jc
17/10/2022
PhG : " Cette année 2020 est absolument fascinante car il se produit en effet une rupture de la perception, consécutive à une rupture décisive de la compression du Temps et de l’accélération de l’Histoire. Désormais, plus rien de nos explications habituelles, de nos références les plus estimées et les plus complexes, – et je parle ici sans l’ombre de la moindre ironie, – plus rien de tout cela n’a plus la moindre capacité de figurer dans le même complexe Espace-Temps où les événements nous ont emmenés. ".
Dès qu'il est question d'espace et de temps je pense d'une part aux chapitre XXI (Caïn et Abel) et XXIII (Le temps changé en espace) et au fameux "trou dans l'espace-temps" auquel PhG revient dès qu'il est question du 9/11/2001. Mais y penser ne m'avance pas à grand'chose car, au fond, je n'y comprends rien. Mais j'y arriverai peut-être un jour par le biais thomien, puisque, dans son article "La mathématique essentielle", Thom introduit d'abord le temps (naturellement cyclique) puis l'espace (acyclique ou cyclique par réflexion/collision), en terminant ainsi:
"Thom: "Terminons ces considérations sur l'ontogenèse des mathématiques par une remarque de physique. Nous avons invoqué deux phénomènes pour justifier la construction de l'espace réel : la résonance qui synchronise des oscillateurs couplés d'une part, de nature temporelle ; et la collision entre individus, qui, elle, permet la définition des chemins de létalité, et par suite la construction des espaces. Fort spéculativement, on associera ces deux processus aux deux grands types de les connus en physique : bosons et fermions. Les bosons, de nature essentiellement radiative, ont tendance à s'associer en champs où ils deviennent indistinguables et non localisables, effet dû à la résonance. Les fermions, de nature essentiellement spatiale, matérielle, devraient leur caractère répulsif et individualiste au phénomène de collision qui les sépare…" (AL, p.325) .
La conflagration "en puissance" du temps bosonique nécessaire pour une ultérieure déflagration "en acte" de l'espace fermionique?
jc
20/10/2022
Ce que je comprends c'est que si le tempo -la cadence du temps- augmente, alors l'espace se contracte, et réciproquement. et c'est ce que nous constatons actuellement dans notre civilisation finissante avec la vitesse qui devient précipitation et action sans but, sans cause finale, qui devient agitation (1) (entropisation = agitation thermique).
La cycle d'un manvantara se décompose en quatre âges dont la durée est dans le rapport 4, 3, 2, 1, si bien que le tempo est quatre fois plus rapide à l'âge de fer qu'à l'âge d'or. Dans l'hypothèse -plausible- où nous sommes à la fin d'un kali yuga, avec un tempo chronos, nous sommes alors au seuil d'un satya yuga avec un tempo aïon quatre fois plus lent. Il me semble à peu près clair qu'une guerre thermonucléaire ou une catastrophe naturelle majeure (pandémie…) créera une sidération qui figera le temps, temps qui redémarrera alors sur un tempo plus lent -un tempo plus aïon- initiant peut-être un nouvel âge d'or.
Tout passe, tout lasse, tout casse, va répétant Michel Maffesoli : respiration de la métahistoire. Guénon :
"Comme nous l’avons dit précédemment, le temps use en quelque sorte l’espace, par un effet de la puissance de contraction qu’il représente et qui tend à réduire de plus en plus l’expansion spatiale à laquelle elle s’oppose ; mais, dans cette action contre le principe antagoniste, le temps lui-même se déroule avec une vitesse toujours croissante, car, loin d’être homogène comme le supposent ceux qui ne l’envisagent qu’au seul point de vue quantitatif, il est au contraire « qualifié » d’une façon différente à chaque instant par les conditions cycliques de la manifestation à laquelle il appartient. Cette accélération devient plus apparente que jamais à notre époque, parce qu’elle s’exagère dans les dernières périodes du cycle, mais, en fait, elle existe constamment du commencement à la fin de celui-ci ; on pourrait donc dire que le temps ne contracte pas seulement l’espace, mais qu’il se contracte aussi lui-même progressivement ; cette contraction s’exprime par la proportion décroissante des quatre Yugas, avec tout ce qu’elle implique, y compris la diminution correspondante de la durée de la vie humaine. On dit parfois, sans doute sans en comprendre la véritable raison, qu’aujourd’hui les hommes vivent plus vite qu’autrefois, et cela est littéralement vrai ; la hâte caractéristique que les modernes apportent en toutes choses n’est d’ailleurs, au fond, que la conséquence de l’impression qu’ils en éprouvent confusément. À son degré le plus extrême, la contraction du temps aboutirait à le réduire finalement à un instant unique, et alors la durée aurait véritablement cessé d’exister, car il est évident que, dans l’instant, il ne peut plus y avoir aucune succession. C’est ainsi que « le temps dévorateur finit par se dévorer lui-même », de sorte que, à la « fin du monde », c’est-à-dire à la limite même de la manifestation cyclique, « il n’y a plus de temps » ; et c’est aussi pourquoi l’on dit que « la mort est le dernier être qui mourra », car, là où il n’y a plus de succession d’aucune sorte, il n’y a plus de mort possible. Dès lors que la succession est arrêtée, ou que, en termes symboliques, « la roue a cessé de tourner », tout ce qui existe ne peut être qu’en parfaite simultanéité ; la succession se trouve donc en quelque sorte transmuée en simultanéité, ce qu’on peut encore exprimer en disant que « le temps s’est changé en espace ». Ainsi, un « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn.".
Je suis grosso modo d'accord avec Guénon, à part le "finale" de la dernière phrase qui semble interdire une ultérieure revanche par Caïn de la revanche d'Abel. Guénon : pour ou contre le pape François pour qui "Le temps est supérieur à l'espace" (premier selon l'être, dernier selon la génération)? Bien entendu le thomien que je suis a noté le guénonien « le temps dévorateur finit par se dévorer lui-même » qui renvoie au "le prédateur affamé est sa propre proie" que Thom associe à la rupture phénoménologique de la catastrophe "fronce".
Thom : "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel.".
1 : Il paraît qu'Angela Merkel surnommait N. Sarkosy "le petit lapin duracell".
.
jc
22/10/2022
De "Time is money" dans la minuscule Angleterre qui domina un temps le monde à "Space is money" de l'immense Russie, voilà une inversion temps/espace pour moi plus concrète que celle de Guénon !
Nous sommes à la fin d'un monde -celui de la civilisation occidentale désorientée- et donc au début d'un nouveau. Le changement n'ira pas sans inversions, nous arrivons à la fin d'une phase expansive (initialement différenciation, séparation, puis, par analyse -c-à-d par désagrégations successives, une lyse étant étymologiquement une déstructuration-, nous sommes maintenant au bord de la désintégration, du chaos social) et donc au début d'une phase compressive de réorientation (respiration yin-yang de la métahistoire) qui va nécessiter une inversion de nos logiciels (1), c'est-à-dire une inversion de notre logique déductive, catalogique, en une logique inductive, analogique. Dans sa version la plus brutale, c'est-à-dire formelle, le tiers exclu devient tiers inclus, ce qui viole les principes aristotéliciens d'identité et de non-contradiction et une logique du signe se substitue à une logique de la cause -le feu cause de la fumée, la fumée signe du feu- (2).
Est-ce la pensée (extrême-)orientale qui va nous réorienter? La pensée traditionnelle chinoise est sans doute beaucoup plus proche de la logique inductive et analogique que notre logique occidentale qui, depuis Aristote, relègue l'analogie pour l'usage quasi-exclusif des rhéteurs et des sophistes. (Mais les chinois se sont occidentalisés au siècle dernier et sont peut-être trop préoccupés à regagner la face qu'ils ont perdue au XIXème siècle en battant les occidentaux sur leur propre terrain…)
Une image et une métaphore pour résumer. L'image est celle d'une montagne de forme conique au sommet éternellement embrumé. Nous sommes actuellement au bas de cette montagne mais certains d'entre nous savons que ce sommet existe (3) et que c'est le point vers lequel il faut tendre avant d'entamer une nouvelle descente (Guénon dirait certainement une nouvelle chute) dont on peut toujours espérer qu'elle sera moins catastrophique que l'actuelle. La métaphore est biologique : ce qui, selon moi, nous attend est l'analogue sociologique de la gamétogenèse biologique (4).
1 : Thom : "Encore une fois, comme le disait Aristote, ce n’est pas la nature qui imite l’art, c’est l’art qui imite la nature. C’est parce que nous avons implicitement le schéma de la pompe réalisée dans le cœur que nous avons pu ultérieurement construire des pompes technologiques. Et maintenant, les gens vous disent, le cerveau, c'est un ordinateur ! On continue…".
2 : Un apport des mathématiques récentes (Thom, Grothendieck) permet de réaliser que la contradiction logique s'évanouit lorsqu'on passe de la logique temporelle 1D (les mots -parlés ou écrits- se succédant) à une logique spatiale (2D, 3D, etc.) c'est-à-dire à une topo-logique ("ce drapeau est noir et blanc" est rejeté en logique formelle, mais accepté en topo-logique).
3 : Daniel Vouga, à propos de Maistre et Baudelaire (cité plusieurs fois par PhG dans "La Grâce…" : "Le seul progrès possible est la recherche de l'Unité perdue" (je cite de mémoire).
4 : Cf. Esquisse d'une sémiophysique p.216 : "De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). ".
Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier