jc
31/12/2020
Les récents articles de PhG m'ont révélé que la rhétorique sophistiquée des Penseurs-Système (PS ?) est "au taquet" car elle butte sur la coïncidence des contraires (ici, par exemple typique, coïncidence de l'individualisme ultralibéral et du globalisme), et qu'elle doit donc changer de braquet ou disparaître (bon débarras). Selon moi changer de braquet exige de prendre une position héraclitéenne : « l’harmonie suprême est coïncidence des contraires ». J'argumente ci-après.
Alain Finkielkraut : « Nous ne disposons plus aujourd’hui d’une philosophie de l’histoire pour accueillir les événements, les ranger et les ordonner. Le temps de l’hégéliano-marxisme est derrière nous. Il est donc nécessaire, inévitable de mettre la pensée à l’épreuve de l’événement et la tâche que je m’assigne, ce n’est plus la grande tâche métaphysique de répondre à la question “Qu’est-ce que ?” mais de répondre à la question “Qu’est-ce qu’il se passe ?”... » , citation qui m'a fait qualifier AF de néo-progressiste. Mais n'est pas néo-progressiste qui veut.
Pour répondre, en effet, à la question "Qu'est-ce qu'il se passe ?", il faut quitter Parménide et le confort statique de la logique -"ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas"- pour Héraclite et l'inconfort métabolique -tout est changement-. Mais penser intelligiblement le mouvement et le changement nécessite de postuler l'antériorité ontologique du continu sur le discret (1) : pour "mettre la pensée à l'épreuve de l'évènement" (AF) il est nécessaire d'être un penseur du continu. Le continu est impensable par les philosophes (et scientifiques) atomistes: seul un penseur du continu peut penser métaboliquement. Je ne connais que deux tels penseurs : Aristote et Thom, que je qualifie de philosophes continuistes (2), par opposition aux philosophes contiguïstes (alias atomistes).
Poser la question "Qu'est-ce qu'il se passe ?", c'est poser les questions "Qu'est-ce qu'un évènement ?", "Qu'est-ce qu'un changement qualitatif?", "Qu'est-ce qu'une rupture phénoménologique ?", "Qu'est-ce qu'un catastrophe -thomienne- ?". Questions qui renvoient à (3) où je tente de montrer que la voie de la logique formelle choisie par Badiou est sans issue, car un évènement ne peut, selon moi, être pensé que métaboliquement : le logique ne peut être qu'un souvenir du métabolique, du morphogéno-logique (4).
PhG cite dans "La Grâce…" un certain Daniel Vouga à propos de Baudelaire et Maistre : "Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l'Unité perdue". Je me convaincs un peu plus tous les jours que seul un penseur du continu (qu'il s'ignore tel ou non) peut y arriver.
(1) Sinon ne peut résoudre les paradoxes de Zénon : la contiguïté n'est pas la continuité.
(2) En fouillant sur la toile je n'ai rien trouvé sur le continuisme en épistémologie et phytoécologie, mais pas en philosophie. Je n'ai pas vu y citer Thom.
(3) "Je bois du petit lait !.2", article lié : Notes sur le wokenisme-seul (II).
(4) « Le “et”, le “ne… pas… ”, le “tout”, le “quelque”, et les autres du logicien ne sont pas nos termes civils familiers ; ils sont des termes conscrits, en uniforme et soumis à la discipline militaire, ils conservent sans doute le souvenir de leur vie civile antérieure plus libre, mais cette vie-là, ils ne la vivent plus. Deux cas suffiront. Si vous apprenez de source sûre qu’elle prit de l’arsenic et tomba malade, vous rejetterez la rumeur qu’elle tomba malade et prit de l’arsenic. L’usage familier de “et” suppose la connotation temporelle qu’exprime “et ensuite” et même la connotation causale de “et en conséquence”. Le “et” conscrit du logicien ne fait que son devoir, un devoir pour lequel “elle prit de l’arsenic et tomba malade” est une paraphrase stricte de “elle tomba malade et prit de l’arsenic”. » (Ryle, 1954) [Extrait du chap. IX de "Principes des systèmes intelligents", Paul Jorion] .
Thom illustre à mon avis très bien le "ils conservent sans doute le souvenir de leur vie civile antérieure" par le concept de "catastrophe souvenir", et donc le rapport du "logique formel" au "métabolique" (Vidéo "Théorie des catastrophes" par René Thom et Émile Noël, 27'40 à 28'30).
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