ce un livre que j’ai lu, est-ce une idée que j’ai eue pour un livre du temps où je préférais les romans aux essais, est-ce un rêve ou quoi encore ?... Peu importe, ce n’est pas ici le cas d’une recherche en paternité, mais bien le récit de cette obsession d’une discrétion aimable : le récit d’un personnage (disons un homme, sans y voir de parti-pris, et disons peut-être moi-même puisque l’identification s’est faite, mais sans aucune garantie ni certitude, plutôt par commodité de la représentation et comme désincarné) ; un personnage qui se suicide, qui en réchappe d’une façon miraculeuse, qui se rappelle de tout ce qui fut sa vie jusqu’au coup de feu, sauf de la réponse à cette question pourtant d’une réelle importance : “Pourquoi ai-je voulu me suicider ?”...

Je précise encore, pour accentuer l’amabilité de la chose, que l’un des aspects les plus étonnants de cette pensée obsessionnelle, et bien que le personnage se soit transformé en “moi” comme je l’ai dit, c’est l’absence de toute tension, soit d’angoisse ou de désespoir, presque comme un récit lissé de tout sentiment, et pourtant nullement inhumain... Ou bien est-ce qu’on désignerait comme “inhumain” un certain sentiment de sérénité hors du temps, une sorte de sagesse ironique, ou bien comme une distance des choses temporelles et matérielles ? L’on ressent bien ce que je veux dire, j’en suis sûr...

Tout cela s’est précisé au cours du temps, si bien que l’obsession a pris la forme d’un récit de plus en plus élaboré dans mon esprit, qui s’est intégré dans ma vie courante dans des lieux de connaissance, avec l’un ou l’autre compagnon, et tout cela effectivement dans le plus grand apaisement. Hier soir encore, alors que je m’étais couché, le récit s’est encore précisé, et il a fallu que je prenne des notes rapides en me promettant d’en faire une page de ce Journal dde.crisis. (C’est à ce moment que je me suis dis que cela pouvait représenter une parabole, à la fois de mon travail, à la fois de la situation que nous vivons, sans savoir précisément dans quel sens, – et je laisse ce sujet ouvert à ce point, avec peut-être la possibilité qu’au fil de la plume, en écrivant ce que j’écris, je trouve une réponse moins obscure, disons en clair-obscur, sur le fait de savoir de quelle parabole il s’agit.)

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Mon 18-juin

  dimanche 19 juin 2016

19 juin 2016 – Hier, dans la seizième Humeur de crise, je rappelais un passage du discours de Malraux de décembre 1964 en précisant qu’il était extrait d’un film :

« Voyant ce passage du discours de Malraux qui s’écoute autant avec les yeux de l’âme tragique et poétique, dans un film documentaire splendide, très récemment diffusé et dont je reparlerai très vite... ». C’était une façon de saluer le 18 juin, et saluer “mon 18-juin” un jour plus tard, le 19, a également un sens.

Je m’explique et qu’importe s’il ne s’agit que d’un rapport chronologique, mais cela est peut-être également un signe... Il y a une certaine logique pour dedefensa.org, et donc pour moi, de faire “mon 18 juin” le 19 juin, ou “19 courant...” qui est devenu un des thèmes du site. C’est exactement ce qu’il était écrit dans un article du 19 octobre 2011 où le site lançait sa formule de donation mensuelle selon un code qui nous est propre, et qui était succinctement résumé de la sorte :

« Pour l’immédiat, que faire sinon renouveler l’opération d’il y a un mois, qui devient ainsi presque structurellement notre “appel du 19 courant”. Après tout et en désespoir de cause, et tant qu’elle tiendra, arrivera-t-on peut-être à cette formule répétitive. Il y a l'appel du 18 juin, peut-être y aura-t-il “l’appel du 19 courant”... »

Le film donc... Au premier rendez-vous de la résistance a été présenté le 8 juin sur la chaîne Histoire, précédé d’une émission Historiquement Show le 3 juin consacrée à la période 1940-1945 (résistance et collaboration), et notamment à ce film de Luc Detoo présenté par l’historien Francis Hughenin. Le film est une étrange et glaciale démonstration a contrario de la sorte d’univers où nous vivons, enfermés dans des conventions et des convenances, l’esprit animé d’une superbe liberté pour s’élancer dans les champs sans fin des lieux communs et des clichés, chevauchant l’ivresse du conformisme qui se proclame vérité de soi. Le film ne démontre pas, il montre simplement que la résistance, à ses extrêmes débuts, lorsque parlait la patriotisme le plus pur, lorsque s’exprimait la foi la plus intense, venait de la partie politique de la nation française qu’on n’a cessé depuis de reléguer sur les bancs de l’infamie, celui de la collaboration, de la trahison, de l’“intelligence avec l’ennemi”. Nous vivons sur l’image d’Epinal absolument inversé, et l’on se demande bien ce qui a changé depuis.

« La gauche résistante, la droite collabo, il faut vraiment mettre tout ça à la poubelle et revoir toute la période », dit Stéphane Courtois en commentaire du film documentaire de Detoo.

Parmi les quatre premiers envoyés de De Gaulle en France pour organiser les premiers réseaux de la résistance, il y avait deux Cagoulards, un maurassien et un royaliste ; les premiers chefs et héros de la France Libre, Rémy, Maurice Duclos, Pierre Fourcault, Honoré d’Estienne d’Orves (les quatre envoyés), Daniel Cordier qui croyait qu’il retrouverait Maurras à Londres le 17 juin 1940, Loustanau Lacau et Marie-Madeleine Fourcade, Renouvin, Henry Frenay fondateur du premier grand réseau (Combat), ils étaient tous royalistes, conservateurs et catholiques, maurassiens ; de Gaulle lui-même était de cette école, et, avec lui, le plus grand chef militaire de la France Libre, le royaliste Philippe de Hautecloque, dit Leclerc... Et ainsi de suite, et autant pour la “théorie des deux France”, l’une vertueuse et de gauche, l’autre haïssable et de droite. Les maurassiens furent les plus constants adversaires de l’Allemagne durant l’entre-deux-guerres, ne cessant de dénoncer le réarmement, les perspectives de volonté de puissance de Hitler...

(Suite)

Humeur de crise-16

  samedi 18 juin 2016

Quel feu plus ardent pour ranimer nos mémoires de ce jour que le discours de cette soirée glacée de décembre 1964, avec la voix au lyrisme à la fois ample et étrangement brisé d’André Malraux, résonnant comme un roulement funèbre et enfiévré tout ensemble dans le vent mauvais de l’hiver, devant le catafalque où reposaient les cendres de Jean Moulin sur le point d’être installées au Panthéon. A peu près au milieu de son oraison, Malraux rend compte de ceci : « Qui donc sait encore ce qu’il fallut d’acharnement pour parler le même langage à des instituteurs radicaux ou réactionnaires, à des officiers réactionnaires ou libéraux, à des trotskistes ou des communistes rentrés de Moscou, tous promis à la même délivrance ou à la même prison... Ce qu’il fallut de rigueur à un ami de la république espagnole et à un préfet radical chassé de Vichy pour exiger d’accueillir dans le combat tel rescapé de la Cagoule... »

Ainsi se constitue une résistance, la Résistance, lorsque l’ennemi commun s’est déployé dans toute sa cruauté et son impitoyabilité. Voyant ce passage du discours de Malraux qui s’écoute autant avec les yeux de l’âme tragique et poétique, dans un film documentaire splendide, très récemment diffusé et dont je reparlerai très vite, je songeai qu’un problème assez similaire se pose aujourd’hui pour rassembler dans une résistance commune, – notre Résistance, – tous ceux que l’on nomme sur ce site les antiSystème. Une fois que l’“ennemi principal”, l’Ennemi Unique, l’Ennemi Ontologique qui est l’Ennemi Diabolique, a dévoilé sa face hideuse, cette tâche s’impose d’elle-même et chacun y est confronté.

Plus encore, je songeai à cette sorte de remarques qui fait aussi partie de notre crise générale, qui en est même devenu le cœur, dans certains commentaires, réflexions, ici et là, et notamment sur le site. Je pense précisément à ceux qui ont accompagné des textes récents sur les relations entre Israël et la Russie. On comprend bien que si j’écris cela, c’est avec dans l’esprit le goût, – non, le devoir d’y revenir bientôt. A bientôt, donc.