Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
J’ai remarqué pour mon compte et, j'en fais l'hypothèse, pour ceux qui sont sensibles aux formidables évènements en cours et refusent l’atonie à cet égard qu’il existe depuis un certain temps, je dirais à peu près depuis le début de la crise ukrainienne, une sorte de courbe en sinusoïde concernant la perception de l’évolution crisique, avec des hauts de paroxysme et une excitation intellectuelle avec parfois de l’exaltation, et des bas à la fois dépressifs et désenchantés. (Je parle de la Grande Crise, autant que des multiples crises qui la composent, formant un tissu, une infrastructure crisique qui font que la vie internationale n’est faite que de crises qui constituent la Grande Crise hors de quoi rien n’existe plus.) Par conséquent, cette “courbe” ne concerne qu’accessoirement les crises (intensité ou non, nouvelle crise, etc.) et essentiellement la psychologie et sa perception. Certes une nouvelle crise, ou une nouveau “départ de crise” peut provoquer le passage au mode paroxystique (l’intervention russe en Syrie fin septembre 2015, par exemple), mais la montée paroxystique d’une crise peut provoquer l’effet inverse... C’est le cas actuellement, avec la crise financière en développement, qui semble monter vers la fusion depuis le début de l’année, avec d’autres crises en pleine arborescence, sans que la perception soit pour l’instant vers le paroxysme.
Il est remarquable que le lectorat de dedefensa.org semblerait suivre cette sinusoïde, avec des variations moyennes jusqu’à 25% vers le haut ou vers le bas correspondant. L’intérêt des lecteurs, comme je le perçois au travers de leurs réactions, est à mesure. C’est ainsi qu’effectivement, depuis la fin décembre et les vacances des “fêtes”, l’excitation intellectuelle qui existait en novembre-décembre n’a pas reparu, encore une fois malgré ces bruits extrêmement forts de possibilité d’un “super-9/15” (une super crise de l’automne 2008) et du reste. L’impression que j’en garderais ne concerne nullement, ni l’effet de l’information ni le travail de la raison, comme par exemple l’usure du fait des catastrophes annoncées qui ne se produisent pas conduisant à un verdict de nullité par la raison ; mais plutôt une véritable humeur de la psychologie, avec ses phases d’exaltation et ses phases de désenchantement, restant dans le domaine de la cyclothymie qui concerne une variation extrême de l’humeur sans sombrer dans la pathologie maniaco-dépressive.
Bien qu’étant moi-même “victime” de ce processus, et “victime de choix”, je ne vois pas cela comme un handicap mais bien comme une sorte de protection qui permet d’éviter l’extrême de l’enfermement dans le paroxysme jusqu’à l’hystérie qui vous emporte jusqu’aux confins de la folie, ou dans l’abysse de la seule dépression morbide d’où l’on ne revient pas. On pourrait presque parler d’une tactique de résilience de la psychologie. Pour résister à cette période crisique sans précédent, la psychologie est comme un joueur de football qui drible, passant les obstacles en évoluant latéralement et en évitant toujours la confrontation directe avec l’adversaire face à lui. Elle ne s’épuise pas, elle ruse, elle se défile pour s’accorder un répit, elle profite temporairement d’une ouverture, elle change de rythme comme on change de pied.
... Pour autant, j’avoue attendre de pied ferme la phase de la remontée.
Les Polonais ont beaucoup parlé ces derniers jours. Après les attaques lancées contre le nouveau gouvernement polonais par l’UE, la Commission, etc., et les décisions de mettre la Pologne “sous surveillance”, le thème général de leurs discours, je dirais du point de vue symbolique, c’est ceci : “L’UE d’une manière générale, la Commission, se conduisent vis-à-vis de nous exactement comme l’URSS se conduisait vis-à-vis de la Pologne durant les années où l’Europe de l’Est vécut sous le contrôle de cette puissance”. Laughland va même plus loin, et fort justement : « La Commission de Bruxelles a donc moins de légitimité démocratique que ses presqu'homonymes, les fameux Comités centraux des partis communistes qui jadis faisait la pluie et le beau temps en Europe de l'Est. »
C’était le temps où régnait la “doctrine Brejnev”, dite de “souveraineté limitée”, qui triomphait déjà en 1953 (Berlin-Est), en 1956 (Budapest) avant même qu’elle eût été baptisée comme on la connaît, et enfin en 1968 (Prague) où elle nous fut clairement exposée, par la dialectique des dirigeants soviétiques conduits par Brejnev et de leurs acolytes du Pacte de Varsovie (les Tusk d’alors), et par les chars entrant en Tchécoslovaquie le 21 août 1968. (“Souveraineté limitée”, c’était un de ces charmants oxymores, plutôt involontaires que poétiques, comme on en voit tant aujourd’hui au gré des narrative : comment la souveraineté, qui est un principe et comme tel quelque chose d’irréfragable dans sa nature et sa composition, pourrait-elle se concevoir comme “limitée” ? On est souverain entièrement ou on ne l’est pas du tout.) Il est maintenant avéré que le sentiment des dirigeants polonais, qui s’est imposé dans leurs esprits en quelques semaines, est de plus en plus largement partagé, au moins par leurs complices du “Groupe de Visegrad” (outre la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie) qui formaient du temps de l’URSS l’axe central et la voie stratégique principale d’une Europe de l’Est contrôlée par l’URSS.
Méditez et mesurez cette appréciation et tirez-en la force et la puissance symbolique. Pendant un demi-siècle et peut-être plus pour les nostalgiques du progressisme libéral occidentaliste qui ont gardé toute leur vertu antisoviétique transmutée en hyper-vertu antirusse, l’on a dénoncé l’emprise de cette oppression venue de leur Est sur ces pauvres pays centre-européens qui dépendaient jusqu’en 1985-1989 de la chaîne des Politburos jusqu’à celui de Moscou. On a même jugé évident, sinon habile, de retrouver cette tendance impériale et oppressive à l’occasion de la crise ukrainienne, et les Polonais eux-mêmes, y compris les dirigeants du PiS, s’y sont laissés prendre. Et que découvrent-ils aujourd’hui ? Le vrai Politburo se trouve à l’Ouest, et plus du tout à l’Est. La Commission européenne, sous la direction éclairée mais titubante 24 heures sur 24 de Juncker, s’impose comme le bras armé de la nouvelle URSS de l’Europe de l’Est, comme elle s’est imposée comme une émanation à peine fardée de ce que fut l'Allemagne du temps du Reich pour la Grèce.
Laissez les arguties politiques, les analyses métahistoriques, les considérations structurées au reste du site dedefensa.org, et concentrez-vous sur la force du symbole pour ces pays qui ont subi ce qu’ils ont subi. Imaginez leur stupéfaction, la puissance du choc qu’ils sont en train de subir alors qu’ils s’étaient tant réjouis de leur entrée dans l’UE, autour de 2004, comme de l’achèvement de leur grande entreprise de libération. Je soupçonne que la surenchère pro-ukrainienne et antirusse, pendant la crise ukrainienne, de certains de ceux que l’on entend aujourd’hui sur un registre si différent constituait une tentative désespérée de se dissimuler à soi-même la vérité-de-situation qui commençait à se manifester quant à leur véritable situation au sein de l’UE : des vassaux asservis, des colonies à la sauce postmoderne et une “souveraineté super-limitée” selon les canons de Bruxelles.
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 4 janvier 2016 au 11 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Il semblerait bien que l’on puisse définir cette période du début 2016 par le mot “peur”, accompagné comme c'esrt normal par les ingrédients de la peur (l’incertitude, l’absence de perspective, la perception de l’incontrôlable). • Notre texte du 7 janvier 2016 sur “la somme de toutes les peurs” reprend ce thème en l’élargissant, s’interrogeant sur “la politique de la terre” et concluant que la peur a dépassé ceux-là même qui prétendaient s’en servir pour faire une politique ; et cela vaut aussi bien pour le spectacle étrange et pathétique que la France s’est donnée à elle-même en commémorant les attentats de janvier 2015 comme s’il s’agissait d’un bouleversement métahistorique, – petits esprits et actes à mesure. • Comme illustrations de cette atmosphère générale de peut, le destin incontrôlable et chaotique de l’Arabie Saoudite (6 janvier 2016), les évènements de Cologne du Jour de l’An, dissimulés d’abord puis devenus crise nationale en Allemagne (le 7 janvier 2016), l’incompréhensible personnage trônant encore pour quelques mois comme une énigme à la Maison-Blanche (8 janvier 2015). • En un sens, on pourrait penser que notre texte du 10 janvier 2016 reprend le premier thème, mais d’un autre point de vue, en suggérant comment des situations latentes et grondantes, finalement justifient cette peur qui domine le début de cette année. »
Durant tout ce week-end a pesé sur moi le sentiment de l’inconnu en même temps que celui d’être au bord du gouffre, pour ce qui est de la situation générale du monde comme s’il s’agissait de la mienne propre. Ce n’est pas une attitude extrêmement rationnelle, ou plutôt pas seulement rationnelle. Il y a certainement là-dedans des facteurs tels que l’émotion, une psychologie vulnérable, etc., et peut-être également l’intuition (cela reste toujours une inconnue sur le moment où on l’éprouve, qui peut se vérifier ou être démentie) ; mais la base reste bien entendu cette certitude persistante, depuis maintenant tant d’années, de se trouver au cœur de cette Grande Crise, que je considère comme une perception qui a été examinée par la raison, sanctionnée par elle, et donc devenue rationnelle (tout cela dans mon alchimie personnelle).
Plusieurs lectures avaient alimenté ce sentiment, dont on trouvera l’écho ici et là sur le site. Je crois avoir été impressionné pariculièrement par un article que j’ai lu tardivement, puisqu’il date du 11 janvier sur ZeroHedge.com, et fait état d’une halte du commerce mondial (« “Nothing Is Moving,” Baltic Dry Crashes As Insiders Warn “Commerce Has Come To A Halt” : Last week, I received news from a contact who is friends with one of the biggest billionaire shipping families in the world. He told me they had no ships at sea right now, because operating them meant running at a loss. This weekend, reports are circulating saying much the same thing: The North Atlantic has little or no cargo ships traveling in its waters. Instead, they are anchored. Unmoving. Empty. ») Je ne peux ni ne veux absolument rien en dire sur la véracité, sur la signification de la chose, etc., sinon le renforcement sur l’instant du sentiment dont je parle d’une aggravation furieuse de la crise, comme si elle vivait littéralement et s’exprimait soudain avec cette perception, juste ou fausse mais très marquante, d’un événement terrible. Cela ne dure qu’un instant mais quel terrible instant qu’en aucune façon la raison ne dément... Ainsi vont, très vite, les jours et les heures de ce temps si cruel.
En contraste complet, la vision des TV dans tous les genres et programmes, interviews, JT, émissions de variétés, séries, etc., avec une débauche diluvienne, absolument hallucinée sous mon regard incrédule, d’optimisme forcé quasiment hystérique plaqué sur un monde complètement fabriqué où triomphent “nos-valeurs”. Cette thérapie de l’optimisme, assénée comme l’on injecte de force des doses massives de stéroïdes au bétail comme au finaliste du cent-mètres des Jeux Olympiques, est extraordinairement anxiogène ; elle accroît affreusement ce terrible sentiment, à la fois d’angoisse et de solitude dans cette angoisse. Qui est fou : eux ou moi ?
(1) Le chiffre 1 entre-parenthèses dans le titre a une double fonction : celle de renvoyer à cette note et celle de commencer une série. Désormais, il y aura (sans doute) des notes sous le titre générique de “Humeur-de-crise” dans le Journal dde.crisis, consacrées essentiellement sinon exclusivement aux réactions personnelles de l’auteur devant les soubresauts de la crise. Pour les faire apparaître selon cette spécificité très marquée, ces notes seront reprises sous le même titre et numérotées. C’est une expérience, poussée par le besoin d’exprimer la chose ; elle durera ou ne durera pas, elle prendra sa place ou non, on verra.
On aura observé, j’espère, l’emploi nouveau sur ce site, à plusieurs reprises ces derniers jours, du terme de “zombie” ; dans le texte du 13 janvier sur “A chacun sa Fin des Temps” (« ...dessert d’une façon absolument radicale la cause financière de ces zombies du complexe militaro-industriel », « un raisonnement aussi absolument marqué par la philosophie du zombie ») ; la même chose, en un peu plus explicite dans les Notes d’analyse du 15 janvier sur “le silence du Système”. Il y a eu déjà dans ce Journal dde.crisis une autre occasion où l’on a employé le mot, via une citation extrêmement franche, tranchante et rafraîchissante du vice-ministre russe des affaires étrangères Riabkov (« Les agences du gouvernement US ont agi et agissent avec entêtement comme des zombies qui frapperaient à une porte ouverte »).
Il y a déjà une tentative d’explication du terme “zombie” tel qu’il est introduit dans l’imposant et tonitruant “arsenal dialectique de dedefensa.org”, comme ils disent. C’est dans le texte du 13 janvier déjà référencé, avec des membres de phrases initialement écrits puis retirées pour aider votre chroniqueur à mieux expliciter cet emploi, et qui sont replacées ici en gras souligné : « Le sapiens-Système, ou zombie, ou encore zombie-Système, conserve une certaine part en général très-minime de vivant à côté de son immensité pourrie et morte. Il ne s’agit pas d’une fabrication humaine ni d’un prodige de la génétique type-Google, mais de ce que nous tenons comme une vérité-de-situation selon laquelle même les plus compromis d’entre nous restent tributaires de forces extérieures qui les empêchent de totalement sombrer de l’état de zombie à l’état de robot. »
On comprend alors aisément le but du texte présent, que vous êtes en train de lire, qui est d’expliquer, aussi bien par l’analyse rationnelle que par le sentiment que j’espère né de l’intuition, l’emploi du terme. (Si je m’attelle à cette tâche, on le comprend bien, c’est parce que j’ai le sentiment que ce terme de zombie reviendra de plus en plus souvent dans les textes de dde.org. On verra.) Pour entamer l’entreprise sémantique, je m’attacherais à cette nuance finale de l’explication plus ou moins acceptable que Wikipédia donne du mot “zombie” : « Par extension, le terme peut également désigner quelqu'un ayant l’air absent, amorphe ». Adaptant cette idée à mon propos qui est de définir le sapiens-Système, cela donnerait ceci : “Par extension, le terme désigne des sapiens qui, par le biais de leurs liens avec le Système, sont devenus absents et amorphes parce qu’ils sont liés à une entité absente de la vérité et étrangère à toute forme”. (Précision sur le terme “amorphe”, toujours de Wikipédia, que je considère là aussi comme non seulement acceptable pour ma démarche, mais absolument nécessaire et fondamental pour le sens de la chose, dans son esprit sans aucun doute : « “Amorphe” contient la racine grecque ‘morphos’ [forme] et le préfixe privatif ‘a’. Amorphe signifie donc littéralement sans forme. » Pour aller au principal en guise d’exemple d’application, je dirais que la politique des zombies est, dans ce sens, absolument amorphe ; comme le fait de somnambules se croisant poliment et se regardant sans se voir dans les dédales de leurs logements communs ; politique informe suivie plutôt que définie, sans y rien comprendre bien entendu parce qu’incapables d’y distinguer quelque forme que ce soit, et d’ailleurs fort logiquement puisque cette politique n’en a aucunement.)
C’est donc dans ce sens qu’ils sont pour moi, et par extension je m’en porte garant pour dedefensa.org, des zombies certifiés, – des êtres à quatre-cinquièmes, ou à neuf-dixièmes qu’on dirait morts, à peu près dans cette sorte de situation ; avec cette attitude d’amorphisme, cette lenteur désespérante de l’esprit verrouillé sur des formules hallucinées et répétées à l’envi, ce crépuscule de la vision réduite à un théâtre d’ombres, cette crainte panique d’une pensée qui pourrait s’aventurer sur des terres inconnues, cette sorte d’endormissement quasi-décisif qui empêche mieux qu’une clôture électrifiée d’approcher une pensée sortant du tout petit sentier battu où il faut mettre un pied devant l’autre pour avancer en rang d’oignons, qui réduit l’imagination, l’âme poétique et l’ouverture à l’intuition à autant de honteuses et insupportables diffamations des consignes impératives (du Système, pardi) dont le non-respect déclencherait aussitôt de terribles nausées et une panique irréfragable... Voici donc le sapiens-Système, l’être de Notre-Temps, ce mélange de servilité et de terreur pour ses maîtres, et d’arrogance et de terreur pour les quelques-uns dont il sent le regard critique qui les perce à jour.
(Suite)
Exercice courant chez les très-grands de ce monde qui se jugent soudain concernés par les soubresauts de l’empire qu’ils exercent sur le monde puisque le monde est leur empire : retenir son souffle, profiter du répit du week-end pour se préparer au pire. Le pire est l’ordinaire du siècle. Par chance, ce week-end sera plus long d’un jour aux USA parce que lundi c’est le MLK (Martin Luther King) Memorial Day ; c’est une chance de plus donnée au souffle. Dans son style inimitable, WSWS.org annonce à ses lecteurs qu’effectivement le pire se prépare : « Global stocks plunge amid fears of a new financial crisis. » Il est complètement indéniable que la semaine fut épique, avec les soubresauts du géant chinois qui se produisent désormais sur un rythme semestriel-trimestriel, et cette même semaine où j’ai appris de la plume de divers experts que les prix très-bas du pétrole était une catastrophe capable d’entraîner le pire, au même titre que les prix très-haut du même, comme on nous le répéta durant la décennie précédente jusqu’à la démonstration presque-parfaite d’une “crise haussière” du prix du pétrole précédant de trois-quatre semaine, ou préparant je ne sais plus, l’effondrement de septembre 2008.
Je n’avais pas prêté grande attention à ces soubresauts d’une puissance incroyable, ni même à la chute de Wall Street d’hier qui permit à certains d’y voir un Black Friday annonciateur d’un de ces terribles “cygnes noirs” (Black Swan), qui est désormais l’expression affectionnée pour “modéliser” artistiquement l’ombre lugubre de la catastrophe imminente. L’habitude, sans doute, dans le cas de cette inattention... Le tumulte est si considérable de tous les côtés que l’on tend l’oreille qu’on ne parvient plus à distinguer la crise qu’il faut privilégier pour la journée courante. Le rythme de ce début 2016 est considérable de rapidité et d’emportement ; l’on dirait de notre temps courant qu’il est endiablé comme l’on dit d’un énorme 4x4 qu’il s’est ensablé, alors que le moteur s’emballe dans un bruit terrible, que les roues motrices tournent folles dans le sable, sans que rien de la machine hurlante ne bouge sinon la projection de jets de sable et de folie.
L’on ne peut plus rien se saisir de quoi que ce soit qui ait la moindre allure de la stabilité et de l’harmonie ; alors l’on flotte, et l’on se laisse porter au gré des bourrasques. La folie tourne et tourne, enroulée dans un tourbillon d’ivresses et d’angoisses diverses, mais tout cela répété avec une constance, une insistance, un entrain roboratifs, pour qu’enfin l’on parvienne à la “Spéciale Dernière”, au Grand Tout enfin catastrophique. Chacun, nous nous trouvons emportés comme dans une sorte de Java du Diable, comme si Trenet l’avait remise au goût du jour de la postmodernité...
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Je ne peux que le répéter : je suis totalement partisan, de parti-pris, sans vergogne, etc., mais avec cette nuance si caractéristique que ce parti ne cesse de fluctuer et de changer... Il y a dix mois, je moquais et vouais aux gémonies la Pologne ridicule et ses postures antirusses ; aujourd’hui, je serais presque ému, applaudissant la Pologne courageuse qui se dresse face à l’ogre Merkel-UE. On me dira : “mais le parti au pouvoir a changé” ; certes, mais le PiS des jumeaux Kaczynski dont il ne reste plus qu’un (Jaroslaw) était, et reste jusqu’à nouvel ordre, plus antirusse qu’aucun autre parti en Pologne. Et encore n’est-ce pas fini : quel est le meilleur défenseur de la Pologne à l’UE, qui menace de mettre un veto à toute démarche de sanction contre elle ? Le Hongrois Viktor Orban, qui aime assez bien Poutine et déteste les dirigeants de “Kiev-la-folle”, que Kaczynski allait soutenir de ses encouragements il y a moins de deux ans. J’applaudis sans réserve à la position d’Orban soutenant la “courageuse” Pologne face au minotaure à tête de Juncker encorné qui trône à Bruxelles.
On se doute que tout cela ne fait figure que d’exemple parmi tant d’autres, qu’il s’agit d’une ronde des positions changeantes que vous pouvez retrouver dans toutes les zones un peu agitées, aux plus hauts niveaux de puissance comme aux niveaux les plus courants des intérêts habituels. Tout est en mouvement constant et chacun doit se déterminer constamment par rapport à deux, trois, quatre crises contradictoires et en pleineévolution, ce qui l’amène à des positions souvent contradictoires par conséquent, qui peuvent paraître inattendues. Mon opinion suit tout cela avec une souplesse sans cesse grandissante, épousant ici tel parti, ici tel autre qui semble, dans un espace différent, le contraire du précédent, et ainsi la farandole continue.
On connaît ma position, pour qui me connaît ; et je la redis, selon le choix de dire et de la répéter, parce que l’expression d’une telle position me paraît aujourd’hui une démarche fondamentale. J’ai la conviction qu’en répétant et répétant cela, en appliquant cette pression sur les diverses situations que le “tourbillon crisique” nous fait rencontrer, on finit par lui donner corps, l’imposer comme une chose existante et même pleine de vie, une chose nécessaire et quasiment principielle (ayant valeur structurante de principe). Cela revient à dire, pour mon compte, que contrairement à nombre de jugements que l’on rencontre beaucoup dans les allées de la presse dite-antiSystème, qui sont assénés comme autant de certitudes, et avec quelle hargne parfois, je crois que l’“ennemi” n’existe plus, non plus que la “trahison” d’ailleurs, de même que je ne crois pas une seconde à l’existence d’un “tireur de ficelles” ou d’un “maître d’orchestre” qui, au contraire de lui et pour l’affronter comme il se doit, m’obligerait à me fixer un adversaire. (J’ajoute, et c’est une précision complètement essentielle pour mon compte, que l’on doit absolument prendre toutes ces considérations d’un point de vue par quoi j’entends ne parler dans le cas présent qu’au niveau historique et politique courant, très-terrestre, extrêmement-terrestre, etc. ; au-delà, dans les sphères plus hautes et le domaine des principes et de l'intuition, la question est toute autre, et mon attitude de même, je dirais encore plus, renforcée dans le sens contraire par cette relativité des positions que je décris pour le “très-terrestre, extrêmement-terrestre”...)
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... Que faire de The Donald ? commençais-je par m’interroger ; d’abord l’appeler Donald Trump, voire même “Mister Trump”. Ainsi en est-il, à l’occasion du texte de William S. Lind qu’on présentait sur ce site, concernant Trump, la veille de ce jour où j’écris là-dessus. Aussitôt, il est préférable pour me faire bien comprendre de citer la phrase qui, dans le texte de la rubrique Ouverture libre concernant Lind, permet d'introduire celui du Journal dde.crisis que vous êtes en train de lire, en y ajoutant le caractère gras qui importe :
« Il [le texte de Lind] présente l’intérêt d’une appréciation théorique des positions de ‘The Donald’, ou plutôt Donald Trump dans ce cas comme pour marquer l’évolution vers le sérieux du propos concernant les déclarations elles-mêmes du candidat alors qu’il s’agissait jusqu’ici, pour notre compte, de ne parler que de “l’évènement” que constituent la candidature de Trump et son succès... » On notera pour autant que cette remarque ne signifie pas qu’il y a un jugement sur Trump, mais qu’on adopte une autre démarche qui est d’aller vers un jugement sur Trump. (Lind lui-même suggère cela : « Les récentes propositions de Trump [concernant les musulmans] [...] montrent qu’il est le seul candidat qui comprend à quoi ressemblera un monde [caractérisé par la Guerre de Quatrième Génération, ou G4G] [...] Même si cela ne suffit pas à indiquer que Trump serait un bon président, cela suggère avec force que tous ses opposants ne sont absolument pas qualifiés pour l’être. »)
Il y a un autre fait que je voudrais rappeler, allant dans le même sens, qui est cette attitude de Bill Clinton répondant à une question sur les attaques de Trump contre sa femme, un fait à première vue sans grande importance, qui en acquiert intuitivement lorsqu’il est éclairé par la mine de ce Clinton d’habitude si rigolard, tel que j’ai été si surpris de le voir, visage si complètement fermé, taciturne, abrupt : « “Je ne vous dirais rien là-dessus pour l’instant mais nous en parlerons certainement si Trump est désigné comme candidat républicain, dans la phase finale”. [...] Vu l’importance et la suffisance du clan Clinton d’une part, la réputation et la posture anti-establishment de Trump, la réponse aurait dû être, aurait été il y a un petit mois encore, que “ce que dit ce clown n’a aucun intérêt, aucun sérieux, et il n’y a pas à lui répondre”. »
(Et tiens, en aparté j’ajouterais celle-ci, comme une cerise sur le gâteau, pour confirmer ce tournant de la perception psychologique du “candidat Mister Trump”. Voilà qu’on interviewe tout à l’heure, sur LCI je crois, une envoyée spéciale de BHO en Europe, naturellement d’un beau black plein de nuances estivales, qui vient nous présenter l’intervention de Sa Majesté, [dans la nuit pour nous, je parle sous la responsabilité du décalage horaire], pour décrire l’état absolument florissant de l’Union, devant le Congrès si formidablement respectueux et uni devant son président. La présentatrice-LCI, qui ne ferait pas de mal à une mouche antiSystème, fait ingénument des remarques pleines de tendresse émues sur les larmes du président, – que d’aucuns jugèrent suspectes, – lorsqu’il nous parla de l’autre jour, avec tant d’émotion, des kids in the streets, à Chicago, en train de se faire flinguer par des armes en vente libre, beaucoup plus meurtrières que celles qui sont en vente contrôlée. Et la représentante de BHO, exultant et des étoiles plein les yeux, de s’exclamer “Même Donald Trump a dit qu’elles étaient vraies, qu’elles montraient l’émotion véridique du président !” Sensation ! Les larmes étaient vraies et Mister Trump a authentifié la chose... Drôle d’époque, me dis-je, où The Donald est l’autorité suprême attestant de l’authenticité des larmes de sa Majesté.)
Il s’agit d’une opération intellectuelle somme toute assez délicate, remarquable, et que j’ai pu observer cette fois dans mon propre chef, et pourtant comme si j’étais un observateur extérieur à moi-même. Jusqu’ici, disons à peu près depuis la fin du printemps 2015 où il est apparu comme un candidat “assez sérieux” du point de vue de la communication, Trump et sa candidature n’étaient pour moi rien d’autre qu’un objet de communication à propos duquel il fallait effectuer un travail de réflexion, j’allais dire “politique” mais pour m’apercevoir aussitôt que le qualificatif n’est nullement assuré... Ainsi Trump n’était-il au départ qu’un “événement” dont on ne savait rien, dont on ignorait s’il serait, cet “événement”, disons de pur entertainment, ou bien éventuellement avec des effets politiques indirects intéressants au travers du fonctionnement du système de la communication. La seule chose qui paraissait de quelque intérêt concernait les effets qu’il soulevait d’une façon générale, notamment à cause des réactions qu’il provoquait, avant même d’avoir existé en tant que tel … Non seulement “événement” avant d’espérer être un acteur politique, mais “événement” dont on irait jusqu’à dire d’une façon assez surréaliste qu’il était précédé de ses effets, dans une étrange inversion.
C’est à ce point, en se remémorant les premiers avatars de ce parcours, que l’on mesure l’extraordinaire sensibilité, presque une sensibilité d’hystérique ou d’une psychologie de cette trempe, qui régnait déjà, avant même l’apparition de Trump en tant que tel, dans ces structures molles et imprécises qui forment le canevas de la course à la présidence des États-Unis, dans ce grand pays qui paraît de plus en plus déstructuré, dissous de lui-même, comme maître-à-penser et exemple-d’être du grand courant de déstructuration-dissolution qui parcourt notre monde et dont il est le relais plein de zèle. Un esprit un peu excité dirait qu’“on l’attendait”, ce Trump “en-tant-qu’évènement”, ce qui ferait croire à une prédestination, une sorte de magie, ce qui n’est pas le cas ; mais ce n’est pas faux pour autant, “tout se passe comme si ‘on l’attendait’”, mais lui ou un autre, n’importe qui et surtout n’importe quoi. Plus j’avance, bien souvent, ou disons plus je suis emporté par cette aventure (cette Grande Crise en général), plus je découvre que les hypothèses sur le désordre, les angoisses, les hystéries de tout ce qui est Système et autour sont toujours dépassées ; plus je découvre que ce que le Système a verrouillé en fait d’évènements incontrôlé, pour repousser à tous les coups une telle chose, et Dieu sait si cela semblait être le cas pour cette campagne présidentielles US de 2016, semble d’autant plus verrouillé jusqu’à ce point étonnant de l’inversion où le verrouillage complet et hermétique semble soudain comme un aimant qui attire l’“événement” qu’on n’attendait pas et qu’on ne voulait en aucune façon, et qu’il (le verrouillage) était censé interdire. Ainsi n’attendait-on pas Trump, en aucune façon, mais secrètement et sans le savoir on attendait comme avec une ferveur dissimulée “un événement” sans autre précision, et ce fut Trump qui vint. (Quand je dis “Trump”, je veux dire “Trump-sérieux” : c’est un habitué du coup “je vais me lancer dans l’élection“ mais cela dure en général le temps d’un pet de la pin sur une tringle à rideau ... Cette fois, hein, le pet a pris des proportions d'ouragan et le lapin s'est métamorphosé en The Donald !)
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 28 décembre 2015 au 4 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Il fallait bien “fêter” l’année nouvelle, à notre façon, et nous l’avons fait ... • Nombre d’articles évoquent 2016, de divers points de vue, selon diverses tendances, mais pour l’essentiel avec une humeur égale, qui ne peut être que sombre comme la nuit mais ne se départant jamais d’une volonté roborative de lutte pour continuer à explorer ce phénomène colossal qui a pris dans ses mains notre monde et son destin immédiat (le colonel Wilkerson, ancien chef de cabinet du secrétaire d’État Colin Powell en fait une description apocalyptique [30 décembre 2015]). • 2016, ce sera d’abord des élections présidentielles aux USA qui sont sans précédent à cause de la présence de Trump, dit The Donald (30 décembre 2015) : personne n’ose vraiment envisager ce que serait la situation à Washington, en termes de blocages institutionnels et d’affrontements politiciens, si cet homme était élu, et cela dès son élection car c’est ce fait brut qui constituerait d’abord l’évènement essentiel. • Un autre aspect de 2016, c’est le surgissement du président turc Erdogan comme déstabilisateur-en-chef et, pour certains, comme l’Antéchrist tant annoncé (1er janvier 2016). • Si l’on se tourne vers l’Europe, on se trouve devant une énigme de taille : la situation de la Pologne et ses rapports avec l’UE (2 janvier 2016). • Enfin, pour nous (pour PhG et quelques amis), c’est aussi le 10ème anniversaire de la rencontre de Verdun (31 décembre 2015). »
Durant la Guerre froide, les termes de Fail-Safe (“Point-Limite”) et de “point de non-retour” étaient de grande vogue dans la haute stratégie nucléaire. On fit des films, surtout US et surtout dans les années 1960-1965, – Fail Safe, Dr. Strangelove, – directement ou indirectement liés à ce moment fondamental, ce tranchant de la lame, ce chas de l’aiguille, cet instant rupturiel où l’on passe du “tout-peut-basculer” au “tout-a-basculé”. Il s’agissait de la situation spécifique de l’échange nucléaire stratégique, autrement dit quasiment la fin du monde par décimation et néantisation réciproques ; ce moment où l’on est encore dans une situation d’incertitude (erreurs d’identification d’une attaque, négociations ultimes, etc.), où l’on peut encore stopper une attaque en cours qui entraînera nécessairement une riposte et la néantisation (jusqu’au “Point-Limite”) ; et ce moment où l’on passe à une situation où il est impossible (pour une raison de communication, de cryptologie, etc.) d’arrêter cette attaque, où il et impossible de revenir en arrière (“Point de non-retour” dépassé). Il s’agissait de situations extrêmes de “déchaînement de la Matière” par le biais de la puissance stratégique et nucléaire proche d’être hors de tout contrôle, puis hors de tout contrôle ; et cela, de même, emportait, chez les responsables concernés, un déchaînement des psychologies où l’on distinguait, selon les uns et les autres, sagesse désespérée et hystérie sans bornes.
Nous sommes peut-être à un de ces moments qui peut être crucial car notre époque crisique déchaînée est assez riche pour nous ménager plusieurs de ces moments dont on se dit “ce pourrait être le moment crucial”, jusqu’à celui où l’on se dira “voilà c’est le moment crucial”... Bien entendu, la situation est très différente et l’analogie s’arrête là. Je ne parle pas d’une attaque nucléaire, mais bien pour notre temps, de cette limite, ce moment crucial où les assauts de la surpuissance du Système (jusqu’au “Point-Limite”) se trouvent en un instant qui est comme hors du temps par sa fulgurance dépassés par l’irrésistible extension du domaine de l’autodestruction (“Point de non-retour” dépassé) ; et alors tout bascule. Je parle de situations crisiques nouvelles que l’on sent en cours de formation, troubles et indéfinissables, à la fois insaisissables et à la fois comme si elles semblaient annoncer le plus sûrement du monde de formidables bouleversements tectoniques. Il s’agit d’activités invisibles et souterraines dont certains évènements pourraient être les signes avant-coureurs, en opérationnalisant des situations qui rappellent les plus grands ébranlements que peuvent imaginer les imaginations confrontées à des perspectives soudain ouvertes sur des horizons nouveaux.
Contrairement à l’exemple signalé plus haut (la guerre nucléaire) où le rôle du sapiens existait encore, il s’agit d’un moment où les acteurs humains devenus figurants de plus en plus passifs ne sont pas autorisés à faire basculer d’un côté ou de l’autre, selon la retenue ou le déchaînement de la psychologie ; ce moment où la psychologie est soumise à toutes les tensions d’une perception aussi incertaine et perdue que la sens de l’orientation dans un matin d’un brouillard épais et cotonneux jusqu’à faire disparaître toute référence et les structures mêmes de la réalité ; ce moment où errent des acteurs-devenus-figurants-aveugles, ignorant de l’enjeu, inconscients du récit en cours sinon une vague perception que quelque chose de terrible est possible... Nous sommes peut-être à ce moment crucial et je pourrais croire moi-même avec une ardente conviction mêlée d’une terrible incertitude, que j’espère dépourvue d’une passion cachée qui brouillerait mon jugement et me ferait prendre cette fièvre pour l’intuition haute, que le “point de non-retour” a été dépassé... Je pourrais bien le croire...
Bien loin, si loin de ces extraordinaires et extraterrestres commémorations parisiennes, avec l’abaissement de l’esprit de ce pays-là qui se soumet à ses propres pitreries pour singer l’héroïsme d’une histoire dont il ne sait plus rien, l’année 2016 a commencé avec l’une de ces phases intermédiaires de tonitruances dissimulées, étranges et terribles, comme de sourds grondements telluriques faisant craindre le pire. Ce cours nouveau et brutal rompt avec une phase d’une certaine unité crisique dominée durant l’automne dernier par deux grands évènements (l’attaque russe en Syrie et les attentats de Paris) qui semblaient offrir une certaine “stabilisation de crise”, ou disons “une stabilisation dans la déstabilisation”. Brusquement, divers points crisiques se révèlent, certains inattendus, d’autre pas, tous insaisissables, à nouveau comme si le “tourbillon crisique” qui s’était déjà manifesté en juillet 2015 avec d’autres occurrences insaisissables subissait l’attirance d’une nouvelle accélération dans cette plongée sans fin dans le trou noir de la Grande Crise du monde... Les hypothèses flottent comme des papillons de nuit, insaisissables, avec des petites étiquettes comme celle de “Cologne et le sort de Merkel” (laquelle renonce à aller à son rendez-vous de Davos, signe pour ces gens-là de la gravité de la situation) ; celle de la “Plus Grande Dépression” et Soros disant qu’on se croirait à l’été 2008 ; celle de “The Donald et la présidence” dont on évoque désormais ouvertement la possibilité, celle de la “Pologne révoltée au cœur de l’UE”, celle du “baril de pétrole explosant brutalement après une attaque de Daesh” et bouleversant la situation économique, celle d’“une cyberattaque pulvérisant le système financier mondial”, etc. On retrouve éparses certaines de ces hypothèses dans le rapport dit-Black Swann de Bloomberg sur les possibles catastrophes de 2016 , qui a remporté un grand succès d’estime depuis sa parution à la mi-décembre et que l’on se passe d’e-mail en e-mail.
Quelque part dans tout cela, peut-être bien, se trouve le chas de l’aiguille, le point rupturiel, le “Point de non-retour” qui nous attend, avec la perspective soudain déchaînée de l’effondrement qui nous fait si peur et que nous appelons complètement de nos vœux à la fois, tant est grande et complète l’absence d’espoir dans les conditions du monde que nous connaissons ; le “Point de non-retour”, dissimulé, silencieux et prêt à se manifester, prêt à tailler dans le vif de la métahistoire comme le couteau d’une guillotine qui tombe avec un bruit grinçant et sourd, et qui tranche...
Barack Hussein Obama, dit BHO... Depuis tant de temps que nous nous escrimons, pour mon compte et pour moi-même dans tous les cas dans les colonnes électroniques de ce site, à tenter de comprendre qui il est réellement, et pourtant qu’aucune autre hypothèse ne sort de tout cela que ce mot si puissant, si troublant, si mystérieux du Mystère des Anciens, si présent dès l’origine de l’apparition du personnage : une énigme... C’est de lui dont je veux parler aujourd’hui et je vais étayer mon propos de deux rapides incursions dans les potins du simulacre de réalité (destruction du réel objectif) que nous offre le système de la communication. Cette occurrence m’a fait envisager quelques instants de le destiner (mon propos) à la rubrique Bloc-Notes du site, plus ordonnée, mieux rangée, plus “sérieuse” dans l’apparence de la forme, que la forme en apparence plus libre et buissonnière que ce Journal dde.crisis. Je crois que mon choix final n’est pas mauvais... Bref, voici les deux “nouvelles”, l’une se nommera “les larmes de BHO” et l’autre “les projets du président Obama et de son épouse”.
(Toutes ces nouvelles, par ailleurs très partagées ou assez inédites, viennent du site US The American Thinker, dont on sait l’épouvantable réputation d’être peut-être, sans doute, de la droite dure US, mauvaise fréquentation, le parti des salonards balaie cela d’un revers de main suffisant-négligent tout en signalant la chose au juge car il faut savoir “donner” comme l’on est “une donneuse”. Just don’t care, fellow.)
• Les larmes de BHO. On a fait grand cas et émotion extrême des très récentes larmes du président évoquant les “pauvres gosses” qui se font descendre dans les rues de Chicago parce que, uniquement parce que la vente des armes n’est pas contrôlée, sinon interdite. On ne sait pas qu’il ait pleuré, sinon par discrétion en privé, pour les “pauvres gosses” qui se font descendre à Alep, à Bagdad autour de la Green Zone, dans les villages afghans, en Mer Egée, en Ukraine, notamment grâce à l’efficacité d’un drone US ou simplement par conséquences directes, indirectes, inéluctable, de la politique des USA qu’il a le déshonneur nonchalant de sembler conduire. Mais revenons aux larmes, bien réelles celles-là, – euh, c’est-à-dire que, justement, pas vraiment.., – selon Carol Brown, dans The American Thinker du 7 janvier 2016.
Le jour précédent, Brown expliquait combien ces larmes étaient, à son avis du type “crocodile”, concernant cette scène du 5 janvier dans son intervention sur le contrôle de la vente des armes (voir AP, avec le DVD sur les larmes). Brown a eu beaucoup de commentaires sur ce texte, de lecteurs mettant en doute la vérité de ces larmes (pas leur réalité mais réalité-simulacre), notamment parce qu’elles commencent par un seul œil, qu’elles coulent de l’extérieur de l’œil, etc. Après un court extrait, nous passerons à notre deuxième point, avec comme seule conclusion ici que tout ce que fait ce personnage aujourd’hui nous offre une interprétation lumineuse et, aussitôt après, une interprétation sombre comme les abysses (“la grâce et le Rien”).
« ... [W]illmay posted that there are products called “tear stick” and “tear blower” readily available for actors who need to cry on cue. (Great product for con artists as well, no?) She had additional insights worthy of note, including her observation that Obama first wiped his left eye, and then “tears appear from that eye only.” (saksin also observed that Obama’s first wipe of one eye preceded any tears at all.) », etc.
• Les projets du président Obama et de son épouse. Là, nous entrons même, au reste de l’aveu de l’auteur, dans le Grand Carrousel des hypothèse fantastiques, de l’héroïque-Épique de communication, de la Fantasy post-mythomoderne. (*) Il s’agit, pour Richard F. Miniter, de nous annoncer le 7 janvier une “énorme surprise” d’Obama, pour les mois voire les semaines qui viennent, pour les présidentielles de cette années. Comment cela ? Miniter rapporte, d’après le Daily Mail, que le FBI est en train d’arriver à “un point critique” dans l’enquête sur les e-mails d’Hillary Clinton, que ce “point critique” ne serait rien de moins qu’une inculpation de l’ancienne secrétaire d’État, pulvérisant toutes ses chances (considérables) d’être nommée candidate démocrate à la présidence, etc. Et le Daily Mail de commenter que cela mettrait Obama dans une situation d’une “difficulté incroyable”, évidemment parce que le FBI sous son administration aurait pulvérisé le parti démocrate dans la campagne de 2016 (Sanders n’étant considéré que comme une alternative assez suspecte du point de vue de l’establishment, et par avance battu par une espèce de monstre type-The Donald)... Mais non, pas du tout, dit Miniter ; d’abord parce que Obama hait littéralement les Clinton, et Hillary en premier ; ensuite parce que si grandes sont son auto-admiration et sa suffisance, qu’il aurait un plan tout prêt pour ce cas : lancer Michelle (Obama) comme candidate à la présidence. (Refaire le coup des Kirchner en Argentine, mais avec des personnages d’une autre dimension, – les Argentins ayant déjà eu une expérience précédente avec Juan Peron suivi dans les années 1970, après un intervalle habituellement catastrophique des militaires, par sa deuxième femme et veuve Isabel, pâle copie de la grande Evita.) Miniter n’y croit pas une seconde, pour ajouter aussitôt qu’avec les Obama, tout, absolument tout est possible...
« ...All well and good, but would such an indictment or even its serious consideration really put “President Barack Obama in an unbelievably difficult position”? Or will it just toss him into the briar patch he wants? After all, there are two things we know about Barack: one, he has an infinite capacity for self-delusion, and two, he hates both Clintons. So here’s a prediction: if Clinton gets indicted, Michelle Obama gets the Obama team’s nod for the nomination.
» Can Barack and Michelle pull such a thing off? No, but the point is that they will think they can. Remember the confidence, one might even say arrogant confidence... (Suivent des exemples sans nombre de l’arrogance de BHO et des Obama en général, de la façon dont ils vivent dans une “bulle”, dont le Général Flynn nous a dit qu’elle constitue, ou est constituée d’une “narrative impénétrable”.)
[...] » The fact is that Obama and the self-appointed dietary majordomo he’s married to just don’t operate in the real world at all, and so Hillary going down in flames they’ll see as an opportunity to offer the vast gushing majority of the little people, fans who for the most part now exist only in their own minds, another chance to cheer their greatness. »
Tout cela pour illustrer la marche vers mon commentaire sur cette énigme sans fin qu’est ce président, premier président noir et pas black du tout des USA, peut-être plus américaniste que tous ceux qui l’ont précédé, y compris au beau temps de l’esclavage ; qui n’a rêvé (c’est la thèse de Robert Parry) que d’être adopté complètement, couleur comprise, dans l’establishment washingtonien d’essence WASP jusqu’au bout des ongles, et donc américaniste ; qui fut pour cette raison américaniste comme on est “plus royaliste que le roi”, jusqu’au bout des ongles. Si vous voulez, on dira que c’est une façon de “se blanchir” dans ce milieu-là, comme l’on fait pour les $milliards frauduleux de Wall Street. Enfin, laissons tout ce bavardage intempestif, fait surtout pour introduire le véritable propos, qui concerne le président Barack H. Obama après sept ans de l’exercice du pouvoir, et à neuf mois d’en être pratiquement privé, une fois faite l’élection de son successeur (ou de sa successeure, car le cas se dispute).
(Suite)
Par ailleurs sur ce site, il sera traité un jour prochain, sans doute même demain (*), de la question “des peurs”, notamment du point de vue de leur utilisation dans les politiques et de leur effet dans le “contrôle social”, à partir de quelques notes d’un entretien avec le Dr. Altheide, invité d’une émission de radio du réseau Sputnik, dite Brave New World, présenté par John Harrison le 1er janvier 2016. Le Dr. David Altheide est homme de savoir, sociologue nationalement et internationalement connu, Professeur-Régent Emérite à l’école de transformation sociale et de justice sociale, au Collège des Arts et Sciences libérales de l’université de l’Arizona, etc. Je laisse de côté, – pour l'exposé du sujet dans tous les cas, – tout ce qui est dit sur “les peurs”, qui est traité par ailleurs, et je ne fais que reprendre le dernier paragraphe du compte-rendu. Voici la chose, avec, souligné en gras, le passage qui m’intéresse particulièrement...
« Les médias sociaux constituent une forme visuelle de communication qui ne nécessite pas de faits. Cette visualisation, qui devient souvent une trivialisation, est une méthode qui a été maintenant adoptée par [les médias-Système], en fait il y a même désormais une attitude générale des médias US selon laquelle les faits n’existent plus, selon le Dr. Altheide. A la place, nous avons des opinions, et même les preuves scientifiques sont aussi considérées comme des opinions. Avoir une conversation dans un monde si complètement installé dans la peur est devenue très difficile. »
Il va sans dire que, sur le fond du propos, je me retrouve complètement sur cette idée que “les faits n’existent plus”, et ce phénomène affecte même “les preuves scientifiques”, qui ne relèvent plus du domaine du “constat du réel”, tout cela pouvant se représenter effectivement en l’élargissant par l’affirmation que la “réalité (objective) n’existe plus”. C’est justement la thèse qui sert de fondement au Glossaire.dde sur « Situation-de-vérité & Vérité », thèse qui s’est élaborée sur des constats, depuis 2000-2001, qui sont autant de “constats de faits” selon lesquels la réalité disparaît, et donc les faits effectivement comme dit le Dr. Altheide. Mais on lit aussi que le même Dr. Altheide attribue cette “disparition des faits” au “mode de visualisation” “qui ne nécessite pas de faits” des médias sociaux, dont il nie par ailleurs l’importance d’influence en affirmant plus haut dans le texte cité qu’ils n’ont pas entamé la domination des grands médias (presse-Système pour l’essentiel, si vous voulez) parce qu’ils travaillent essentiellement à un niveau local et régional.
Il apparaît aussitôt évident que, sur cette question des causes, le bon Docteur et moi nous divergeons. Ce qu’il dit des “médias sociaux” ne semble pas concerner la véritable “presse alternative” de l’internet, dont dedefensa.org qui serait plutôt pingre en fait de visualisation, et qui a besoin de faits, même et surtout si c’est pour dire qu’il n’y en a plus. Quant à la disparition de la réalité, je l’attribue au champ beaucoup plus vaste que la seule “visualisation” de la toute-puissance du système de la communication avec ses effets sur les pouvoirs-Système comme sur la riposte antiSystème. En ce sens, il est vrai qu’il n’y a plus “que des opinions” si l’on prend ce terme strictement comme un parti-pris, sauf qu’il faut, pour mon compte toujours, à la fois préciser et élargir le champ de la chose : certes, “il n’y a plus que des opinions” parce qu’il n’y en a plus que deux qui comptent vraiment, entre les pro-Système et les antiSystème. (Cette affirmation est moins simple qu’elle n’y paraît, car ces deux “opinions” fondamentales dépendent de la façon dont on les opérationnalise et du caractère relatif, notamment de “l’opinion” de l’antiSystème : des pro-Système peuvent être antiSystème sans le savoir et des antiSystème se révéler pro-Système en affirmant, de très bonne foi, être des antiSystème.) Aller au-delà dans les nuances infinies des deux “opinions” a peu d’importance et nous fait sortir de la netteté féconde de la situation bipolaire, sauf si cette exploration renforce l’“opinion”, disons de “faits-subjectifs”.
En effet, je ne crois pas qu’il faut prendre cette idée non comme la disparition des faits au profit des opinions, mais comme la transformation des faits, à cause de l’effondrement de la réalité, en “faits-subjectifs”, selon une expression forgée pour la cause et qui a une allure d’oxymore, de contradiction, etc. Il s’agit de “faits” dont vous vous saisissez pour renforcer votre camps, en les appréciant d’une façon subjective naturellement, – mais d’une subjectivité que je décrète ex nihilo, pour mon compte comme chacun devrait le faire pour le sien, vertueuse ou faussaire selon qu’on est dans un camp (antiSystème) ou l’autre (Système).
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 21 décembre 2015 au 28 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Pour nous, sans aucun doute le grand événement de cette semaine, sans aucun doute passé sous silence dans la plupart des médias (on veut dire presse-Système, cela va sans dire), c’est l’article de Seymour Hersh (21 décembre 2015) concernant l’activité d’un réseau parallèle mis en place pendant près de deux ans par le général Dempsey, président du Joint Chiefs of Staff (chef d’état-major général) jusqu’en septembre, pour passer indirectement à l’armée syrienne des informations concernant les islamistes en Syrie. • Notre appréciation est qu’il s’agit de la mise à jour d’un activisme de militaires et de dirigeants politiques (23 décembre 2015) au Pentagone contre les errements de l’“antipolitique syrienne” de la Maison-Blanche, erratique ou idéologisée selon les périodes. • Il faut interpréter cet événement comme le symptôme d’un pouvoir totalement paralysé et impuissant (22 décembre 2015), et y voir également une évolution d’une singulière importance du point de vue des principes fondamentaux de le direction militaire par rapport au pouvoir civil, avec la nécessaire redéfinition de mots tels qu’“insubordination” et “trahison” (26 décembre 2015). • Outre ce sujet central pour cette semaine, dedefensa.org et tel ou tel chroniqueur vous disent quelques mots des “États informes”, Ukraine et Turquie (24 décembre 2015), de Noël-2015 (25 décembre 2015), de l’étonnante opération USA-Arabie aboutissant à la mise en cause générale de l’industrie pétrolière et gazière de schiste aux USA (26 décembre 2015) et des “zombies” washingtoniens vus par les Russes (27 décembre 2015). »
Je vais emprunter à un lecteur une remarque qu’il offre en commentaire à l’intervention du 31 décembre sur « Notre-Verdun et ma nostalgie-infinie ». Il ne doit en aucun cas ni aucune façon lire mon intervention, s’il la lit, comme une réponse personnelle, éventuellement-critique, parce que son commentaire est pour moi une occasion je dirais objective de préciser certaines choses qui me semblent d’une très-profonde importance. Je m’en sers, éventuellement en employant ses propres termes, comme d’une interrogation et d’une contestation objectives, qui viendraient aisément à de nombreux esprits. Le lecteur Dont Acte écrit donc dans le Forum du texte référencé, à la date du 2 janvier 2016, sous le titre “Eternité vs Mort”, selon l’idée me semble-t-il que “notre [propre] finitude”, c’est-à-dire notre caractère mortel impossible à concilier avec l’éternité, invalide cette réflexion, dans tous les cas pour nous-humains (“nos petites personnes”) :
« Votre réflexion sur l’éternité est passionnante, mais je la crois invalide pour nos petites personnes. En effet, elle s’inscrit dans l’absolu et ne prend pas en compte une donnée fondamentale : notre propre finitude. »
Je ne crois certainement pas que l’“absolu” d’une réflexion et d’un jugement est déterminé par l’objet de ce jugement ni le contenu de ce jugement. Ce sont la réflexion et le jugement eux-mêmes qui sont placés devant la possibilité de la qualification d’“absolus”, c’est-à-dire achevés et parfaits d’une certaine façon. Ce ne peut être mon cas en aucune façon, comme on le comprend aisément ; mon cas est celui d’une réflexion et d’un jugement relatifs sur des matières effectivement “absolues”, dans tous les cas pour ce qui concerne l’“éternité”, et qui ne prétend à rien d’autre, mais à rien de moins non plus qu’à développer une hypothèse concernant cet “absolu” ; cette démarche est réalisée selon ce qu’on pourrait qualifier de “méthode de pensée” mais qui est également et d’abord perçue par moi-même comme une émotion intuitive de grande intensité, que je nomme “âme poétique”. “Notre-finitude”, et la mienne par conséquent, ne sont en aucun cas un obstacle, ni à la réflexion, ni au jugement.
Tout cela est d’autant plus vrai, – plus vrai que jamais en un sens, ce qui est une forme d’“absolu”, – que nous vivons une époque devenue complètement [“absolument” ?] relative et contingente par disparition de la réalité “objective” et de la validité objective des faits. Dans le Glossaire.dde du 18 octobre 2015, il est fait argument que cette particularité extraordinaire permet d’autant mieux à l’esprit d’entreprendre la recherche de la Vérité dans la mesure où la réalité s’est souvent révélée comme vulnérable, manipulable, déformable, et donc comme un obstacle majeur sur la voie de la recherche de la Vérité ; et celle-ci, la Vérité, se trouve désormais, poursuit l’argument, atteignable au moins dans les bornes de notre monde, – et peut-être plus, – par le biais de parcelles de vérité, ou “vérités-de-situation” selon l’expression proposée, qu’il faut rechercher et identifier en bonne partie avec l’aide de l’intuition haute. Ainsi l’extrême relativité du jugement d’un esprit qui n’est plus embarrassé par le diktat d’une réalité soumise à tant de manipulations, peut-il d’autant plus s’attaquer aux hypothèses de l’“absolu”, en affichant clairement la responsabilité qu’il prend à cet égard.
L’argument sur “notre-finitude” (la mort) est doublement sujet à caution pour moi. Outre le cas vu précédemment, il y a l’affirmation elle-même. En aucun cas, on ne peut tenir cette situation comme une “donnée fondamentale”. C’est une réflexion et un jugement relatifs là aussi, que personne n’a jamais démontrées, et qui ne valent certainement pas plus que mon hypothèse sur l’“éternité”. La science moderniste nous offre les notions de “mort clinique” et de “mort biologique” qui ne font que décrire une évolution au contraire de leur prétention implicite à répondre à la grande question (qu’est-ce que la mort ?) ; comme d’habitude, la science moderniste répond aux “pourquoi ?” qui ouvrent la porte vers les absolus, par une multitude de “comment” longuement détaillés avec la plus grande suffisance, et dont l’effet est de fermer arbitrairement toutes les portes vers des réflexions et des jugements plus hauts qu’elle-même (que la science moderne elle-même). L’ensemble est bouclé par les religions monothéistes qui dominent notre civilisation devenue contre-civilisation, en sacralisant l’argument de “la Mort-terrestre” comme une rupture instituée précisément comme “fondamentale”, cela leur permettant de bien verrouiller le domaine terrestre où elles évoluent ; en même temps se trouve renforcé, ce qui suggère une complicité indirecte mais significative, le schéma de la science moderniste et de tout ce qui lui est lié.
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Les “fêtes”, comme l’on dit pour désigner cette période du Noël au Jour de l’An, sont terminées. J’en garde une impression dont l’on trouvait déjà quelques éléments, sans aucun doute, dans le « Noël blanc-sombre » du 25 décembre, dans ce Journal dde.crisis ; j’en garde une impression étrange, cotonneuse, une impression d’être devant une chose extrêmement faussaire dans tous les sens, dans ces manifestations qui mélangent une certaine volonté officielle d’afficher leur aspect festif et une certaine retenue couarde sinon terrorisée de n’en pas faire trop ; une impression un peu douloureuse avec quelque mépris, l’impression de détachement de l’observateur sans surprise et absolument détaché... “Ce n’est pas mon monde, ce n’est pas mon époque, je n’ai rien de commun avec tout ça”, me dis-je à un moment ou l’autre, “et pourtant je m’y trouve et je m’en juge comptable” ; mélange d’indifférence et d’angoisse, avec ceci influant cela de façons antinomiques selon les instants, c’est-à-dire entre une indifférence angoissée et une angoisse indifférente. Je contemple tout cela et je me contemple en train de contempler tout cela, et je me dis : “Alors, nous y sommes ?”
J’ai eu vent, durant ces derniers jours que l’alarme instituée depuis 11/13 et Paris-attentats, continue à avoir des conséquences économiques, ce domaine qu’ils affectionnent tant. Cela s’est vu, c’est-à-dire que cela s’est confirmé, pendant ces “fêtes”, dans la très grande faiblesse des activités festives organisées, dans les restaurants qui décidaient de ne pas ouvrir pour le réveillon du Jour de l’An et dans les hôtels qui font le vide, et tous les autres établissements de ce genre. Comme signalé précédemment, les pétarades convenues de l’activité festive officielle-populaire qui effraient tant Klara ont été beaucoup moins nombreuses … Curieusement, le moment le plus assourdissant maintenant que je peux faire le bilan, et provoquant des tremblements incoercibles chez Klara, a eu lieu le soir de Noël, de 22H00 à une heure du matin : comme si, brusquement, le mot d’ordre enivrant “Paix sur la terre..., etc.” libérait une bouffée d’audace un peu coléreuse, presque de révolte, et parvenait à réduire un instant l’inhibition qui les a tous engourdis. (J’ai eu la surprise significative d’un réveillon du Jour de l’An beaucoup moins bruyant que celui de Noël à cet égard.) J’ai eu la sensation que les grands momentshabituels d’enthousiasme collectif, les rassemblements pour le passage à l’An Neuf qui font office aujourd’hui de Messe de minuit postmoderne, constituaient effectivement une révolte dont le sens profond est interprété par moi dans un mode terrifiant et accablant ; comme si l’on se révoltait du sort commun et que l’on reprenait un instant pour s’attacher soi-même aux chaînes du comportement conforme, – la fameuse “philosophie de l’optimisme” héritée des USA des années 1920, – pour proclamer : “Oui oui, nous sommes enchaînés et heureux de l’être, Alléluia !”
Au reste, et cela pour mesurer notre situation où triomphe la contradiction continuelle, l’inhibition générale qui a présidé aux “fêtes” vient également d’un enchaînement. Notre contre-civilisation au stade où elle en est devrait être désignée comme “la civilisation des chaînes”, avec ces moments très réussis d’enchaînement volontaire (La Boétie) vécus comme temporairement libérateur, au cœur du milieu ambiant d’une autre sorte d’enchaînement, dominant celui-là, l’enchaînement par inhibition. La Boétie disait asservissement (et “asservissement volontaire” pour son compte), mais je préfère parler des chaînes qui emprisonnent car la psychologie, complètement affolée, aux abois, n’est plus du tout adaptée à cette situation ; le qualificatif “volontaire” devient inapproprié, et je mettrais plutôt, à sa place, “erratique” (“enchaînement erratique”, tantôt volontaire tantôt pas, tout cela dans le plus complet désordre qui renvoie à la psychologie). Cela vaut encore plus pour nos dirigeants-Système et nos élites-Système que pour le reste, le vulgum pecus, car tout le monde est enchaîné l’un à l’autre. Pour les premiers, nos élites-Système, je me demande même si la coke et les divers produits à base d’amphétamine font encore leur effet.
Ainsi suis-je conduit à ma remarque générale, à la lumière des années de guerre-terrorisme que j’ai vécues dans ma jeunesse adolescente (j’en ai déjà parlé et certainement j’y reviendrai épisodiquement). La persistance de l’effet produit par 13/11, autant dans les directions-Système que dans le public unis dans la même attente angoissée, est pour moi un sujet de stupéfaction sans fin devant la disproportion absurde entre les effets qui ne se produisent pas et les causes qu’on ne cesse de décrire de plus en plus d’une couleur catastrophique. Il nous manque désormais le sens du tragique et la notion de l’héroïsme quotidien qui existent naturellement dans l’être confronté aux terribles embardées de l’Histoire, sauf s’il se trouve comme il est aujourd’hui corrompu par ce que je désignerais, presque comme l’on évoque un syndrome pour une maladie de l’esprit, donc que je désignerais comme “le syndrome de la fascination du serpent qui siffle et persif[f]le”.
(Suite)
Pour moi qui n’ai pas l’habitude de sacrifier à cette tradition des vœux et des bonnes résolutions, voire des prédictions pour une année nouvelle, 2016 fait exception. Cette attitude qui déroge tient à des motifs personnels et à des motifs métahistoriques, et ces deux sortes de motifs se rencontrant et se mêlant intimement. Je ne vois pas de circonstance, – cette intimité du personnel et du métahistorique, – qui rencontre plus ma raison d’être et ma façon d’être, ce sentiment que l’être n’est lui-même que lorsque le plus intime de lui-même rencontre les grands courants collectifs du monde inspirés et suscités par des forces supérieures. Cela satisfait autant cette “âme poétique” qui trouve dans la beauté et l’intuition les traces indubitable de la transcendance, que l’esprit générateur d’une pensée que je voudrais cohérente et qui, elle aussi mais par d’autres voies, conclut à la vitale nécessité et à l’incontestable présence de la transcendance.
Voici donc 2016 que je salue, pour la force symbolique rassemblée par les concordances du symbolisme des dates (des “anniversaires” comme l’on dit platement) qui y sont présentes. 2016, c’est le dixième anniversaire de ma découverte de Verdun. (De “notre“ découverte de Verdun puisque nous fûmes plusieurs et que je ne peux nous oublier, tous comme nous fûmes : chaque fois que je dis “je” à propos de Verdun, il ne faut pas oublier que je dis “nous” également puisque cette aventure s’est faite pour moi, également, au nom d’une amitié commune transcendée par une ferveur commune.) 2016, c’est bien entendu, – j’allais dire “également” et je devrais dit “surtout”, alors je ne dis rien que l’adverbe de l’évidence, – le centième anniversaire de la bataille de Verdun. Qui pourrait s’étonner que je mette les deux ensemble pour faire de 2016, comme une basse continue de mon travail et de mes réflexions, le réceptacle d’une profonde méditation et d’une nostalgie infinie, qui susciteront ce qu’il reste de meilleur en moi. J’aime profondément, j’aime infiniment, qu’à la fureur du texte que j’écrivis hier succèdent, comme je l’écrivais justement à la fin de ce texte, l’harmonie, l’apaisement, l’équilibre et l’ordre de celui que j’écris ici et maintenant, comme si “ici-et-maintenant” n’avaient plus la moindre importance ni la moindre existence, comme si ce texte d’“ici-et-maintenant” était écrit pour dépasser décisivement la circonstance d’“ici-et-maintenant”. Ce texte du jour n’a rien à voir avec les impératifs du présent du jour, il suggère qu’il se trouve hors du Temps pour faire mieux saisir ce que certaines choses d’apparence temporelle recèle d’absolument, d’infiniment intemporel jusqu’à laisser deviner l’éternité.
C’est en 2006 qu’eut lieu ma et notre première visite à Verdun. Elle fut suivie de beaucoup d’autres, et d’un livre, Les Âmes de Verdun, dont vous voyez en permanence la couverture en page d’accueil, qui n’eut aucun succès selon les normes en cours comme il sied aux ouvrages qui refusent les règles conformistes et les ukases de leur temps lorsque ce temps est cette époque misérable et indigne au-delà de tout ce que nous aurions pu imaginer avant qu’elle ne survint. Je pense que c’est un très beau livre, dans tous les sens du mot “beauté”, – celui de la pensée qu’il inspire, de l’âme collective qu’il dévoile, de l’esthétique superbe dont il est habillé. Cette aventure, survenue sur le tard pour la plupart des aventuriers, reste dans mon âme et dans ma pensée comme un présent sublime que la transcendance nous a offert à nous tous, les aventuriers de Verdun, et pour l’un d’entre nous ce que je crois pouvoir me permettre de présenter comme le dernier et peut-être plus beau présent que lui aura fait la vie avant qu’il ne la quitte pour d’autres horizons. Verdun, c’est un paysage terrestre orné d’une beauté achevée qui en fait un monde hors de notre monde, parcouru, chargé, magnifié comme par un chant de gloire venu d’ailleurs, de la présence de ces milliers, de ces centaines de milliers d’âmes de ces jeunes gens morts de Verdun, qui nous chuchotent qu’ils ne sont pas morts en vain et que la permanence de leur présence signifie au visiteur qui sait la déceler que la mort n’est en rien la tragédie nihiliste qu’en font nombre de nos tristes et piètres contemporains. Je ne sais si notre époque de l’imposture mérite Verdun-aujourd’hui, si précieusement conservé et haussé à sa vraie mesure par la beauté du site, – et dire cela c’est dire que je suis fixé à cet égard. Verdun-aujourd’hui ne mérite rien de cette époque, mais plutôt, symboliquement, ce sublime quatrain de Péguy écrit mystérieusement et énigmatiquement composé (en 1913), comme une prémonition du salut du poète qui perdrait lui-même la vie dans la bataille et “divine surprise” de la Marne de septembre 1914, à la gloire de toutes ces jeunes âmes mortes et ressuscitées :
« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus,
» Qu'ils ne soient pas jugés sur leur seule misère.
» Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre
» Qui les a tant perdus et qu'ils ont tant aimée. »
Je dois à Verdun un choc général qui a généré un courant nouveau et plus haut de mes réflexions, basé sur un bouleversement complet de ma conception de l’histoire, en y découvrant l’élan vers l’Histoire, ou histoire devenue métahistoire, au point où dans ma nomenclature intime, je n’hésite pas à parler de l’“intuition de Verdun” qui est de la catégorie des plus hautes intuitions. Aujourd’hui, confrontant la beauté et la sublimité de Verdun et sa puissante influence sur l’âme poétique d’une part, le goût pour le travail de la métaphysique qui s’est emparé de moi d’autre part, je suis devenu adepte de cette conception qu’expose si bien Gustave Thibon (**) observant qu’il était venu à la métaphysique par la beauté de la poésie. Alors, il m’a semblé bienvenu de poursuivre la publication d’un travail déjà présent dans un texte récent du Journal dde.crisis, sur la “nostalgie infinie”, et qui, finalement, annonçait ce que je propose aujourd’hui, c’est-à-dire la suite-et-fin de ce passage de La Grâce de l’Histoire/Tome II sur cette “nostalgie infinie” comme messagère de l’éternité, avec le souvenir magnifié et transcendé de Verdun... Ainsi écrivai-je le 1er décembre, sur quoi s'enchaîne la suite ci-dessous :
« ...Je termine l’extrait à l’endroit où j'en suis de ma nième relecture pour garder un texte soumis à autant d’attention et d’intérêt de ma part ; je termine tout de même en laissant les trois premières lignes d’un nouveau paragraphe indiquant que la deuxième référence manifestant cette conception de ma nostalgie, après l’“Algérie-perdue”, est ce que j’ai coutume de nommer l’intuition de Verdun”. Que le lecteur ait également à l’esprit que la “nième relecture” n’empêche nullement qu’il y pourrait bien sûr y avoir une “nième + 1” relecture avec de nouvelles corrections, et peut-être bien une “nième + 2”, et ainsi va la vie... »
(Suite)
...Il est vrai que m’arrêtant sur ceci qui est comme une image pieuse du visage du Diable, le visage de Soros nous avertissant contre Trump, il m’est venu à l’esprit l’idée de me mettre à cette chronique que j’avais déjà envisagée une fois ou l’autre, tel jour ou tel autre. La chose s’attache à un sujet somme toute intéressant, qui concerne la perception et la représentation qu’il faudrait avoir, selon mon sentiment, concernant ces évènements apocalyptiques dont on nous menace. Il s’agit de “Marine & The Donald”, et de savoir ce qu’il faut en faire dans nos supputations, lorsque l’on envisage ce que constituerait l’accomplissement de leurs ambitions.
Ces deux phénomènes politiques ou démagogiques-selon-certains, semblent avoir pour à peu près les mêmes “certains” des similitudes qui invitent à aller jusqu’à l’amalgame qu’on qualifierait de circonstance ; et, pour mon compte, sans plus élaborer sur les deux personnages car dans ce propos importe peu ce qu’ils sont et ce qu’ils pensent parce que je ne parle que du Système et rien d’autre. J’ai lu ici et là des commentateurs US faisant de Trump “the US Marine Le Pen”, – sans prêter attention, curieuse ironie, qu’en allant au plus court qui donnerait “The US Marine”, l’analogie aurait de quoi tromper son monde. Devant cette sorte d’argument, la “raison ” qu’entendent conserver notamment ceux-là que je vois assez souvent comme “les vrais-faux antiSystème” échafaudent nombre d’arguments et de théories prévisionnelles, qui vont tous dans le même sens : “Attention, ne nous emballons pas !” (Ou bien l’horripilant, pontifiant et arrogant “On se calme”, qui a le don de me faire me départir aussitôt de mon calme.) Ces deux-là, – Marine & The Donald, – s’ils vous apparaissent antiSystème, disent-ils, ne le sont pas tant que l’on croit ; peut-être même cachent-ils leur jeu, pour être encore plus Système que l’on croit. J’ai de la peine, comme dedefensa.org lui-même d’après ce que je constate, à cacher l’agacement qui, souvent, je dirais même de plus en plus souvent, me prend à la lecture de ces théories argumentées qui sont de ce genre que je dirais, du type “à-moi-on-ne-me-la-fait-pas”. Leur raison fait, exactement de la même façon, la raisonneuse “à-qui-on-ne-la-fait-pas” ; mais tout cela se dit, s’argumente, s’échafaude, souvent de façon fort complexe comme si la complexité était le gage de la sûreté de la raison, dans le cadre du Système ; si bien qu’au bout du compte, il s’avèrerait que la démarche peut aussi bien se révéler être une précieuse alliée du Système.
En effet, dérouler cette sorte d’argument, certes, c’est rester à l’intérieur du Système. L’argument s’appuie sur la prévision, ou la prédiction, qu’une fois élus, l’un et l’autre ou l’un ou l’autre, ils seraient conduits à faire une politique qui s’adapterait au Système, sinon qui ferait d’eux des complices et des “idiots utiles” du Système (Marine Le Pen, souvent désignée comme “la roue de secours du Système”). L’argument est à si bon compte qu’il ne vaut même pas d’être discuté : bien entendu qu’ils feraient une politique qui ferait d’eux des complices ou des “idiots utiles” du Système, parce que nul ni personne n’a la moindre possibilité de faire autrement que d’en passer par le Système parce que le Système est notre Tout et que rien ne lui échappe à l’intérieur des règles qu’il a établies. Or, une élection, suivie d’une installation à une fonction suprême, suivie de l’application d’une politique, ne peuvent se faire qu’à l’intérieur du Système. Aussi n’est-ce pas ce qu’il faut attendre d’une Marine ou d’un The Donald. Ainsi et en d’autres mots, vous comprendrez que je laisse de côté ce débat, m’en lave les mains en n’en dit plus un mot.
Il y a aussi ceci que je mentionne en passant, vraiment en passant parce que je me demande bien comment l’on peut encore s’attarder à de telles choses... “Fascisme”, “populisme”, “racisme”, “xénophobie”, voilà les mots dont on parle et dont tant de personnes parlent à leur propos. Quand je les entends sérieusement proférés, je sens comme un vertige qui me prend ; dans quel monde se croit-on pour employer de tels mots qui arrangent si bien le Système en détournant la critique antiSystème, s’emporter à leur propos, pinailler, argumenter, théoriser, discutant ainsi du sexe des anges noirs sans mesurer que ces anges noirs sont devenus des eunuques d’un autre temps ? Sait-on précisément de quoi le monde craque aujourd’hui, cette menace de sa destruction jusqu’à la néantisation par une puissance qui nous dépasse tous, et croit-on que les “eunuques d’un autre temps” méritent ne serait-ce que cinq minutes de discussion au Café du Commerce pour avoir une bonne mesure de la pureté, ou plutôt de l’impureté de ceux qui sont soupçonnés d’en être la réincarnation ? Enfin, qu’on me pardonne, je mentionnais ces circonstances en passant ; certes, cela ne fait pas très sérieux mais il fallait bien en dire un mot, de ces mots-là. Voilà, il est dit.
Car ce qui compte n’est pas ce qu’ils (“Marine & The Donald”) sont en vérité, ni ce qu’ils feront, ou plutôt ce qu’ils ont l’intention de faire s’ils sont élus et toute cette sorte de choses, mais ce que le Système a fait d’eux désormais, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. Que cela soit vrai ou non n’importe pas puisque seule compte, dans les termes impératifs de la communication qui domine tout et détermine tout, la représentation-Système dans un événement organisé par le Système et destiné à se passer à l’intérieur du Système. Nous sommes obligés d’emprunter cette voie d’accès à des perspectives éventuellement libératrices parce que tout le reste a échoué même si cela n’a pas été inutile (révolution, prise de pouvoir par la violence, insurrection, Occupy quelque chose, Tea Party et Ron Paul, les divers “indignés”, etc.), et échouera désormais à cause justement de cette puissance totalitaire du Système dont nous pouvons aujourd’hui comprendre et mesurer, à la fois l’hermétisme total en général et la potentialité explosive de lui-même dans certaines circonstances, dans un moment privilégié qu’il faut savoir reconnaître. Le nœud gordien de mon propos est effectivement l’identification de ce moment qui ne peut être qu’un Moment métahistorique où, ayant emprunté cette voie d’accès, et soudain désignés par ce qu’ils appellent “le suffrage du peuple”, ou “la volonté du peuple” qui est cette célébration de l’imposture imposée par le Système, ils sont élus (le duo “Marine & The Donald”). Je ne dis même pas “où ils accèdent à la fonction suprême...” (encore moins “où ils installent un gouvernement”, “où ils annoncent une politique”, etc., ces choses complètement insensées à envisager) ; je parle du fait même de l’élection au sein du Système d’une Marine ou d’un The Donald, qui ne peut être perçue par le Système que comme une imposture insupportable, une trahison épouvantable, à cause de la représentation absolument hermétique, impossible à modifier qu’il (le Système) a faite d’eux.
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 14 décembre 2015 au 20 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Où qu’on arrête le regard survolant le vaste monde, la plume écrit aussitôt le mot “désordre”. • Qui plus est dans ces temps étranges qui ressemblent nécessairement à une tragédie, le ridicule vient se greffer ou bien même il précède ce sens du tragique, rendant un son étrange et proposant une formule qui ne l’est pas moins. • Ainsi avons-nous choisi cette combinaison étrange de mots, “une tragédie-bouffe”, pour indiquer cet étrange mélange d’une époque qui se bat d’abord pour ne pas avoir à se regarder dans un miroir pour ne pas voir ce qu’elle est vraiment. • La candidature de Trump, dit The Donald, a en effet tout du côté “bouffe” de la “tragédie-bouffe” (19 décembre 2015), et pourtant les échanges entre Poutine (18 décembre 2015) et Trump (18 décembre 2015) dégagent une perspective autrement plus grave, qui justifie effectivement le mot “tragique” parce qu’elle concerne une situation US sans exemple ni précédent, et qui peut effectivement verser dans un désordre tragique, au point qu’un ancien colonel et ancien chef de cabinet d’un Secrétaire d’État appelle à la révolution (16 décembre 2015). • Comment ne pas voir également une bouffonnerie dans cette coalition antiterroriste lancée par le pays qui est le principal financier du terrorisme, l’Arabie ? (15 décembre 2015 et 17 décembre 2015.) Comment ne pas voir une tragédie que les Russes n’ont pas peur d’affronter (16 décembre 2015) dans la situation où cette même Arabie porte tant de responsabilité ? »
Celle-là qui concerne les Russes, ils l’on ratée à dedefensa.org, alors je supplée... C’est une histoire de zombie(s), qui date du 23 décembre, et de zombies qui frappent avec insistance à une porte ouverte. Je vais insister sur l’image, sur le langage, sur la perception, – j’allais dire, emporté par la fougue du langage, “sur le concept”.
Réglons vite les détails d’intendance. Il s’agit des dernières sanctions antirusses que viennent de prendre les gens de Washington. Elles n’ont aucune justification politique, aucun contexte d’action politique qui les rendent cohérentes, elles contredisent une autre politique officielle, la porte d’à-côté, où les mêmes qui prennent de nouvelles sanctions s’exonèrent d’eux-mêmes, exactement au même moment, des contraintes pour eux-mêmes de leurs propres sanctions par des textes secrets en achetant aux Russes du matériel hautement stratégique (d’énormes moteurs de fusée porteuses de satellites). Cela déclenche la rage pour une fois du meilleur sens du monde du sénateur McCain (« C’est le comble de l’hypocrisie ! Comment notre gouvernement peut-il dire aux Européens qu’ils doivent tenir bon en maintenant leurs sanctions antirusses, qui leur sont beaucoup plus coûteuses que pour nous, alors que nous orientons notre politique dans cette voie ? Comment pouvons-nous dire aux Français de ne pas vendre de vaisseau d’assaut amphibie aux Russes, comme nous avons fait, et puis nous-mêmes changer complètement notre politique pour négocier l’achat de moteurs de fusées avec la bande de Poutine ?»). Si je donne ces précisions, c’est pour bien montrer que l’appréciation des Russes, auxquelles je vais venir et qui sont le sujet de ce Journal dde.crisis aujourd’hui, ne sont pas dites en l’air, qu’elles concernent des évènements bien réels, concrets et précis. La folie, aujourd’hui, a la couleur de la quotidienneté de nos jours, jour après jour et sans plus jamais se lasser d’être folle.
C’est en effet à propos de toutes ces péripéties qu’un personnage très officiel a fait, ès qualité, un commentaire public sur ce comportement. Il s’agit du vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Riabkov, parlant à l’agence Interfax, et voici la partie de son commentaire qui m’intéresse : « Les agences du gouvernement US ont agi et agissent avec entêtement comme des zombies qui frapperaient à une porte ouverte. Elles devraient se préoccupaient d’exercer une influence [de restriction] sur Kiev mais il semble inutile de répéter cela à ces gens qui se comportent comme des zombies. Ils tournent en rond, cherchant à prouver quelque chose non pas tant à nous qu’à leurs employés à Kiev et à leurs obligés en Europe qui, comme le département US du Trésor le rapporte explicitement, sont uniquement préoccupés de suivre la ligne de Washington. » (*) L’ambassade de Russie en Angleterre a repris la citation sur son tweet et l’a illustrée de l’affiche d’un film sur les zombies (“The Walking-Dead”). Il s’agit vraiment d’une déclaration intéressante, qui n’a manifestement pas été improvisée spontanément, qui a vraiment une signification très spécifique.
... Il s’agit de déclarations vraiment très intéressantes, si l’on ajoute celle de McCain. Si vous ajoutez les deux effectivement, vous vous apercevez qu’elles disent la même chose selon des points de vue et des intérêts absolument opposés, – cela constaté sans porter de jugement sur l’esprit et la nature de chacun des deux côtés, ce qui est un autre débat. Elles décrivent une politique complètement incohérente selon l’entendement d’une raison hors de la subversion, caractérisée par une absence complète de logique et une pensée complètement éclatée et dont les débris sont précieusement cloisonnés, par un esprit littéralement mangé par une sorte de pourriture immatérielle sous la forme d’une attraction presque fascinée et évidemment fatale vers la néantisation d’elle-même ; elles décrivent des comportements qui ne peuvent être que ceux de personnes dont on peut raisonnablement déduire qu’elles sont affreusement perturbées dans leurs affaires mentales, qui devraient suivre un sérieux traitement, une thérapie décisive qu’on pourrait décrire comme psychiatrique si l’on veut, mais qui relèverait plus sûrement et bien plus efficacement de la pratique évidente de l’exorcisme.
Je crois qu’il faut très sérieusement s’arrêter à de tels jugements (celui de Riabkov) faits publiquement parce qu’ils mettent à jour une situation peu ordinaire. Bien entendu, je dis cela après bien d’autres exemples de tels comportements, depuis maintenant plusieurs années faites de désordres terribles et d’incohérences affreuses, à ce point qu’on ne peut en aucun cas parler d’accidents, ou d’interprétations hasardeuses. Ce point-là doit être une fois pour toutes acté, c’est-à-dire qu’il faut se débarrasser une fois pour toutes de ces analyses épuisantes, depuis des années également, développées par les raisons raisonneuses de tant d’analystes, de commentateurs, d’auteurs de fiction, d’apprenti-prophètes de la prospective, surtout parmi les antiSystème malheureusement, qui ne cessent de débusquer derrière le comportement complètement chaotique des acteurs de la politique US de subtiles et complexes manœuvres faites pour réaliser de formidables plans d’investissement et d’hégémonie. Depuis que toutes ces “subtiles et complexes manœuvres” se soldent par de si complètes catastrophes, il est bien assez temps de se débarrasser de ce réflexe devenu quasiment pavlovien qui finit par faire penser que le raisonneur est peut être bien aussi fou que celui dont il prétend mettre à jour les intentions secrètes.
(Suite)
Interviewé en 1933 au moment de la sortie du Voyage au bout de la nuit, Céline avait grommelé sur le rythme caractéristique de cette voix si rapide comme on est pressé d’en finir, que, de toutes les façons “la littérature est morte”. Vieille idée du siècle précédent, qui n’en finit pas de mourir. Elle vient à mon esprit parce que je songe à Houellebecq, parce que je n’ai commencé vraiment à le lire que récemment, parce que je suis dans un de ses romans pour le moment. Ses premiers livres ne m’avaient pas, comme on dit, “accroché”. J’avais cédé trop vite à la monotonie volontaire, ou bien involontaire que sais-je, de son style si caractéristique, si bien ajustée aux choses et aux actes qu’il décrit. Mais j’ai changé mon fusil d’épaule, récemment, avec Soumission, que j’ai trouvé excellent, parfaitement à son heure, absolument pas scandaleux ni mal intentionné puisque montrant l’état où la France s’est mise jusqu’à ce qu’on puisse envisager sans invraisemblance une fiction où elle accepterait bien volontiers l’empire de la foi musulmane un peu arrondie sur les bords, et là-dessus ce récit passionnant à la lecture.
Encore plus récemment, c’est-à-dire actuellement, lecture en cours, je me suis mis à La carte et le territoire, que l’on m’avait offert à un Noël quelconque ou bien pour mon anniversaire, – quelque part depuis sa publication et son Prix Goncourt 2010, je ne sais plus quand, – que j’avais laissé de côté, en attente ou bien sur une voie de garage. Après une dizaine des premières pages en équilibre un peu précaire, avec brève période incertaine et hésitante pour y entrer d’une façon intéressante, je suis effectivement entré là-dedans, très vite avec une certaine confiance qu’il n’y avait nulle arnaque à craindre, que j’y trouverais quelques aliments pour l’esprit qui valaient bien cet embrigadement. Hier, écrivant à un autre propos au jeune homme qui me l’avait offert, je fis un coq à l’âne pour lui annoncer que j’étais finalement dans cette lecture. J’écrivis cette remarque : « Pour Soumission, j’ai beaucoup aimé, et maintenant je suis plongé dans Carte & Territoire, dont vous m’aviez fait cadeau il y a deux ou trois ans. Il [Houellebecq] me passionne finalement, pas comme grand écrivain [romancier] car je pense que ce n’est pas le cas, de mon point de vue très personnel qui implique qu’aujourd’hui un bon écrivain-romancier selon la tradition de la chose est impossible (ce qui signifie que, pour moi, la littérature n’existe plus, – même si temporairement, – comme véritable art majeur) (*), mais comme formidable et extrêmement talentueux témoin objectif, quasiment clinique, de ce temps catastrophique. »
Peu après avoir écrit cette remarque, c’est-à-dire quelques heures après pas plus, j’arrive à la page 179 de Carte et territoire, après une fugue en Irlande du personnage principal du roman, le peintre Jed Martin, qui a visité l’écrivain Michel Houellebecq, – il se met en scène lui-même dans le livre comme personnage secondaire, – pour préparer un portrait de lui. Houellebecq est dans l’état apocalyptique qui est souvent le sien et qu’il se complaît à décrire dans ses moindres détails, selon son habitude, comme pour mieux nous faire sentir la profondeur de sa détresse psychologique, mais avec des propos pour retenir l’attention, qui montrent qu’il y a de la résilience au fond de la dépression... Ce propos-là, qui retint la mienne d’attention, et l’on comprend pourquoi : « Il est impossible d’écrire un roman, lui avait dit Houellebecq la veille, pour la même raison qu’il est impossible de vivre : en raison des pesanteurs qui s’accumulent. »
S’il donne ainsi, involontairement ou pas, une explication de cette détresse psychologique, il se fait aussi qu’il rencontre parfaitement mon sentiment, je dirais a contrario et tout aussi indirectement : aujourd’hui, on ne peut plus écrire que sur “les pesanteurs qui s’accumulent” et sur rien d’autre, c’est-à-dire sur la Grande Crise Générale pour mon compte, parce que rien d’autre n’est possible ; ce qu’il fait, et moi de même de mon côté, cela écrit sans rien comparer ni évaluer mais simplement parce que l’on parle d’écriture. On ne peut rien faire d’autre qu’écrire là-dessus, pour ne pas être en-dessous, complètement écrasé. Nous sommes témoins, c’est-à-dire combattants et résistants, chacun avec sa façon ; pas vraiment de surprise, car que peut-on faire d’autre qui ait quelque dignité ? C’est le seul honneur que cette terrible époque n'est parvenue à détruire et il importe de le mériter.
(*) Pour moi, la littérature lorsqu’elle est ramenée au roman, ne se contente pas pour autant de témoigner de son temps. Un roman le fait en partie, mais il fait aussi de la psychologie, voire de la sociologie, et surtout il crée son propre monde à côté mais hors du monde où il s’inscrit. Le roman-en-soi ne peut se réduire à un témoignage, sinon il n’est pas. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de psychologie à étudier sinon la psychologie-Système, c’est-à-dire soumise et faussaire, et les résistances antiSystème qu’on peut lui opposer, qui n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles sont un bloc psychologie identifiable dans le champ de l'antiSystème ; le sociologie est pulvérisée, réduite à l’étude des quelques grains d’elle-même qui subsistent, c’est-à-dire sans intérêt à étudier ni caractère de quoi que ce soit sinon celui, inverti, de finir comme complice du Système. Enfin, il ne se peut concevoir de créer un monde à soi à côté mais hors de l’énormité écrasante (voir les “pesanteurs qui nous écrasent” d’Houellebecq) de cette terrible époque qui enferme notre monde et interdit à rien d’autre d’exister, et il en sera ainsi jusqu’à ce qu’elle (cette époque, le Système) s’autodétruise. Ainsi la littérature (le roman) ne peut-elle plus exister pour la séquence métahistorique en cours, et n’existe plus.