jc
17/12/2020
PhG : "Aucune des forces en présence ne semble avoir, ni la capacité, ni même le projet, de tenter d’y rétablir un semblant de stabilité, sans parler de l’ordre et de l’harmonie (...) Reste une seule idée saine, qui se devine et se nomme ‘sécession’."
Que j'interprète : L'empire globalisé se décompose, et l'air du temps est à l'exit (Br,T, Fr, etc.), à la sécession, à la relocalisation, à la refondation, au ré-enracinement, au retour des frontières. Pour Thom, à la suite d'Aristote, l'acte fondateur est une séparation (1). Éloge des frontières ? Le mot pour moi le plus important est celui de projet ("ni même le projet"). Quel a été le projet des globalistes (je parle au passé décomposé) ? Quel est celui des localistes ?
Thom : "Le "rejet" devient "projet"." (2)
(1) Aristote: "L'entéléchie sépare"; Thom: "L'acte fondateur sépare". Cf. ES. chap.7.
(2) "De l'icône au symbole", MMM.
jc
17/12/2020
Le globalisme et la société ouverte de Popper-Soros est sur la défensive, le retour des frontières étant dans l'air du temps. Tout récemment les chiens de garde du Système se sont déchaînés sur François Ruffin (1) parce qu'il avait osé parlé de frontières, et parce que, consciemment ou non, ils assimilent pavloviennement (ô que c'est adverbe est ici bien choisi, et le verbe pas mal aussi) frontière à fermeture.
Il y a deux ans j'ai acheté "L'éloge des mathématiques" d'Alain Badiou et en même temps (expression à la mode) "Éloge des frontières" de Régis Debray; pour la même raison : savoir si Thom y était cité, et, si oui, en quels termes (la réponse a été doublement négative). Pourtant les frontières ont constitué la préoccupation fondamentale de Thom, qu'elle soit mathématique ou philosophique :
"En vérité, il existe une réelle unité dans ma réflexion. Je ne la perçois qu'aujourd'hui, après y avoir beaucoup réfléchi, sur le plan philosophique. Et cette unité, je la trouve dans cette notion de bord. Celle de cobordisme (2) lui était liée." ,
et il a même énoncé deux axiomes reliant topologie et philosophie aristotéliciennes (Aristote topologue) (3) : l'axiome ABP "l'Acte est le Bord de la Puissance" et l'axiome FBM "la Forme est le Bord de la Matière", deux axiomes visiblement destinés à être portés à l'attention des philosophes.
Pour en revenir aux chiens de garde, la réponse de RD est limpidement contenue dans le titre du chapitre II : "Au début était la peau", qui suggère avec insistance d'une part que si nous n'avions pas de peau, alors nous n'aurions pas de pot (ça se discute), c'est-à-dire que nous ne serions pas, ou si peu, car dilués dans le grand Tout, et d'autre part que la peau est une frontière qui dispose d'orifices -dont certains sont pourvus de sphincters- qui permettent d'échanger avec l'extérieur sur le mode potentialisation/actualisation (5), ce qui renvoie aux axiomes thomiens.
Et le titre du dernier chapitre "La loi de séparation", semble rejoindre "L'acte fondateur sépare" de Thom et "L'entéléchie sépare" d'Aristote.
Il faudra que je m'y replonge.
(1) https://www.liberation.fr/france/2020/12/02/frontieres-ruffin-accuse-de-jouer-la-carte-rn-par-la-macronie_1807462
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Cobordisme
(3) Dans ES Thom essaie de débusquer un Aristote topologue "passablement méconnu" (p.245)
(4) Il faudrait que je m'y plonge, mais, autant je me suis facilement plongé dans "L'éloge des maths" par le philosophe Badiou (parce qu'il s'exprime comme un matheux), autant j'ai du mal avec le philosophe Debray et son "Éloge des frontières (parce qu'il s'exprime plutôt comme un poète).
(5) C'est le cheval de bataille de Stéphane Lupasco (parmi d'autres) http://tiersinclus.fr/
jc
17/12/2020
Les positions d'Aristote et de Thom me semblent être conformes à celle de la Bible (début de la Genèse) : "Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres." Le Dieu de la Bible fondamentalement diviseur ?
Pourquoi pas un Dieu rassembleur, un Dieu pour qui l'acte fondateur serait une réunion ?
Thom : "Ici l'entéléchie sépare ... mais si le mouvement avait lieu en sens inverse ... l'entéléchie réunirait." (ES, p.186)
jc
17/12/2020
Acte fondateur : séparation ou réunion ? Si le Créateur est un séparateur, il semble assez naturel que ses créatures le soient également…, et que sa Création achevée soit pure séparation, pure division, pure entropisation.
Dans le monde des humains il me semble qu'on se réunit d'abord autour d'un projet, et que la réalisation du projet se mesure à l'énergie potentielle du groupe rassemblé autour de ce projet, énergie destinée à s'actualiser et à prendre forme au cours de sa réalisation : puissance -> acte et matière -> forme. De ce point de vue les limites (frontières fermées) sont faites pour éviter que l'énergie initiale se dissolve à l'infini : limites adaptées à la taille du projet. Les frontières sont faites pour permettre de se sédentariser, seule(?) façon de réaliser un projet, que celui-ci soit réel ou virtuel : la réalisation d'un projet se fait toujours "intra muros", même si parfois, les murs sont grands.
Je trouve intéressant de rapprocher cette façon de mûrir un projet puis de le réaliser avec la façon dont Thom construit la mathématique à ses yeux essentielle : "Nous allons nous efforcer ici de construire la mathématique essentielle à la manière d'une cosmogonie. Au commencement était le temps." (AL, p.316)
Et donc ensuite sera l'espace (1). Thom fait "fort spéculativement" une analogie entre le temps et les bosons d'une part et l'espace et les fermions d'autre part. (AL, p.325). Un Dieu-Déesse Janus, Dieu diviseur, Déesse rassembleuse ? Ça me plaît bien.
Thom : "(...) à beaucoup d'égards, l'ontologie, c'est l'obstacle.". Mais pas à tous ?
Le pape François a édicté quatre principes (2). Le premier d'entre eux est : "Le temps est supérieur à l'espace".
(1) Car il faut de l'espace pour réaliser un projet. Il m'apparaît nettement (hic et nunc, demain étant un autre jour) que Caïn est Kane (féminin) et Abel est ... Abel (masculin). Kane aurait-elle tué Abel ? Cf. le best seller Kane and Abel, by Jeffrey Archer.
(2) https://www.cath.ch/blogsf/les-quatre-principes-de-francois/
jc
17/12/2020
L'allusion faite au .2 de Caïn et d'Abel, du temps et de l'espace, me renvoie aux chapitres XXI et XXIII de "Le règne de la quantité...". Si ce que je dis en .2 est correct (si Caïn est en fait Kane, une femme) alors Guénon dit en XXI que la société se féminise , ce qui n'a pas présentement l'air d'être complètement faux.
En relisant ce chapitre XXI je suis tombé sur une note de bas de page qui, selon moi, résume bien l'antagonisme des globalistes "Ulysse et Mont Palatin" et des localistes "Pénélope et Petit Liré" :
"C’est pourquoi le nomadisme, sous son aspect « maléfique » et dévié, exerce facilement une action « dissolvante » sur tout ce avec quoi il entre en contact ; de son côté, le sédentarisme, sous le même aspect, ne peut mener en définitive qu’aux formes les plus grossières d’un matérialisme sans issue."
Je pense que PhG ne verrait pas d'objection à traduire " action « dissolvante » " par entropisation, si bien que nomadisme et sédentarisme, sous l'aspect précisé par Guénon, ne sont que deux formes d'un matérialisme (m minuscule) sans issue, le plouc seulement un peu plus solide et le nomade un peu plus fluide.
La féminisation de Caïn en Kane féminise alors aussi le temps. Ça m'ouvre des perspectives lors de ma relecture du chapitre XXIII, "le temps dévorateur finissant par se dévorer lui-même" devenant "la femme dévoratrice finissant par se dévorer elle-même", assertions de nature translogique, la dernière me faisant penser à la femme samoyède (1).
Guénon : "Ainsi un « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn.".
Allez, Zemmour, ce n'est pas perdu; il va seulement falloir patienter un peu, le temps d'un manvantara (et je trouve imprudent le "finale" de Guénon).
(1) "Le terme de samoyède vient du russe самоед (samoyed), traduit par l'étymologie populaire comme signifiant « qui se mange soi-même » " https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_samoy%C3%A8des
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