jc
16/01/2020
JF Mattéi (via PhG): « Au troisième niveau de réalité, on constate une rupture : la simulation se substitue à la modélisation et à la représentation. Le simulacre, en tant que résultat de cette opération, possède un pouvoir de déréalisation des précédents niveaux de réalité en raison de son procédé de virtualisation. »
Wiki: "La simulation est un outil utilisé par le chercheur, l'ingénieur, le militaire, etc. pour étudier les résultats d'une action sur un élément sans réaliser l'expérience sur l'élément réel." (...) "Simulation numérique… analogique…"
Wiki: (Simulacre: (Par extension) Action exécutée pour faire illusion, sans conviction; faux-semblant, comédie, chiqué.
Wiki: "Simulacres et Simulation est un ouvrage de Jean Baudrillard, publié en 1981 aux éditions Galilée. Le philosophe français y poursuit et approfondit sa réflexion sur le concept de simulacre qu'il avait initiée dans L'échange symbolique et la mort."
Thom utilise l'adjectif "simulatrices" dans une situation où la vraisemblance est vitale pour les sociétés¹ (on notera le caractère prophétique de la citation):
"... au coeur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces naturelles agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire."
Je retiens le conflit simuler -> ressembler au vrai (interprétation positive -en sciences en particulier) et simuler -> ressembler au faux (interprétation négative -sens courant actuel?): mot Janus dont la signification varie spatio-temporellement, géo-historiquement.
Thom: Il faut concevoir que tout concept est comme un être vivant qui défend son organisme (l'espace qu'il occupe) contre les agressions de l'environnement, c'est-à-dire, en fait, l'expansionnisme des concepts voisins qui le limitent dans l'espace substrat : il faut regarder tout concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis." : un mot Janus est en conflit avec lui-même.
Thom: "Dès qu'un mot est utilisé fréquemment avec une signification différente de sa signification initiale, il en résulte une tension sur certaines parois de la figure de régulation du concept, tension qui pourrait fort bien la briser; le concept alors se défend en suscitant la naissance d'un mot nouveau qui canalise cette nouvelle signification. La formation de néologismes est ainsi une illustration -difficilement réfutable- du principe lamarckien: la fonction crée l'organe." (MMM, "Topologie et signification", conclusion)
Le verbe simuler se défendant en suscitant la naissance du verbe simulacrer?
Je ne serais pas étonné d'apprendre que les rhéteurs et les sophistes (surtout les sophistes) utilisent beaucoup de mots Janus.
Le mot qui est actuellement au centre de tout débat politique est le mot argent. C'est typiquement un mot Janus qui renvoie indifféremment à un échange de biens et/ou à un échange de services. Voir le billet 120 de François Roddier (vers la fin).
¹: SSM, 2ème ed., épilogue p.328 (le paragraphe concerne les sciences humaines)
²: http://francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html#0
jc
16/01/2020
Mon commentaire précédent parlait de la désambiguisation de mots ambigus, de la différenciation de mots Janus. Ici je considère l'opération inverse de mariage, d'accouplement de mots pour former un mot disémique, un mot Janus.
En tant que matheux je pense en premier à la topologie¹, accouplement du topos et du logos, mariage selon moi parfaitement réussi. L'ordre d'accouplement suggère une prééminence du logos sur le topos, comme "bonjour messieurs-dames²"). On peut aussi considérer la logotopie: le mathématicien René Guitart considère ainsi que Lacan est plus un logotope qu'un topologue.
Je vois l'aristodémocratie (et la démoaristocratie), la chaoscosmologie (et la cosmochaologie), etc. comme nouveaux concepts-oxymores à étudier. Utopie³?
On voit donc deux mouvements opposés: un mouvement de synthèse, de janussisation, contre un mouvement d'analyse, de différenciation, de déjanussisation.
Le verbe fonder est un verbe Janus car fonder (une famille, un parti politique, etc.) renvoie à une union, une fusion, alors que fonder peut être également vu comme une séparation. Ce dernier point de vue est celui de Thom (et d'Aristote); il mérite donc, selon moi, d'être pris en grande considération.
Thom:
- "Les actes finalisés comportent donc souvent une morphologie de jonction (c'en est presque une caractéristique contrairement à l'acte fondateur, qui, lui, « sépare » comme l'entéléchie d'Aristote). (ES, p. 222).
- "Aristote dit quelque part que l'entéléchie sépare. Pour moi ça a été la formule qui m'a fait réellement comprendre l'Aristotélisme, du moins dans la mesure où je prétends pouvoir le comprendre." (ES)
L'acte sexuel est pour moi un acte fondateur. Comment est-il vécu réellement -c'est-à-dire inconsciemment- par chacun des deux sexes? La réponse à cette question conditionne toutes mes récentes élucubrations⁴ (devise unité-harmonie-diversité, unité associée à féminité et diversité à masculinité, etc.)
¹: Wiki:" Le terme « topologie », fut introduit en allemand en 1847 par Johann Benedict Listing dans Vorstudien zur Topologie."
²: https://www.dedefensa.org/article/discours-sur-la-vert
³: http://archives.ecole-alsacienne.org/CDI/pdf/1301/130112_THO.pdf
⁴: Cf. mes commentaires de https://www.dedefensa.org/article/angoisse-indicible-parution-du-tome-iii1
jc
17/01/2020
1. Déjanussisation.
PhG a été -et est encore- confronté, sans doute de nombreuses fois, avec ce problème des mots Janus. En particulier avec le mot affectivité, qui l'a conduit au néologisme affectivisme faisant l'objet d'un article du glossaire¹.
(En parcourant ses trois commentaires je suis tombé sur celui de Perceval78, dont la définition "différentielle" (qu'est-ce que l'affectivité²?), due au philosophe américain Baldwin, me plaît:
"Sous ses formes les plus simples, l'affectivisme était simplement une tentative pour isoler la base psychologique du mysticisme et par là le justifier. "
Le "tchac" de la guillotine, qui coupe l'affectivité de ses racines mystiques? En écho aux "tchac" de la coupure galiléenne et de 1793?)
2. Janussisation.
J'ai le titre d'un bouquin à écrire: "Ces mots qui font l'amour³", à écrire par un logocrate, bien sûr. Dans "Récoltes et semailles" et dans "La clef des songes: dialogue avec le bon Dieu", Alexandre Grothendieck passe une bonne partie de son temps à travailler sur les épousailles des mots. Le philosophe/mathématicien René Guitart a étudié⁴ "le geste logotopique de ce travail" -ce sont ses propres termes-.
¹: https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-laffectivisme-postmoderne
²: Thom: "S'il est aisé de s'imaginer qu'une machine – un ordinateur, par exemple –puisse calculer et même raisonner, par contre, il est beaucoup plus difficile de concevoir une machine capable de souffrir et de jouir. C'est dire qu'en un certain sens, le problème de comprendre « objectivement » l'affectivité semble infiniment plus difficile que de se représenter l'intelligence. Il est d'ailleurs typique – à cet égard – qu'on parle beaucoup d'intelligence artificielle, alors qu'on ne se préoccupe guère, chez les spécialistes,
d'« affectivité artificielle ». " (1985, Régulation – Affectivité ...)
³: Il y en a déjà au moins un portant ce titre (auteur Robert Henry)
⁴: Cf. http://rene.guitart.pagesperso-orange.fr/textespreprints/regimes5.pdf
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