Francis
17/07/2008
“son avantage naturel dans les domaines économique et social”
... alors là je suis “soufflé” mais merci, ça fait réfléchir. Tout ce préambule me semble une bonne analyse, reste à regarder dans le miroir avec le même regard !
Establishment et conformisme : ces Grandes Sociétés qui vont “en faillite” , ce n’est pas la faillite de l’Establishment qui en tire profit. C’est rincer la Grande Nation, lui créer des dettes immenses et rentables pour l’Establishment financier.
Le conformisme est d’abord dans l’aveuglement répété qui est la nature des Grandes Nations.
Cette manie d’accuser les autres de ses propres tares est une collaboration millénaire.
L’Establishment gagnera comme toujours grâce à la servilité des Grandes Nations et de leurs idéologues. On dirait les fous du roi tant cette farce fait la trame des siècles.
Ils sont alliés pour la fin de l’histoire jusqu’à boire la cigüe gentiment comme Socrate.
“Mesurer l’évidence d’une idée au déplaisir qu’elle cause”
(et pardonner ma prétention)
DedefGM
18/07/2008
In memoriam IndyMac Bank (1985 - 2008)
Par Paul Jorion, 12 juillet 2008
Si vous avez accès à un exemplaire de mon livre Investing in a Post-Enron World, publié en 2003 par McGraw-Hill, vous verrez que jy cite à trois reprises Mike Perry qui était jusquà hier P-DG de IndyMac Bank. Les trois citations contiennent des extraits dun entretien quil mavait accordé. Jétais allé le voir parce que javais un grand respect pour la manière dont il menait son affaire.
IndyMac Bank qui, en volume, était le 9e organisme de crédit hypothécaire aux États-Unis a été saisi hier. La Federal Deposit Insurance Corporation qui garantit les dépôts bancaires à hauteur de 100 000 dollars est intervenue et a pris possession de la banque au nom du gouvernement américain. IndyMac rouvrira lundi sous le nom de IndyMac Federal Bank mais la firme sera en liquidation judiciaire. Lopération de remboursement des clients coûtera à la FDIC 4 à 8 milliards de dollars soit 7,5 à 15 % de ses réserves. Si le renflouement du numéro 9 du prêt au logement mobilise 15 % des ressources dont dispose le gouvernement américain dans ce domaine, un rapide calcul vous confirmera que ce genre dopérations ne pourra pas se renouveler très souvent.
Si jétais allé voir Mike Perry à lépoque où jécrivais mon livre, cest que javais travaillé directement sous ses ordres peu de temps auparavant. En 2001, il avait décidé dintroduire la norme « Six Sigma » à IndyMac, une norme industrielle - intéressante dailleurs, jaurai sûrement loccasion dy revenir - centrée sur une minimisation de lerreur, et il avait fait du recrutement de la première équipe lobjet dun concours au sein de toute lentreprise : les dix premiers en feraient partie et se verraient décharger de toute autre responsabilité.
Les dix finalistes devaient présenter un projet devant la direction. Mike mavait interrompu à un moment pour faire taire quelques bavards dans le fond de la salle. Il avait dit « Hé les gars ! Il faut écouter : il y a quelquun qui parle ici qui comprend vraiment notre business ! ». Ça mavait fait très plaisir. A partir de ce jour-là, jai travaillé directement pour lui. Il mappelait au téléphone et me disait « Paul, je voudrais que tu fasses la chose suivante ».
Un jour, jai été viré. Je nai jamais raconté cela, parce que je nai pas lhabitude de cracher dans la soupe. Maintenant, cela na plus aucune importance. Mon patron immédiat ma appelé. Il était accompagné dune représentante de la DRH. Je les ai suivis dans un petit bureau où ils mont dit que jétais licencié. Je ne les ai pas crus, jai dit : « Je suis sur un projet pour Mike, on y travaille depuis plusieurs mois et on le termine demain : ça na pas de sens ! » Ils mont dit : « Si, tu es licencié ». Jai répondu : « Je ne vous crois pas ! », jai dit : « Pour quelle raison ? » Silence. Ils sont allés chercher un collègue que jaimais bien, ils lui ont expliqué la situation. Il a dit : « Je vais appeler Richard ! » Richard, était le numéro 2 dIndyMac. Il est revenu, il a demandé aux deux autres de sortir et il ma confirmé la nouvelle : « Paul, cest vrai ! ». Jai dit « Bon ! » et je suis parti.
Je ne comprenais pas : le projet sur lequel je travaillais était un enfant chéri de Mike : il voulait savoir combien de consommateurs remplissaient le formulaire de demande de prêt, combien étaient agréés, combien fournissaient les documents requis, combien voyaient leur requête acceptée ; il voulait comprendre la déperdition entre chaque stade du processus et aussi voir le temps que prenait chaque étape. Je lui avais fait cela : en dynamique, remis à jour tous les soirs. Il voulait que linformation soit accessible sur lIntranet de la compagnie. Nous étions prêts : le lancement aurait dû avoir lieu le lendemain du jour où jai été viré.
Rentré à la maison, jétais abasourdi. Honnêtement, ça ma pris quelques jours pour que la petite lampe sallume dans la bulle au-dessus de ma tête. Soudain ça a fait clic : je me suis souvenu dune conversation la veille de mon licenciement : mon patron immédiat mavait appelé et mavait demandé : « Le truc que tu prépares pour lIntranet, est-ce que ça pourra être vu des membres de Conseil de Direction ? ». Je me suis informé et je lai rappelé, jai dit : « Oui, sans problème : il y a une hiérarchie daccès mais eux ont évidemment le droit de tout voir ».
Dans les derniers jours, je ne moccupais plus de regarder ce que crachait notre nouveau système : je vérifiais simplement que la mécanique était bien huilée. Là jai soudain compris, je me suis dit : il y a quelque chose que les membres de Conseil de Direction allaient voir et quon na pas voulu quils voient, et je suis allé éplucher les chiffres pour essayer de trouver où le bât blessait.
Je lai découvert assez vite en examinant mes rames de print-outs. IndyMac était très fier que les demandes de prêt que la firme accordait proviennent de sources multiples : rassemblés par de petites compagnies, par des firmes dont le crédit immobilier était une activité annexe, par des courtiers indépendants, etc. Mike répétait : « Aucune de nos sources ne représente plus de 5 % de notre financement du crédit au logement ! » Or ce nétait pas vrai : UN DE NOS CORRESPONDANTS REPRÉSENTAIT PRÈS DU QUART. ET IL ÉTAIT LÀ, GRAS ET SOLITAIRE : les autres étaient effectivement tout petits à côté de lui, très loin derrière en termes de chiffre daffaires.
Le nom de ce gros correspondant ne me disait rien : un nom sans visibilité aucune. Jai gouguelé à mort et lune des deux mentions que jai trouvées était dans lun de ces documents qui ne se trouvent sur lInternet que par accident : une liste de transactions entre firmes. Et il y avait une adresse, à lautre bout de Los Angeles. Nous nous y sommes rendus. Rien. Nous avons pris lascenseur et nous nous sommes mis à fouiner dans les étages. et NOUS AVONS TROUVÉ UNE PORTE OÙ SE TROUVAIENT DEUX PLAQUES DE CUIVRE : lune portait le nom de ma compagnie mystère et lautre était celui dun établissement financier très connu, qui se trouvait alors au centre de lactualité pour une énorme affaire de pots-de-vin.
Est-ce que Mike savait ? Mon instinct me dit que non. En même temps, ce serait étonnant : une firme qui représentait près du quart des financements ? Cétait peut-être dailleurs lui la source de la question qui mavait été adressée : « Est-ce que les membres du Conseil de Direction pourront voir ces chiffres ? » Mais quand il avait une question à me poser, il nhésitait jamais à le faire lui-même. Il nest pas rare quil y ait dans les sociétés, des magouilles à des niveaux intermédiaires, quon cache soigneusement à la direction. Jen ai vu. Mais il est vrai aussi que les P-DG en savent en général bien davantage sur ce qui se passe chez eux quils ne laffirment en public.
Alors, Mike Perry ? Je ne sais pas. De toute façon jaimais bien la manière dont il dirigeait sa firme. Je lui ai envoyé un petit mot hier soir pour le lui dire. Je lui ai dit : « Ce nest pas toi ! Cest le vent debout ! » Allez savoir ! En tout cas il nétait pas lun des pires.
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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment Limplosion. La finance contre léconomie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Ce texte est un « article presslib » (*)
Référence : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2136
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