Forum

Article : Ébranlement de l’axe du Système

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

Le vide du monde

Ni Ando

  25/09/2018

Le monde est devenu vide, vieux, désenchanté ? C'est la définition même de la modernité. Le sociologue allemand Hartmut Rosa a bâti une partie de son œuvre sur ce constat et sur le remède a ce mal universel qui s'est repandu avec le capitalisme, la France n'étant pas forcément la plus touchée. Hartmut propose ainsi le concept de "résonance".

Extrait de l'Arc et la Massue !

patrice sanchez

  26/09/2018

Bonsoir, 
Il y a quelques mois j'avais lu un extrait de l'arc et la massue de Julius Evola qui explique lumineusement pourquoi nous nous sommes coupés progressivement de tout lien avec le passé pour en arriver à notre époque totalement aveugle et zombifiée !
Extrait de « L’arc et la massue » de Julius Evola ( 1968 ) « Selon l’acception moderne la plus courante, le “ destin”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot228”>destin ” est une puissance”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot230”>puissance aveugle qui plane sur les hommes,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot43”>hommes, qui s’impose à eux en faisant que se réalise ce qu’ils souhaitent le moins, en les poussant éventuellement vers la tragédie et le malheur. Fatum a ainsi donné naissance au mot”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot490”>mot “ fatalisme ”, qui est l’opposé de toute initiative libre et efficace. Selon la vision fataliste du monde,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot49”>monde, l’individu”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot328”>individu n’est rien ; son action,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot47”>action, en dépit de toute apparence”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot488”>apparence de libre-arbitre, est prédestinée ou vaine, et les événements se succèdent en obéissant à une puissance ou une loi qui le transcende et qui ne le prend pas en compte. “ Fatal ” est un adjectif qui a essentiellement une connotation négative : issue “ fatale ”, accident “ fatal ”, l’“ heure fatale de la mort”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot67”>mort ” , etc.
Selon la conception”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot651”>conception antique, le fatum correspondait par contre à la loi de manifestation”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot274”>manifestationcontinue du monde ; cette loi n’était pas réputée aveugle, irrationnelle et automatique – “fatale ” au sens”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot731”>sens moderne du mot – , mais chargée de sens et comme procédant d’une volonté”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot39”>volonté intelligente, surtout de la volonté des puissances olympiennes. Le fatum romain renvoyait, de même que le rta indo-européen, à la conception du monde en tant que cosmos,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot81”>cosmos,en tant qu’ordre, et en particulier à la conception de l’histoire”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot621”>histoire comme un développement de causes et d’événements reflétant une signification supérieure. Même les Moines de la tradition”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot2”>tradition grecque, tout en présentant certains aspects maléfiques et “ infernaux ” (dus à l’influence de cultes préhelléniques et pré-indo-européens), apparaissent souvent comme des personnifications de la loi intelligente et juste qui préside au gouvernement”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot493”>gouvernement de l’univers,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot404”>univers, dans certaines de ses expressions.
Mais c’est surtout à Rome que l’idée”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot297”>idée de fatum prend une importance toute particulière. Et ce parce que la civilisation romaine fut, de toutes les civilisations de caractère traditionnel et sacré, celle qui se concentra le plus sur le plan de l’action et de la réalité”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot253”>réalité historique. Pour elle, il fut donc moins important de connaîtrel”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot37”>connaîtrel’ordre cosmique comme une loi supra-temporelle et métaphysique”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot86”>métaphysique que de le connaître comme force en acte dans la réalité, comme vouloir divin”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot215”>divinqui ordonne les évènements. C’est à cela que se rattachait le fatum pour les Romains. Ce terme vient du verbe fari, d’où dérive aussi le mot fas, le droit comme loi divine. Ainsi, fatum renvoie à la “ parole ” – à la parole révélée, surtout à celle des divinités olympiennes qui permet de connaître la norme juste (fas) en tant que celle-ci annonce ce qui va arriver. On doit ajouter, à propos de ce second aspect,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot172”>aspect, que les oracles, par lesquels un art”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot99”>art traditionnel précis cherchait à saisir en germe des situations devant se réaliser, s’appelaient aussi fata ; ils étaient pratiquement la parole révélée de la divinité. Mais, pour bien”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot184”>bien comprendre”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot497”>comprendre ce que nous sommes en train d’étudier, il faut se souvenir du rapport”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot451”>rapport que l’homme entretenait, dans la Rome antique et dans les civilisations traditionnelles en général, avec l’ordre global du monde. C’était un rapport très différent de celui qui devait s’instaurer plus tard. Pour l’homme antique, l’idée d’une loi universelle et d’un vouloir divin n’annulait pas
la liberté”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot242”>liberté humaine ; mais sa préoccupation constante était de mener sa vie”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot301”>vie et son action de sorte qu’elles fussent la continuation de l’ordre global et, pour ainsi dire, comme le prolongement ou le développement de cet ordre. A partir de la pietas,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot350”>pietas, c’est-à-dire, pour un Romain, de la reconnaissance”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot551”>reconnaissance et de la vénération des forces divines, on se fixe comme tâche de pressentir la direction”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot514”>direction de ces forces divines dans l’histoire de façon à pouvoir”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot219”>pouvoir y accorder opportunément l’action, à la rendre extrêmement efficace et chargée de sens. D’où le rôle très important que jouèrent dans le monde romain, jusque dans le domaine des affaires publiques et de l’art militaire, les oracles et les augures. Le Romain avait la ferme conviction que les pires mésaventures, et notamment les défaites militaires, dépendaient moins d’erreurs, de faiblesses ou de travers humains que du fait d’avoir”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot594”>avoir négligé les augures, c’est-à-dire, pour en revenir à l’essentiel, d’avoir agi de façon désordonnée et arbitraire, en suivant de simples”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot473”>simples critères humains, en rompant les liens avec le monde supérieur (donc, pour un Romain, cela voulait dire avoir agi sans religio, sans “ rattachement ”), sans tenir compte des “ directions d’efficacité ” et du “ moment juste ” indispensables à une action couronnée de succès. On remarque que la fortuna et la felicitas ne sont souvent, dans la Rome antique, que l’autre face du fatum, sa face proprement positive. L’homme, le chef ou le peuple qui emploient leur liberté pour agir en conformité avec les forces divines cachées dans les choses connaissent le succès, réussissent, triomphent – et cela signifiait, dans l’Antiquité, être “fortuné ” et être “ heureux ” (ce sens s’est conservé dans des locutions comme “ une heureuse initiative ” , une “ heureuse manoeuvre ”, etc.). Un historien contemporain, Franz Altheim, a cru pouvoir déceler dans cette attitude la cause”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot213”>cause effective de la grandeur”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot462”>grandeur de Rome … Dans le monde romain antique et dans l’histoire romaine, on trouve ungrand nombre”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot200”>nombred’épisodes, de situations et d’institutions où est justement mise
en lumière”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot113”>lumière l’impression”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot48”>impression de rencontres “ fatidiques ” entre le monde humain et le monde divin. Des forces supérieures sont à l’oeuvre dans l’histoire et se manifestent à travers les forces humaines. Pour nous contenter d’un seul exemple, rappelons que “ le moment culminant du culte romain de Jupiter était constitué par un acte où le dieu”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot92”>dieu affirme sa présence,”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot241”>présence, chez un homme, en qualité”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot277”>qualité de vainqueur, de triomphateur. Ce n’est pas que Jupiter soit la seule cause de la victoire, il est lui-même le vainqueur ; on ne célèbre pas le triomphe en son honneur, mais c’est lui le triomphateur. C’est pour cette raison que l’imperator revêt les insignes du dieu ” (K. Kerényi, F. Altheim). Actualiser le divin – parfois prudemment, parfois audacieusement – dans l’action et dans l’existence”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot83”>existence fut un principe”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot251”>principe directeur que la Rome antique appliqua aussi à l’ordre politique. C’est pourquoi certains auteurs ont fait remarquer avec raison que Rome ignora, à la différence d’autres civilisations, le mythe”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot98”>mythe au sens abstrait et anhistorique ; à Rome le mythe se fait histoire, et l’histoire, à son tour, prend un aspect “ fatal ”, devient mythique.
D’où une conséquence importante. Dans des cas comme celui évoqué, c’est une identité véritable qui se réalise. Il ne s’agit pas d’une parole divine qui peut être entendue ou non entendue. Il s’agit d’un déploiement des forces supérieures. On est ici en présence d’une conception spéciale, objective, nous serions tenté de dire transcendantale, de la liberté. En m’opposant au fatum, je peux bien sûr revendiquer pour moi un libre-arbitre, mais celui-ci est stérile, est un simple “ geste ” qui ne saurait avoir beaucoup d’incidence sur la trame de la réalité. Par contre, quand je fais en sorte que ma volonté continue un ordre supérieur, soit seulement l’instrument par lequel cet ordre se réalise dans l’histoire, ce que je veux dans un tel état de coïncidence ou de syntonie peut se traduire éventuellement par une injonction adressée à des forces objectives qui, autrement, ne se seraient pas pliées facilement ou qui n’auraient pas eu d’égard pour ce que les hommes veulent et espèrent. On peut maintenant se poser la question”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot638”>question suivante : comment en est-on arrivé à cette conception moderne qui fait du destin une puissance obscure et aveugle ? Comme tant d’autres, un tel glissement de sens n’a rien de fortuit. Il reflète un changement”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot685”>changement de niveau intérieur”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot549”>intérieur et s’explique, essentiellement, par l’avènement de l’individualisme et de l’“ humanisme”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot283”>humanisme ” compris dans un sens général, c’est-à-dire en rapport avec une civilisation et une vision du monde uniquement fondées sur ce qui est humain et terrestre. Il est évident que, cette scission s’étant produite, on ne pouvait plus saisir un ordre intelligible”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot231”>intelligible du monde, mais seulement un pouvoir obscur et étranger. Le “ destin ” devint alors le symbole”>http://sophia.free-h.net/spip.php?mot68”>symbole de toutes les forces les plus profondes qui agissent et sur lesquelles l’homme, malgré sa maîtrise du monde physique, ne peut pas grand-chose parce qu’il ne les comprend plus, parce qu’il s’est détaché d’elles ; mais aussi d’autres forces que l’homme, par son attitude même, a libérées et rendues souveraines dans différents domaines de sa propre existence. »

Je me permets de vous joindre ce texte :
https://reseauinternational.net/droit-de-reponse-dun-hemiplegique-a-la-pensee-zarathoustrienne-a-lattention-dune-presidence-jupiterienne-texte-integral/6/
Bien cordialement, 
Patrice Sanchez

Christian Feugnet

  26/09/2018

C'est le glissement sémantique de castastrophe à crise qui , dans ce texte m'interpelle . La différence est de taille , il me semble . Entre les deux l'une est sans solution , l'autre si , méme tardive .
Si une explosion de volcan géant survient , rien à faire , pour tous  , socialement trop cher , au dessus des moyens .  Si c'est une crise , ,méme générale  , concernant , économique , politique et communication c'est d'ordre social , bien que jusqu'à maintenant la solution vient aprés coup , alors qu'il eut éré possible , avant ,la  Guerre . ( Toutefois si elle devenait nucléaire ?) . Méme avec des superbunkers nous serions submergés de rayonnements et migrants Africains, , y comptis avec un quidnon  ., sauf peut étre en Russie . 
A titre , plus qu'individuel , il existe à mon avis des éléments de base à généraliser selon une solution traditionnelle adaptable à aujourd'hui ( se retirer à le campagne avec le nécessaire et le décaméron ) en préparant la renaissance . A distinguer là , base et superstructure . ( peut étre faut il élargir à  suprahumain .)
 

Un élément en faveur de mon dernier commentaire .

Christian Feugnet

  26/09/2018

Ces étranges zones de fertilité extraordinaire , découvertes en Amazonie , , forcemment artefacts humains , base du mythique Eldorado . M. Godelier l'écarte , on en saura jamais beaucoup  plus , fort probablement.Toutefois , si le mythe comme celui de l'Atlantide avait une base ? 

Crooke.4

jc

  26/09/2018

Crooke m'inspire. (Suite de mes commentaires de http://www.dedefensa.org/article/postmodernite-et-eternel-retour)

Crooke: "(...) un peuple “actif” sur le plan mental, produisant et nourrissant sa vitalité et sa force culturelle peut s'imposer face à un État beaucoup plus riche et mieux armé, – mais ainsi doté de cette puissance qui engourdit la pensée et réduit la vitalité."

C'est à mes yeux actuellement le cas des peuples "potentiellement puissants" -pleins de vitalité- que sont la Russie, la Chine et l'Inde(?), face à ceux qui ont épuisé cette puissance potentielle en l'actualisant (USA, UE, GB). Puissance, ouverture et plasticité dans le premier cas, acte, fermeture et rigidité dans le second.

Thom a axiomatisé topologiquement les conflits aristotéliciens puissance/acte et matière/forme (ES p.176):
1. ABP: "l'Acte est Bord de la Puissance"  2. FBM: "la Forme est Bord de la Matière".

On peut, je crois, interpréter ces axiomes "à la Guénon": les passages de la puissance* à l'acte* et de la matière à la forme, qui sont pour Thom des fermetures**, ne sont autres que des solidifications au sens que Guénon attribue à ce mot. Notre contre-civilisation est "en acte", fermée, solidifiée, elle a atteint sa limite, son bord (et le TINA de Margaret Thatcher est une façon de le dire). Place à la civilisation suivante.

Un espace topologique dont tous les points sont connectés entre eux ne possède que deux sous-ensembles qui sont à la fois ouverts et fermés, à savoir le Tout -l'espace tout entier- et le Rien -l'ensemble vide-. Cette petite incursion en mathématique permet la métaphore suivante, selon moi chargée de sens: l'Open Society globale (globalement connectée) de Soros & Co est soit Tout soit Rien. Je suis profondément convaincu qu'elle n'est Rien.


*: Aristote illustre ses concepts de puissance et d'acte par l'exemple d'un énoncé de théorème mathématique comme étant "en puissance", le même énoncé démontré devenant "en acte". Les matheux parlent de problème ouvert et de problème fermé.

**: Dans http://www.dedefensa.org/article/glossairedde-technologisme-versus-communication-1
PhG qualifie le technologisme de "fermé" et le système de la communication d' "ouvert" , dans le droit fil des concepts topologiques des matheux. L'avenir des systèmes fermés est leur immortalité (le cas d'un théorème démontré -cf. * et ***) ou leur effondrement  -"l’effacement ultra-rapide du système du technologisme, jusqu’à son effondrement", écrit PhG-.

***: Thom:
"Vraiment, quand on a trouvé un théorème dans sa vie, on se dit que l'on a participé d'une certaine forme d'immortalité. Illusion, peut-être…"
"Il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."

 

Crooke.5

jc

  27/09/2018

Crooke: "L’avers, – la vieille tradition européenne, – est la pensée conjonctive. La culpabilité, l’injustice, la contradiction et la souffrance existent-elles dans ce monde ? Elles existent, proclame Héraclite, mais seulement pour l’esprit limité qui voit les choses séparément (de manière disjonctive), et non pas connectées entre elles, liées par une continuité; cette continuité est un terme qui implique non pas de “saisir” le sens, mais plutôt d’être doucement et puissamment “saisi” par le sens."

La théorie thomienne des catastrophes est une méthode* qui permet d'exprimer dans un langage* adéquat cette pensée conjonctive, cette remontée synthétique (alors que la pensée moderne ne tolère que la pensée déductive, disjonctive, réductionniste). Le langage en question est celui de la géométrie (et toute l'oeuvre de Thom peut être vue comme une tentative de géométrisation de la pensée). La méthode thomienne** permet à l'esprit large -il y a une sélection naturelle!- d'établir une continuité (et donc une intelligibilité) entre les choses là où, comme l'écrit Crooke, l'esprit limité voit les choses séparément.

Dans la théorie thomienne les catastrophes de synthèse et d'excision (alias de conjonction et de disjonction) sont issues de la catastrophe ombilic parabolique, la plus compliquée des sept catastrophes élémentaires. Thom écrit à propos de cette catastrophe (et de la morphologie archétype associée): "Cette morphologie est celle de la reproduction sexuée". C'est une catastrophe à quatre actants (le père, le gamète mâle, la mère, l'enfant) de type don (le gamète mâle) et contre-don (l'enfant). (Thom souligne -lourdement?- à propos du contre-don:"Ne dit-on pas, d'ailleurs, que l'épouse donne un enfant à son époux?")

Crooke: "Bien entendu, cette considération nouvelle pour “l’Ancien” ne peut être un retour intégral. Ce ne peut être la simple restauration de ce qui était autrefois. Il s’agit d’une avancée, comme lorsqu’un “jeune” qui s’en était allé revient “chez lui”, – l’éternel retour si l’on veut, revenu de notre propre décomposition, de l’amas de nos ruines."

Quoi de plus naturel comme modèle d'éternel-retour-qui-n'est-pas-tout-à-fait-un-retour que celui de la reproduction sexuée (le fils qui devient père à son tour -et la fille qui devient mère-), la section du cordon ombilical n'étant qu'une discontinuité superficielle en regard de la continuité beaucoup plus profonde de la perpétuation de l'espèce?

*: Thom: "Qu'est donc la théorie des catastrophes? C'est avant tout une méthode et un langage." (AL p.397)

**: Thom: "La Théorie des Catastrophes suppose justement que les choses que nous voyons sont seulement des reflets et que pour arriver à l'être lui-même il faut multiplier l'espace substrat par un espace auxiliaire et définir, dans cet espace produit, l'être le plus simple qui donne par projection son origine à la morphologie observée".

Crooke.6

jc

  28/09/2018

Crooke:

"un homme capable de trouver son propre pouvoir"

" la conduite virile"

"Le mythe du Christianisme Latin de l’amour, du “tendre l’autre joue”, de l’humilité et du recul de l’autorité du pouvoir, est en contradiction avec l’ancienne notion de la conduite “masculine” qui prêchait quelque chose de tout à fait différent : résister à l’injustice et poursuivre votre “vérité”. Cette conception était donc naturellement politique et s’appuyait sur une philosophie où le pouvoir était un attribut normal."

J'ai l'impression qu'il s'agit d'une critique à peine déguisée d'un affadissement, d'une féminisation -le mot qui fâche est lâché- de la société actuelle. Les termes "propre pouvoir", "conduite virile", "résister à l'injustice", "poursuivre sa vérité", me semblent agressifs, struggle for life, en contradiction avec les grands principes de pensée conjonctive "de la tradition européenne" que Crooke rappelle plus haut et oppose à la pensée actuelle de "l’esprit limité qui voit les choses séparément (de manière disjonctive)"...

Le seul fait de réintroduire une pensée conjonctive (et donc de redonner droit de cité à la pensée analogique) me paraît une condition nécessaire pour tempérer cette tendance agressive (typiquement masculine?). En toute chose faire la part entre ce qui rapproche et ce qui divise. Telle est, je crois, une sage façon d'opérer qui peut permettre d'abaisser les tensions intra-communautaires et de conduire, en politique, à une (re)structuration stratifiée de la société.

Strate, stratifier, stratification. Ce sont pour moi des mots-clé, des éléments de langage à tenter d'imposer. Crooke en utilise un dans son article: "L’acceptation d’une qualité multidimensionnelle d’une quelconque personne ou d’un quelconque peuple écarte l’obsession dominante de réduire chaque nation à une singularité de valeur et à une singularité de “sens”. Le fondement de la collaboration et du dialogue s’élargit ainsi au-delà de “l’un-ou-l’autre”, pour atteindre les différentes strates de la complexité des identités (et des intérêts)". Imposer ces éléments de langage n'est pas gagné d'avance.

Thom: "En ce qui me concerne, je préfère croire en un réel -non globalement accessible parce que de nature stratifiée- de l'herméneutique de la théories des catastrophes permettrait de dévoiler progressivement les "fibres" et les "strates". Mais tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en "couches" d'être exigera:
i) L'emploi de mathématiques pures -parfois bien difficiles- dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles des sciences de la signification;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers positivismes et pragmatismes ont depuis longtemps occultée."

*: façon d'opérer qui condamne la globalisation "entropisante à la Soros-Macron".

Crooke.7: Individuation et identité

jc

  01/10/2018

Les grands médias nous conditionnent actuellement tous les jours pour que le vote des "européennes" à venir soit centré sur les problèmes d'identité: les bons globalistes opposés aux méchants souverainistes, les bons égalitaires -pour une société ouverte- opposés aux méchants identitaires -donc évidemment, selon la logique de ces médias, pour une société fermée, pour un repli identitaire. (Ces médias réactivent leurs formatages et leurs enchaînements pavloviens (populisme de droite-Mussolini-Hitler, populisme de gauche-Staline, frontière infranchissable entre les deux), pour nous persuader de l'évidence: le bon choix ne peut être que celui du "centre-gôche" dans lequel les coucous Macron¹, Soros, etc. ont fait leur nid.)

Le Système en place était, il y a peu encore, un corps constitué, individué, monolithique, triomphant², avec une nébuleuse anti-Système fantomatique. Mais actuellement les choses bougent (et bougent vite), le Système est en train de se fissurer (de s'ouvrir) alors que l'on perçoit dans la nébuleuse anti-Système des tentatives de s'individuer (de se fermer). Corruption et génération ou, pour reprendre les termes de l'article de Crooke, disjonction (ouverture) et conjonction (fermeture). (Il n'est peut-être pas inintéressant de noter que le titre de l'article de Crooke -"Les fondements de l'ère nouvelle apparaissent"- est "génératif" alors que son chapeau introductif par PhG -"Ebranlement de l'axe du Système"- est "corruptif".)

Pas d'identité sans individu et pas d'individu sans individuation. Le problème de l'individuation est donc central. Ce qu'a bien vu Thom pour qui le problème de la définition de l'être individué ("problème très naturel et question préjudicielle à poser à toute science") devrait être le problème fondamental de la Théorie Générale des Systèmes (cf. AL p.206). On voit que l'on nage tout de suite en pleine ontologie (ontologie qui, selon Wikipédia, "déborde très largement le strict cadre de la métaphysique").

Un être individué (qui n'est pas Tout…) n'est jamais totalement isolé. Il se distingue des autres (disjonction) par certains côtés et leur ressemble (conjonction) par d'autres. Il ressort de cette remarque de bon sens qu'il est illusoire pour un être individué de s'ouvrir complètement ou de se fermer complètement (sauf à ce que mort s'ensuive…).

Un modèle hydraulique le montre bien: si on ouvre toutes les écluses sur un canal, il n'y a plus de différences de potentiel, c'est la mort du canal, et si on ferme toutes les écluses c'est non seulement la mort du canal mais aussi celle de chacun des biefs. Une respiration du canal est nécessaire à sa survie: les portes des écluses sont faites pour servir, pour être ouvertes ou fermées. C'est du bon sens basique que les politiciens actuels ont, hélas, décidé d'ignorer³.

Il ne fait aucun doute pour moi qu'une pensée politique plus subtile est donc nécessaire et Crooke suggère de s'intéresser à la pensée chinoise ("L’idée du Yin et du Yang et leur latence pour créer et être en harmonie sous-tendent encore les notions chinoises de politique et de résolution des conflits."), en rappelant que c'était celles des anciens occidentaux ("C'était autrefois la façon dont les Européens pensaient : pour Héraclite, tous les opposés polaires se co-constituent et se mettent en harmonie d'une manière invisible pour l'œil humain.").

Au lieu d'une Europe confédérale, une Europe des nations, les élites en place⁴ après la deuxième guerre mondiale ont préféré une Europe vendue comme plus "ouverte", une Europe fédérale motrice -avec les USA- d'une globalisation libérale. Ouverture des frontières, égalitarisation  par entropisation (H=F=L=G=B=T=...).

L'essayiste Alain Bonnet de Soral a créé une association "Egalité et réconciliation" qui se propose -j'ai consulté rapidement sa fiche Wikipédia et son site- de réconcilier les chemises rouges et les chemises brunes par l'égalité (si c'est le cas je comprends que les chiens de garde du système se déchaînent contre lui: une telle réconciliation est en effet extrêmement dangereuse, sinon mortelle, pour le Système). Quant à moi il me semble que ce sont plutôt les mots "Identité" et "Conciliation" qui doivent être associés.

Car, selon moi, il est illusoire de chercher à gommer les différences -par un processus égalisateur⁵- entre, disons, deux nations. Il faut prendre acte de ce qui les différencie et de ce qui les rassemble. Et faire avec en ayant à l'idée qu'il y a toujours, malgré les apparences quelque chose qui les rassemble ("pour Héraclite, tous les opposés polaires se co-constituent et se mettent en harmonie d'une manière invisible pour l'œil humain").

En effet, devant une opposition frontale et totale (disons entre deux nations), le bon-sens-réflexe est de se dire qu'aucune conciliation est possible. Mais le seul fait d'être en opposition crée un lien entre ces deux nations -celui d'être en opposition!-, et la seule conciliation possible est alors l'érection d'une frontière, évidemment commune, l'adjectif "commune" soulignant qu'il y a bel et bien une conciliation minimale matérialisée par ladite frontière.

En logique booléenne on ne peut avoir A et non A: c'est le principe de non-contradiction; en logique aristotélicienne non plus (on ne peut avoir A et non a simultanément et sous le même rapport). Le modèle topologique précédent suggère que la topologie pourrait sécréter une logique plus subtile que celle de l'organon. C'est, j'en suis convaincu, exactement le message que tente de faire passer Thom lorsqu'il écrit:

"Ce n'est pas un hasard si, finalement, l'une des meilleures applications de la théorie des catastrophes est encore le modèle de l'agressivité du chien [sous-tendu par la fronce] proposé par Christopher Zeeman. Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente." (AL p.33)

(Et ce n'est pas non plus un hasard si Lacan est passé en psychanalyse des modèles logiques -formules de la sexuation par exemple- aux modèles topologiques.)

Les philosophes épistémologues belges Lambert et Hespel ont écrit en 2011 un article ("De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction",  disponible sur la toile) qui traite du sujet ci-dessus esquissé. Article selon moi superbe et fascinant dans lequel le lecteur voit pas à pas se transformer un problème philosophique en un problème mathématique, avec des perspectives⁶ topologiques et logiques assez époustouflantes (cf. le paragraphe "Conclusions spéculatives").

Pour conclure.

De ces "conclusions spéculatives" il ressort que si l'on veut construire de façon pérenne il ne faut pas oublier au préalable de correctement fonder; ce qui renvoie au titre de l'article de Crooke et qui, à mon humble avis, appuie là où ça fait mal pour ceux qui ont conçu et mis en oeuvre le "machin" que constitue l'actuelle "construction" européenne.


1: Cf. le récent discours de E. Macron à l'ONU.

2: Cf. le TINA de Margaret Thatcher

3: Où est la respiration politique individuel/collectif, la respiration survie individuelle/survie de l'espèce?

4: mises en place serait peut-être plus adéquat

5: le choix d'une monnaie unique est sans doute l'un des processus égalisateurs -et donc désstructurants- parmi les plus efficaces

6: perspectives qui renvoient plus à la façon de voir de Grothendieck qu'à celle de Thom

emergence

Olivier Montulet

  02/10/2018

Je dénonce toujours la confusion entre révolte et révolution. La révolte est un élément (souvent lié à la faim) accompagnant parfois la révolution mais certainement pas toujours.
La révolution sociale, systémique comme la révolution scientifique ou artistique est un procéssus de grande durée au bout du quel émerge (notion méritant une explication épistémologique approfondie) du corps social (et non d'un individu ou d'un groupe particulier) une nouvelles société, un nouveau système comme une nouvelle théorie scientifique ou une nouvelle façon de percevoir le monde (le réel). La révolution française n'est pas la prise de la Bastille mais est un processus qui a pris environ 3 siècles.
Pour que cette émergence ait lieu il faut non seulement que les individu aient conscience de la nécessité de la mutation mais surtout qu'ils la vivent dans leurs tripes, que ce besoin soit interriorisé.
Le système s'effondre, j'en suis convaincu. Cet effondrement entre dans une ère de chaos violent et douloureux. Mais l'émergence d'un nouveau système, imprévisible en sa forme, prendra encore du temps.
Si le système s'effondre c'est qu'il est bati sur des paradigmes sociaux du IXe siècle aujourd'hui obsolètes.

Crooke.8: Inéluctable radicalisation

jc

  03/10/2018

Lecteur assidu de ce site depuis plus de deux ans je me convaincs un peu plus tous les jours que l'histoire -celle qu'on m'a inculquée- n'est pas une simple succession de faits datés, histoire superficielle, mais qu'en toile de fond il y a une autre histoire, l'Histoire, avec sa propre respiration, ses propres cycles.

Nous sommes à la fin d'un cycle qui laisse derrière lui sa trace solidifiée, en acte, sa Jérusalem céleste, trace symbolisée par toutes ces villes-monde (villes-monstres serait plus adéquat) et leurs gratte-ciel, pour revenir, métaphoriquement par liquéfaction puis gazéification -là où nous sommes encore-, à un nouveau paradis terrestre à partir duquel la civilisation suivante reconstruira sa propre Jérusalem céleste. Ce que nous dit Alastair Crooke c'est que ce paradis terrestre de la civilisation à venir se concocte dès maintenant, alors même que la Jérusalem céleste de la contre-civilisation actuelle n'a pas encore disparu. Ce paradis terrestre il faut, à mon avis, le voir métaphoriquement -poétiquement?- comme une terre fertile en laquelle la civilisation à venir va pouvoir s'enraciner, prendre ses forces, et de laquelle elle va pouvoir tirer sa puissance pour, à son tour, construire sa propre Jérusalem céleste.

Et alors que beaucoup sont encore dans l'ancien paradigme, certains préparent déjà -et se préparent déjà à- celui qui va inéluctablement* lui succéder; ceux-là reviennent déjà à la source, à la racine, ils se radicalisent, selon moi inéluctablement. Devant le vide abyssal laissé par l'effondrement en cours de "notre" contre-civilisation ils s'interrogent sur ce qu'ils sont -en tant que peuple, nation, région, commune- et ce qu'ils veulent. Individuation et finalité***. (Bien entendu les chiens de garde du Système hurlent au repli identitaire, à la mortelle bunkérisation, confondant (sciemment ou non) mur et frontière**.)

Remarque finale:

Pour moi il y a la place à gauche (c'est-à-dire à la gauche de la gôche) pour un Parti Socialiste Souverainiste, un PSS, la roue de l'Histoire tournant inéluctablement (et vite, comme Patrice Hans Perrier vient de nous le montrer au Québec).


*: PhG évoque -mais n'invoque pas- des forces suprahumaines.

**: Ce que ne fait pas Régis Debray dans son "Eloge des frontières" (de laquelle à chaque relecture je fais un peu plus l'éloge)

***: Cf. l'article éponyme dans "Apologie du logos"