Georges Menahem
14/01/2007
Mon cher Philippe Grasset, je métonne de la tonalité de votre dernier billet qui me semble ne donner quun seul son de cloche, celui de ceux qui sonnent lalarme. Alors que dans dautres pages de votre site, vous montrez justement les dimensions de la faiblesse stratégique des militaires états-uniens. Vous soulignez bien par exemple en http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=3517 la pertinence des analyses de W. S. Lind, cet analyste conservateur qui insiste sur la vulnérabilité des USA en Irak vis-à-vis des risques dencerclement et de coupure de leurs axes stratégiques par les forces shiites. Vous évoquez ailleurs les risques dun « Stalingrad sur le Tigre ». Tous vos lecteurs ne disposent pas dune vue panoramique sur vos analyses. Je crains quun billet aussi unilatéral ne renforce le camp des alarmistes. Mais ceci pourrait aussi faire laffaire de sauveurs providentiels pourvus dune stratégie gaullienne et planétaire qui ont pris soin de se garder en réserve de la République.
J-Ph Immarigeon
14/01/2007
Cher Monsieur Grasset,
Je ne sais s’il faut comprendre sur le mode ironique les termes “sauveurs providentiels pourvus d’une stratégie gaulienne et planétaire” employés par Monsieur Georges Menahem et ne veut faire de procès d’intention, mais d’autres les emploient de manière effectivement péjoratives. Alors, tant qu’à être catalogué d’archéo-gaulliste, injure récurrente des gourous saisis depuis 20 ans par la modernité conquérante, relisons dans ses moindres développements un discours vieux de 40 ans, que je n’aurai pas l’injure de situer ni dater :
« Cest pourquoi on vit lautorité politique et militaire des États-Unis sinstaller à son tour au Viêtnam du Sud et, du même coup, la guerre sy ranimer sous la forme dune résistance nationale. Après quoi, des illusions relatives à lemploi de la force conduisirent au renforcement continuel du corps expéditionnaire et à une escalade de plus en plus étendue en Asie, de plus en plus proche de la Chine, de plus en plus provocante à légard de lUnion Soviétique, de plus en plus réprouvée par nombre de peuples dEurope, dAfrique, dAmérique latine, et, en fin de compte, de plus en plus menaçante pour la paix du monde.
Devant une telle situation, dont tout donne, hélas ! à penser quelle va aller en saggravant, je déclare ici que la France approuve entièrement leffort que déploie le Cambodge pour se tenir en dehors du conflit et quelle continuera de lui apporter dans ce but son soutien et son appui. Oui ! La position de la France est prise. Elle lest par la condamnation quelle porte, sur les actuels événements. Elle lest par sa résolution de nêtre pas, où que ce soit et quoi quil arrive, automatiquement impliquée dans lextension éventuelle du drame et de garder, en tout cas, les mains libres. Elle lest, enfin, par lexemple quelle-même a donné naguère en Afrique du Nord, en mettant délibérément un terme à des combats stériles sur un terrain que, pourtant, ses forces dominaient sans conteste, quelle administrait directement depuis cent trente-deux ans et où étaient installés plus dun million de ses enfants. Mais comme ces combats nengageaient ni son bonheur, ni son indépendance et quà lépoque où nous sommes ils ne pouvaient aboutir à rien quà des pertes, des haines, des destructions, sans cesse accrues, elle a voulu et su en sortir sans quaient, de ce fait, souffert bien au contraire ! son prestige, sa puissance et sa prospérité.
Eh bien ! La France considère que les combats qui ravagent lIndochine napportent, par eux-mêmes et eux non plus, aucune issue. Suivant elle, sil est invraisemblable que lappareil guerrier américain vienne à être anéanti sur place, dautre part il ny a aucune chance pour que les peuples de lAsie se soumettent à la loi de létranger venu de lautre côté du Pacifique, quelles que puissent être ses intentions et quelle que soit la puissance de ses armes. Bref, pour longue et dure que doive être lépreuve, la France tient pour certain quelle naura pas de solution militaire.
A moins que lunivers ne roule vers la catastrophe, seul un accord politique pourrait donc rétablir la paix. Or, les conditions dun pareil accord étant bien claires et bien connues, il est encore temps despérer Mais la possibilité et, à plus forte raison, louverture dune aussi vaste et difficile négociation dépendraient, évidemment, de la décision et de lengagement quaurait auparavant voulu prendre lAmérique, de rapatrier ses forces dans un délai convenable et déterminé.
Sans nul doute, une pareille issue nest pas du tout mûre aujourdhui, à supposer quelle le devienne jamais. Mais la France estime nécessaire daffirmer quà ses yeux il nen existe aucune autre, sauf à condamner le monde à des malheurs toujours grandissants. La France le dit au nom de son expérience et de son désintéressement. Elle le dit en raison de luvre quelle a accomplie naguère dans cette région de lAsie, des liens quelle y a conservés, de lintérêt quelle continue de porter aux peuples qui y vivent et dont elle sait que ceux-ci le lui rendent. Elle le dit à cause de lamitié exceptionnelle et deux fois séculaire que, dautre part, elle porte à lAmérique, de lidée que, jusquà présent elle sen était faite, comme celle-ci se la faisait delle-même, savoir celle dun pays champion de la conception suivant laquelle il faut laisser les peuples disposer à leur façon de leur propre destin. Elle le dit compte tenu des avertissements que Paris a depuis longtemps multipliés à légard de Washington quand rien encore navait été commis dirréparable. Elle le dit, enfin, avec la conviction, quau degré de puissance, de richesse, de rayonnement, auquel les États-Unis sont actuellement parvenus, le fait de renoncer, à leur tour, à une expédition lointaine dès lors quelle apparaît sans bénéfice et sans justification et de lui préférer un arrangement international organisant la paix et le développement dune importante région du monde, naurait rien, en définitive, qui puisse blesser leur fierté, contrarier leur idéal et nuire à leurs intérêts. Au contraire, en prenant une voie aussi conforme au génie de lOccident, quelle audience les États-Unis retrouveraient-ils dun bout à lautre du monde et quelle chance recouvrerait la paix sur place et partout ailleurs ! »
Je serais moins optimiste (et c’est un doux euphémisme) que Charles de Gaulle quant aux possibilités pour les Américains de s’en sortir cette fois-ci à bon compte. Je pense d’ailleurs que les Etats-Unis n’ont plus les moyens militaires de leur politique et que, davantage que les plans de George W. Bush, c’est l’incapacité manifeste à les mettre en oeuvre et surtout à en gérer les conséquences qui fait froid dans le dos. Bombarder l’Iran, pourquoi pas, et remplacer le “T” de GWOT, de “Terror” par “Teheran”, mais que se passe-t-il après ? Pour aller où et faire quoi ?
Et surtout, nous, Français et Européens, que décidons-nous de faire, dès lors qu’il n’est plus tenable d’être à côté des Américains dans cette affaire, et qu’il va bien falloir répondre à l’apostrophe de Bush du 13 septembre 2001 : “Derrière nous ou contre nous ?”
Voilà une question à laquelle aucun responsable politique ni surtout aucun candidat ne veut répondre.
Sauf un. Il est allé le dire jusque dans l’antichambre du bureau ovale. Au nom de la modernité, sans doute.
Bien à vous.
Jean-Philippe Immarigeon
alphonse
14/01/2007
http://www.french.xinhuanet.com/french/2007-01/14/content_374763.htm
étonnant cette information reprise par xinhuanet
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