laurent basnier
17/04/2010
autant je ressens vos approches vraies - intuitivement justes - autant votre position d’observateur me gène - les systèmes anthropotechniques dans lesquels nous vivons tous sont une chose étrange vu de l’extérieur - mais retournez la vison et regarder de l’intérieur - la logique de système se vit - on le voit décider tout seul - parfois avec un illogisme/logique fou - mais du même ordre que ces réponses pleines de poésies que donnent un enfant pour retraduire le monde - la logique de l’enfant est parfois étrange mais pour lui c’est terriblement logique - le système complexe vu de l’intérieur n’est pas si compliqué que cela - l’intuition, les valeurs, des approches philosophiques - le taôisme par exemple - sont des outils de luttes internes - pour me battre tous les jours à l’intérieur de ses structures que vous décrivez bien elles sont plus sensibles que vous ne le pensez à l’intelligence de l’intérieur - le wou wei des taôisme - fonctionne - le fatalisme - le constat de l’extérieur regardant ce grand corps aller à sa perte est bien sur tentant - mais l’intelligence de l’intérieur doit rester primordiale - tout comme le cornac dirigeant l’éléphant nous pouvons tous par nos actions orienter la bête loin de l’abime - je veux le croire même si je lis avec fascination le blog tout les jours pour voir la bête bouger - wou wei - le non faire n’est pas absence d’action. Je veux le croire.
jc
12/01/2017
"C'est sans doute grâce à cela que dès les origines, les premiers manipulateurs d'outils ont su décoller des comportements plus stéréotypés où s'enfermaient les manieurs d'outils animaux, primates briseurs de noix, corbeaux, etc., Ils ont visionné dans leur imaginaire une idée encore confuse d'eux-mêmes armés de la pierre et s'en servant comme d'une prolongation de leurs corps. "
Jusque là je pense que René Thom aurait été d'accord.
"On pense qu'une petite mutation génétique, survenue là encore au hasard mais pourtant décisive, leur a permis cette prise de recul ou plutôt ce bond en avant dans le futur – peut-être en même temps qu'ils apprenaient par le geste et des proto-langages à partager ces visions."
Autrement dit l'animal se débrouille avec les moyens du bord, à savoir le coup de pouce du hasard; immanence.
Là Thom propose une explication complètement différente, où l'animal cherche à se transcender pour inventer l'outil.
Cf. "Esquisse d'une sémiophysique" pp. 72 à 74.
jc
24/04/2019
Après (j'aurais dû le faire avant…) avoir suggéré de renouer avec des dialogues du type de ceux de Jean-Paul Baquiast et de Philippe Grasset, je me suis replongé dans les deux billets introductifs de ces dialogues initiés en 2010.
À mon grand étonnement je n'ai pratiquement rien à rajouter à mes commentaires du début de 2017 alors que j'avais l'impression d'avoir pris du recul -et de m'être assagi un peu- en deux ans.
Je pense que mon commentaire du 21/01/17, intitulé "Immanence et transcendance", met le doigt sur un point de bifurcation fondamental entre deux façons de voir le monde. Commentaire que je reproduis ici:
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JPB: "C'est sans doute grâce à cela que dès les origines, les premiers manipulateurs d'outils ont su décoller des comportements plus stéréotypés où s'enfermaient les manieurs d'outils animaux, primates briseurs de noix, corbeaux, etc., Ils ont visionné dans leur imaginaire une idée encore confuse d'eux-mêmes armés de la pierre et s'en servant comme d'une prolongation de leurs corps. "
Jusque là je pense que René Thom aurait été d'accord.
"On pense qu'une petite mutation génétique, survenue là encore au hasard mais pourtant décisive, leur a permis cette prise de recul ou plutôt ce bond en avant dans le futur – peut-être en même temps qu'ils apprenaient par le geste et des proto-langages à partager ces visions."
Autrement dit l'animal se débrouille avec les moyens du bord, à savoir le coup de pouce du hasard; immanence.
Là Thom propose une explication complètement différente, où l'animal cherche à se transcender pour inventer l'outil.
Cf. "Esquisse d'une sémiophysique" pp. 72 à 74. "
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Je précise un peu la façon dont Thom voit les choses: selon lui l'animal en état de privation¹ -qui peut être un homme-, éprouve un sentiment de frustration, une "douleur" affective qui déforme, en la compliquant, la structure de régulation de son organisme. Ainsi, sur l'exemple du chimpanzé choisi par Thom, c'est le fait de la frustration de ne pas pouvoir cueillir une banane qui déforme la structure classique² de régulation de la prédation -catastrophe fronce- en la catastrophe "papillon", plus complexe. Il n'y a nul hasard là-dedans³, mais une "volonté prédatrice".
Il ne fait plus guère de doute pour moi que c'est ainsi que Rodin "fonctionne" face à la glaise(?) d'où sortira son Balzac, c'est-à-dire en "excitant" des catastrophes plus "profondes" comme les catastrophes "ombilic" -catastrophes que Thom qualifie de sexuelles-, catastrophes amoureuses(?).
(Daniel Rops (à propos du Balzac de Rodin, cher à PhG): "Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice".)
¹: De proie, de partenaire sexuel, etc.
²: Classique pour Thom…
³: Le lamarckien Thom pense que l'affectivité joue un rôle dans la transmission héréditaire.
jc
25/04/2019
IL y a quand même un point qui me chiffonne: le titre (Immanence et transcendance).
Mon commentaire initial (de 2017) laisse entendre que le darwinisme renvoie à l'immanence et le lamarckisme (Thom est lamarckien) à la transcendance. Pour moi ça ne colle pas parce que je me suis convaincu récemment (post 2017) que Thom est "immanentiste": c'est en effet la conclusion que je tire de ce que j'appelle sa "tirade de Porphyre¹" qui se termine par: "Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
Donc Dieu à la fois comme premier moteur d'Aristote (Dieu en puissance) qui s'auto-déploie (Dieu en acte à la "fin des temps"). Pour moi ça colle avec la philosophie de la nature telle que la conçoit Thom. Et ça colle avec sa citation suivante: "Je ne vois pas en quoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel." (Bien que Thom ne soit pas aristotélicien², on voit ici en quoi il l'est.)
Pour en revenir au titre de mon commentaire de 2017, j'ai envie, au point où j'en suis à ce jour, de retirer la qualification de transcendance que j'ai utilisée. Je vois plutôt en conflit deux sortes d'immanence:
l'immanence du rien (le rien, n'étant rien, contient en lui-même son propre principe -le diable?-) et l'immanence du tout (le tout, étant tout, contient également en lui-même son propre principe -Dieu?-).
(Je n'ai pas reçu de formation philosophique aussi j'y vais complètement au flair dans ce qui suit.)
Pour moi -au flair donc- Spinoza et Nietzsche sont des "immanentistes" dans la filiation d'Aristote. Je verrais bien s'insérer là le mytérieux "La réalité est supérieure à l'idée" de l'encyclique "Laudato si": les idées? Ok! ... mais Platon passe après.)
(À ma connaissance Thom ne cite qu'une fois Spinoza³ et une seule fois Nietzsche, mais, pour ce dernier, à la dernière phrase de PNPE, le dernier⁴ bouquin de "vulgarisation" de Thom, portée hautement symbolique donc (connaissant un peu la façon de procéder de Thom…): "Nietzsche disait: "Les idées neuves arrivent toujours sur des pattes de colombe…" ". (Thom cite souvent Héraclite: "Le Maître dont l'oracle est à Delphes ne dit ni ne cache, il signifie". Sa façon à lui, Thom, de nous indiquer que ce qu'il raconte mérite d'être lu et médité, d'être "pensé"?)
Le génial Jean-Pierre Petit écrit plus simplement sur la page d'accueil de son site: "Si tu ne penses pas par toi-même, d'autres s'en chargeront." (Macron, Trump et leur clique d'élites auto-proclamées par exemple.)
¹: "L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.
Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." (ES p.216)
²: Thom: "En dépit de mon admiration pour ce dernier [Aristote], je reste platonicien en ce que (...)" (ES p.244)
³: "Tout être tend à persévérer dans son être" (renvoi évident à la stabilité structurelle, évidemment noté par Thom)
⁴: Le premier étant SSM!
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