Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
On me dit souvent du genre “vieil ours solitaire”, ce qui veut dire “une personne qui fuit le monde”. (Je suis surpris par le nombre d’expressions, adages, etc., utilisant le nom de ce splendide animal.) Ce n’est pas tout à fait faux, et cela doit se comprendre lorsque l’on voit le monde qu’on a ; je suis pourtant d’excellente compagnie et en général d’humeur agréable pour qui me convient ; mais bon, la réputation elle aussi me convient, qui constitue une bonne cuirasse contre ce monde, justement, parce que ce monde-là représentes dans ses conditions à lui une affreuse agression, et permanente de surcroît. Tout cela bien compris et sans s’attarder trop à ma personne, il reste que je ne suis pas indifférent au monde, comme le réclame l’évidence de ma fonction et de ma mission ; en même temps que je m’instruis de la marche du monde, je reste attentif à ces petits signes qui parsèment mon petit monde autour de moi et je crois que la distance que je maintiens entre lui (le monde qui marche) et moi me permet de les mieux distinguer.
Ainsi ai-je remarqué cette année, pour cette saison dite-“des fêtes”, plusieurs petites choses qui sont autant de signes qui forment une perception de l’humeur d’une région, d’un pays, d’une civilisation, bien plus que tous les sondages et enquêtes statistiques du monde peuvent prétendre vous en instruire. Depuis plusieurs années, la “mode festive” était de décorer l’extérieur des maisons d’attributs assez incertains, en général d’une remarquable laideur et d’une médiocrité manufacturée, guirlandes de lampe de couleur, Pères Noëls en peluche ou assimilé, couronnes de sapin faites à la va-vite, etc. Cette année, cela m’est apparu depuis plusieurs jours, le nombre de ces manifestations individuelles d’un sentiment festif collectif conforme à l’optimisme de rigueur a considérablement diminué, dans un rapport étonnamment significatif. Autre signe dans le même sens, qui fait le bonheur de mon admirable Klara, ma superbe beauceronne, prise d’une affreuse panique au bruit de certaines détonations (bruit de tonnerre d’orage, pétard, détonations d’armes à feu) : il y a eu beaucoup moins de pétards cette année dans les quelques jours avant Noël, de ces pétarades habituelles qui constituent la stupide dégénérescence pyrotechnique de vieilles traditions pour saluer les “fêtes”. Autre chose encore : dans les papotages de voisinage, on parle du temps exceptionnellement doux avec l’absence de jubilation stupide que nous imposent en général les sapiens-météos de la TV, qui frisent l'extase lorsqu'ils annoncent plus de 25° ; au contraire, on distingue une sorte de sourde angoisse devant un événement perçu comme inhabituel et inquiétant (alors qu’il est bien entendu déjà arrivé d’avoir des Noëls aussi doux, mais cette fois, eh bien c’est différent).
Dernièrement, un jeune homme occupé des seules questions informatiques en marge du site, et qui n’a jamais montré le moindre intérêt pour les choses terribles de notre temps, est soudain intervenu dans une conversations que nous avions, avec une tierce personne, pour hocher la tête avec une phrase définitive, du type : “Quel bordel, quel bordel, mais que va-t-il nous arriver ?” ; mon dentiste, brave homme, seulement préoccupé d’implants, de caries et de ses voyages organisées de vacances, s’est tout d’un coup exclamé, roulette soudain bloquée à quelques millimètres d’une des rescapées de mes tristes gencives, sous mon regard soudain intrigué : “Mais c’est incroyable, tout ce qui se passe, monsieur Grasset ! Comment va-t-on en sortir ? Hein, à votre avis ? C’est impossible de continuer comme ça...” L’autre jour, ma fille, qui court d’une priorité à l’autre, d’un enfant à l’autre, d’un cours qu’elle donne à un autre qu’elle doit donner, à 180 à l’heure, qui me voit entre deux portes quand on arrive à les ouvrir, qui parle de tout et de rien, soudain s’arrête à un événement pour m’interroger, et je lui dis : “C’est une époque terrible, tu sais”, et elle qui répond, soudain angoissée : “Je sais, je sais, ne me dis rien, je préfère ne pas savoir !” ; puis soudain, pas dépourvu d’ironie matoise j’en conviens, presque un clin d’œil comme il faut avoir quand l’angoisse vous assaille :
— D’ailleurs, toi tu sais bien pour deux, alors hein...
Ce que je veux rapporter avec ce bouquet de choses variées, sans importance, sans véritable éclat, sans véritable signification propre, c’est l’impression d’un “climat”, – j’aime bien parler de “climat”... Comme le temps de cette saison, le climat est “inhabituel et inquiétant”, il est différent et l’on sent bien qu’il se passe quelque chose. Ce Noël-là, de 2015, est différent des autres, me dis-je alors que le 24 décembre allait sur sa fin, vers la fameuse soirée réveillonneuse ; l’optimisme jubilatoire des bataillons de présentateurs-TV, commentateurs-Système, sociologues-postmodernes, figurant en priorité sur leur feuille de route, comme ce qu’on nommait dans les années 1920 aux USA “l’idéologie de l’optimisme”, tout cela n’arrive plus à nous emporter vraiment. Il sonne faux, au point qu’on se demande si eux-mêmes y croient, au point que le maître-queue s’inquièterait de savoir si, vraiment, “la mayonnaise prend encore”.
(Suite)
On peut juger que tout l’esprit de notre temps est rassemblé, à la fois opérationnellement et symboliquement, dans ces deux nouvelles : interdiction ponctuelle en France du film Crimée, retour à la Patrie, retrait du programme d’une école de Pennsylvanie du livre de Mark Twain Les Aventures d’Huckleberry Finn. Je vais m’attacher à ces deux cas considérés comme symboliques de notre époque, et symboliques de notre époque parce qu’ils y sont et qu’ils s’y sentent si bien ; d’abord les exposant succinctement et ne cherchant en aucun cas à m’attarder au fond tant l’évidence suffit à la chose ; pas de débats, par d’arguments, pas de plaidoiries, simplement l’intérêt pour le processus après l’exposé de quelques détails pour situer les acteurs, et des détails qui ne s’embarrassent pas de se proclamer comme si j’étais du parti de la justice et de l’équité ; face à ces choses, je ne veux pas prétendre une seule seconde, ni être juste ni être équitable. Bien entendu, il ne s’agit que d’exemples, les deux qui me sont tombés sous la main, d’une pratique aujourd’hui universelle dans nos élites-Système, dans la presse-Système, dans le monde-Système qui tente d’exister pour enfin pouvoir liquider tout ce qui n’est pas lui et achever sa besogne de dissolution jusqu’à l’entropisation. Voici les deux avortons en question, rapidement esquissés...
• Le cas de Crimée, retour à la Patrie, un film de Andreï Kondrachov, interdit à Strasbourg en juin, à Nice en septembre, à Cannes en novembre et à Bordeaux le 11 décembre. Il s’agit d’un film sur le retour de la Crimée à la Russie. La vidéo du film réalisée pour la chaîne Rossiya-1 est disponible. Sputnik-français conte l’histoire de cette censure-Système dans deux textes. La dernière interdiction, surtout, m’a intéressé parce que je tiens Juppé pour un cas remarquable dans la mythologie de la fascination-par-le-serpent, et très symboliquement illustré par les félicitation adressées par l’ambassade d’Ukraine à monsieur Alain Juppé, maire de Bordeaux (« Nous saluons la décision responsable de la Mairie de Bordeaux et M.@alainjuppe d’annuler la projection d'un film “Crimée retour à la patrie” »). La même ambassade salue les activistes, les simili-Ukrainiens de Bordeaux, de cette belle cause « pour leur contribution à la vie culturelle de Bordeaux », où l’on voit un acte de censure magnifié comme une “contribution à la vie culturelle”, – quelle étrange inversion habite donc ces esprits pour écrire des choses pareilles, quoi qu’il en soit du cas considérés ? Quant à Juppé, c’est ce type qui se trouvait « le 29 avril 2015 dans l’UpperEast Side, à New York, puis le 2 mai à Rockefeller Center, pour chercher des fonds [pour sa campagne électorale]. Ses donateurs, comme le patron de la M&T Bank, Robert G. Wilmers, ont confiance en lui. Il est important pour eux d’avoir, à Paris, un homme de l’OTAN, ponctuel en gratitude... » En un mot, le parfait gaulliste, version-postmoderne, totalement “néoconisé” à la vie à la mort, avec tout le sérieux qui caractérise son arrogance, lors de son séjour en Amérique du Nord, en 2005. (*) Passons, si l’on peut.
• Le cas des Aventures d’Huckleberry Finn, de Twain, banni d’un cycle d’éducation littéraire par la Friends’ Central School dans le Comté de Montgomery, une institution privée établie en 1845 et fondée sur la “philosophie quaker”. L’argument est qu’il s’agit d’un livre “raciste”, essentiellement sinon exclusivement à cause de ce point absolument terrifiant de l'emploi du “nègre” à de noùbreuses reprises, cela provoquant un profond désarroi chez les étudiants, paraît-il, dépressions profondes, angoisses incontrôlées, tendances suicidaires, etc. On arrête là (tous les détails sont donnés sur le site WSWS.org, le 17 décembre 2015), l’accusation ne méritant même pas d’être relevée ni la discussion consentie à propos des piètres explications données par l’élite-Système de service, pataugeant avec zèle et endurance dans le tourbillon, ou le cloaque je ne sais, fangeux et boueux, extrêmement puant, de ses abaissements intellectuels et psychologiques devant la terreur du conformisme. Le Principal de l’Ecole Art Hall écrit aux parents : « I do not believe that we’re censoring. I really do believe that this is an opportunity for the school to step forward and listen to the students. » Quant à moi, monsieur le Principal, je really do believe qu’il s’agit de censure, et même de censure-Système, comme on va voir.
Il me faut bien du courage pour poursuivre ma réflexion tant ces deux cas qui ne sont pourtant ni rares ni exceptionnels par les temps qui galopent dénotent de sentiments, d’attitudes, de jugements d’une bassesse qui, normalement, suscitent un dégoût d’une insistance si grande qu’il peut fort souvent déboucher sur une nausée fort embarrassante. Peste, faisons l’effort tout de même car cette sorte de censure-là mérite quelques considérations ; elle n’est ni banale, ni courante, ni “classique”. C’est, comme je l’ai déjà écrit, la censure-Système, qui doit tout au Système ; et je dirais que c’est une censure d’ordre religieux, beaucoup plus qu’une censure de l’ordre des banalités-Système que ces caractères corrompus et affaiblis nous ânonnent sans jamais se décourager, sous le mot-magique de “valeurs” ; mais une censure d’ordre religieux, sans, comme on disait pour un mourant, “le secours de la religion”, c’est-à-dire sans l’argument transcendantal énoncé hors de toute hystérie. (Il vaut ce qu’il vaut selon qu’on croit ou qu’on ne croit pas à la transcendance mais on ne peut lui ôter son caractère de grandeur, hors des agitations de la fourmilière terrestre et de sa communication.)
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 7 décembre 2015 au 13 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Le phénomène que nous relevons de plus en plus est le développement de ce que notre chroniqueur du Journal dde.crisis nomme “la psychologie de l’apocalysme” (10 décembre 2015), c’est-à-dire cette orientation d’un nombre d’esprits grandissant pour souhaiter un événement catastrophique qui nous sortirait de cette infernale contre-civilisation. • Cela vaut bien entendu pour les antiSystème, certes, mais il n’est nullement assuré que nombre d’esprits-Système ne nourrissent pas, à peine en secret, la même inclination. • Tout y invite, au point où nous sommes, et lorsque la réflexion tente d’aller au fond et à l’origine des choses (10 décembre 2015). • Autour de nous, dans nos œuvres catastrophiques, ne cessent de proliférer l’avancée du désordre tourbillonnant qui mesure le blocage de l’infernale chose, que ce soit en Ukraine (12 décembre 2015), en Syrie bien entendu (8 décembre 2015), en Turquie qui est candidate à son “ukrainisation” (12 décembre 2015), que ce soit aux USA bien sûr (11 décembre 2015) que les derniers croyants tentent d’orner de la vertu de l’hégémonisme. • Pendant ce temps, les derniers gens sérieux, les Russes revenus de si loin (13 décembre 2015), continuent à renforcer leur puissance, pas du tout pour des conquêtes mais pour mieux affronter les tempêtes qui se succèdent et ne cesseront de s’amplifier (9 décembre 2015 et 11 décembre 2015). »
Je ne sais d’où vient l’anecdote, de tels mémoires ou de tels autres, ceux de Schumann par exemple, mais je suis assuré de l’importance du propos, et bien sûr de ce que dit ce propos, dans le chef de celui qui l’a rapporté. Maurice Schumann, donc, en août 1940 à Londres, entend de Gaulle lui dire à peu près ceci : “Le sort de la guerre est joué. L’Amérique ne va pas tarder à entrer en guerre avec toute sa puissance industrielle, l’Allemagne a perdu. Il nous faut maintenant songer à l’après-guerre...” (Et, par ces derniers mots, de Gaulle pensait bien entendu à la place de la France dans l’après-guerre. C’est son obsession absolument constante comme le montrent ses Mémoires de guerre : nullement la victoire, qu’il tient ainsi pour acquise, ni même le sort de l’Allemagne ou quelque jugement qu’il puisse sur cette puissance, sur le nazisme, etc., mais d’abord et par-dessus tout le sort, la place et le rang de la France après la guerre.)
Cela, je le répète, est dit en août 1940 ; de Gaulle n’est rien, la France est abattue, l’Angleterre est aux abois, l’Allemagne avance partout, l’Amérique ne cesse de se proclamer isolationniste (“America First”), etc. Cette déclaration, ce n’est pas de la divination, ce n’est pas de l’utopie, ce n’est pas de l’hystérie, ce n’est pas une évaluation complètement fantasmée des forces. (Il faut laisser de côté dans cette supputation assurée tous les aspects de quincaillerie, les puissances mécaniques des armées, les analyses stratégiques, etc.. Il faut n’en n’en retenir que l’esprit de la chose.) Il s’agit d’une vision métahistorique, d’un dessein, de la force structurante d’une conviction nourrie de l’intuition haute, et surtout il s’agit d’un caractère qui, en fonction de tout cela (vision métahistorique, etc.), affirme une volonté inébranlable, une nécessité psychologique absolument justifiée d’un point de vue rationnel ; rien à voir avec le pessimisme ou l’optimisme, et tout avec le caractère utilisant la raison pour rencontrer ce que lui dit la vision métahistorique. Ce n’est pas le don du devin mais l’esprit éclairé par l’intuition haute, et pour de Gaulle le sort de la France est l’objet principal de l’intuition haute.
Nous sommes aujourd’hui dans des conditions similaires, à part que l’enjeu est bien plus considérable qu’en 1940 ; les conditions historiques sont différentes mais l’inspiration métahistorique est similaire. D’un point de vue qualitatif, qui est le seul qui importe, il s’agit de la même situation psychologique, et j’affirme hautement que c’est bien à une telle situation de l’esprit (psychologie, caractère, point de vue rationnel, etc.) que je me réfère. Si je détaille rapidement tout cela, qui expose l’action intellectuelle qui me porte et ce qui la nourrit, tout cela à ma mesure et sans que je me prenne pour qui que ce soit d’autre que moi-même, c’est pour mieux dénoncer ce que je suis de plus en plus conduit à considérer comme “l’autre côté”. D’une façon assez singulière sinon paradoxale jugeront certains, – mais il n’est pas assuré qu’ils aient raison, et qu’au contraire de ce jugement nous nous trouvions dans la logique même, – je serais conduit à penser que les plus grands adversaires de cet état d’esprit que je qualifie évidemment d’antiSystème, se trouve également dans le camp antiSystème. (De même, les véritables, je dirais même les seuls adversaires de De Gaulle en 1940-45, ce sont les Anglo-Saxons et nullement les Allemands déjà vaincus, cela aussi ses Mémoires de guerre le montrent d’une façon qui ne laisse place à aucune ambiguïté. L’on n’est pas loin d’avoir une représentation, comme une réplique en amont, du grand affrontement que nous connaissons aujourd’hui.)
Je veux parler de toutes ces opinions, ces développements, ces analyses de nombre d’auteurs et d’acteurs qui se disent antiSystème, qui ne cessent de détailler les attributs de ce qu’ils jugent être la puissance du Système, de ce qu’ils jugent être l’habileté du Système à mettre en place des plans et des manœuvres, de ce qu’ils jugent être ce qu’il y a d’irrésistible décisivement et définitivement dans l’action du Système ... S’ils jugent tout cela irrésistible, pourquoi résistent-ils, ou plutôt comment prétendent-ils résister ? Je veux parler ici, non pas du détail de ces affirmations de puissance du Système, que je passe mon temps à démonter pour montrer qu’il s’agit de “l’impuissance de la puissance” et donc de l’autodestruction de la surpuissance, mais bien de la psychologie qui conduit à décrire sans le moindre esprit des nuances et de ce que c’est qu’un vérité-de-situation renvoyant à la métahistoire cette même surpuissance du Système comme si tout était dit. Qu’on me pardonne s’il y a quelque chose à pardonner, si je juge que cette psychologie est d’abord fondée, secrètement mais à peine tant cela doit vous apparaître comme évident, mais certainement inconsciemment de la part de ceux qui montrent ce travers, sur quelque chose qui est comme une fascination pour la puissance, et donc une hyper-fascination pour la surpuissance du Système.
(Suite)
Je m’interroge sur la signification cachée de la réponse de Poutine, lors de sa conférence de presse, à propos de Trump-The Donald, telle qu’on nous la rapporte sur ce site ce même 18 décembre. (Ce qui implique effectivement que je crois très possible qu’il y ait une signification cachée.) Le fait est qu’il a répondu comme on peut le lire, couvrant Trump de compliments, alors qu’il aurait très bien pu, et même qu’il aurait dû s’en tenir selon ses propres conceptions de non-interventionnisme dans les affaires d’un État souverain, à un “Ce ne sont pas nos affaires”, puisque domaine de la politique intérieure des USA. (L’argument affleure et aurait dû suffire effectivement comme réponse, lorsqu’il précise ceci que je mets en gras dans l’interprétation de sa réponse : « C'est un homme hors du commun, talentueux sans doute. L’évaluation de sa candidature n'est bien sûr pas de notre ressort, mais il est le leader absolu de la course présidentielle. Il se dit partant pour porter les relations russo-américaines à un autre niveau de coopération, beaucoup plus étroite et approfondie. Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement ces efforts. »)
Pour bien préciser mon interrogation : Poutine sait-il qu'une éventuelle élection de Trump, et même l’arrivée de Trump en phase finale (disons candidat républicain contre la/le candidat[e] démocrate, possiblement Hillary avec ses casseroles diverses et nombreuses, en bonne ménagère) ne sont certainement pas l’assurance raisonnable d’une politique, fût-elle excellente pour la Russie, mais plutôt l’assurance bien possible d’un réel désordre dans le processus du gouvernement des USA, peut-être un fatal désordre avec ce qui s’ensuivrait au niveau international ? Le sait-il lorsqu’il répond ce qu’il répond ? Je trouve évidemment que la question vaut d’être posée, et l’on se doute bien que la poser, pour moi, c’est tout aussi évidemment y répondre, simplement selon ma conviction et rien d’autre : oui, il le sait...
Dans le même ordre d’idée, même logique, même conviction que j’espère éclairée de l’intuition de ma part, sans aucune indication évènementielle que ce soit, je crois effectivement que les Russes sont au bout de leurs illusions et qu’ils ont compris qu’ils sont sur une terra incognita, là où la folie conduit la pseudo-politique des USA/du bloc-BAO, selon les impulsions du Système-devenu-fou. Ils auraient donc compris que la prudence, la recherche épuisante et stérile d’un arrangement n’ont plus de sens sinon une convenance tactique ici ou là. Selon ce cadre d’appréciations de ma seule conviction, la réponse de Poutine a encore plus de sens. C’est un joueur d’échecs, certes, mais le temps absolument en cours de contraction finale ne laisse plus de temps à la réflexion, et il faut jouer aussi vite que s’il s’agissait d’un poker. Si les Russes savent, si Poutine sait, – alors, ses encouragements à Trump révèlent leur sens caché. C’est comme s’il tentait, Poutine, de pousser à la réalisation du fameux conseil de Gorbatchev, répété encore en décembre 2014 par l’ancien président et homme de la glasnost-perestroïka : l’Amérique a absolument et décisivement besoin d’un effondrement à-la-soviétique des années 1985-1991...
Riyad, centre mondial de la coalition mondiale islamique antiterroriste, vous imaginez ? Oui, hein, vous imaginez ? Tenez, prenez une autre vodka, la cinquième je crois, il paraît que c’est idéal pour canaliser le fou-rire nerveux et inextinguible, et éviter ainsi de mourir de rire... Il serait temps qu’ils songent à demander à Hitler-Berlin, homme politique local qui n’est jamais mort comme chacun sait puisqu'il ressuscite régulièrement, d’organiser une coalition mondiale de lutte contre l’antisémitisme.
Bien, – il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas, et le mot “coalition” est l’une d’elles. Je crois que le premier à parler de la chose dans la forme où on la voit, c’est-à-dire pour notre fascinante époque, fut Donald Rumsfeld, avec son idée de “coalition of the willing”. C’était au temps où Bruxelles brusselait encore un peu, en 2002, et Rumsfeld était un dur, en plus de ça grand philosophe des unknowns unknowns, et plus encore visionnaire du chaos pentagonesque. C’était au temps où l’Empire cognait dur et s’y croyait, à récrire l’Histoire à sa guise. Le standard-“coalition of the willing” dédaignait les alliances type-OTAN, structurelles et soumises à des humeurs inattendues (règle de l’unanimité, droit de veto, etc.) ; c’était la réunion autour de l’Empire, USA regnante, disons des plus soumis et serviles “du jour” (comme on dit “plat du jour”).
Depuis, la chose a évolué et s’est transformée, grâce à la magie de l’évolution des temps sous l’hégémonie de fer d’une Amérique si forte et si cohérente, en une fantastique cocasserie du type-Marché aux puces, une surréelle grotesquerie qui illustre magnifiquement l’extrême sérieux de carton-pâte, la puissance implacable en simili-plastique de l’époque-sous-hégémonie-US que nous vivons. La dernière du genre, je l’avoue, m’a absolument stupéfié, cloué sur place, je dirais d’admirations stupéfiée et cloueuse ; cela lorsque je lis, de fort bon matin, que l’Arabie a activé une “coalition islamique mondiale contre le terrorisme”, qui réunit pas moins de 34 pays, et dont le centre nerveux, inspirateur, opérationnel, se trouvera à Riyad même. Je vous mets en lecture, pour prendre bonne note, les premières phrases de la dépêche de RT du 15 décembre 2015, aujourd’hui même à 01H45, – c’est tout frais, hein, on ne peut être plus au cœur d’une actualité débordante d’activité volontariste, de volonté active, de décision ferme, de construction à force d’abnégation d’un monde absolument meilleur... Pardonnez-moi si je ne traduis pas en français, parce qu’en anglais, vraiment cela fait plus chic-et-choc, plus costaud, plus Financial Times vous comprenez... C’est sûr, Allah reconnaîtra les siens.
« A Riyadh-based “Islamic military alliance” has been formed with a mission to fight terrorism, Saudi Arabian state TV has announced. The coalition consists of 34 countries, including the Gulf States, a number of African countries, Turkey, Egypt, Malaysia and Pakistan. Countries involved in the coalition aside from Saudi Arabia, include Jordan, the UAE, Pakistan, Bahrain, Bangladesh, Benin, Turkey, Chad, Togo, Tunisia, Djibouti, Senegal, Sudan, Sierra Leone, Somalia, Gabon, Guinea, the partially-recognized state of Palestine, the Islamic Federal Republic of the Comoros, Qatar, Cote d’Ivoire, Kuwait, Lebanon, Libya, Maldives, Mali, Malaysia, Egypt, Morocco, Mauritania, Niger, Nigeria, Yemen. »
(Nota drôlement Bene d’un tout-venant : Merde [Fuckshit] ! RT a dû se tromper considérablement : où est, dans cette coalition, le membre d’honneur et de plein-droit IS/EI, Islamic State/État Islamique, Daesh pour les dames ? Imaginez-vous une coalition antiterroriste-mondiale-islamiste sans IS/EI/Daesh, vous ? Un peu de sérieux, RT, officine de propagande pour couvrir Poutine qui tape sur IS/EI/Daesh sous prétexte vain d’antiterrorisme...)
Le monde est formidable. L’inspirateur, le concepteur, le financier de tout ce que le monde peut avoir de terrorisme inspiré, conceptualisé et financé, réunit une formidable coalition comprenant notamment tous les pays qui produisent la piétaille opérationnelle, la production logistique et le soutien de toutes les formes des groupes inspirés, conceptualisés et financés du terrorisme islamiste dans toute sa diversité. On y retrouve donc tous les “copains d’à-bord”, Pakistan, Turquie, Qatar, etc. Imaginez la soudaine angoisse de la solitude du non-sélectionné de la coalition qui saisit Daesh, qui est cette affreuse organisation de tuerie sanguinaire née d’elle-même comme une génération absolument spontanée, mais bien sûr avec l’aide d’Assad certes et un coup de main de Poutine ; et, d’un autre côté, l’inquiétude à peine dissimulée de l’Empire qui voudrait tellement garder pour lui ce privilège d’être le vainqueur décisif de cette affreuse menace qui pèse sur la civilisation postmoderniste sans cesse répandant ses bienfaits autour d’elle. (Et puis, hein, ils auraient pu y mettre comme membre d’honneur “Kiev-la-folle”, comme conseiller et symbole.)
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 30 novembre au 06 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Les évènements crisiques qui s’étendent à partir du foyer ouvert par la crise Syrie-II nous conduisent à observer l’évolution des pays du bloc-BAO, et notamment du principal d’entre eux (les USA). • C’est en effet un fait remarquable de constater combien l’extrême confusion dans et autour de la crise Syrie-II renvoie, comme dans une dynamique mimétique, à une extrême confusion dans les pays du bloc-BAO qui prétendent intervenir (dans Syrie-II) pour... • Pour quoi, d’ailleurs ? Rétablir l’ordre ? Défendre leurs intérêts ? Bloquer la Russie ? Avoir l’air de faire quelque chose ? Cette époque est celle des questions innombrables et sans réponse. • On retrouve sur le site des traces diverses de ces interrogations et surtout des constats qui les accompagnent, essentiellement à propos des USA et des Anglo-Saxons, que ce soit pour mesurer l’“hyperimpuissance” de la chose (3 décembre 2015 et 5 décembre 2015), que ce soit pour observer l’étrange psychologie et le comportement à mesure de ce qu’il reste du président Obama (5 décembre 2015). • On pourrait même dire que Daesh est plus un produit du désordre du bloc-BAO que ce que l’on a coutume d’en voir (4 décembre 2015). • Pendant ce temps, la Russie continue à tenir, selon ses positions classiques et sans trop d’illusions sur le sort du monde (2 décembre 2015 et 3 décembre 2015). • Pendant ce tempos (suite) se développe un état d’esprit général dont on parlera de plus en plus, dit apocalysme, ou le goût de l’apocalypse comme seule porte de sortie (6 décembre 2015). »
J’ai pris l’habitude, un peu au hasard du temps perdu, de m’attarder à l’émission 28 minutes (autour de 20H10-20H40) d’Elisabeth Quinn, sur Arte. C’est la sorte d’émission un peu intello-bobo, parfois intéressante objectivement, qui donne dans tous les cas une bonne indication de la température dans la parti des salonards, à Paris et dans les capitales des mêmes latitudes. Bref, on est au cœur du bloc BAO sans y être totalement emprisonnés... Ce qui me conduit à m’attarder à cette émission du 9 décembre (voyez le DVD de la chose sur le site de l’émission). C’était une émission spéciale avec l’invité, le journaliste russe Vladimir Pozner. Il a 81 ans, Pozner, et en paraît 60, il parle excellemment le français, aussi bien que son russe. Sa vie est une aventure : son père, juif russe, a quitté l’URSS au début des années 1920, s’est arrêté à Paris où il a épousé une française catholique. La famille a quitté la France pour les USA en 1940. Quelques années plus tard, le couple divorce et le père, soupçonné d’être un agent soviétique, doit quitter les USA en catastrophe ; c’était d’ailleurs vrai, comme Vladimir le découvre dans des archives déclassifiées en 1994, son père était bien un agent du NKVD rebaptisé KGB. Depuis Vladimir, a trouvé sa voie de journaliste, d’abord soviétique pur-jus puis jouant un rôle dans le pont de la communication entre l’Est et l’Ouest, puis entre le bloc-BAO et la Russie. (Voyez sa bio sur Wikipédia, drôle d’aventure...) On pourrait dire, – je risque ce jugement avec une extrême prudence, on va voir pourquoi, – qu’il serait plutôt proche du parti des “occidentalistes” en Russie, celui que haïssent les nationalistes-mystiques à-la-Douguine, installés sur l’héritage de Soljenitsyne.
Avec Pozner, nous nous trouvâmes face à une bestiole de grand poids et, de mon point de vue, extrêmement déroutante si l’on s’en tient aux évènements courants et à l’opinion et le sentiment qu’il nous en donna. D’un côté, – et je prends le sens inverse de ses interventions parce que je veux rétablir une hiérarchie en terminant par l’essentiel après avoir écarté l’accessoire, – d’un côté Pozner prend bien garde de souligner qu’il n’est nullement un partisan de Poutine, qu’il le critique, qu’il juge qu’il n’y a pas de liberté de parole dans le métier qu’il exerce (cela essentiellement pour la TV, la presse écrite et la radio étant laissé “assez libres” sinon complètement de son point de vue). D’un autre côté, lorsqu’on l’interroge (“Où en est le Russe aujourd’hui ?” “Qu’est-ce que c’est que l’âme russe ?”), Pozner abandonne les stéréotypes et devient soudain intarissable, ardent, plein d’une conviction presque mystique. “Aujourd’hui, le Russe est fier”, dit-il comme s’il éprouvait lui-même cette fierté, “il a retrouvé sa patrie et la Nation russe”, son pays est respecté, il “tient son rang” qui est une spécificité historique et souveraine qui lui est due ; et tout cela, grâce à Poutine, poursuit Pozner, et c’est pour cela que plus de quatre-vingt pour cent des Russes le soutiennent...
(Curieux paradoxe, dirait l’esprit critique, presque une contradiction... D’un côté, – je poursuis ce balancement, – le constat de la propagande du gouvernement pour forger l’opinion du Russe comme si celle-ci avait besoin de l’être, d’un autre côté la suggestion que l’écrasante majorité des Russes est derrière Poutine, sans nécessité de TV ni de rien d’autre de cette sorte qui en appelle à la communication, d’un seul élan qui vient de l’“âme russe“, parce qu’il a, Poutine, restauré le rang du grand pays... On ajoutera, pour être juste, que ce n’est pas sans ironie, comme s’il savait bien qu’il sacrifie aux stéréotypes, que Pozner termine sa tirade sur la pression du gouvernement russe sur la TV en ajoutant “d’ailleurs, aux États-Unis c’est la même chose”. Tout le monde parmi les protagonistes de l’émission entend cela, et notamment l’équivalence ainsi établie, comme allant de soi.)
Dans le courant de l’émission, Pozner est rejoint par un Français, l’homme d’affaires Jean-Michel Cosnuau, un des rois de la nuit à Moscou, qui vient de publier son livre Froid devant ! où il nous conte son aventure russe. Cosnuau a notamment établi une chaîne de boîtes de nuit qui le ferait classer dans une catégorie peu ragoûtante, à la fois postmoderne et affairiste ; mais voilà qu’il précise qu’il est venu en aide aux retraités moscovites des années 1990 qui n’avaient plus rien à manger grâce au libéralisme éclairé ; voilà enfin qu’il se déclare également mystique, qu’il fait grand cas de sa conversion à l’orthodoxie, et qu’il s’est fait ainsi, au fond, pour mieux comprendre les Russes sinon pour “se reconstruire Russe”... « Mais comme disait Dostoïevski, on ne peut pas comprendre les Russes sans être orthodoxe » nous confie Cosnuau, et tout le monde, athés, journaliste russe et chroniqueurs parisiens, jusqu’à un sourire de complicité de Renaud Dély l’habituel imprécateur antipoutinien, de s’exclamer joyeusement, en pleine russophilie !
Si j’en viens à ces détails de l’émission, pour laisser le fond à d’autres envolées, c’est parce qu’il m’importe de parler de ce quelque chose d’indéfinissable sinon par un détail échappé ou l’autre, qu’on nomme “le climat”. Si je m’attache à cet objet, cette émission, c’est à cause du “climat” où je l’ai vu baignée, et qu’il s’agit d’un changement extraordinaire par rapport à ce qui sévissait en fait d’orages et d’averses déchaînées d’imprécations, il y a quelques mois, voire quelques semaines, dans cette même émission comme dans tant d’autres. Dans les salons et sur les plateaux, il était impossible de voir prononcer (j’insiste sur cette idée de “vision”) le mot “Russe”, le mot “Russie” ou le mot “Poutine” sans aussitôt ressentir comme si on la voyait déferler une vague de haine née d’une houle de mépris avec son cortège de ricanements et de regards furieux sortis d’un tableau d’un Breughel qui se serait fait peintre des odyssées maritimes de la haine. Je ne me suis jamais attardé à ces exercices de pleine mer mais je les ai ressenties avec une force incroyable, ce climat antirusse qui ressemblait à une croisade sans la moindre pitié possible, où toute nuance, toute interrogation, toute explication étaient aussitôt ressenties comme la preuve ultime de la trahison. J’insiste là-dessus il a encore trois mois, deux mois, c’était bien le cas, sans nul doute... Et puis, brusquement mais subrepticement, sans faire aucun bruit, les choses ont basculé.
(Suite)
Il y a deux ans déjà, nous étions entrés dans la crise ukrainienne après la rupture entre Ianoukovitch et l’UE (18 novembre 2013). Moi, je n’avais rien vu venir très précisément, suivant d’une façon très épisodique les “révolutions de couleur“, les parcours des oligarques, la corruption, etc. La crise me prit par surprise comme une tragédie et c’en fut une effectivement ; entre l’épisode de novembre 2013 et le coup d’État de février 2014 (deux ans bientôt ou déjà ) l’Ukraine s’embrasa tragiquement. Après la symphonie brutale et orchestrée comme on est usurpé du Maidan, il y eut la “nuit des dupes” du 21 février qui aboutit à la fuite de Ianoukovitch, puis très vite la sécession de la Crimée et la guerre cruelle du Donbass, avec les tourments intérieurs au son de la croix gammée et du fric US distribué aux oligarques, et le frisson de la possibilité de l’apocalypse nucléaire qui courait dans ces sombres évènements. L’art de l’irréel et la haine de la vérité de cette contre-civilisation achevèrent de tuer la réalité et je concoctai fiévreusement le concept de déterminisme-narrativiste. Puis la crise s’est subrepticement mais irrémédiablement encalminée dans Minsk1, puis Minsk 2, etc., grâce à la patience habile de Poutine, le sens de la manœuvre couarde de Merkel-Hollande, l’incompétence stupide de Porochenko et la lourde stupidité du pseudo-éléphant (le noble animal mérite mieux) des USA dans le magasin de porcelaine. Tout ce qui se fait depuis verrouille le désastre : le sabotage de l’alimentation d’électricité de la Crimée par l’Ukraine conduit les Russes à intervenir d’urgence et à accélérer l’intégration de la Crimée dans la Russie ; l’intervention du FMI pour annuler la dette russe de l’Ukraine fait un peu plus tomber les masques (le FMI instrument des USA, cela allait mieux quand cela se voyait moins) et ne sauve l’Ukraine de rien.
La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est cette scène grotesque qui a eu lieu hier ou avant-hier, je ne sais, à la Rada. Le Premier ministre Iatseniouk, si séduisant avec sa tête rasée d’avorton sorti d’une fausse couche bureaucratique, parle à la tribune ; un député du parti du président Porochenko, Olej Barna, arrive d'un pas énergique vers la tribune, un bouquet de roses à la main ; désarçonné et n’y comprenant rien, Iatseniouk le laisse monter derrière lui, peut-être aime-t-il les roses et qu’on lui conte fleurette, peut-être est-ce la tendresse pense-t-il en acceptant le bouquet et ainsi les bras embarrassés ; Barna le saisit alors par les épaules pour l’éjecter de la tribune ; Iatseniouk résiste sans trop y croire ; l’autre le saisit par l’entrejambes, littéralement par les couilles puisque Iatseniouk doit être doté de ce noble instrument, pour achever le travail ; la Rada bascule avec l’orateur dans le désordre complet tandis qu’on voit Iatseniouk se remettant, contemplant la scène, posant le bouquet, puis le reprenant après tout et s’éclipsant avec la discrétion des grands hommes tandis que le baston cogne dur autour de lui entre disons une trentaine d’élus de la nation... La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est le trou noir du désordre (ici avec sa touche de grotesquerie très ukrainienne) qui grandit sans cesse comme s’il ne devait jamais cesser.
Ainsi vont les crises aujourd’hui : elles naissent dans un bruit terrible de tragédie puis s’étiolent peu à peu ; elles se déstructurent, se dissolvent dans cette drôle d'espèce de tragédie devenue bouffonnerie sans perdre leur caractère d’origine puisqu’il est dit qu’elles doivent durer jusqu’à l’entropisation par la néantisation du Grand Tout. La tragédie de la crise ukrainienne est devenue une tragédie-bouffe, ayant pris sa place dans le processus de déstructuration-dissolution du monde, jusqu’à la néantisation de l’entropisation. La crise couve toujours, elle peut exploser à nouveau comme font les volcans épisodiquement, car rien ne cesse jamais dans ce processus de destruction du monde enfermé dans sa contradiction de l’infinitude qui finira par engloutir le diabolus ex machina lui-même. C’est bien son propre monde que le Système réduit à la néantisation de l’entropisation, comme si c’était lui-même.
Y a-t-il eu, avant nous, une époque où, d’une façon rationnelle, posée, raisonnée, débattue et argumentée, un tel sentiment sinon un tel désir s’est ainsi répandu peu à peu, mais dans un laps de temps très court, venus d’esprits raisonnables et d’une façon qui ne l’est pas moins ? On comprend bien que je ne parle ni d’une psychose, ni d’une Grande-Peur qu’aurait inspirée tel ou tel événement, non plus que d’une pulsion collective d’hystérie ou de religiosité exacerbée, ni d’hystérie religieuse. Ce cas n’est absolument pas le bon pour notre affaire, et c’est bien du domaine de la raison raisonnante que je parle en parlant de ce qu’on nomme ici, sur ce site, “apocalysme”.
(En fait, l’expression complète, disons “militante“ dans le bon sens, c’est “apocalysme-antiSystème” comme on l’a vu, et c’est de cela que je veux parler en développant ce propos sur “la psychologie de l’apocalysme” puisqu’il s’agit nécessairement de mettre en cause le Système, de le mettre en accusation et de le condamner sans appel possible, puisqu’effectivement tout passe par ce défi et ce combat. Quoi qu’il en soit et pour ne pas trop charger le propos, et aussi pour faire entendre que nous nous trouvons dans le domaine de l’appréciation de la seule psychologie et nullement du parti-proclamé antiSystème qui découle de cette psychologie lorsqu’il s’agit d’agir, j’en reste à l’emploi du mot “apocalysme” seul.)
Pour répondre à la question de tête, mon impression, avec les limites de mes connaissances, est certes qu’il s’agit d’une situation absolument inédite : des “gens raisonnables” et des “esprits libres” en viennent, de plus en plus nombreux, à considérer comme la seule issue possible quelque chose d’extrêmement vague certes mais qui recèle en elle une brutalité et une radicalité inouïes, quelque chose qui peut être justement résumée par le mot fameux d’“apocalypse”, ce qui serait une sorte de tabula rasa si l’on veut. Cela embrasse tous les constats, thèses, prospectives et autres, comprenant les mots d’“effondrement”, de “dissolution”, de “catastrophe finale”, et concernant ce qu’ici on nomme le Système, ici le capitalisme lorsqu’il est pris dans son aspect global et général, ici la civilisation occidentalististe, etc. (On connaît suffisamment les expressions que nous affectionnons sur ce site, et moi en premier, pour désigner la chose qui doit s’effondrer, – le Système d’une part comme organisation élaborée et écrasante issue du “déchaînement de la Matière” de la charnière entre les XVIIIe et XIXe siècle après une évolution de plusieurs siècles, d’autre part la “contre-civilisation” qu’est devenue notre civilisation après cette fracture terrible de l’Histoire, – les deux comme deux faces d’une même pièce ou deux poupées russes qui s’emboitent...)
Bien entendu, la parenthèse ci-dessus rappelle, sans surprise, que je fais évidemment partie de cette psychologie-là depuis fort longtemps, bien avant que l’on puisse envisager une extension de cette “psychologie de l’apocalysme” au point d’envisager d’en faire un courant de pensée rationnel. Je situerais ce basculement de ma pensée autour du début du siècle, après l’attaque 9/11 et dans les réflexions que cette attaque, par son caractère extraordinaire et symboliquement remarquable, avait suscitées concernant la validité de cette civilisation qui prétend être “la nôtre”. La réflexion avait bien été préparée par les années 1990 et la façon dont le monde “de l’Ouest” avait gâché de la manière la plus barbare qui soit l’occasion qui lui était donnée de mettre en place des relations internationales apaisées. Ce fut tout le contraire et, en ce sens, 9/11 en était la conséquence, – conséquence symbolique de “notre barbarie”, – aussi symboliquement considérée que l’avaient fait sur l’instant les victimes de l’agression en en faisant une attaque contre “leur” civilisation. Ainsi est-ce bien autour de cette période que ma réflexion commença à embrasser le problème de cette “civilisation” du point de vue le plus fondamental qui soit, – déjà pointait l’idée de ce qui deviendrait dans mon esprit une “contre-civilisation”. Je m’appuyai notamment pour le plus précis sur ce que j’avais trouvé de réflexion dans ce sens, quoique incomplètes à mon sens, dans les derniers travaux, à la fin des années 1940, du philosophe de l’histoire Arnold Toynbee (*), et en plus avec des références plus lointaines de ce puissant courant qui, dans les années 1919-1933 et en France principalement, avait mis en cause le processus d’“américanisation” du monde. (Voir sur ce dernier point une version initiale de la Troisième Partie de La Grâce de l’Histoire, qui traite de cette période.) Cette réflexion ne pouvait qu’aboutir au constat du blocage mortel de cette civilisation, démontré par les évènements eux-mêmes, c’est-à-dire de la nécessité de sa destruction ; cela était conçu non pas comme un complot ni comme une guerre, mais comme une évidence pressante, un besoin irrésistible de la nature du monde.
C’est sur cette base de réflexion que ma psychologie a rapidement évolué vers cette conception de l’apocalysme, s’appuyant sur les constats que j’avais développés rationnellement et les confrontant en permanence et d’une manière radicale, comme m’y invitait la situation du monde, à l’évolution de cette situation du monde qui ne fit et qui continue de plus en plus rapidement à ne faire qu’en confirmer le bien-fondé ; parce que c’est bien cela, c’est bien l’évolution du monde, avec l’extraordinaire rapidité des évènements, avec également les intuitions que suscitent ces évènements ou qui surgissent à l’occasion de ces évènements, qui constitua l’élément-moteur de mon évolution psychologique, en confirmant “expérimentalement” comme l’on dit pour une science, ou bien “opérationnellement” si l’on veut, les propositions de mes réflexions rationnelles. On comprend alors, de même qu’il me semble qu’on pourrait le comprendre aisément en parcourant les archives du site, que cette psychologie n’est chez moi en rien névrotique ou d’une Grande Peur, ni hystérique ou religieuse, ni d’hystérie religieuse. Je l’assure, fermement et sans la moindre hésitation après toutes les précautions qui ont précédé, ce ne fut jamais mon cas, et j’ai assez fréquenté de psychiatres pour d’autres cas que le mien pour être fixé à cet égard : cette psychologie de l’apocalysme est, chez moi, complètement et entièrement faite toute de raison. On doit donc chercher, et d’ailleurs on les trouvera aisément, des explications rationnelles à l’existence et au développement d’une telle psychologie qui pourrait, à première vue et pour des jugements qui restent attachés à ces idéologies lénifiantes et éculées prometteuses de “lendemains qui chantent“, sembler défier la raison et qui, au contraire, ne fait que la combler.
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 23 novembre au 29 novembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaibe. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Le phénomène de “tourbillon crisique”, décrit en d’autres temps pas si lointain (13 juillet 2015) comme une sorte d’intégration permanente de tous les paroxysmes des diverses crises en cours, est désormais si constant qu’il ne permet plus d’avoir d’autre sujet que lui-même. • Mais, certes, en abordant ce “sujet”, vous les abordez tous, ou plutôt le contraire : en traitant tous les paroxysmes crisiques en cours, vous êtes “dans le sujet-‘tourbillon crisique’”, qui n’est qu’une caractérisation de plus, mais avec très forte dynamique d’intégration, de la Grande Crise de notre civilisation/du Système. • Ainsi parle-t-on de tout ce qui tourne autour de la Syrie, et de ce qui en paraît disjoint mais qui lui est intimement lié : selon certains, il s’agit de “l’époque la plus dangereuse de tous les temps” (24 novembre 2015) ; pour nous c’est aussi le globalisation qui se morcelle en “bulles psychologiques” (28 novembre 2015). • Tout de même, disons que la semaine fut marquée par la destruction d’un Su-24 russe par la Turquie (24 novembre 2015, 25 novembre 2015 et 26 novembre 2015) et l’abracadabrantesque alerte au terrorisme à Bruxelles, suite au 11/13 de Paris (24 novembre 2015 et 27 novembre 2015). • Sur le fond et pour ce qui vient, nous avons beaucoup à penser pour ce qui concerne la politique russe (23 novembre 2015), la politique française elle-même (25 novembre 2015) et les frasques de la famille Erdogan (27 novembre 2015). »
Rédiger le texte de dedefensa.org portant sur l’“Orgie d’apocalysme-Système”, c’était convoquer directement le thème de l’affrontement entre apocalysme-antiSystème et nihilisme-Système dont on s’explique largement, comme on l’a fait dans d’autres textes nombreux. Là-dessus, je lis le texte du Saker-US, sur UNZ.com, du 6 décembre 2015 (« Week Nine of the Russian Intervention in Syria: The Empire Strikes Back »), qui présente une vue crépusculaire de la position de la Russie en Syrie à la suite de l’incident Su-24, où la Russie se trouverait en position d’extrême faiblesse, sinon désespérée, face à la “riposte de l’Empire (“AngloSioniste”, selon l’expression favorite de l’auteur).
L’extrême du propos est bien résumé par un commentaire d’un lecteur : « One thing is clear: If I was a general about to lead my troops into battle I would certainly not hire “The Saker” to rally and inspire them with courage and motivation. What Saker essentially is saying is: Move on folks. Let´s hope and pray for the best but in reality, the battle is over. The Empire is all over us and there is nothing we can do, run for the shelters. What saker is doing, perhaps not intentional, is what the people he probably despises more than anything, the “fifth columns” in the Russian society, does. To instil a sense of hopelessness and apathy even before the battle has started. » ... Mais je ne vais pas argumenter sur ce terrain parce que là n’est pas mon propos et là ne peut être en aucune façon mon propos ; il est plutôt de montrer, avec cette citation, à quel extrême de la perception conduit cette sorte de psychologie.
L’essentiel de mon propos est bien d’illustrer cette psychologie qui conduit à juger des évènements selon les normes et les références rationnelles telles que la politique, la stratégie, etc., et à en faire les éléments décisifs sinon exclusifs de la bataille en cours ; même si ces normes rationnelles sont sollicitées d’une façon extrême (et parfois paroxystiques sinon hystériques), elles restent intérieures au Système et dépendantes de lui. De même, un texte affirmant la “victoire” de la Russie, – si ce terme a encore un sens, – et la jugeant comme décisive pour cette même “bataille en cours”, ressort de la même catégorie et se place en contradiction complète avec l’autre psychologie dont je parle. Au contraire, je vois cette “autre psychologie” illustrée assez bien par ce passage d’un texte du 19 novembre, sur ce site, décrivant l’action de Poutine selon cette perception opposée, et d’ailleurs repris dans un texte du 30 novembre dans le même sens :
« Peut-être même l’homme [Poutine] navigue-t-il à vue, nullement par ignorance mais par expérience (il a vécu la dissolution-expresss de l'URSS), se contentant d’appréhender au mieux les spasmes de ses “partenaires” et de protéger à mesure les intérêts de la Russie, tout en n’espérant pas trop dans la manufacture de plans importants à long terme, de Grand Dessein ou de Grand Jeu. Ce serait sans doute l’hypothèse la plus intéressante finalement, intégrant deux aspects en général reconnus de sa personnalité, qui sont une vision froidement réaliste des choses et une prudence constante dans l’action, y compris dans les actions les plus décidées et les plus rapides ; et, surtout, impliquant que Poutine ne serait pas loin d’admettre que le système général du monde, – bref, le Système, dont lui-même fait nécessairement “partie-en-partie”, – n’est pas vraiment réformable et qu’il faut donc attendre des bouleversements majeurs en acceptant l’idée qu’on n’en soit ni l’initiateur ni le maître. »
... En effet, il s’agit bien là d’un conflit de deux formes de psychologies complètement différentes, percevant et interprétant malgré leur apparente position d’alliance qui se révèle n’être que de circonstance quasi les mêmes évènements comme s'ils étaient d'essences différentes. Pour le Saker, l’“Empire AngloSioniste” est plus fort que jamais, pour ainsi dire, comme d’autres diraient qu’il est en pleine débandade, et cela suffit à fixer l’essentiel ; pour l’autre psychologie, dont je suis, le désordre est plus grand que jamais, jusqu’à l’emploi de l’expression de “Grand-Désordre” qu’on lit dans dedefensa.org. Disons pour être plus précis dans le cas exemplaire exposé ici que pour l’un, le sort de la Sainte-Russie règle le sort du monde, et si elle est emportée nous le serons avec elle, et si elle l’emporte nous serons vainqueurs avec elle. Pour l’autre, c’est l’expansion du désordre qui importe, parce qu’il porte la seule voie mortelle qui accélère la transmutation de la surpuissance du Système en autodestruction, et cette expansion est en cours d’une façon exponentielle.
Il n’y a aucune argumentation rationnelle qui peut trancher entre l’une et l’autre psychologies, simplement parce qu’il n’existe plus aucune référence stable de la réalité selon l’évidence de l’inexistence de celle-ci. (Voir le Glossaire.dde “vérités-de-situation & Vérité”.) Les arguments reposent sur l’intuition, la conviction, et bien sûr un arrière-plan d’expérience mais qui n’est qu’un complément, qui n’est en rien décisif. Par conséquent, le dialogue est simplement impossible alors que, à mon sens, cette opposition de deux types de psychologies qu’on jugerait dans le même camp des antiSystème constitue le véritable enjeu des affrontements à venir (et quand je dis à venir, c’est du tout proche que je parle : dans les mois à venir, à peu près).
La situation ne cesse de devenir de plus en plus paradoxale à cet égard, – mais qui s’en étonnerait dans une époque si étrange, si unique, si exceptionnelle ? Les psychologies-Système, celles du nihilisme-Système, n’ont aucune force, il s’agit de psychologies de robots et d’êtres contraints dans l’asservissement, ou bien continuellement sous l’effet de drogues euphorisantes. (Ainsi le véritable ennemi dans la lutte Apocalysme-antiSystème versus nihilisme-Système, pour les antiSystème, c’est bien entendu le Système que représentent ces psychologies si affaiblies.)
Il faut alors conclure qu’avec ces deux perceptions différentes dans le camp des antiSystème, et selon ma perception à moi selon laquelle l’effondrement du Système est en cours et inéluctable, la véritable bataille qui nous attend c’est bien celle qui va se dérouler à l’intérieur du camp de ceux qu’on est en droit, pour l’instant présent qui n’est en rien comptable de l’avenir, de dire antiSystème. Chacun des deux aura un adversaire à son niveau, qu’on peut juger “pour l’instant présent qui n’est en rien comptable de l’avenir” loyal, courageux, honnête, mais dans un certain sens d’autant plus impitoyable qu’il jugera (dans tous les cas, dans un des deux partis certainement) avoir en face de lui un proche qui s’est fourvoyé et qu’il faut remettre dans le bon chemin. Sur le fond, la chose n’est pas moins importante et même au contraire, car l’enjeu de la bataille est fondamental et dépasse tout le reste ; il s’agit des conditions qui existeront dans l’ère de l’après-Système, sur les points les plus fondamentaux du sens des choses.
Tout le monde se rappelle ou connaît, ou doit découvrir le thème de The Manchurian Candidate (le livre, les deux films) (*), et je me rappelle que l’un ou l’autre avait évoqué la chose pour le candidat Obama... Je ne sais s’il fut un Manchurian Candidate mais je me demande s’il n’est pas un “Manchurian President”.
Manchurian Candidate, c’est presque devenu une expression symbolique ou imagée du langage courant, pour désigner un “candidat” (un homme politique lancée dans l’arène, etc.) dont l’esprit conformiste-Système est implicitement décrit par le symbole d’un emprisonnement par une force extérieure, d’une manipulation par des forces puissantes, à peine occultes le plus souvent lorsqu’on utilise l’expression, dans ces temps de déliquescence d’une civilisation peuplée de tant et de diverses entreprises de manipulation, et de l’estime à mesure qu’on porte à nos élites. Mais il y a aussi une part de mystère dans le thème du Manchurian Candidate, et je dirais même que c’est l’essentiel alors que l’usage qu’on en a fait récemment est plutôt polémique et d’un “complotisme” très peu élaboré. Moi, c’est dans ce sens du mystère que je voudrais développer l’hypothèse du Manchurian President, avec d’autant plus de justification que je considère qu’Obama est toujours un mystère, qu’il l’est sans aucun doute pour moi, qu’il l’est sans doute en général, – cela signifiant que je tiens ce questionnement sur le président des États-Unis comme une sorte de vérité-de-situation qui n’est pas négligeable.
Ce qui m’a inspiré et poussé à cette interrogation, puis à cette réflexion pour le Journal dde.crisis, ce sont les remarques/paraphrases faites par le colonel Pat Lang, rapportant des déclarations d’Obama, les paraphrasant, appréciant de quelques mots son comportement, tout cela repris dans le texte du 3 décembre sur L’hyperimpuissance en mode-turbo. Je rappelle ici les principales remarques de Lang qui m’ont frappé, Lang qui a la langue dru mais qui ne l’a pas à n’importe quel propos, je veux dire pas d’une manière irresponsable et pour le seul usage de la polémique...
« Notre collègue David Habakkuk a fait remarquer ici que le lieutenant général Flynn et la DIA ont rencontré dans l’administration borgiste d’Obama un « récit impénétrable ». [...] Lui et son équipe borgiste ne comprennent-ils pas que ces forces islamistes recherchent une Syrie dans laquelle leurs diverses visions d’un avenir islamique sunnite triomphent et dans laquelle les minorités religieuses sont réduites à la dhimmitude. Est-ce ce que l’empereur de nous tous pense être un résultat souhaitable en Syrie ? [...] SWMBO a écouté cela et a fait remarquer que cet homme ne sait rien de la guerre. Je suis d’accord. [...] Son attitude. Sa majesté impériale a affiché le dédain pétulant désormais familier pour tous ceux qui osaient le questionner. L’atmosphère était le genre de chose que l’on voit dans les réunions dans lesquelles un professeur essaie de contenir son condescendance envers les étudiants. Sa référence au Royaume-Uni comme « les Britanniques » était douloureuse à entendre. »
Ce qui est impressionnant dans ce que dit Lang, et qui rejoint beaucoup d’observations, d’impressions, d’appréciations, etc., c’est l’image de cette espèce de “forteresse de la communication” où s’est enfermé ce président, avec l’aide de son équipe “à-la-Borgia” dit Lang, et la forteresse constituée selon une expression que j’imagine venir du Général Flynn qui a tenté de la percer sans succès pendant deux ans, d’une “narrative impénétrable”. On peut trouver de plus en plus d’analyses qui illustrent cette situation, notamment chez Robert Parry qui s’est fait une spécialité de mettre à jour cette situation. (Voir son article tout récent du 2 décembre où il analyse les incroyables écarts de langage et de considération d’Obama vis-à-vis des Russes, et notamment des Russes victimes du terrorisme, sans montrer le moindre intérêt pour les vérités-de-situation que le vaste appareil de puissance à sa disposition, ainsi que ses contacts internationaux, lui permettraient d’éventuellement découvrir.)
Il semblerait alors assez juste d’observer qu’Obama nous a quittés depuis un certain temps, complètement absorbé et satisfait par sa “narrative impénétrable”, avec sa Garde Prétorienne faite de communicants divers, proliférant et pullulant, et de quelques Gardiennes suffisamment hystériques (Samantha Powers, Susan Rice, etc.) mises aux postes-clef avec pour consigne d’effrayer l’imprudent qui tenterait de franchir le pont-levis de la communication faussement abaissé pour faire croire que le président nous écoute comme on écoute le monde, comme les Indiens écoutent les Esprits dans la Grande Prairie, comme Bob Dylan écoute la réponse dans le vent (“Blowing in the wind”).
Qui est donc cet homme ? Quel Mystère l’habite et l’enveloppe plutôt, après tout, qu’être lui-même un mystère ? Il est vrai, je l’avoue, que cette expression découverte dans le texte de Pat Lang, – sa “narrative impénétrable”, – cette expression ne cesse de me fasciner et c’est bien elle qui me pousse à m’attacher à ce sujet de savoir qui est cet Obama finalement... Cette expression a une grande allure, elle contient un pouvoir considérable d’exciter l’imagination et d’en offrir des images, elle parvient à solidifier le fluide parfait qu’est la communication, à transformer les incertaines bulles sonores des narrative en énormes blocs de pierre qu’aucune armée au monde ne saura jamais percer, et le tout formant cette “narrative impénétrable” qui semblerait être la forteresse ultime faite de toutes les forteresses du monde. “Il semblerait alors assez juste d’observer qu’Obama”, – pour reprendre expressément l’expression employée plus haut, – n’a nul besoin de “nous quitter” parce qu’en fait il me semble bien qu’il ne nous a jamais rencontrés.
Après des années d’observation, de supputations, d’hypothèses à son égard, et alors qu’il approche de la fin constitutionnelle de son existence historique (dans moins d’un an), j’en viens de plus en plus à conclure que cet homme est profondément doué pour l’inutilité la plus complète de quelque activité que ce soit. Il a un charme évident, un remarquable talent d’orateur, un superbe contrôle de soi, le sens de l’humour et celui de la répartie, le mouvement enveloppant et le geste plein de grâce ; il donne la sensation de tout apprendre et de tout comprendre d’un même élan, comme en passant, donc de disposer d’une belle intelligence utilitaire ; certains le trouvent également arrogant, distant, dédaigneux et presque indifférent mais un poète vous dirait que les grands hommes sont comme ça, que la grandeur de leur destin leur impose cette attitude, que ces défauts sont des vices de seigneur... Effectivement, Obama entretient à grands frais une cour de poètes libéraux et progressistes qui ne cessent de chanter ses louanges et de faire de ses attitudes les plus insupportables le signe de vertus aussi extraordinaires que dissimilées ; certes, laissez donc parler les poètes, il leur arrive de voir les choses derrière les choses.
Mais au-dessus de tout, – certes, vous l’attendez je l’espère, ce “mais” inévitable, qui ne peut faire que venir à cet endroit de l’observation, pour disperser tout le reste en poussière et réduire à une poussière tout cette vaste mobilisation d’observations nuancées et sophistiquées, – au-dessus de tout il y a cette immense, cette écrasante vérité-de-situation que cet homme est vide, désespérément vide, inéluctablement vide. Obama n’est qu’une enveloppe, une sorte de “bulle” humaine, magnifiquement ornée et qui s’est cadenassée elle-même, presqu’avec jubilation et avec une sûreté de soi arrogante absolument inimitable, dans cette “narrative impénétrable”. C’est alors que nous entrons évidemment dans l’hypothèse du Manchurian President, qui implique une exploration complexe et la prise en compte de règles et de formes de pensée inhabituelles.
A ce moment, l’hypothèse évolue comme ceci : certes, Obama était bien un Manchurian Candidate, comme ils le sont tous d’une certaine façon et plus ou moins, c’est-à-dire des candidats qui doivent se vider de toute substance étrangère au destin auquel ils sont promis, pour enfin s’aligner en fin de parcours sur la narrative officielle qui, de toutes les façons, se charge de tous. Mais il faut savoir que la “narrative impénétrable” qui protège Obama n’a pas nécessairement à voir avec la narrative officielle ; non pas qu’elle la concurrence, qu’elle la met en cause, simplement elle n’est absolument pas du même domaine et n’implique que la protection d’un destin personnel. Il en résulte que le Manchurian Candidate qui devait, après son parcours initiatique pendant la campagne, se transformer en président-conforme, s’est réfugié dans sa “narrative impénétrable” comme dans une forteresse et s’est transformé en Manchurian President, prolongeant au-delà du contrat prévu cette situation de vide qu’implique, disons le Manchurian Character. Cela me conduit à penser sans trop forcer la logique, je veux dire comme assez naturellement, que cet homme complètement, immensément vide, est un homme complètement indifférent à des choses telles que la vérité, – et précisément, à la vérité elle-même. Il s’en fout, littéralement. Il n’est certes pas un menteur puisqu’il ne veut rien connaître de la vérité et qui ignore totalement le concept de vérité ne peut par conséquent connaître celui de mensonge... Il est indifférent à cette sorte de chose, et tout notre blabla, en vérité, n’est rien de son affaire. En ignorant la vérité comme font les présidents-conformes, il ne s'est pas sali les mains à mentir comme c'est le privilège d'un Manchurian President.
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Dans cette réflexion qui concerne les Russes et la Syrie, ce “a posteriori” me chiffonne, de savoir si l’on me comprendra bien, selon ce que je veux transmettre comme pulsion intellectuelle signifiant la force du message à propos duquel cette pulsion tenterait de me faire entendre raison. Cette idée-là aurait dû me venir, si l’on s’en tient à la chronologie du temps, deux mois plus tôt et un peu plus encore que ce que j’entends signifier aujourd’hui ; d’autre part, ce retard n’en est pas un car il ne s’agit pas ici d’une compétition ni d’une enquête pour réunir des preuves mais bien de la meilleure façon de se bien faire entendre. Cette “prémonition” ne pouvait me venir à l’heure dite où elle aurait été effectivement prémonitoire, mais plus tard, quand l’emploi du terme paraît paradoxal, provocant ou simplement futile au milieu d’une situation établie qui semblerait indiquer une toute autre direction que celle qu’indique la prémonition. C’est que les éléments de la “prémonition” (« ...sentiment de savoir ce qui va arriver dans [l’avenir]... conviction, juste ou non, que quelque chose va arriver dans [l’avenir]. ») n’étaient pas réunis au départ, et il se serait alors agi de l’affirmation bien audacieuse d’une “divination” (« ...pratique occulte et métaphysique de découvrir ce qui est inconnu: l’avenir... et cela par des moyens non rationnels. »)... Enfin, il est temps de laisser ces préliminaires presque techniques pour en venir au principal, tout cela ne servant finalement, — mais ce n'est pas rien, – qu’à soigner l’élan et l’ardeur dont on a besoin pour se lancer dans la confidence, tout en donnant une indication précieuse sur la sorte de propos où je m’engage.
Il s’agit des affaires du monde, il s’agit du cœur actuel du “tourbillon crisique” qui est le caractère central actuel de notre situation générale, il s’agit de la Syrie, il s’agit enfin de l’intervention russe en Syrie commencée officiellement le 30 septembre et dont l’ordre d’activation fut donné le 13 septembre par le président russe Poutine. Cette prémonition “a posteriori” décrit l’idée selon laquelle cette intervention constitue désormais, – c’est-à-dire ce qu’elle n’était pas nécessairement au départ, – un tournant décisif dans cette situation générale, non pas en termes géopolitiques ni politiques, ni quoi que ce soit de cette sorte des activités humaines habituelles, mais en termes crisiques directement compréhensibles et directement intégrables dans cette situation générales, dans tous ses effets. Même s’il y a évidemment de ces effets à ces niveaux et dans ce sens, l’action de la Russie ne se fait plus principalement dans le champ de la politique, – pour les intérêts de la Russie, pour sa sécurité nationale directe (contre le terrorisme dont une des orientations est le Caucase) et indirecte (protection de la Syrie) ; elle ne se fait plus principalement dans le champ de la géopolitique, – pour modifier, sinon faire basculer l’équation des influences dans la région, pour écarter une hégémonie nuisible et productrice de désordre et la remplacer par un ordre assuré par une action conjointe où la Russie occupe la place centrale. On a pu le croire au début de l’intervention et sans aucun doute était-ce dans l’esprit de ceux qui prirent et observèrent cette décision. Mon observation est que cette intervention russes a échappé à ces intentions de départ, qu’elle a acquis suffisamment de puissance dans le domaine de la perception, de la communication, et de l’influence du récit qui en est fait pour bouleverser le rythme et l’activité de la Grande Crise, et lui faire prendre son orientation décisive. Elle s’est haussée elle-même à un niveau supérieur de celui où elle a été activée et, désormais, ne concerne plus guère la Russie elle-même, ni les autres, mais un domaine qui nous dépasse tous et nous englobe tous.
Je ressens ceci que les Russes, et Poutine en particulier, ont une attitude à cette mesure, sans qu’ils s’en aperçoivent nécessairement, et je dirais même “nécessairement sans qu’ils s’en aperçoivent”. Ils agissent comme s’ils étaient hors du jeu des puissances, même vis-à-vis de leurs alliés (Chine et Iran), ne montrant aucune considération pour les vieilles amitiés (la Turquie) dans la façon de traiter leur félonie, aucun respect pour les puissances déclinantes et hier triomphantes (les USA), intéressés mais tactiquement plus que stratégiquement par l’idée de coalition, ne paraissant montrer aucun étonnement mais entreprenant aussitôt avec une conviction inébranlable un travail de consolidation massive de leur présence qui ne peut avoir pour effet véritable que celui de créer un choc crisique considérable. Ils sont déterminés au pire en termes opérationnels, sans aucune retenue parce que non seulement “le pire est toujours possible” mais parce que ce “pire” est infiniment probable sinon déjà là à l’exclusion du reste, et de toutes les façons nécessairement préférable à n’importe quoi d’autre dans ces situations de subversion et de crise si grandes où il est préférable d’aller au terme ; et ce terme est désigné “le pire” par la logique d'une raison épuisée par sa propre subversion mais ne l’est plus en tant que vérité-de-situation.
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Je crois avoir dit quelques mots sur la nostalgie, de-ci de-là dans ce Journal, y compris d’avoir peut-être dit un mot ou l’autre de ce texte que je vais citer. (Je découvre [!] grâce à l’intrépide moteur de recherche que trois titres du Journal dde.crisis comporte le mot : « Ma nostalgie et leurs $500 millions », « Cauchemar & nostalgie d’Empire », « Paris, gloire & nostalgie ».) J’en ai aussi entendu quelques échos chez quelques lecteurs. Cela me paraît suffisant pour saisir l’argument, comme je médite de le faire depuis quelques temps, pour en faire une transition acceptable, – certainement pas une mise au point, non, mais un artifice de conjoncture. Il s’agit donc d’introduire la citation dans ces pages d’un large extrait de la Conclusion (sera-ce encore la “conclusion” dans la mouture définitive du livre ?) du Tome II de La Grâce de l’Histoire. Cette machine infernale (La Grâce), qui avait déjà pris son temps et du volume avant d’accoucher de son Tome I, procède de la même façon, sinon en plus affirmé encore, avec le Tome II. Tous les délais sont pulvérisé, le texte initial a été mille fois relu, cent fois corrigé, dix fois allongé ; le résultat, dont nul ne sait s’il s’agit de la version finale, n’a plus rien à voir avec la mouture originale, ce qu’on nomme le “premier jet”. Ainsi de la “conclusion”, qui a pris une importance si considérable, sur la forme et sur le fond, que j’ignore si elle restera “conclusion” jusqu’au bout, – je l’espère, tout de même...
Mais venons-en au fait. Dans cette partie, plusieurs thèmes sont abordés, dont j’espère qu’ils feront la transition vers la troisième partie de l’aventure, puisqu’il y a un Tome III prévu, oui un troisième volume, et c’est bien dire combien le pessimiste dissimule d'espèrances secrètes quant à son destin, – à ce point que certains le qualifieraient d'optimiste, et même d'optimiste-utopiste... Brièvement dit, il y a le thème du Mal et de la matière (Matière) ; puis ensuite, et c’est là que je veux en venir bien entendu, celui regroupant, selon l’intitulé lui-même, « la nostalgie, le passé et l’éternité, et [...] l’Histoire providentielle ». Dans cette démarche, la nostalgie occupe la première place, chronologiquement et par rapport à moi, mais en prestigieuse compagnie, – l’éternité, rien que cela !
Mais parlons avec moins de légèreté car la chose n’est pas exempte de gravité... Il s’agit de m’expliquer de l’importance que j’accorde à ce sentiment, de la vertu la plus haute dont je le pare, de la façon dont il agit sur moi, nullement comme un frein, comme un retrait ou un refus de la vie, comme un repliement hors du monde, comme une rêverie éthérée, presque comme une pathologie (comme la mélancolie que je juge être effectivement proche de la pathologie), mais tout, absolument tout on contraire de tout cela. Pour moi et selon mon expérience constante, la nostalgie est à la fois mon sang et mon esprit, ma raison d’être et ma raison de penser, mon ardeur créatrice d’énergie, la main secourable qui m’aide à me relever chaque fois que je chute, – et vous ne trouverez rien là-dedans qui me détourne des évènements du monde d’aujourd’hui et de ma responsabilité d’en rendre compte comme en témoigne tout de même le site dedefensa.org.
Voici donc la chose pour le lecteur qui veut tenter l’aventure de cette longue lecture qui nous emporte loin des évènements furieux qui nous secouent, – ou bien qui nous en rapprochent secrètement, bien plus qu’on croit, qui sait. Que ce lecteur sache qu’il s’agit d’une partie d’un texte (la pseudo-“conclusion”) qui a un avant et un après, donc que l’interprétation de ce texte et son éventuelle critique sont soumises à la difficulté de saisir précisément la signification d’une partie d’un tout comme si elle était un tout. (Tout de même, je pense qu'il laisse voir ce qu'il illustre d'essentiel.) Je termine l’extrait à l’endroit où j'en suis de ma nième relecture pour garder un texte soumis à autant d’attention et d’intérêt de ma part ; je termine tout de même en laissant les trois premières lignes d’un nouveau paragraphe indiquant que la deuxième référence manifestant cette conception de ma nostalgie, après l’“Algérie-perdue”, est ce que j’ai coutume de nommer “l’intuition de Verdun”. Que le lecteur ait également à l’esprit que la “nième relecture” n’empêche nullement qu’il y pourrait bien sûr y avoir une “nième + 1” relecture avec de nouvelles corrections, et peut-être bien une “nième + 2”, et ainsi va la vie...
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Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 16 novembre au 22 novembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaibe. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Le 13-novembre, comme il est désormais coutume de nommer l’événement, est devenu un fait historique formidable sans aucune certitude que quoi que ce soit ne justifie cette importance : à cet égard, la communication fait son travail avec un zèle étourdissant. (Voir le 16 novembre 2015.) • L’on peut conjoncturer que cette crise est ressentie comme étant d’une extraordinaire importance pour répondre à l’attente inconsciente et fébrile de notre époque d’une dramatisation décisive de chaque évènements qui permettrait à la Grande Crise d’effondrement du Système d'accélérer et de s'aggraver encore, sinon de commencer enfin à dégager ses effets décisifs. (Voir le 16 novembre 2015.) • Dans cet ordre d’idée, il est envisagé que le 13-novembre s’inscrive comme une grande date à côté du 11-septembre et que le sigle 11/13 pourrait prendre sa place derrière 9/11 ; et ainsi la question que nous posons : 11/13 termine-t-il une époque qu’a commencé 9/11, autour du mot “terrorisme“ et du symbole que ce mot manifeste ? (Voir le 20 novembre 2015.) • Un autre aspect nous a arrêtés, au cours de cette semaine, par la façon dont il s’insère dans la perspective de la Grande Crise du Système : le caractère apocalyptique que certains reconnaissent à l’action de Daesh, avec certains aspects stratégiquement illogiques qui ne s'expliqueraient que si Daesh recherche une confrontation générale comme une sorte d’Armageddon (Voir le 22 novembre 2015.) »
Ceci remonte assez loin, certes, mais nous concerne tous comme s’il s’agissait d’aujourd’hui. Cela concerne l’acteur Maurice Ronet d’autres temps mais également notre malaise psychologique à tous, ici et maintenant... Oyez, oyez ces échos d’une époque enfouie et enfuie, et qui me remplissent de nostalgie mais qui, pourtant et déjà, annonçaient notre époque présente, ici et maintenant.
Je ne cacherais pas que, in illo tempore absolument non suspecto, j’avais une grande estime pour l’acteur-réalisateur-écrivain Maurice Ronet, pour les personnages qu’il incarnait à l’écran, pour cette psychologie de lui et ce caractère qu’il laissait deviner (un peu comme le cas Patrick Dewaere, dirais-je). Ronet est resté dans ma mémoire comme une rencontre que je n’ai pas pu faire, et que j’ai toujours regrettée. Ce devait être en 1966 ou 1967, je ne sais plus. J’avais dans mes bagages un de ces romans que je ne publierais jamais, qui était involontairement sur le thème très en vogue de l’incommunicabilité : à partir de l’idée d’une population dans laquelle s’était généralisé le port des lunettes de soleil (à cette époque, les fameuses Ray-Ban [*] des pilotes US faisaient fureur), – au point que plus personne n’était capable de saisir le regard de l’autre puisque plus personne n’avait de regard du fait des lunettes...
Je fais connaissance par quelque hasard de sortie d’un jeune homme de mon âge (disons X, pour faire court puisque son nom s'est enfui depuis si longtemps de ma mémoire), – ce X qui essaie de se faire une place au cinéma dans la réalisation. Je lui parle de l’idée du bouquin, comme ça ; il s’exclame que cela pourrait bien séduire Ronet, qu’il connaît bien puisqu’il a été quelque chose avec lui, peut-être bien comme assistant-réalisateur dans son premier film mais je ne suis sûr de rien. (Ronet venait de commencer une carrière de réalisateur avec Le voleur de Tibidabo, en 1965.) On arrange ça très vite, moi-même plein d’ardeur ; je file un exemplaire du manuscrit à X, qui lit, juge que cela fait l’affaire, promet de le transmettre à Ronet ; là-dessus un rendez-vous est conclu, selon l’affirmation de X que Ronet est intéressé, dite comme si Ronet avait jeté un œil sur le bouquin. On imagine ma jubilation. Le rendez-vous est fixé. Au dernier moment, X me téléphone : le rendez-vous est annulé par défaut de participant puisque Ronet a disparu. X m’explique qu’il est comme ça, Ronet : tout d’un coup, il disparaît, personne ne sait où il est, une sortie qui se prolonge dans une succession de buveries, une ivresse de quelques jours, parfois une semaine, plus même, sans plus aucun signe pour personne. X me dit qu’on remettra ça lorsque Ronet sera revenu dans le monde des vivants, mais tout cela devenu assez vague, de plus en plus insaisissable comme si l’occasion se dissolvait, comme si l’enthousiasme s’éteignait à mesure que l’ivresse et l’oubli du monde avait emporté l’acteur-réalisateur ; le Ciel avait décidé que nous ne nous rencontrerions jamais... Et c’est ainsi que je n’ai jamais rencontré Maurice Ronet, jamais su s’il avait lu mon livre à jamais impublié et oublié, jamais su s’il y avait vraiment eu de rendez-vous envisagé, mais convaincu moi-même par cette partie de l’argument de la disparition inexplicable que cet homme (Ronet) était bien égal à ce que je ressentais de lui, homme déchiré, homme perdu et désespéré.
Si je dis tout cela, bien entendu, c’est parce que je viens de revoir Le feu follet, de Louis Malle, d’après Drieu La Rochelle, avec lui, Maurice Ronet, envoutant le film et le transcendant de sa désespérance absolument pathétique, avec un jeu si “criant de vérité” comme ils disent qu’on ne peut éviter de penser que Ronet-Leroy (rôle d’Alain Leroy) joue le rôle de sa vie comme si sa vie se résumait à ce rôle. (J’ignore ce que Ronet en a pensé, s’il a voulu réellement ce rôle selon l’importance et le sens qu’on lui voit, s’il a participé à son élaboration, et peu m’importe : je juge l’œuvre brute, précisant en plus que je n’ai pas lu le livre de Drieu, qui date de 1931 et adapte la vie d’un ami de Drieu, Jacques Rigaud, écrivain partant dans tous les sens, morphinomane et héroïnomane tombé dans une fin de vie d’errance et de désespérance ; qui se suicide en 1929, à 31 ans, d’une balle en plein cœur dans la maison de repos où il était en cure de désintoxication, comme Ronet-Leroy dans Le feu follet.)
J’ai été surpris par la vision de ce film déjà vu deux fois, mais il y a longtemps, d’abord pour une sorte de “raison technique”. J’ai souvent succombé, en voyant d’anciens films, à la pression que la postmodernité exerce sur nous, qui est d’introduire la notion d’obsolescence, essentiellement dans les arts et autres activités dépendant fortement de la technique et des technologies, – et qu’y a-t-il de plus sensible à cela que le cinéma ? Rien de semblable avec Le feu follet. Le film se voit comme s’il était tourné d’hier, comme s’il était extraordinairement actuel (pas “moderne”, hein, comme on clame en général pour les vieilleries qu’on réhabilite en conformité à l’époque qui le fait qu’elles sont restées “étonnamment modernes”, non je dis bien “actuel”). Le noir-et-blanc lui va à ravir, en appuyant l’atmosphère extraordinaire de tension et de puissance qui électrise littéralement ce film sans le moindre acte de violence, sans la moindre péripétie à suspens, sans le moindre éclat de voix. Dès le début, l’on connaît le fin, lorsque la caméra, passe et repasse avec insistance, au rythme des allées-et-venues de Ronet-Leroy marmonnant des mots sans guère de sens et filmé dans le miroir de la chambre de la clinique privée où il achève “avec succès” sa cure de désintoxication, sur ce miroir où est écrit au marqueur, en lettres énormes, la date fatidique du “23 juillet” dont on comprend assez vite ou après-coup, qu’importe, qu’il s’agit du jour choisi par lui pour son suicide ; tandis que, quelques instants après, Ronet-Leroy range ses affaires et s’arrête un instant sur un revolver qu’il a soigneusement enroulé dans un foulard, un de ces fameux Luger P.38 Parabellum, dont il vérifie le chargeur. Et l’on connaît déjà si bien la fin que de tous côtés l’on dit à Ronet-Leroy “vous êtes guéri” comme on lui dirait qu’il est par conséquent détaché de ce monde des accidents de la matière, paradoxalement libéré pour conduire à bien son dessein et répondre à l’appel de son destin.
... Il est alors logique de constater que la question de l’alcoolisme (cure de désintoxication réussie ou pas, qu’importe) n’apparaît que de peu d’importance dans le film tel que je l’ai vu, avec mes yeux de 2015. Même si Ronet-Leroy “replonge” à la fin, quelques heures avant l’acte fatal, cela importe peu. Ce qu’il porte avec lui, désormais, vu aujourd’hui, ce n’est pas la désespérance d’un être mais la désespérance d’un monde, et c’est bien cela l’essentiel de mon propos ; c’est comme si Ronet-Leroy avait senti, non pas tellement son propre destin (il ne s’est d’ailleurs pas suicidé puisque mort d’un cancer à 55 ans), mais bien le destin d’un monde dont les prémisses pouvaient être perçues puisqu’elles sont là depuis des décennies et même des siècles, – certainement depuis 1918 et le débat de civilisation qui s’est alors ouvert, qui était déjà comme une béance accompagnant notre marche vers le Progrès où il apparaît de plus en plus que cette béance c’est le Progrès lui-même.
(Suite)
Avant l’on disait qu’“un malheur n’arrive jamais seul”, aujourd’hui l’on pourrait dire, d’ailleurs d’une manière assez proche, qu’“un événement n’arrive jamais seul”, surtout lorsqu’il a la brutalité, la brièveté et la netteté de l’interception et de la destruction d’un avion de combat dans un environnement politique d’une telle intensité. Bien sûr, je parle de la destruction du Su-24 russe par les Turcs, le 24 novembre. Ce 24 novembre donc, j’ai pris le relais pour donner quelques commentaires sur le premier événement au nom du site parce que, semblait-il, nos rubriques habituelles n’avaient pas du tout l’intention de s’en charger. (Ce que j’ai fait remarquer de cette façon, – à chacun ses responsabilités : « Je n’ai fait, pour cette occasion rapide, que servir de bouche-trou pour suppléer aux autres rubriques à l’occasion des évènements du jour... »).
Aujourd’hui, deux jours plus tard, on ne se trouve pas plus avancé, je dirais même qu’on a reculé tant la profusion extraordinaire d’informations en sens divers et souvent contraires, d’analyses, de synthèses, de réflexions, se heurtent et s’entrechoquent. Toutes les orientations sont explorées, par des plumes aussi assurées les unes que les autres. D’un côté, on affirme que l’OTAN est à fond derrière “le Calife à la place du Calife”, et c’est un coup pré-arrangé pour préparer bien mieux encore, une sorte de no-fly-zone en Syrie, à-la-Erdogan quoi. D’un autre côté, on vous affirme que les ambassadeurs (des pays-membres de la susdite organisation) ont drôlement rechigné durant la réunion du 24 et qu’ils commencent à montrer quelque irritation devant les pétulantes incartades du Calife dans sa bulle. (Tout de même, pour mettre un peu de lumière sur tout ça, j’ajoute une éclatante cerise sur le gâteau : il y a eu panne d’électricité sur le réseau interne de l'OTAN cet après-midi du 24 et la réunion de 17H00 s’est tenue dans une sorte de pénombre complice, permettant à certains de bailler pendant que le Turc expliquait l’affaire. Avec un temps de saison l'atmosphère était sinistre d'ennui et d'impuissance et, comme dit l’autre qui est au courant, “ils auraient aussi bien pu faire cette réunion avec des bougies”.) A côté de cela, imaginez le nombre de théories et d’analyses assurées qui ont jailli et déferlé de tous les côtés pour vous annoncer la marche vers la Troisième ou la Quatrième, voire la Cinquième Spéciale Dernière (je parle de “la” Guerre Mondiale que nous attendons tous) ; encore, ce n’est qu’un seul aspect des spéculations.. Et dire que, dedans, il se cache des choses vraies !
Ainsi peut-on dire qu’il y a un “deuxième évènement”, qui est une sorte de réplique sismique de communication du premier. Alors qu’on aurait pu prétendre, in illo tempore non suspecto où je vécus naguère, pouvoir faire un rapport acceptable de l’événement (du premier), l’irruption, non l’explosion du second, – “l’évènement de communication sur la destruction du Su-24”, – conduit à retenir, voire à rengainer sa plume, en espérant peut-être un peu vainement que la formidable poussière soulevée par le second après le premier, le “bruit de fond assourdissant” de la communication, retombe à son tour, un jour. Certains diront : cela ne change rien, le premier fait brut, la destruction du Su-24, reste un fait brut. Cela n’est nullement assuré : la destruction du Su-24 avant-hier, à la lumière de ce qu’on a écrit sur la destruction du Su-24 entre avant-hier et aujourd’hui, fait que le premier évènement s’est modifié. Cela conduit à dire qu’on ne peut pas vraiment dire ce que signifie la destruction du Su-24 par les Turcs, parce que l’extension et la puissance diluvienne de communication qui ont suivi ont tout transformé. Même s’il y a eu complot, préparation, planification, – ou le contraire après tout, même s’il n’y a rien eu sinon l’occasion d’abattre l’avion russe, – ce qui s’est passé le 24 novembre reste tel que cela s’est fait et cet événement-là ne peut plus rien nous apprendre et ne peut plus être envisagé qu’à la lumière de la tempête de communication qui a suivi. En un sens, l’affaire de la destruction du Su-24 ne pourra être envisagée et comprise que dans ce cadre pressant de communication qui s’est emparé d’elle ; hors, ce “cadre pressant” est d’abord et avant tout, cascade diluvienne et affreusement contradictoire, c’est-à-dire désordre total. Qui réussira jamais à remettre de l’ordre dans capharnaüm assourdissant ?
Pour l’instant, je suis donc obligé de constater, en reprenant un des tics du site avec ses expressions toutes faites ou plutôt fabriquées par lui-même, qu’aucune vérité-de-situation à propos de la destruction du Su-24 ne nous est encore apparue. (Ah, tout de même, en guise de chute réconfortante à ce rapide constat d’inconnaissance, j’attire l’attention de mes quelques lecteurs bienveillants sur les déclarations absolument impayables du général tchèque qui préside pompeusement le Comité Militaire de la susdite OTAN, celles que le site a citées dirais-je pour faire drôle : l’OTAN qui se juge encerclé par la base russe de Lattaquié en Syrie et le général qui dit “il faut régler l’affaire”, et que l’idéal pour ça, eh bien ce serait de la détruire, la base... Mais bon, le monde n’est pas parfait, et l’idéal n’est pas de ce monde. Dommage, et le général Pavel écrasa une larme avant de poursuivre...)
Ainsi le désordre règne-t-il.
On fait le point, en attendant d’en savoir quelque chose de sérieux ? En un sens, avec mon Journal dde.crisis, je suis un peu là pour ça, dans les moments délicats, disons comme contribution exceptionnelle aux évènements au cours soudain précipité ... Ici, en Belgique, sorte de brave pays-ectoplasme ayant accouché d’un monstre nommé-UE, nous sommes en alerte “niveau 4”, le plus haut niveau d’alerte possible. (On parle de “niveau 0” ou de “niveau-1” en premier, je ne sais plus, puis -2, -3, etc. c’est-à-dire -4, – bref, vous aurez compris que “We Are at War”. Les US, eux, partent du bas :DefCon [Defense Condition] -5, -4, -3, -2, et à DefCon-1, c’est la grande spéciale dernière, la super-nucléaire-stratégique.) Les supermarchés sont à peine fréquentés, les écoles sont fermées (mais demains elles rouvrent), les métros roulent à peine, les trains c’est tout juste, un grand nombre de magasins (plus de la moitié, à vue de nez) sont volets baissés, les badauds ne badaudent plus guère et l’on se croirait dans une semaine des quatre dimanches dans l’entre-deux fêtes de fin d’année ; seuls quelques flocons de neige, enfreignant les consignes du Premier ministre qui a fière allure, ont bravé les consignes et se sont mis à tomber … Pas beaucoup, mais juste assez pour éveiller les soupçons : la neige serait-elle dissidente et refuserait-elle l’effort de guerre qui consiste à s’immobiliser net et sur place ?
Depuis vendredi, la Belgique est sur le pied de guerre et tout le monde n’a que ce mot à la bouche : “guerre”, “guerre”, “guerre”. Les gens un peu sains d’esprit qui ont assisté au dernier Conseil européen (post-11/13) ont noté la stupéfaction des dignes participants de la chose lorsque Mogherini, disons pour cette fois la courageuse, la vaillante Mogherini, s’est levée pour dire “Non, nous ne sommes pas en guerre”. Elle a répété trois fois la même phrase puis, constatant qu’elle ne recueillait comme réactions que l’ahurissement généralisée de ces visages qui, depuis au moins la Libye et certainement l’Ukraine, ne songent qu’à ce mot (“guerre”, “guerre”, “guerre”), elle s’est rassise, découragée. La courageuse, la vaillante Mogherini, – je la salue, pour une fois.
Mais tout cela n’est rien lorsque nous vient la nouvelle du Soukhoi Su-24 russe abattu par les Turcs. Le commentaire de Poutine après avoir reçu les condoléances du roi Abdoullah II de Jordanie qu’il accueillait à Sotchi, – condoléances pour le vol 9628 et pour le Su-24, – sont sans complications ni précautions sémantiques : « Turkey backstabbed Russia by downing the Russian warplane and acted as accomplices of the terrorists. » (“La Turquie a frappé la Russie dans le dos en abattant un avion de combat russe et a agi comme complice des terroristes”). Ce sont des paroles extrêmement claires et fermes sur lesquelles il est difficile de revenir, qui tranchent avec la prudence habituelle de Poutine et des Russes dans les premiers instants suivant un incident de cette sorte (“attendons de connaître les circonstances exactes”, etc.). Ce sont des paroles qui annoncent que la Russie n’en restera pas là, et qui confirment, à mon sens en parlant d’abord de la psychologie qui règle tout, avec la quincaillerie qui suit, « que la Russie est sur le pied de guerre ».
Des échos que je reçois indirectement de gens, ou bien dit-on “sources”, dans des positions situées à des bons emplacements dans le système de la communication, rapportent les chuchotements selon lesquels, dans son palais hollywoodien et pré-ottoman, le Calife Erdogan a de plus en plus “un peu perdu la boule”... Ou bien, disons “la bulle”, qu’il aurait plutôt confectionné puisqu’il semble vivre dans sa bulle à lui, comme font les gens de Washington selon le constat que le brave Robert Parry, complètement effaré, ne cesse de documenter. Erdogan n’a peut-être pas tout à fait sa bulle lorsqu’il traite Poutine comme il traite les Européens de l’UE (il vient les voir dans quelques jours), par-dessus l’épaule, pour exiger un certains nombre de €milliards de plus pour tourner un tout petit peu le robinet du flot des réfugiés passant en Grèce. En convoquant l’OTAN comme il l’a fait (à peu près à cette heure, à l’heure où j’écris ces lignes), d’une façon particulièrement cavalière et insultante pour les Russes, sans avoir sérieusement parlé avec eux après la destruction du Su-24, peut-être a-t-il dans l’idée de torpiller les visites entreprenantes de notre président-poire à Washington puis à Moscou et tous ces bruits d’alliance avec la Russie ?
Ici, c’est-à-dire à Bruxelles où tout se passe, dans tous les cas je parle plutôt de l’UE, l’incident du Su-24 est considéré avec une certaine légèreté sinon de la bonhomie, un peu comme tout lorsqu’il s’agit de pertes russes, comme pour le vol 9628 : “Oh, c’est pas grave, on ne va pas en faire un drame, – A la guerre comme à la guerre, hein ?”. J’ai l’impression un peu insistante qu’ils n’ont pas vraiment raison, dans leur réaction. Il n’est nullement assuré que les troubles de Syrie qui ont un peu apaisé ceux d’Ukraine, ou plutôt les ont fait passer au second plan, ne relancent pas la crise européenne, par l’Ukraine à nouveau ou par ailleurs ; d’autant que les Russes n’ont pas vraiment apprécié qu’à l’heure de l’“union nationale” étendu au domaine des lambeaux de civilisation qu’il nous reste, et tout cela avec la Russie que d'aucuns considèrent presque comme une alliée, on ait décidé de maintenir les sanctions. J’ai l’impression que s’il y avait une relance de la tension en Europe, l’humeur russe serait notablement différente.
Tout de même, il devient de plus en plus difficile de trouver des scénarios plus complexes que ceux que nous proposent les évènements qui mettent en scène ce qui semble la folie de ces temps, et qui construisent peut-être une vérité-du-monde qui pourrait bien nous surprendre. Si tel lecteur fait remarquer que le titre d’un autre article (« L’époque la plus dangereuse de tous les temps ? ») ne répond pas à la logique la plus impeccable, il me semble assuré, à moi, qu’elle répond à la fois à la perception et à la psychologie de notre temps... Mais je ne vous en dis pas plus. Je n’ai fait, pour cette occasion rapide, que servir de bouche-trou pour suppléer aux autres rubriques à l’occasion des évènements du jour, puisque j’avais un moment pour le faire. Attendons la suite, qui devrait normalement succéder à ce qui la précède et que j’ai tenté de décrire au gré de la plume...
Je vais dire quelques mots de la “cuisine intérieure” de dedefensa.org. Cela a sa place dans ce Journal dde.crisis, d’autant qu’on verra qu’il y est également question de certaines attitudes, jugements, positions de mon chef, je veux dire en tant que personne. Certes, il ne s’agit pas d’une “crise”, il n’y a ni urgence ni incendie en cours, et l’on peut même dire que sur nombre de points je ne fais que répéter ce qui a déjà été dit (d’ailleurs, il y a des citations dans le texte, qui sont effectivement des répétitions). Mais je ne trouve pas inutile de rappeler à la fois les règles et l’esprit de la chose, – d’autant qu’Ouverture libre a traversé une crise où j’ai cru cette rubrique moribonde et promise à disparaître, – et puis non, elle a redressé la barre. Cela mérite aussi quelques explications qu’on trouvera indirectement dans le texte.
Comme on le voit, plus que jamais OL est nettement divisée en deux sortes d’activité. (Je me permets de céder à mon pêché mignon de modifier certains noms, mots, à établir des initiales, des interventions grammaticalement insignifiantes et pour mon compte, à la fois passe-partout et contribuant à la spécificité du site, – cela pour expliquer qu’Ouverture libre, devenue un instant Ouverture Libre pour la cause, apparaît dans ce texte sous ses initiales OL.) On peut espérer qu’OL a trouvé une sorte de “vitesse de croisière” qui lui assure une sorte de pérennité. Je vais rapidement mentionner les deux aspects de sa formule.
• Les interventions de lecteurs-contributeurs, dont certaines sont devenues régulières. Il s’agit là du domaine “naturel” d’OL, comme on le comprend et comme on va le voir plus en détails, plus loin.
• Les interventions de dedefensa.org, qui ont trouvé, je crois, une forme définitive qui me semble naturelle. Il s’agit de choisir un texte non destiné à OL mais que nous avons choisi pour son intérêt objectif, sans qu’il soit question nécessairement, ni d’y voir une adhésion complète de notre part, ni une opposition complète, ni quelque chose entre, ni rien du tout de cette sorte. Simplement le texte nous paraît intéressant en lui-même, et parce qu’il suscite chez nous une réaction détaillée et argumentée sur le sujet traité où sur l’orientation du sujet dans l’article, qui prend la forme d’un autre article, parfois même plus long que l’article cité. Cet texte signé dedefensa.org apparaît en premier essentiellement parce qu’il présente l’article cité, mais le plus souvent pour se transformer en un article indépendant exprimant notre sentiment, voire même élargissant le sujet, etc. Cette formule n’est guère concernée par les remarques qui vont suivre, simplement pace que, dans notre texte, nous précisons systématiquement, soit notre accord, soit notre désaccord, sur un ou plusieurs points de l’article cité... Cette remarque introduit d’ailleurs fort bien le concept général d’OL.
Maintenant, le concept général, qui n’est d’ailleurs pas d’une extrême originalité. J’ai jugé utile d’y revenir parce qu’on trouve dans le Forum, ces derniers jours, des remarques qui soulèvent le problème général de la formule, indiquant bien l’utilité d’y revenir justement. (« Étonnant article, j'avais l'impression de lire l'un des medias “classiques” plutôt que Dedefensa ! », « Bref, il est décevant que, sur un site où le désordre et la crise constituent le fondement des contributions, un texte vienne proposer des analyses «véritablement» révélatrices, démontrées par des faits qui ne se manqueront pas de se produire - ... ou pas ») Qu’il soit bien réalisé, sans la moindre ambiguïté possible, que ces critiques et les textes concernés ne sont cités que comme exemple du problème soulevé, sans aucune possibilité d’y voir de ma part un avis positif ou négatif, sur les unes ou sur l’autre ; qu’il soit bien compris, sans la moindre ambiguïté possible encore, que je n’émets en aucune façon, en aucun cas, la moindre critique contre de telles appréciations critiques ; qu’il soit bien compris, sans la moindre ambiguïté possible toujours, qu’il se peut très bien que je puisse être complètement d’accord sur le fond de la critique du texte, comme le contraire bien entendu...
Mais tout cela est déjà dit, peu ou prou, dans le texte de présentation de la rubrique, que je vais citer, je crois avec avantage, car c’est bien souvent un de ces textes qu’on néglige de lire (moi le premier pour des cas de cette sorte). Ce texte, qui a été récrit récemment justement à cause du problème abordé ici, dit ceci (et j’ajouterais un aveu : en relisant ce texte pour le reprendre ici, j’ai décidé d’étendre le souligné en gras, limité à “leur seule responsabilité”, à tous le reste de la phrase comme on le voit..) :
« Ouverture libre est une rubrique en complet accès libre, destinée aux lecteurs souhaitant faire une intervention sous une forme élaborée, destinée d'autre part à des interventions diverses de dedefensa.org. • Toutes les contributions sont possibles, d'une simple présentation d'un article extérieur, d'une présentation d'article avec commentaire, à des articles inédits, etc. • Les articles et contributions sont signés du nom des auteurs et engagent leur seule responsabilité, sans aucune nécessité de conformité avec l'orientation de dedefensa.org, et sans que dedefensa.org ne prenne en rien à son compte leur orientation. • On trouve des présentations de la rubrique sur ce site le 3 janvier 2010 et le 10 janvier 2010. Il est fortement conseillé, enfin, de lire le texte du 28 septembre 2011 qui constitue une mise à jour détaillée des conditions d'accès, de collaboration, etc., d'Ouverture libre. • Bien entendu, dedefensa.org reste seul juge de l'opportunité de publication d'un article. »
Pour préciser encore le propos, je vais reprendre ici un extrait essentiel du texte du 28 septembre 2011 auquel il est fortement conseillé de se référer. On verra que le propos va dans le même sens, bien entendu, et délimite très expressément l’indépendance complète entre dedefensa.org et les textes publiés dans OL sous des signatures différentes.(Dans les textes dont des extraits sont cités, les lecteurs trouveront également les conditions requises pour publier dans OL, qui sont d'ailleurs extrêmement libérales.)
(Suite)