Bogidaar
10/04/2010
Bonjour,
Permettez mon intrusion.
C’est un sujet qui m’intéresse également tant je le trouve perturbant mais dans le sens positif du terme, dans le sens dérangeant car ouvre vers une autre dimension de penser, de penser plus juste, selon moi !
Je parlerai de LIEN, de lien entre la Science et la Meta comme une union, l’une n’allant pas sans l’autre et vice versa. Je vous suivrai dans vos échanges.
Etant moi-même plutôt intuitif que scientifique, il se peut que j’intervienne lors des échanges de M. Philippe Grasset. Je précise que mon avis est un avis personnel et n’engage que moi-même.
Cordialement & Merci pour cette aventure commune et complémentaire,
Bogiidar
Christian Steiner
10/04/2010
limpide!
L’intervention de Bogidaar m’incite à poster ce qui suis (je ne suis plus le seul à réagir), à savoir un extrait dun texte de Dimitry Orlov, « Les meilleures pratiques de leffondrement social » (http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/les_meilleures_pratiques_de_l_effondrement_social.html)
(Dimitry Orlov, né en Russie à Léningrad (1962), émigré à lâge de 12 ans aux Etats-Unis (1974), étude dingénieur, retourne plusieurs fois en Russie au moment de son effondrement (1989, 1990 etc.), développe une théorie comparative de leffondrement des deux superpuissances. Cf. http://cluborlov.blogspot.com/2006/05/dmitry-orlov.html , son blog en français : http://www.orbite.info/traductions/dmitry_orlov/ , et sur Wikipédia : http://en.wikipedia.org/wiki/Dmitry_Orlov )
« Au milieu des années 1990, j’ai commencé à voir la superpuissance soviétique ou américaine comme une sorte de maladie qui recherche la domination mondiale mais en réalité éviscère son pays hôte, laissant finalement derrière elle une coquille vide : une population appauvrie, une économie en ruine, un legs de difficultés sociales, et un énorme fardeau de dettes. Les symétries entre les deux superpuissances globales étaient alors trop nombreuses pour être mentionnées, et elles sont devenus toujours plus évidentes depuis. »
» Les symétries des superpuissances peuvent intéresser les cuistres politiques, les mordus d’histoire et divers sceptiques, mais elles ne nous disent rien qui serait utile dans notre vie quotidienne. Ce sont les asymétries, les différences entre les deux superpuissances, que je crois les plus instructives. Quand le système soviétique s’en est allé, beaucoup de gens ont perdu leur boulot, tout le monde a perdu ses économies, les salaires et les pensions ont été retenus pendant des mois, leur valeur a été effacée par l’hyper-inflation, il y a eu des pénuries de nourriture, d’essence, de médicaments, de biens de consommation, il y a eu une grande augmentation du crime et de la violence, et pourtant la société russe ne s’est pas effondrée. D’une façon ou d’une autre, les Russes ont trouvé des façons de se débrouiller. Comment cela a-t-il été possible ? Il se trouve que de nombreux aspects du système soviétique étaient paradoxalement résilients face à un effondrement de l’ensemble du système, beaucoup d’institutions ont continué de fonctionner, et le mode de vie était tel que les gens n’ont pas perdu l’accès à la nourriture, au logement ou au transport, et ont pu survivre même sans revenu. Le système économique soviétique a échoué à prospérer, et l’expérience communiste de construire un paradis ouvrier sur terre fut, finalement, un échec. Mais par un effet secondaire il est parvenu par inadvertance à un haut niveau de préparation à l’effondrement. En comparaison, le système américain a pu produire des résultats significativement meilleurs, pendant un temps, mais au prix de la création et de la perpétuation d’un mode de vie qui est très fragile, et pas du tout capable de résister au choc inévitable. Même après que l’économie soviétique s’est évaporée et que le gouvernement s’est largement arrêté, les Russes avaient encore tout ce qu’il fallait pour travailler. »
Analyse:
- Même description du système soviétique et américaniste en tant quentité indépendante et autonome (ici : une maladie) ;
- lURSS : muni dune « politique de puissance » : une idéologie à mesure (marxisme) ; une croyance en la libération de lhomme par le productivisme, une prétention universelle
- doté du même type de système anthropotechnique « inversé » ou « dévoué » par lidéal de puissance [que le Pentagone] : le système militaro-industriel soviétique, quasi autonome, avec sa logique propre, détachée du réel
- Mais assez rapidement, Staline abandonne la recherche de la domination mondiale (se replie sur lURSS et son glacis de pays « frères »), ce qui aura pour effets de circonscrire la catastrophe du méga système anthropotechnique soviétique au seul territoire de lURSS ;
- Dune part ce premier coup de canif dans lidéal de puissance (abandon de la prétention mondiale et donc de la toute puissance), dautre part une société russe et une vie sociale et économique qui sest révélée relativement résiliente au moment de leffondrement du système soviétique ; (y a-t-il un lien entre ceci et cela ou peut être encore avec un autre ensemble de cause, comme la préexistence et la permanence dune culture de lidéal de perfection (avec les idées et les structures de légitimité, de souveraineté etc. ?)
- Orlov suppose que létat réel de lorganisation de la vie sociale et économique russe au moment de leffondrement soviétique se révélera plus résiliente que sa contrepartie américaine au moment de son effondrement a elle (lire son texte dans son entièreté, assez convaincant sur ce point-là du point de vue de lingénieur et du point de vue de lhomme connaissant les deux sociétés et les deux mentalités ; texte qui vaut en tout cas et certainement pour la description de ce qui sest passé en Russie) ;
- Orlov lie directement la plus grande fragilité (supposée) de la société américaine au cours de leffondrement à la plus grande efficacité du système américaniste dans la recherche de la puissance, à son extension de fait mondiale
- Deux modalités dexpression des méga systèmes anthropotechniques (ce néologisme pour désigner lensemble des systèmes anthropotechniques porteurs de lidéal de puissance dans un espace et un temps donné) - soviétique et américaniste ; deux manières « dincarner » et de résister à ces systèmes. Ce qui ne prouve pas en soi que ces systèmes nétaient pas inéluctablement destinés à devenir « porteurs de lidéal de puissance », mais montre juste que les conditions de départs étaient différentes (de là à en trouver qui résistassent à lidéal de puissance )
geo
15/04/2010
(...........)
Une idée rassurante, mais fausse, concernant la pensée des institutions s’est
trouvée récemment en faveur. Il s’agit de la thèse selon laquelle les institutions
n’ont la charge que des pensées de routine, de bas niveau, au jour le jour.
Andrew Schotter, qui a si bien décrit les institutions comme des machines à
penser, estime qu’on se décharge sur elles des décisions mineures, et que
l’individu se réserve les questions les plus importantes et les plus difficiles
[Schotter, 1981, p. 149]. Or il n’y a aucune raison de croire à une exception
aussi plaisante, et le contraire est bien plus probable. L’individu tend à laisser
les décisions importantes à ses institutions et à s’occuper uniquement de la
tactique et des détails.
(........)
Mary Douglas
“Comment pensent les institutions”, 1989 et 1999 pour les versions
Françaises.
____________________________
Le pentagone a donc une âme en ce sens quil est une machine à penser.
Un « système anthropotechnique », est-ce seulement une institution
vue selon sa dimension technique ?
Le technologisme, nest-ce pas la technologie instituée comme direction?
(Chant de marche: « on arrête pas le progrès » , puis plus tard : « There is no
alternative ».)
La technocratie (le technicien comme dirigeant apparent), serait en somme
la diplomatie du technologisme, sa face humaine dans le monde humain.
Christophe Perrin
17/04/2010
L’Histoire a-t-elle une conscience ?
Ce n’est pas parce que deux nuages se rencontrent que l’éclair jaillit,
c’est afin que l’éclair jaillisse que deux nuages se rencontre.
proverbe mazdéen cité par Raymond Abellio dans son roman “Les yeux d’Ezechiel sont ouverts”.
Geraldo Lino
23/04/2010
Messieurs:
Mon Français est trés hésitant, mais voici quelques réflexions sur le imprononçable volcan islandais qui pourraient intérresser les lecteurs de cet excellent site.
Geraldo Luís Lino
Rio de Janeiro, Brésil
VOLCANIC LESSONS
Geraldo Luís Lino*
The great disturbances caused by the eruption of the Icelandic volcano Eyjafjallajökul and its consequences all over the world should entail serious reflections about the correct posture that Mankind needs to assume concerning the natural worlds phenomena and transformations. This is specially true about the definition of those that really deserve coordinated actions on a global scale in order to assure the best response to them.
In addition to showing the huge power of natural phenomena, the eruption calls into question the criteria of choice for the setting of Mankinds agenda of collective efforts. Without even mentioning the real manmade global emergencies like the insufficiency of sanitation, energy and other modern infrastructure in the developing countries (all due to human inaction), Mother Nature offers far more serious threats than the imagined anthropogenic global warming, for instance.
And the eruption was not even one of the strongest, perhaps not even reaching 3 in the logarithmic Volcanic Explosivity Index (VEI) of 8 points. Much more violent was the 1783 eruption of the also Icelandic Laki (VEI 6), that spewed out hundreds of millions of tons of sulphur dioxide and other gases in the atmosphere, drastically affecting the meteorological conditions and crops and spreading famine and death all over the Northern Hemisphere.
Even greater was the 1815 eruption of Tambora in nowadays Indonesia ¬ the deadliest ever witnessed by Mankind (VEI 7) which produced an amount of gases and particles huge enough to block solar radiation in such a manner that 1816 became known as the year without a Summer. It is estimated that over 70,000 people died due to the tsunami that followed the eruption and the starvation caused by the collapse of crops in many countries.
These facts give an idea of the potential impacts of a mega-eruption like those ones nowadays, in a much more populated, urbanized and interdependent world, with three quarters of the population living in coastal areas or nearby, quite dependent on the food imports from a few great producer countries, and on vulnerable transport, energy and communication grids.
And there are other phenomena that can cause serious disturbances and even big scale destruction, like solar super-storms and celestial bodies.
In 1859, the strongest solar storm ever recorded brought about massive interferences in the telegraphic lines all over the world, the only form of electricity use then existing. If such an event happened today, the impact of the phantom currents induced by the high-energy charged particles from the Sun could entail devastating effects in the electric grids, seriously damaging or crippling their main transformers and leaving vast areas of the planet without electricity for days, weeks or even months. In 1989, a far weaker storm left most of the Canadian province of Quebec powerless for almost half a day.
Besides the electric grids, the satellites which most of the communication networks and the global positioning systems (GPS) depend upon are also highly vulnerable to solar storms.
As for celestial bodies, in 1908 a small comet or meteor with a diameter of about 50 meters fell in Siberia and devastated more than 2,000 square kilometers of forest. Fortunately it fell in a remote and uninhabited area and did not make human victims, but had it fallen five hours later it would have obliterated the then Russian capital, Saint Petersburg.
Just like earthquakes, such phenomena cannot be controlled, but an adequate knowledge about them and monitoring systems capable of detecting them directly (as with solar storms and celestial bodies) or their forewarning signals (such as in the cases of volcanic eruptions and some earthquakes) could contribute quite a lot in order to mitigate their eventual impacts. In some countries there are ongoing researches in order to improve our knowledge about all this, with the help of terrestrial and space sensors. However, the scale of such initiatives is still limited and the same happens with the needed coordination of efforts at the international level, and chiefly between researchers and the authorities in charge of the institutional responses to the eventual emergencies.
Though such concerns may appear exaggerated, the examples of such phenomena in the recent memoir of Mankind and the magnitude of the effects of an obscure Icelandic volcano suggest that a preventive and worldwide coordinated effort is not only justifiable, but should be put in the global political agenda as soon as possible.
All those research areas and initiatives would benefit quite a lot from a tiny fraction of the concern and resources that have been directed to the false emergency of the anthropogenic global warming. Besides the waste of a lot of scientific talents and resources that could be better employed in other areas of research, hundreds of billions of dollars were spent in the last two decades on researches aimed at proving not probing the alleged human influence in the global climate (against all evidences), and on innocuous (but profitable) schemes for converting the carbon emissions in tradeable commodities.
Moreover, the great lesson from Mankinds own history of reactions to all kinds of natural phenomena is its vast capacity of adapting to their consequences, synthesized in the word resilience resistance, elasticity and response to all types of physical shocks. For Europe, the resilience needed to face the ash troubles was partially provided by its dense and efficient land transportation grid. In the case of the unavoidable climate changes (change is a permanent condition of the Earths climate), resilience means the preparation for all the range of climates: warmer or colder, wetter or drier.
For Mankind as a whole, the best way to ensure global resilience is by means of the general raising of the levels of progress and well-being allowed by our current scientific knowledge and technological resources and not by means of their restriction or virtual halting, condition that would arise from the de-carbonization of the economy advocated by the followers of the global warming cult.
Obviously, such a commitment must include a deeper and systemic knowledge of the natural phenomena that as we perceive from the eruption of a tiny volcano can cause global impact in orders of magnitude way beyond the human ability to do so.
* Geraldo Luís Lino is a geologist, director of the Ibero-American Solidarity Movement (MSIa) in Rio de Janeiro and author of the book The global warming fraud: how a natural phenomenon was converted into a false world emergency, published in 2009 (in Portuguese). He can be reached at
.
gilbert dufourcq
05/05/2010
Cela fait plusieurs que je versais ma contribution mensuelle via Ogone sans problême. Hier comme aujourd’hui, mon paiement est refusé. Je tenais à vous le signaler.
Je profite de l’occasion pour vous remercier pour votre travail.
Cordialement.
jc
14/01/2017
La question du sens est évidemment fondamentale, elle précède même ontologiquement celle de vérité. Car avant de se poser la question de la vérité de, disons, une assertion, il faut au préalable se poser la question de son sens.
Thom: " Pour nous, la question de l’acceptabilité
sémantique d’une assertion est un problème ontologiquement
antérieur à celui de sa vérité. La vérité présuppose une signi-
fication. L’idéal des logiciens (et de certains mathématiciens)
d’éliminer la signification au bénéfice de la seule vérité est un
contre-sens philosophique".
(Extrait de "Le vrai, le faux, l'insignifiant", Alain Chenciner
http://www.imcce.fr/fr/presentation/equipes/ASD/person/chenciner/Vrai_faux_insignifiant.pdf
Dans "Topologie et signification"* Thom écrit qu'il faudrait "créer une théorie de la signification, dont la nature soit telle que l'acte même de connaître soit conséquence de la théorie". Et il propose dans la suite de l'article une esquisse d'une telle théorie à partir de l'idée mécanique de résonance.
* Modèles mathématiques de la morphogénèse, 10-18 (1974)
PhG: "N’y a-t-il pas une place impérative à trouver, dans le chef du système lui-même en tant que tel, pour une dimension esthétique, voire métaphysique qui lui donne un sens?
https://www.youtube.com/watch?v=bH1s8PcDBEM
Ce chant est pour moi signifiant, précisément au sens de Thom, car je sens ce trio choeur de femmes-choeur d'hommes-cathédrale en parfaite résonance, comme s'il avait été divisé harmonieusement.
Pour moi la puissance symbolique qui se dégage de ce chant, ménage à trois choeur de femmes-coeur d'hommes-cathédrale
est très forte. Ici le symbole est pris en son sens étymologique de sumbolon:
"En Grèce, un symbole était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux (trois ici) morceaux et partagé entre deux (trois) contractants. Pour liquider le contrat, il fallait faire la preuve de sa qualité de contractant (ou d'ayant droit) en rapprochant les deux (trois) morceaux qui devaient s'emboîter parfaitement. Le symbolon était constitué des deux (trois) morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr."
Les mathématiciens qui liront ces lignes remarqueront que de division harmonieuse à division harmonique il n'y a peut-être qu'un pas…
jc
14/01/2017
Photius: « Les pythagoriciens proclamaient que tout est nombre et que le nombre complet est dix. Le nombre dix, la [décade], est un composé des quatre premiers nombres que nous comptons dans leur ordre. C'est pourquoi ils appelaient Tétraktys [Tétrade] le tout constitué par ce nombre. » 1 + 2 + 3 + 4 = 10 : nombre triangulaire de côté 4, où la tétrade vaut la décade et cache les rapports harmoniques des intervalles de quarte (3:4), quinte (2:3) et octave (1:2).
Je sens que je vais lire Guénon attentivement!
jc
14/01/2017
Avertissement: il faut considérer ce qui suit comme une psychanalyse.
Mon formatage initial est mathématique. Mon niveau: troisième couteau (d"ailleurs passablement émoussé). Je me vois comme un Rantanplan, je sens confusément, j'y vais au flair.
Il faut considérer ce qui suit comme une psychanalyse, comme un rangement, dirait peut-être PhG), j'espère pas comme un dérangement…
Les succès de la science dite dure, celle utilisant le langage mathématique (principalement la physique moderne), sont incontestables et la part des mathématiques dans le développement du technologisme est indéniable.
Si l'on impute au technologisme une part non négligeable dans l'avènement de notre contre-civilisation, il me semble qu'on est alors naturellement amené à penser que les mathématiques sont à la racine du mal, qu'elles sont diaboliques. Pour aller dans ce sens (selon moi, je ne suis pas historien des sciences) les mathématiques ont été placées dès le début de l'ère contemporaine sous la coupe de la physique, en position ancillaire par rapport à celle-ci. Avec, de la part du Système, un but bien précis (par exemple paradigmatique, application à la balistique militaire de la théorie newtonienne de la chute des graves).
Il y a donc un incontestable rapport entre mathématique et réalité que, faute de mieux, je qualifie de magie qui réussit.
Mes très faibles connaissances en histoire de la philosophie font que je sais pas si ce rapport a été philosophiquement débattu ni pourquoi les philosophes contemporains (sauf peut-être Badiou?) n'ont pas prolongé la tradition initiée(?) par Platon dans le Timée.
La thèse que je veux défendre ici est que, malgré tout (c'est-à-dire malgré le Système du technologisme), le véritable rapport entre mathématique et réalité est symbolique. Je vois ça d'ailleurs comme un véritable miracle car le Système a été obligé de laisser se développer et même d'encourager sans pouvoir en rien la contrôler une recherche mathématique fondamentale (au contraire de la physique, étroitement contrôlée par le pouvoir de l'argent).
Dans notre société totalitaire actuelle, les mathématiques font partie des derniers espaces de liberté. Pour une raison à mon avis très simple, à savoir que la mathématique "pure" évolue uniquement dans l'imaginaire et le symbolique, en ignorant superbement le réel.
Comment peut-il y avoir un rapport entre la mathématique et la réalité alors que la mathématique ignore délibérément le réel? C'est pour moi un mystère, c'est magique. Je commence à me rendre compte que, peut-être, les considérables efforts de vulgarisation de Thom, sont justement de tenter d'élucider ce mystère: pour lui -et on pourra trouver dans son oeuvre "profane" (non strictement mathématique) un grand nombre de citations dans ce sens- le langage mathématique est le langage universel (le plus grand commun diviseur de nos babils babéliens) grâce (le terme me semble judicieux!) auquel nous avons la possibilité d'établir un dialogue avec la Nature.
Hegel a dit de Pythagore que c'était le premier maître de l'universel.
Et Pythagore a, paraît-il, proclamé que tout était nombre. Le nombre selon Pythagore n'a rien à voir avec le nombre de nos calculettes, rien à voir avec la quincaillerie électronique, rien à voir avec le technologisme. Sur ce point je suis entièrement d'accord avec Guédon (je suis en train de lire "Le règne de la quantité, les signes des temps): ouf!
Quoique la majeure partie des philosophes contemporains, réfugiés qu'ils sont dans la forteresse de la subjectivité, semble complètement ignorer les mathématiques, celles-ci se sont considérablement développées depuis Pythagore.
Les rares philosophes contemporains qui s'intéressent aux mathématiques s'y intéressent marginalement, car ils pensent, à mon avis à tort, qu'il suffit de comprendre le langage mathématique et la logique afférente pour comprendre l'essence philosophique.(théorie des ensemles, théorie des catégories).
Tous les "vrais" mathématiciens* vous diront que le coeur nucléaire (quasiment au sens tchernobylien) de la mathématique est le conflit entre la forme géométrique et le nombre (le conflit aristotélicien entre la matière et la forme?, entre la chair et le verbe?) que ce coeur donc est la géométrie aritmétique, et que, avec la tétraktys -qui étudie les rapports entre le triangle équilatéral et les premiers nombres entiers-, Pythagore est le premier des géomètres arihtméticiens.
Comprendre les lois de l'esthétique, les nombres "sacrés" (or, etc.) est peut-être la quête inconsciente de tout véritable, c'est-à-dire pur, mathématicien?
Le (très digne, à mon humble, très humble avis) successeur de Pythagore est selon moi incontestablement Alexandre Grothendieck. Sa théorie des motifs, le nec plus ultra des problèmes actuels, donne une idée des progrès accomplis en deux millénaires.
PhG parle d'intuition haute. Grothendieck parle de souffle. Il écrit dans "Récoltes et semailles" à peu près ceci: "j'étais le seul à avoir le souffle, mes élèves n'étaient que des tâcherons". Parmi les tâcherons figure Pierre Deligne (médaille Fields…):
http://www.emis.de/journals/SC/1998/3/pdf/smf_sem-cong_3_11-19.pdf
https://pdfs.semanticscholar.org/4bcf/826c97ed7963930bb11ebeac4efa0dea1a18.pdf
* Yves André: "Leçons de mathématiques contemporaines à l'IRCAM" (tiens, tiens, à des musiciens, peut-être Pythagore a-t-il voulu dire que tout était musique?), en particulier le chapitre 5, et en très particulier la fin de ce chapitre)
https://www.google.fr/search?client=ubuntu&channel=fs&q=yves+andr%C3%A9+le%C3%A7ons+de+math%C3%A9matiques+contemporaines+ircam&ie=utf-8&oe=utf-8&gfe_rd=cr&ei=BrcZV8a4AZKCaMGZl6AE
jc
15/01/2017
J'ai vu parfois sur les portails des "Attention chien en psychanalyse" qui me plaisent bien.
Donc attention à ce qui suit: Rantanplan est en psychanalyse!
Thom, en conclusion de "Stabilité structurelle et morphogénèse" écrit: "La mathématique est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure ainsi les meilleures chances de survie pour l'humanité".
Le but visé étant de tenter d'expliquer à des non mathématiciens ce que, à mon avis, recherchent, peut-être inconsciemment, les mathématiciens "purs", je vais personnaliser la chose. Le joueur est un arithméticien qui babille et la signification de son babil lui est expliquée par sa mère, Mère Nature, une géomètre. Pour les non mathématiciens le joueur est un apprenti-compositeur et Mère Nature est un violon. La forme tentant d'animer la matière, matière qui ne "vibre" qu'à certaines compositions, vibration signifiante, c'est-à-dire qui donne une signification. Voilà, selon moi, l'hylémorphisme aristotélicien restreint aux mathématiques.
Au fronton de l'académie platonicienne était, paraît-il, écrit: "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre." Dans une perspective aristotélicienne, il aurait, selon moi, fallu inscrire: "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre ou arithméticien". Ce qui signifie, pour les non mathématiciens: "Que nul n'entre ici s'il n'est musicien ou architecte". Et, puisque selon Aristote, la matière est indissociable de la forme: "Que nul n'entre ici s'il n'est musicien et architecte".
Quelques mots sur le babil de l'apprenti-compositeur. Supposons qu'il ait à sa disposition un piano à quatre touches, notées, pour fixer les idées, par les lettres G, C, A, T (Guanine, Cytosyne, Adénine, Thymine). Certains groupements de sons lui plaisent, il tente de les reproduire, et sa mère l'y encourage.
Pour les matheux, groupements, groupes, groupes de Coxeter*, etc.
Et le violoniste dans tout ça?
De même que PhG cite en leitmotiv Plotin et Steiner, Thom cite Héraclite: "Le Maître, dont l'oracle est à Delphes, ne montre ni ne cache, il signifie". Autrement dit: Mère Nature nous envoie des signes, à nous de les l'interpréter.
Le joueur de violon, l'interprète, c'est chacun d'entre nous.
*: Groupes de Coxeter. Ce sont des groupes de réflexion, des think tanks, susceptibles d'une définition formelle et d'une définition matérielle, ce qui permet à la mère et à l'enfant de se comprendre: https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_de_Coxeter
jc
16/01/2017
Il n'y a pas de piano, seulement un violon à quatre cordes G,C,A,T.
L'apprenti-compositeur gratouille les cordes du violon. Si le son lui plaît alors il le mémorise sur sa partition.
Il y a un érotisme évident dans tout ça, pas un érotisme à deux balles, un érotisme-Système, mais un érotisme majusculé, un Erotisme "sacré".
Je suis convaincu que ç'est d'ailleurs chanté par les poètes depuis la nuit des temps.
On remarquera que, dans la métaphore ci-dessus, la partition n'a pas le rôle principal. En accord avec ce que pense Thom:
"Le génome n'est pas le métabolisme global. Il n'est que la partie fixe de ce dernier. il est donc le résultat du mécanisme global et non l'inverse."
jc
17/01/2017
Exemple de discours "sacré" (selon moi):
"L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale." — (Blaise Pascal, Pensées)
Je trouve cette symbolique du roseau très forte, en parfaite adéquation avec la façon dont je vois les choses. Car pour moi le roseau symbolise parfaitement la stabilité structurelle.
En effet lorsqu'on pense à la stabilité, vient immédiatement à l'esprit la stabilité statique, typiquement la maison avec de solides murs et une solide charpente. La stabilité métabolique est (beaucoup!) plus difficile à imaginer et donc à symboliser (et à mathématiser!). Je crois que le roseau est particulièrement adéquat car il tire sa stabilité de son insensibilité aux déformations, de son adaptabilité aux agressions extérieures; son corps plie mais son âme reste inflexible.
Je crois qu'il faut faire l'analogie entre ce Système à l'agonie et une bête revenue à l'état sauvage, perdue, terrorisée qu'il faut calmer et apprivoiser, comme dans le film "L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux".
Il me semble absolument indispensable que la bête furieuse n'ait aucune prise sur son "dompteur", aucune raison de l'attaquer. D'où cette idée de roseau à laquelle j'ajouterai ce qui suit.
Il faut de plus, pour les mêmes raisons, être parfaitement inoffensif. C'est-à-dire pas du tout offensif, pas du tout "struggle for life" pour ne pas du tout rentrer dans son jeu. Et également pas du tout offensant, là aussi pour ne pas du tout, là aussi, rentrer dans son jeu.
Voilà, selon moi, la stratégie à adopter face à la "bête", décrite avec justesse par "Le Figaro":
"On ne saurait mieux exprimer avec humour le recul des penseurs et la victoire des marchands, qui ont fait de l’homme de Pascal (roseau pensant) un roseau dépensant. — (Le Figaro, 25 août 2011)
jc
21/01/2017
Ce qui nous mène c'est le désir. C'est le désir qui donne le bon sens (et l'envie de vivre). La politique de l'offre à tout prix (c'est le cas de le dire!) de notre contre-civilisation marchande, tue le désir. C'est psychologiquement dramatique.
Tous ceux qui ont eu des expériences amoureuses le savent d'instinct: laisser s'installer le manque, la demande, laisser monter le désir pour mieux s'embraser.
Après la formidable inversion que représente, selon mon intuition, le remplacement du bas-cerveau par le haut-cerveau voilà, à mon avis, une deuxième inversion tout aussi fondamentale: il nous faut avoir de la retenue en tout, pour laisser monter le désir, pour nous donner à nouveau le désir de vivre. C'est ça, j'en suis intimement convaincu, le bon sens.
Philippe Grasset a vu le "truc" depuis longtemps:
http://www.dedefensa.org/article/glossairedde-lempire-de-la-communication
L'information-Système, la communication-Système, etc. Il faut, à mon avis, absolument visionner ce que dit Thom à Jean-Luc Godard à ce sujet (40' environ), Thom qui, lui aussi, a vu le "truc": http://www.ina.fr/video/CPC7606652202
J'ose une comparaison que, j'espère, PhG me pardonnera. L'étincelle lui est venue dans la puanteur des charniers de Verdun, l'étincelle d'espoir au fond du pur désespoir.
Dans la puanteur de la presse-Système en pleine décomposition il y aussi des étincelles d'espoir:
"On ne saurait mieux exprimer avec humour le recul des penseurs et la victoire des marchands, qui ont fait de l’homme de Pascal (roseau pensant) un roseau dépensant. " — (Le Figaro, 25 août 2011)
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