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Article : De Saint-Petersbourg à EADS

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Une autre perspective

Bruno Hanzen

  03/09/2006

Commentaire entendu dans la bouche d’un cadre d’EADS: cette opération doit aussi être vue comme un accès à la matière grise russe dans les domaines scientifiques et techniques.

"Push-pull" Est - Ouest ou ... ping-pong avec l'UE comme balle ∫

Lambrechts Francis

  04/09/2006

Tiens la vente de ses 20% de parts dans EADS par BAE dès avril 2006 n’est pas rapprochée de l’entrée des Russes VTB+OAK pour 5% actuellement (plus Irkut pour A320/1) ?

De même l’évaporation (aéronautique) de l’industrie UK dans le complexe militaro-industriel “Pentagantesque” : BAE Systems compte faire de nouvelles acquisitions aux Etats-Unis (comment peser dans l’industrie aéronautique US avec LE pourcent nécéssaire à fabriquer ... les sièges éjectables : version industrielle britannique du virtualisme ? ).

Ces frémissements UE - CEI sont à intégrer dans la proximité ‘naturelle’ des abondantes matières premières Russes et de l’industrie UE : Rusal avale l’aluminium du suisse Glencore pour créer le nr 1 mondial devant l’américain Alcoa et le canadien Alcan. La Russie est le 2e producteur pétrolier, l’UE étendue à la Norvège est 5e producteur ... suivons les faisceaux de pipe-line.

D’autres blocs “régionaux” sont en gestation ALENA (Nord américain), ASEA, MERCOSUR ( monnaie locale à la place du dollar ? http://www.leblogfinance.com/2006/09/mercosur_monnai.html#more)

Mais quelle est la situation réelle d’Airbus ?

http://www.leblogfinance.com/2006/09/bae_systems_pre.html#more ... La somme annoncée aujourd’hui est bien inférieure à celle établie au terme de l’audit d’Airbus effectué cet été par BAE Systems ... le Britannique se serait toutefois résigné à baisser ses exigences, estimant qu’une vente rapide était dans le meilleur intérêt de ses actionnaires. ( 2,8 milliards d’euros ! ... évaluée à 3,5 milliards d’euros par EADS dans son dernier rapport annuel, et jusqu’à 6,5 milliards par une expertise de Goldman Sachs.)

... la situation pouvant encore empirer chez EADS, selon un analyste interrogé par le quotidien. Toujours selon The Observer, deux directeurs de BAE Systems, initialement opposés au montant suggéré par Rothschild, s’y seraient finalement ralliés.

... Ce jeu de chaise musicale fait bien évidemment suite au crash boursier et aux turbulences de la maison, occasionnés par les retards de production impactant les livraisons du nouveau géant des airs.  http://www.leblogfinance.com/2006/09/airbus_chaise_m.html#more

De Saint-Petersbourg à EADS

Jean-Paul de Beauchêne

  10/09/2006

J’ai ouvert en 1992 le poste d’attaché d’armement à Moscou, au début de l’ère Eltsine. Les responsables russes étaient confrontés à un contexte neuf en matière de relations internationales, en particulier techniques et économiques, et à la recherche du maintien d’une certaine position pour leur industrie aéronautique et de défense, mon sujet essentiel.
Les Etatsuniens s’étaient précipités dans les brèches ouvertes avec la rapidité d’analyse et de réaction qui leur est coutumière, surtout quand il y a des odeurs de commerce à la clé. Ils profitaient de plus du cadre bien établi, doublement virtualiste à votre sens, du dialogue au sommet des superpuissances.
Le message unanime de mes interlocuteurs russes était en substance, sous des formes diverses : Nous voulons sortir de la relation exclusive avec les Etats-Unis. Nous voulons donc coopérer largement sur tous les plans avec l’Europe, et notre seul point d’entrée en Europe c’est vous, la France. Donc nous voulons établir des liens solides et durables avec vous, les Français.
J’ai constamment relayé ce message vers Paris, avec un effet quasi nul. Ma sensibilité personnelle appuyée sur mon expérience, dont nous avons longuement parlé naguère, si vous vous en souvenez, m’amenait à souhaiter que du côté français on envisage un mouvement semblable, c’est à dire prendre du recul par rapport à une relation trop fusionnelle (de notre part, et sans l’ombre d’un retour) avec les Etats-Unis en établissant un certain partenariat stratégique avec les Russes. C’était d’autant plus envisageable que nous avions un passé de rapprochement, non seulement avec l’épopée emblématique (au moins pour les Russes) de Normandie-Niemen, vécue à mon sens comme un désenclavement de l’isolement très bien théorisé par Litvinov dans son discours de sortie de la SDN en 1924, mais aussi avec le flirt de l’ère gaulliste après la sortie des commandements intégrés de l’Otan.
De plus, comme vous le soulignez, une fois la barrière de la langue passée, Russes et Français parlent le même langage. J’ai été frappé pendant mes trois années à Moscou de la complicité intellectuelle immédiate avec nos interlocuteurs russes, à la différence, par exemple, des Allemands, comme constaté sur des projets triangulaires. Et pourtant les Russes ont beaucoup travaillé avec les Allemands dans l’histoire.
J’ai donc lu votre article avec le plus grand intérêt, retrouvant dans les desseins que vous prêtez aux Russes dans la prise de participation dans EADS, et sur leur cible française plutôt qu’allemande, les orientations que j’ai perçues il y a dix ans. Or les Russes sont des joueurs d’échecs qui jouent avec plusieurs coups d’avance et qui ont une grande permanence dans leurs politiques.
Comme je le soulignais plus haut, je souhaite personnellement que cette affaire aille dans le sens d’un certain rapprochement stratégique. Je dois dire que je reste circonspect. Pendant mon séjour à Moscou j’ai eu comme retour de Paris au mieux de l’indifférence, et souvent de la méfiance envers les avances russes, avec souvent de plus le veto des services de sécurité vis à vis d’anciens Kagébistes ! Et peu avant de me retirer des affaires il y a quatre ans, j’ai encore entendu un haut responsable de notre diplomatie, dans des circonstances et sur un projet que je dois taire, déclarer en réunion : « Le Département s’interroge sur les réactions de l’allié Américain si les militaires français confiaient telle opération technique aux Russes ».
Il s’agit bien sûr du passé, et notre diplomatie a certainement évolué depuis.
Avec mon meilleur souvenir.
Jean-Paul de Beauchêne