• La série des “Carnets” abrite, dans dedefensa.org, les écrits de commentaires personnels d’invités du site. • Sur ce qu'on nomme “les réseaux” ou “la toile”, il s'agit de ce qu'on désignerait en général comme un blog. • Les “Carnets”, ce sont donc les blogs des invités de dedefensa.org dont nous jugeons, en plein accord avec eux et à l'avantage et à la satisfaction de chacune des parties, qu'ils peuvent devenir des collaborateurs réguliers du site. • Il n'y a pas de limites aux sujets abordés et pas de sujets précisément assignés à ces collaborateurs : les seules exigences concernent la forme et la décence du propos, la responsabilité dans le développement du propos. • Sur le point très important du fond des textes, nous disons que dedefensa.org donne comme règle de ces “Carnets” une orientation générale des domaines abordés trouvant ses aises dans celle dont le site fait à la fois l'usage et la promotion. • Pour autant, il y a une règle impérative qui domine toutes les autres. • Il n’est pas assuré que tous les propos des invités soient dans le sens de ce qu’écrit et pense dedefensa.org, et il ne peut en aucun cas y avoir assimilation, de ce qu’écrivent nos invités avec la signature du site : l’invité est seul responsable intellectuellement de ses propos. • Il s'ensuit, cela va de soi et selon la formule consacrée, que les propos dont nous parlons n’engagent en rien et en aucune façon dedefensa.org, essentiellement bien sûr dans ce domaine intellectuel et de l'opinion. • Ces éventuelles différences et divergences ne seraient pas nécessairement signalées mais elles le seraient en cas de publicité dans ce sens ou de toute autre nécessité, avec conséquences ou pas c'est selon. • Le site décide, espérons-le en bon accord avec ses invités, des conditions diverses et de l’application des règles énoncées ci-dessus de publication de leurs écrits. (Précision technique enfin valant pour toutes nos collaborations extérieures, qui est un classique de la collaboration extérieure à un média : titres et intertitres sont de la seule responsabilité de la rédaction. Les auteurs proposent titres et inter-titres et la rédaction se réserve de les modifier dans leur formulation, bien entendu sans en déformer le sens.)
• Les Carnets de Nicolas Bonnal sont tenus par l'écrivain, essayiste et commentateur dont on peut trouver une présentation dans le Journal-dde.crisis de Philippe Grasset, le 2 octobre 2016. • Les livres de Nicolas Bonnal sont disponibles sur sa page Kindle/Amazon à l'adresse URL suivante:
Je n’ai jamais compris pourquoi les leaders fascistes prenaient l’air méchant. Il suffit pour imposer le techno-nazisme de sourire et de prôner la société ludique.
Le texte qui suit a fait le tour du web :
« L’entreprise américaine est accusée d’exploiter ses employés du centre de Dumferline, dans la région de Fife, en Écosse, à tel point que certains d’entre eux sont obligés de dormir dans des tentes à côté du bâtiment pour assurer leurs 60 heures de travail hebdomadaire. »
Les tentes pourquoi pas ? On ne peut plus se loger en effet en société néolibérale :
« En cause, les salaires cassés (entre 3 et 5,7 euros/heure après les charges) qui ne permettent pas aux employés d’utiliser la navette de l’entreprise pour rentrer chez eux, rebutés par son prix prohibitif de 7,35 livres sterling par jour (8,7 euros). Un des salariés interrogés par le journal écossais The Courier confie habiter à plus d’une centaine de kilomètres du site et ne pas pouvoir couvrir cette distance deux fois par jour, les billets de train étant trop chers. »
(Suite)
La doctrine de Monroe (1823) est souvent citée, jamais lue. Demandez aux journalistes-système s’ils la connaissent. Ils savent que Trump c’est Hitler, que Poutine c’est Hitler et qu’il faut se convertir à l’islam comme la machine Albright qui décima les enfants irakiens.
On ne lit donc jamais la doctrine de Monroe. Et c’est dommage. Car elle ne promeut pas l’impérialisme américain. Elle veut empêcher l’impérialisme européen dans un continent récemment décolonisé ; et surtout, elle est russophile cette doctrine. Voyez comme elle débute :
« Sur la proposition du Gouvernement impérial de Russie, transmise par le ministre de l'Empereur ici accrédité, les pleins pouvoirs et des instructions ont été envoyés au ministre des États-Unis à Saint-Pétersbourg, pour régler à l'amiable les droits respectifs et les intérêts respectifs des deux nations sur la côte nord-ouest de notre continent. »
A l’époque l’Alaska est encore russe (elle sera vendue par le tzar Alexandre II). Il y a même des implantations russes sur la côte ouest américaine (la Californie entre dans l’Union vingt ans plus tard) dont le légendaire Fort Ross (fort russe), présent dans pas mal de westerns épiques ou maritimes (sur le sujet voyez Le Monde lui appartient de Raoul Walsh).
Les imbéciles seront surpris. Le texte de la doctrine Monroe insiste nûment sur l’amitié russo-américaine :
(Suite)
Trump ne déçoit pas et il en devient bien affolant. Depuis vingt-cinq ans, depuis la chute du mur, l’Amérique nous affole. Et d’entraîner nos chères élites dans sa chute.
Je devrais rebaptiser mon livre sur Trump et le nommer : Donald Trump et le KO américain. Car il semble que ce drôle ait été mis là pour accomplir une mission qui relève de l’eschatologie – une eschatologie un rien comique.
Il en est des présidents américains comme de ce tyran de l’antiquité grecque : on prévenait un jour Denys de Syracuse qu’une vieille dame priait pour lui, alors qu’il en avait déjà commis de belles. Il la fit mander et la dame lui révéla qu’elle priait pour lui car le tyran précédent était moins nocif, et le tyran d’avant encore moins. Et de vouloir conserver le Denys par conséquent.
Voyez la montée en grade : Bush, Obama, Trump. Et on aurait pu avoir des boutefeux comme McCain ou la Clinton. Pauvre Amérique, pauvre monde !
J’en reviens comme toujours à Leslie Nielsen. Les méthodes de Trump s’apparentent à celles du flic le plus sous-doué de l’histoire (je reconnais au passage que l’attentat de Boston et sa bruyante résolution possédaient un style, une aura Leslie Nielsen).
(Suite)
Dostoïevski a annoncé dans ses Possédés le bric-à-brac souffreteux de notre enseignement avancé, des magistrats subversifs et de l’avant-garde ploutocratique qui rêve de parader humanitaire dans les soirées milliardaires et philo-entropiques. Notre société ne se renouvelle pas, elle fait du surplace depuis longtemps en fait, et Tocqueville, Edgar Poe, Tolstoï ou Dostoïevski s’en rendaient très bien compte.
Toute cette théologie les pieds dans l’eau aura liquidé notre bonne vieille civilisation en un siècle et demi ; et ce qui reste de monde libre n’a qu’à bien se tenir, car le feu nucléaire n’est pas loin. On devient, si l’on n’est pas un dégénéré, une menace pour la sécurité nationale américaine.
Dostoïevski décrit le basculement occidental vers l’adoration du mal à cette époque flétrie ; Il écrit :
« Le précepteur qui se moque avec les enfants de leur dieu et de leur berceau, est des nôtres. L’avocat qui défend un assassin bien élevé en prouvant qu’il était plus instruit que ses victimes et que, pour se procurer de l’argent, il ne pouvait pas ne pas tuer, est des nôtres. Les écoliers qui, pour éprouver une sensation, tuent un paysan, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent systématiquement tous les criminels sont des nôtres. Le procureur qui, au tribunal, tremble de ne pas se montrer assez libéral, est des nôtres. »
Les assassins d’Alep sont des nôtres, rien de nouveau sous le sommeil !
(Suite)
La médecine moderne, toujours plus chère et techno, nous ruine ou nous déçoit ; Obamacare est liquidé sans gloire et on se prépare à nous rembourser et à nous soigner toujours plus mal ; la durée de vie diminue dans plusieurs pays. D’ailleurs à quoi sert-elle ? Ce qui compte c’est une bonne vie, pas une longue vie. Mais allez l’expliquer.
En relisant mon Sénèque, je tombe sur la LETTRE XCV, sous-titrée Insuffisance des préceptes philosophiques. Il faut encore des principes généraux. Sur l’intempérance.
Voici ce qu’il écrit, reflet du présent éternel dans lequel nous vivons, nous qui feignons de voir du progrès - depuis l’illusion industrielle en fait :
« L’antique sagesse, dit-on, ne prescrivait rien de plus que ce qu’il faut faire ou éviter ; et les hommes d’alors en valaient beaucoup mieux ; depuis que sont venus les docteurs, les gens de bien ont disparu ».
(Suite)
On a tous dit ouf. On évite au moins la guerre nihiliste des néocons et des harpies comme Hillary et Angela. On va peut-être vers une déconstruction de l’Europe post-nazie que l’on a construite depuis les années 80, et que mon ami John Laughland avait décrite sans sa Tainted Source. En tant que patriotes on doit observer encore comme en 40 que les dangers ne viennent jamais pour nous du supposé complot judéo-bolchévique mais de l’extrême-droite supranationale, celle des banquiers et des dynasties (monarques russophobes et tous membres de plein droit des Bilderbergs), des hauts fonctionnaires gourmands et des rêveurs illuminés et post-terriens. Ils en veulent tous à mort à Trump d’ailleurs.
Trump peut construire un mur, on s’en fout. Les autres passeront quand même, car on est dans la modernité liquide décrite par le regretté Bauman. Ils feront le mur. Trump peut menacer la Chine, on s’en fout moins. La Chine c’est le piece of cake de ce siècle, c’est le gros morceau, qui tient plus comme disait Philippe Cohen du vampire du milieu que du dragon taoïste.
(Suite)
Sur ce sujet essentiel on observe un silence prudent de nos jours. Pourtant Tocqueville s’en est mêlé ; et voici ce que l’auteur de De la démocratie en Amérique écrit à ce sujet, que l’on peut appliquer au monde entier colonisé par la sous-culture américaine imposée :
« En affaiblissant parmi les Indiens de l'Amérique du Nord le sentiment de la patrie, en dispersant leurs familles, en obscurcissant leurs traditions, en interrompant la chaîne des souvenirs, en changeant toutes leurs habitudes, et en accroissant outre mesure leurs besoins, la tyrannie américaine les a rendus plus désordonnés et moins civilisés qu'ils n'étaient déjà. »
Comme tous les humanistes et les gens de droite traditionnelle, comme tous les gentilshommes en fait, Tocqueville avait une très haute opinion des Indiens d’Amérique :
« La chasse et la guerre lui semblent les seuls soins dignes d'un homme. L'Indien, au fond de la misère de ses bois, nourrit donc les mêmes idées, les mêmes opinions que le noble du Moyen Âge dans son château fort, et il ne lui manque, pour achever de lui ressembler, que de devenir conquérant. »
(Suite)
L’empire américain procède et progresse par la pratique du signe : dollar, films, fastfood, musique, mode, constructions, supermarchés, télé, feuilletons, ce qu’on voudra. Pour reprendre l’expression de Roland Barthes l’Amérique est un empire des signes. Les Mythologies de Barthes avaient d’ailleurs comme par hasard une cible américaine, du chewing-gum à la conquête spatiale en passant par l’anticommunisme ou la sempiternelle et hypomaniaque rage antirusse.
Les mêmes signes qui ont servi ici à anéantir les nationalités qui venaient d’Europe composer cet empire servent à anéantir les nationalités outremer, à mettre fin à l’histoire et sa diversité, et ce où que ce soit, à coups d’experts et de banquiers, d’humanitaires ou de tueurs-saboteurs.
L’empire américain se présente volontiers comme un convertisseur pacifique et bienveillant, ce qui ne l’a pas empêché d’utiliser une violence sans égale dans l’histoire du monde : coups d’Etat à la carte, destruction de l’Europe sous les bombes (la thérapie de choc), anéantissement de l’Allemagne et du Japon, rasage gratis de la Corée ou du Vietnam. On ne parle pas de ce que cet empire fait subir aux Arabes depuis soixante ans avec la complicité des traîtres de la tribu de Riyad.
Ceci dit, le petit Obama qui se lance comme un gosse mal élevé dans une campagne puérile contre la Chine ou la Russie, avant de sortir par la petite porte de l’Histoire, devrait au moins savoir une chose : l’empire américain n’a rien d’original !
(Suite)
Et une reculade, une ! Le nouveau président américain a choisi de faire plaisir au parterre sociétal. Ne sait-il pas que quand on choisit le déshonneur on a le déshonneur et la guerre ?
A moins que cette reculade ne soit qu’une pirouette tactique, entre deux Tweets pour sauver 300 emplois ? A ce propos Trump ferait mieux de découvrir Walter Isaacson. Dans son livre sur Steve Jobs, ce dernier évoque une discussion entre Obama et les techno-lords qui tiennent la cuisine du monde libre. Il est impossible de rapatrier nos usines en Amérique, dit Steve Jobs à Obama (qui va bientôt être privé de golf pour antisionisme) : nous n’avons pas assez d’ingénieurs. Les usines Apple sont en Chine parce que la Chine a la plus grande population au monde d’ingénieurs et de travailleurs qualifiés. Donc pas de rapatriement de jobs (c’est le cas de le dire). On continuera à faire le barman ou de vivre des bons de nourriture comme cinquante millions d’Américains.
J’ai hésité pendant tout mon livre sur Trump entre optimisme et pessimisme. Un ton populiste dans un pays parano et branché sur le web était facile à prendre ; mais la trahison des intérêts des partenaires de golf en était une autre, comme je l’expliquais. L’autre jour Paul Craig Roberts écrivait que Trump était en train de plier. Eh bien c’est fait.
(Suite)
« Pour être tué, il faut vivre. »
Vladimir Poutine et la Russie dominent, mais l’occident se maintient avec sa dette, son hypocrisie, ses casseroles coloniales. Dix techno-lords US sont plus riches que tous les africains. Bruxelles agonise en nous volant argent et liberté.
Jean Baudrillard parla d’hystérésis (1) pour décrire ce monde. Il évoquait même je crois cette barbe qui continue de pousser au poil de menton du cadavre.
Qu’est-ce qui n’est pas mort en Occident ? Qu’est-ce qui ne relève pas encore du phénomène zombi ? Les économies hallucinées (James Kunstler), les cent mille milliards de dettes qui ne terrorisent que les naïfs (on ira tous à un million de milliards de $, imprimez !), les nations abolies, fusionnées, les peuples remplacés ou stérilisés, les religions profanées, tout en fait, y compris la terre et son atmosphère (voyez comment vivent la Chine ou l’Inde de notre René Guénon pour rire un peu), relève de la parodie, de la mort défigurée et du mort-vivant. Le public se reconnaît du reste dans ce type abominable de série yankee : les morts qui font semblant de vivre. Je continuerais durant des pages, si je ne craignais de me répéter. Le mouvement autonome du non-vivant, disait-on du mouvement matériel en ces temps aéroportés et précipités.
Je ne suis pas plus pessimiste que cet historien progressiste, qui est passé de mode en ces temps divagants, palabreurs et parkinsoniens. Michelet s’étonne en son temps de républicanisme alors prometteur, de l’hystérésis médiévale, du maintien incompréhensible, des siècles durant, du clergé et de la féodalité, maintien qui aboutit aux violentes révolutions qu’on connaît.
(Suite)
On a beaucoup parlé de Cuba à cause de la mort de Fidel Castro, on parle aussi des Philippines, devenues rétives avec un président considéré incontrôlable par « l’opinion » occidentale.
J’ai déjà rappelé la formule de l’historien Joseph R Stromberg : « il n’est pas une situation dans le monde que l’intervention du gouvernement américain ne puisse aggraver ». Stromberg a une deuxième loi : « tous les pays que les Américains veulent sauver les détestent. » Et de citer Cuba, l’Irak, le Nicaragua, la terre de l’United Fruit…
Quelle ingratitude tout de même !
Prenons l’exemple de Cuba et des Philippines que Mr Stromberg a étudié dans un texte exceptionnel (1). Cuba, terre du castrisme ; les Philippines, terre du président rebelle Dutarte. Dans les deux cas, une vieille présence impériale américaine (bases et bordels, puis usines textiles), dans les deux cas une exaspération nationale - et ce que le vieux JF Revel nommait l’hystérie anti-américaine. Dans les deux cas aussi une longue occupation américaine, une interminable occupation américaine.
Voyons ce qui s’est passé. En 1898 la pression montre outre-Atlantique pour, une fois la Frontière passée sous contrôle et les derniers indiens évacués dans de minuscules et sordides réserves, décrocher de nouveaux marchés.
Alors on gamberge.
On envahit l’île d’Hawaï et on détrône la pauvre reine Liliuokalani avec une poignée de marines (car la révolution orange n’a pas attendu Soros) ; Hawaï devient un « état américain » peu après. Le logement et le vêtement US déciment la moitié de la population (voyez Jared Diamond).
(Suite)
Dans le monde moderne, on nous répète souvent que la Russie joue le rôle de Sparte et l’Amérique celui d’Athènes. Cela tombe bien.
Pourquoi nous a-t-on cassé les pieds, ce peu viril président US en tête, avec ce traité de commerce transatlantique ? Pourquoi sommes-nous à ce point obsédés par ce commerce et par ces traités de commerce ? Pourquoi cet ivre libre-échange qui commence à nous les casser menu, qui a créé l’Europe actuelle, marquée par la déconstruction de notre patrimoine et de nos vraies valeurs ? Quelques rappels.
Une des phrases-clés du légendaire film Blade runner (1) est : « le commerce est notre seul but à la Tyrrell corporation. » Et le lugubre leader ajoute (il fait penser à Gates, Venter ou Elon Musk) : « plus humain que l’humain telle est notre devise ». Remplacer l’homme de A à Z. Lisez à ce sujet les pages lumineuses de PhG sur le racisme mystérieux de ces anglo-saxons qui finit par s’appliquer à toute l’humanité qu’ils veulent remplacer.
Je cite d’ailleurs Philippe :
« Le suprémacisme qui s’est emparé des psychologies anglo-saxonnes à partir des années 1945 est l’enfant incontestable et direct du système du technologisme, une affirmation de supériorité fondée sur une sorte de puissance intrinsèque de la technologie, quelque chose qui est exsudé par le Système, qui est accouché par lui, qui impose sa loi hégémonique, avatar ultime à prétention politique du déchaînement de la Matière ». « Le “racisme anglo-saxon”, désigné par nous comme une catégorie spécifique de la sociologie de la culture, etc., n’est qu’un brouet préparatoire… (2)»
(Suite)
Précepteur de Néron, Sénèque fut bien placé pour savoir que les bons conseils n'ont pas de bons suiveurs. Pourtant, à vingt siècles de là, et dans les temps postmodernes, désabusés et désertiques où nous vivons, nous ne pouvons que nous émerveiller de la justesse de ses analyses, de ses observations, parfois de ses conseils, comme si Sénèque, à l'instar d'un Montesquieu, d’un Arioste ou d'un la Boétie faisait partie de ces penseurs qui cogitent dans ce que Debord appelait le présent éternel. En lisant Sénèque, on croit lire le journal d'un grand contemporain.
Je lui laisse la parole :
Sur les temps obsédés par l'argent et par l'insatisfaction : "les riches sont plus malheureux que les mendiants; car les mendiants ont peu de besoins, tandis que les riches en ont beaucoup".
Sur l'obsession des comiques et de la dérision, si sensible depuis les années Coluche et Mitterrand : "certains maîtres achètent de jeunes esclaves effrontés et aiguisent leur impudence, afin de leur faire proférer bien à propos des paroles injurieuses que nous n'appelons pas insultes, mais bons mots."
(Suite)
En 1921 Drieu la Rochelle publie un beau et grand livre, Mesure de la France, déjà étudié ici. Il est préfacé par Daniel Halévy. Drieu n’y va pas de main morte avec la France et sa république déjà crépusculaire.
Voici ce qu’il écrit, que je relierai à la riche notion de Grand Remplacement – on comprendra pourquoi :
« Pendant cinq ans la France a été le lieu capital de la planète. Ses chefs ont commandé à l'armée des hommes, mais son sol a été foulé par tous et par n'importe qui. Tout le monde est venu y porter la guerre : amis et ennemis. Les étrangers s'y sont installés pour vider une querelle où tous, eux et nous, avons oublié la nôtre.
Notre champ a été piétiné. Sur la terre, notre chair ne tient plus sa place. L'espace abandonné a été rempli par la chair produite par les mères d'autres contrées. »
C’est le début du grand remplacement ! Un autre à l’avoir compris est Céline sur lequel je compte publier quelque chose cette année. Il ne voit plus un Français à Paris en 1918-1919 et même l’inoffensif Marcel Proust comprend confusément quelque chose. Tiens, citons Proust pour une fois :
… les rares taxis, des Levantins ou des Nègres, ne prenaient même pas la peine de répondre à mes signes… »
On le met en prison Proust aussi ? Plus un blanc à Paris ! De quoi se plaint Camus ?
Drieu insiste sur cette profanation de la vieille France :
« Mais après la Marne, l'ennemi s'est planqué dans notre terre. Il s'y est vautré, la défonçant à grands coups de bottes. Et nous ne l'en avons pas arraché. Si nous étions restés seuls, que serait-il arrivé ? »
(Suite)
Si pour reprendre la vulgate imbécile Vladimir Poutine a fait élire Donald Trump (pourquoi ne pas désigner le changement climatique ?), on va rendre la politesse, mais avec des preuves. Les élites anglo-américaines ont fabriqué le nazisme.
Guido Giacomo Preparata dans son passionnant Conjuring Hitler explique comment les élites anglo-saxonnes (l’establishment anglo-américain de Carroll Quigley) ont utilisé le nazisme pour détruire la vieille Europe et empêcher l’unification eurasiatique. L’obsession de la diplomatie anglo-américaine est le contrôle de l’île-monde de McKinder ; on manipule l’hostilité germano-russe du Kaiser à Merkel et on maintient sa suprématie.
On le lit dans un anglais simple qui attend un traducteur.
“A detailed analysis of the emergence of Nazism might disclose that the Nazis were never a creature of chance. The thesis of the book suggests that for 15 years (1919–33), the Anglo-Saxon elites tampered with German politics with the conscious intent to obtain a reactionary movement, which they could then set up as a pawn for their geopolitical intrigues.”
On veut donc après la guerre un mouvement réactionnaire et antisémite en Allemagne, susceptible d’être utilisée comme pion :
« When this movement emerged immediately after World War I in the shape of a religious, anti-Semitic sect disguised as a political party (that is, the NSDAP), the British clubs kept it under close observation, proceeded to endorse it semi-officially in 1931 when the Weimar Republic was being dismantled by the Crisis, and finally embraced it, with deceit, throughout the 1930s. This is to say that although England did not conceive Hitlerism, she nonetheless created the conditions under which such a phenomenon could appear…”
(Suite)
Le Satiricon est souvent ramené à l’orgie romaine sauce Fellini. Or la réalité est autrement plus intéressante. Sur l’éducation romaine, voici par exemple ce que Pétrone a écrit :
« Donc, à mon sens, le résultat le plus clair des études est de rendre nos enfants tout à fait stupides : de ce qui se présente en réalité dans la vie ils n'entendent rien, ils ne voient rien. On ne leur montre que pirates, les chaînes à la main, attendant leurs victimes sur le rivage ; que tyrans rédigeant des arrêts pour commander aux fils d'aller couper la tête de leur père ; qu'oracles préconisant, pour chasser la peste, l'immolation de trois vierges ou davantage; que phrases s'arrondissant en pilules bien sucrées : faits, et pensées, tout passe à la même sauce… (Satiricon, I à IV)»
Pétrone dénonce la rhétorique, cette reine perturbante de l’Antiquité et de la politique. Il comprend avant Nietzsche que l’éducation, la répétition scolaire et universitaire tueront l’inspiration :
« Si vous me permettez de le dire, ô rhéteurs, c'est vous les premiers. Artisans de la ruine de l'éloquence. Vos harmonies subtiles, vos sonorités creuses peuvent éblouir un instant ; elles vous font oublier le corps même du discours qui, énervé, languit et tombe à plat. La jeunesse s'entraînait-elle à déclamer, quand Sophocle et Euripide trouvèrent le langage qu'il fallait au théâtre ? Existait-il des maîtres pour étouffer dans l'ombre de l'école les talents naissants quand Pindare et les neuf lyriques renoncèrent à lutterdans le même mètre avec Homère? »
Il faudrait retourner à la nature :
« Et, sans appeler les poètes en témoignage, je ne vois pas que Platon ni Démosthène se soient livrés non plus à ce genre d'exercices. La grande et, si j'ose dire, la chaste éloquence, méprisant le fard et l'enflure, n'a qu'à se dresser sans autre appui que sa naturelle beauté. »
(Suite)
J’ai déjà évoqué ici-même l’abrutissement technologique du Pokémon, établissant une parenté avec plusieurs contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam. La crétinisation par la technique est un fait avéré de l’histoire, alors qu’on nous la présente toujours comme un facteur de progrès. A force de manger du fruit de l’arbre de la connaissance (pour reprendre l’image de Kleist dans son théâtre des marionnettes), on finit notoirement abêti. Avec neuf heures de connexion média par jour, je ne vous dis pas mes contemporains (pourquoi ce mépris ? T’es facho ?)…
On peut aussi être moins amusé que Villiers, et dénoncer après Bernanos et ses robots un avilissement par la technologie, un anéantissement même de notre contre-civilisation (Philippe Grasset) manipulée par des techniciens hors de pair et des généraux furieux à la Curtis Le May.
Nous passons tout le temps tout près de la guerre ; et nous savons que cette guerre voulue par les Huns et le sénat américain exterminerait tout et qu’elle n’amènerait rien du point de vue de la culture, de la gloire ou de la civilisation. Car on n’est plus au temps de la Guerre des Gaules ou de celle de Cent ans. Les bombardements américains et les artilleries allemandes auront mis fin à toutes les civilisations et à toutes les parfumeries qui pouvaient subsister.
Un des premiers à s’en être rendu compte est l’Arioste. On est au seizième siècle, et ce génie comprend tout de suite qui est le responsable : l’artillerie, la poudre à canon, la machine infernale. Et elle amène la fin du Monde.
(Suite)
La démocratie est pour nous ce qu’il y a de plus beau, de plus pur, de meilleur ; surtout la démocratie athénienne, qui pour Thucydide ne passe pas pour un régime de paix, mais d’oppression thalassocratique (Thucydide est d’ailleurs ciblé par le pion Popper).
Démosthène passe pour « l’orateur de la démocratie athénienne ». Car il est à la fois l’homme du merveilleux démocratique et de la décadence démocratique.
Mais pour Démosthène la démocratie est aussi ce qu’il a de plus décadent, de plus lâche, de plus déclinant. Alors pourquoi la défendre, alors qu’elle abaisse le citoyen et que devant elle s’élève un bel invincible empire qui permettra grâce à Philippe et Alexandre à la civilisation hellénique de se répandre aux quatre coins de l’Asie ?
Tout de même, il arrive à Démosthène d’être étonnamment moderne, je dirais même contemporain. Qu’on en juge de ces lignes que j’ai dénichées dans les fameuses Philippiques.
Sur la lâcheté commune et l’indifférence de tout le troupeau :
« De toutes les fautes nombreuses et depuis longtemps accumulées qui ont rendu notre situation mauvaise, la plus funeste, la plus embarrassante aujourd'hui, c'est votre aversion pour les affaires. Vous y consacrez les courts moments où, assis en ce lieu, vous écoutez les nouvelles; après quoi, chacun se retire sans y réfléchir, sans même en garder la mémoire ».
a théorie de la conspiration suppose un complot, des méchants, des sociétés (ou leur religion, leur représentation mentale) et une dimension, forme a priori de la sensibilité, le temps. Or il nous semble que c’est faire injure au vrai objet des conspirations technologiques modernes, que d’ignorer la terrible efficacité de ces conspirations contre l’espace, contre le décor, contre la terre. D’ailleurs Guénon s’est trompé, c’est l’espace qui a été tué et rongé, et remplacé, pas le temps (on peut toujours le plier, le ranger). La pseudo-société traditionnelle et ses géniaux Juvénal ou ibn Khaldun savait à quoi s’en tenir sur tel âge d’or ; le temps –le temps qui court - est toujours le même, ignoble, bâtard et désastreux. Mais la terre était belle. Mais elle avait encore un territoire, un espace, et cet espace a disparu dans le monde dit moderne, dans le techno-scope où nous évoluons. Guénon le dit d’ailleurs dans le Règne de la quantité ! C’est l’histoire de Don Quichotte et de ses moulins : quelque démon conspire et le sol se dérobe enfin sous ses pieds.
« …ce doit être la vérité, que ce sage Freston, qui m’a volé les livres et le cabinet, a changé ces géants en moulins pour m’enlever la gloire de les vaincre : tant est grande l’inimitié qu’il me porte ! Mais en fin de compte son art maudit ne prévaudra pas contre la bonté de mon épée. »
Mais lisons Wikipédia, notre bon vieux Wikipédia, qui met tout (n’importe quoi donc) à la portée de tout (et non plus de tous).
« Se référant à une fable de Borges écrite sous le nom de Suarez Miranda, remettant en cause aussi bien la notion classique de l'auteur, que celle de la chronologie nécessaire à toute histoire des idées (les nouvelles d'un auteur pouvant ainsi influencer un auteur antérieur), Baudrillard a affirmé que dans notre société actuelle, le simulacre avait remplacé l'original, comme dans une nouvelle de Borges, la carte de l'Empire se substituait au territoire lui-même. Baudrillard a éprouvé, en particulier dans les années 1990, ses théories à l'aune, non pas du réel puisque celui-ci a disparu, mais des événements médiatiques successifs. »
(Suite)
Les romanichels et les stars veulent plus de réfugiés ? Les stars hollywoodiennes votent pour Hillary ? Les stars ne veulent pas de Trump ? Nos acteurs subventionnés ont honte d’être français ?
Petite explication.
Tacite l’admirable… Voici comment il nous dépeint une agitation politique, celle des légionnaires, si proches, finalement, d’une révolte des étudiants, d’un printemps arabe, d’une péripétie mondaine. On devine l’importance du théâtre et du spectacle comme facteur de subversion et de manipulation des sociétés ; ce qu’ont rappelé Jean Chrysostome ou saint Basile dans leurs sermons.
C’est dans le livre 1 des Annales, chapitre XVI et XVII, qu’on a mal lu (et traduit) à l’école… Nous sommes sous Tibère.
« Telle était à Rome la situation des affaires, quand l’esprit de révolte s’empara des légions de Pannonie ; révolte sans motif, si ce n’est le changement de prince, qui leur montrait la carrière ouverte au désordre et des récompenses à gagner dans une guerre civile. »
Le printemps légionnaire va éclater. Il vient de l’inactivité et de l’oisiveté, si propices à déclencher des troubles. La mutinerie débute comme une fable d’Esope. Et là intervient un acteur. On sait le rôle que jouent les acteurs dans les révolutions (Couthon, Collot en France), le rôle subversif du théâtre et du spectacle moderne.
(Suite)