Ni Ando
01/01/2017
La colline de Saur-tomb en anglais (ou Saur-Mogila), Cаур Mогила en russe, est à la fois un lieu historique, funéraire, de mémoire, symbolique. Conquise en 1941 par la 6 ième Armée de la Wehrmacht (la plus "belle" des armées du III iéme Reich, celle qui fut ensuite totalement anéantie par l'Armée rouge à Stalingrad) la zone fut reprise par l'infanterie soviétique le 23 août 1943 au terme d'une bataille atroce de quatre jours qui fit plus de 23.000 tués dans l'Armée rouge. Aprés-guerre c'est devenu une nécropole (une fosse-commune ou "tombe fraternelle" comme le disent les Russes où furent déposées les dépouilles des victimes soviétiques de la bataille) et un monument à la gloire de ses héros et, comme tous les monuments de cette sorte en Union soviétique, un monument destiné à honorer ceux qui vainquirent l'Allemagne nazie entre 1941 et 1945. C'était également un lieu de mémoire où les habitants du Donbass venaient honorer leurs parents et grands-parents tués dans la Grande Guerre Patriotique de 1941-1945 (il n'y a quasiment aucune famille, soviétique autrefois, russe, ukrainienne et biélorusse aujourd'hui, qui n'ait pas perdu au moins un membre de sa famille lors de ces années tragiques).
L'histoire incroyable des gens du Donbass reste à écrire. Des gens paisibles et solides, Russes bien sûr, sans être particulièrement nationalistes ou crispés sur une fixation identitaire. Début 2014 le gouvernement de M. Yanoukovitch est renversé par la rue avec le soutien des représentants de l’UE et du gouvernement de M. Obama qui prennent ouvertement parti pour la rébellion et contre la constitution ukrainienne. C’est un coup d’Etat. Les médias "occidentaux" dépeignent les manifestants sous les traits de "combattants de la liberté" ou de "forces pro-démocratiques" tandis que les opposants au coup d'Etat deviennent des "terroristes" ou des "insurgés". Les nationalistes et les milices néonazies ayant pris le pouvoir abrogent en février 2014 la constitution, interdisent l’usage de la langue russe (principale langue véhiculaire utilisée dans toute l'Ukraine dans les foyers) font la chasse à la liberté de la presse, terrorisent les opposants, s'en prennent aux syndicats et aux partis non conformes à la nouvelle ligne politique "pro-occidentale" (Parti des Régions et Parti communiste en particulier). Les deux millions d'habitants du Donbass rejettent massivement le nouveau pouvoir. Ils sont désormais des "insurgés". Au printemps 2014 ce sont sur des gens sans défense, et sans armes, que la junte de M. Porochenko décide de faire intervenir l'armée au complet (blindés, artillerie lourde, aviation). Tirer sur leurs propres concitoyens crée tout de même des remous parmi les membres de l'appareil militaire ukrainien. On va donc tuer mais mollement, sans conviction de la part des troupes régulières, avec bien plus de motivation et d'entrain de la part des unités paramilitaires néonazies. En face, les habitants du Donbass doivent s'organiser dans l'urgence, créer des milices à partir de rien, les équiper en pillant les dépôts d'armes, sonner le rappel des anciens de l'armée et des officiers à la retraite, chercher de l'aide en Russie. La Fédération de Russie cherche à calmer le jeu en refusant de reconnaître les Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.
Ce "massacre européen" des gens du Donbass (des sous-hommes génétiquement déficients selon Praviy Sektor) va durer de longs mois avec des bombardements sur les villes, les bâtiments administratifs, les centres-villes, les autobus, les écoles, etc… Des milliers de gens sont obligés de se terrer dans leurs caves quand leurs immeubles se trouvent sur la "ligne de front". Cet Alep en Europe n'a à aucun moment suscité la moindre compassion, le moindre début d'interrogation au sein des élites politico-médiatiques de l'UE. Selon les autorités de la "Novorussie" autoproclamée on compte plusieurs milliers de tués parmi les civils en 2014, 1200 en 2015, 300 en 2016. Un rapport de l'OHCHR (Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights) indiquait en 2016 que "9,371 people have been killed – both civilians and military – and more than 21,500 others have been injured in a conflict in the Donbass region (eastern Ukraine) since mid-April 2014". Rapport à considérer avec précaution cependant. Rien n'aura été épargné aux gens du Donbass: offensives militaires en règle, bombardements incessants, tentatives de blocus alimentaire et énergétique, coupure des conduites d'eau, assassinats ciblés des chefs, propagande occidentale passant sous silence leurs souffrances et déniant tout motif légitime à leur rébellion, etc…. Comme les leurs autrefois les gens du Donbass reprendront Saur-Mogila. On peut voir aujourd'hui sur les pentes de la colline toutes les tombes de ceux qui tombérent alors.
Suite aux attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015 (17 morts) M. Porochenko se pavanera dans les rues de Paris le 11 janvier 2015 pour exprimer lui aussi, en compagnie de M. Hollande et de madame Merkel, toute la répulsion que le terrorisme lui inspire. La petite ville de Snizhne, en anglais, Снежное, en russe, se trouve, dans le Donbass, juste derrière Cаур Mогила. Bien que ville minière (48.000 habitants) la ville semble bien tenue, proprette, verdoyante. Ce sont quelques uns de leurs habitants qui chantent ici, avec force et chagrin mais sans haine, un chant de guerre de 1941-1945 en hommage à leurs morts de 2014 et de 2015. Le terrorisme, ils connaissent bien.
https://www.youtube.com/watch?v=1JOpbjRo8L4
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