jean-luce Morlie
22/12/2018
« … au cas où la marée grondante se mettrait à gronder »
La Belgique est sans doute une cocotte minute d’un type particulier ; elle est certes susceptible de générer des pressions extrêmes, mais dont je crois douteux qu’elle puisse exploser. Déjà, après l’hiver 60, Andre Renard rompait avec « l’immobilisme syndical »pour fonder le Mouvement Populaire Wallon, et avec quel effet ?
« l’existence du MPW empêcha heureusement pendant deux ou trois ans qu’un sentiment de défaite se répande parmi les travailleurs après la fin de la grève ».
Georges Dobbeleer
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Comme autre exemple « d’eau de boudin, prenons l’affaire Dutroux; celle-ci avait surtout révélé la nature organique de collusion entre des groupes déviants relevant des sphères économiques politique, policière et judiciaire. Vue sous cet angle, en se focalisant sur la déviance pédophile, la marche blanche évita de mettre en cause la gouvernance pour les seuls intérêts de l’« entre soi ».
Marcel Paquet, dans – le Fascisme blanc , mésaventure de la Belgique– nous a donné une analyse qui permet de comprendre le retournement la "marche blanche" en capitulation.
« Nous parlons de fascisme blanc parce que les régions des sous-pouvoirs et des surprofits, parce que les zones noires et subreprésentatives qui échappent à la souveraineté juridique de l’État ont réussi à modifier celui-ci dans une direction qui amène les gouvernements à être dirigé par les partis tandis que ceux-ci sont contrôlés, c’est-à-dire financé par de l’argent noir, délinquant. En Belgique la corruption (je ne dis pas l’enrichissement personnel) est une condition de l’exercice du pouvoir : fascisme blanc et non pas « noir ou brun » , parce que l’état, bien qu’instrumenté par les partis, n’est pas une caisse de résonnance totalitaire, fermée sur soi, autarcique ; il est tout entier déporté, emporté par une économie mafieuse, dispersée, diffuse, instable et déstabilisatrice qui agit dans l’épaisseur du corps social. »
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« La Belgique , cet État artificiellement créé par la volonté des grandes puissances du début du XIXe siècle (Angleterre, Autriche-Hongrie, France, Prusse et Russie) développe aujourd’hui un exercice du pouvoir dont les mécanismes fondamentaux sont la démagogie et la corruption. Ceci risque de s’étendre à l’ensemble du continent. Construire l’Europe en négligeant la dangereuse réalité belge serait une faute politique d’une extrême gravité ».
Marcel Paquet, le Fascisme blanc
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Pour en finir avec l’austérité, le mouvement des Gilets Jaunes français pourrait progressivement prendre conscience du carcan monétaire et de la perte de souveraineté politique imposée par les institutions européennes, au point d’en rendre évidente la nécessité d’en sortir. Ce n’est sans doute pas le cas pour la Belgique. En effet, la petitesse de notre pays, couplée à la centralité de son appartenance à l’OTAN et à l’Europe, met en relief la densité des affaires et ajoute à la pression. Si le Royaume-Uni, la France et l’Italie peuvent envisager l’un ou l’autre scénario de sortie l’Europe et l’Otan, la Belgique francophone ne le pourrait pas en raison de la position de Bruxelles et de la répartition de la dette entre la Flandre et la Wallonie .
Comment nous représenter un avenir ? Soit celui de la séparation de la Wallonie couplée au non-paiement de la dette et le rattachement à la France ? Soit celui de l’indépendance par le pourrissement du vieux sillon industriel ? Je ne crois pas qu’il y ait un tertium, car il me semble bien que nous n’ayons pas, comme au Kurdistan, les ressources morales qui nous permettraient de construire un confédéralisme démocratique intra-wallon, mais seulement de chérir notre nostalgie envers les phraséologies socialistes qui nous sont abondamment offertes par le PTB .
Cette perpective, quelque peu désenchantée, n’empèche pas de coller nos oreilles au sol, car comme l’avançait Marcel Paquet, : (négliger) la dangereuse réalité belge serait une faute politique d’une extrême gravité.
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