GEO
09/06/2013
http://www.medelu.org/A-qui-servent-les-BRICS
A qui servent les BRICS ?
Par Immanuel Wallerstein | 3 juin 2013
En 2001, Jim ONeill, alors directeur des études économiques internationales de Goldman Sachs, écrivait un article destiné à ses abonnés. Il sintitulait « Le monde économique a besoin de meilleurs BRICs ». ONeill venait dinventer lacronyme pour désigner les économies dites « émergentes » du Brésil, de la Russie, de lInde et de la Chine. Ce faisant, il les recommandait aux investisseurs, ces pays incarnant selon lui l« avenir » économique de léconomie-monde.
Lexpression a fait florès : les BRICs sont devenus un ensemble bien réel qui se réunit régulièrement, et auquel sest joint plus tard lAfrique du Sud (les BRICs devenant les BRICS : « S » pour « South Africa »). Le « s » minuscule devenait un « s » majuscule. Ils connaissent depuis 2001 un fort développement économique, du moins par rapport à dautres Etats du système-monde. Ils sont également lobjet de très vives controverses. Daucuns y voient lavant-garde de la lutte anti-impérialiste. Dautres, à linverse, y voient de simples agents « sous-impérialistes » du vrai Nord (Amérique du Nord, Europe occidentale et Japon). Enfin, un troisième groupe y voit les deux à la fois.
Tandis que déclinent la puissance, le prestige et lautorité des Etats-Unis - entrés désormais dans une phase post-hégémonique -, le monde sorganise, semble-t-il, autour dune structure géopolitique multipolaire. Dans la situation actuelle, où coexistent entre huit et douze pôles importants de puissance géopolitique, les BRICS sont incontournables. En sefforçant de créer de nouvelles institutions sur la scène internationale, telle que la structure interbancaire quils ambitionnent de mettre en place à côté, voire à la place, du Fonds monétaire international (FMI), ils contribuent un peu plus à laffaiblissement des Etats-Unis et des autres composantes du vieux Nord. Et ce, au bénéfice du Sud, à tout le moins des BRICS eux-mêmes. Si lanti-impérialisme se définit comme la volonté de réduire la puissance des Etats-Unis, alors les BRICS représentent sans nul doute une force anti-impérialiste.
Cependant, le sujet ne se réduit pas seulement à la géopolitique. Il faut sintéresser également aux luttes des classes au sein des différents BRICS, aux relations entre chacun des pays du bloc et, enfin, à la relation des BRICS avec les pays non-BRICS du Sud. Or, sur ces trois plans, le bilan des BRICS nest pas brillant, cest le moins quon puisse dire.
Comment se faire une idée des luttes de classes au sein des différents BRICS ? On peut dabord cest la manière traditionnelle de procéder considérer le degré de polarisation du pays en question, tel quil se manifeste à travers lindice de GINI qui mesure les inégalités. Ou bien examiner la part dargent public consacré à la réduction de la misère dans les couches les plus pauvres de la population. Dans ces domaines, le Brésil est le seul des cinq BRICS à avoir amélioré de façon significative ses performances. Dans certains cas, malgré laugmentation du PIB, les indicateurs sont pires quil y a trente ans par exemple.
Si on sintéresse aux relations économiques entre BRICS, la Chine surclasse les autres en termes de croissance du PIB et davoirs accumulés. LInde et la Russie semblent penser quil est nécessaire de se protéger de la puissance chinoise. Quant au Brésil et à lAfrique du Sud, ils paraissent pâtir des investissements chinois présents et à venir dans plusieurs secteurs clés.
Sur le plan des relations des BRICS avec les autres pays du Sud, des critiques de plus en plus nombreuses se font entendre sur leur façon de se comporter avec leurs voisins plus ou moins immédiats, qui rappelle beaucoup la façon dont les Etats-Unis et le « vieux Nord » se comportaient jadis. Les BRICS sont parfois accusés non pas dêtre « sous-impériaux », mais tout simplement « impériaux ».
Ce qui donne aujourdhui aux BRICS leur importance, ce sont les forts taux de croissance quils ont connus depuis à peu près lan 2000. Ces taux ont été notablement plus élevés que ceux du vieux Nord. En sera-t-il toujours ainsi ? Ils commencent déjà à saffaisser. Par ailleurs, dautres pays du Sud (Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie) semblent maintenant les égaler.
Néanmoins, dans la mesure où la dépression mondiale sapprofondit et quil est peu probable quune reprise significative ait lieu au cours de la prochaine décennie, on peut douter que, dans dix ans, un nouvel analyste de Goldman Sachs saventure encore à présenter les BRICS comme incarnant lavenir (économique) de la planète. Plus encore, la probabilité est faible que les BRICS continuent de se réunir régulièrement en tant que groupe menant des politiques communes.
La crise structurelle du système-monde évolue trop vite, et de façon trop incertaine, pour garantir une stabilité relative suffisante permettant aux BRICS de continuer de jouer un rôle particulier, tant sur le plan géopolitique quéconomique. Comme le concept de mondialisation lui-même, les BRICS pourraient en définitive se révéler nêtre quun phénomène passager.
Immanuel Wallerstein
Arrou Mia
09/06/2013
@ geo trouve-tout (:°)
Dans cette configuration, les Brics sont une réplique au sens de réplique sismique.
Le capitalisme dit d’État chinois est lui aussi assurément un truc de coquins copains mais il met en péril relatif l’hégémonie militaire et économique du monstre à mille têtes zunien.
Ce n’est pas un mode de sortie du système, mais une manière de le clore peut-être.
François Jéru
10/06/2013
Rien sur le supranational - Que du baratin sur l’inter-étatique vassal.
Cet Immanuel Wallerstein est-il une Nullité (N) ou un Manipulateur (M) ?
... Difficile de trancher ...
... sans doute une bonne part des deux
formaté et payé par qui celui-ci, avec le principe de Perter faisant le reste ?
... il serait Sociologue ... pourquoi pas
ce pourrait être un Historien, un Philosophe, un ScPo, un ScEco
Ne sont-ils pas trop nombreux les experts spécialisés et médiatisés de cette espèce “N et/ouM” où il est difficile de trancher ?
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