jc
15/07/2019
Je suis en train de lire un papier "Grothendieck et la liberté"¹ par le mathématicien Laurent Lafforgue (avec en vue la perspective de répondre à Patrice Sanchez…). Pour moi tout-à-fait en phase avec le papier du jour de PhG, car j'y trouve:
"Pour qualifier l'état de cette civilisation qu'il appelle «civilisation techniciste», Grothendieck emploie les mots «effritement», «nivellement», «érosion», «avachissement», «décomposition», «pourriture». La civilisation techniciste lui paraît connaître un processus de décomposition rapide, inséparable du caractère férocement déspiritualisé qui la distingue de toutes celles qui l'ont précédée. Une telle civilisation privée d'âme est condamnée à disparaître au bout de quelques siècles, l'homme ne pouvant vivre à la longue en ignorant ses besoins religieux et sa nature spirituelle. La seule consolation est de penser que d'ici quelques générations cette civilisation pourrissante apparaîtra sans doute comme l'utile matière brute qu'une oeuvre créatrice intense, à laquelle tous les hommes sont appelés, doit transformer en le terreau vivant de l'homme pleinement humain et d'une humanité enfin humaine."
Comme a dit, je crois, PhG, ces gens ne sont pas seulement corrompus, ce sont aussi et surtout les corrupteurs.
¹: https://www.laurentlafforgue.org/textes/GrothendieckLiberte2.pdf
patrice sanchez
16/07/2019
Bonjour JC, un siècle avant, le Philosophe au marteau écrivait dans :" Par delà le bien et le mal."
« Nous qui avons une autre croyance, — nous qui considérons le
mouvement démocratique, non seulement comme une forme de
décadence de l’organisation politique, mais aussi comme une forme de
décadence, c’est-à-dire de rapetissement chez l’homme, comme le
nivellement de l’homme et sa diminution de valeur : où devons-nous
diriger nos espoirs ? — Vers les nouveaux philosophes, — nous
n’avons pas à choisir ; vers les esprits assez forts et assez primesautiers
pour provoquer des appréciations opposées, pour transformer et
renverser les « valeurs éternelles » ; vers les avant-coureurs, vers les
hommes de l’avenir qui, dans le présent, trouvent le joint pour forcer la
volonté de milliers d’années à entrer dans des voies nouvelles.
Enseigner à l’homme que son avenir, c’est sa volonté, que c’est affaire
d’une volonté humaine, de préparer les grandes tentatives et les essais
généraux de discipline et d’éducation, pour mettre fin à cette
épouvantable domination de l’absurde et du hasard qu’on a appelée
jusqu’à présent « l’histoire » — le non-sens du « plus grand nombre »
n’est que sa dernière forme. Pour réaliser cela il faudra un jour une
nouvelle espèce de philosophes et de chefs dont l’image fera paraître
ternes et mesquins tous les esprits dissimulés, terribles et bienveillants
qu’il y a eu jusqu’à présent sur la terre. C’est l’image de ces chefs qui
flotte devant nos yeux. Puis-je en parler à voix haute, ô esprits libres ? —
Les circonstances qu’il faudrait en partie créer, en partie utiliser pour
leur formation ; les voies et les recherches hypothétiques par lesquelles
une âme s’élève à une hauteur et à une force assez grandes pour
comprendre la contrainte d’une telle tâche, une transmutation des
valeurs, qui tremperait à nouveau la conscience de l’homme,
transformerait son coeur en airain, pour lui faire supporter le poids d’une
telle responsabilité ; d’autre part la nécessité de pareils guides, les
risques épouvantables à courir si ces guides se mettent à faillir, à
dégénérer ou à se corrompre — ce sont là les soucis réels qui nous oppressent, vous le savez bien, ô esprits libres ! ce sont là des pensées lointaines, lourdes comme des orages suspendus sur le ciel
de notre vie. Il est peu de douleurs comparables à celle de voir un
homme extraordinaire sortir de sa voie et dégénérer, de deviner et de
sentir cet écart. Mais celui dont l’oeil rare sait discerner le danger
général de la dégénérescence de « l’homme lui-même » — celui qui,
pareil à nous, a reconnu l’énorme hasard qui jusqu’ici fit de l’avenir de
l’homme un jeu — un jeu où n’intervint pas la main, pas même le « doigt
de Dieu » ! — celui qui devine la fatalité cachée dans la stupide candeur
et l’aveugle confiance des « idées modernes », plus encore dans toute la
morale chrétienne européenne : — celui-là souffre d’une anxiété à nulle
autre pareille, car il saisit d’un regard tout ce qu’on pourrait tirer encore
de l’homme en suscitant une réunion et un accroissement favorables
des forces et des devoirs. Il sait, avec toute l’intuition de sa conscience,
combien de possibilités résident encore dans l’homme, combien souvent
déjà le type homme s’est trouvé en face de décisions mystérieuses et de
voies nouvelles. Il sait encore mieux, d’après ses souvenirs les plus
douloureux, à quels obstacles misérables se sont pitoyablement brisés
jusqu’à présent les devenirs les plus hauts. L’universelle
dégénérescence de l’homme, — qui descend jusqu’à ce degré
d’abaissement que les crétins socialistes considèrent comme « l’homme
de l’avenir » — leur idéal ! — cette dégénérescence et ce rapetissement
de l’homme jusqu’au parfait animal de troupeau (ou, comme ils disent, à
l’homme de la « société libre »), cet abêtissement de l’homme jusqu’au
pygmée des droits égaux et des prétentions égalitaires — sans nul
doute, cette dégénérescence est possible ! Celui qui a réfléchi à cette
possibilité, jusque dans ses dernières conséquences, connaît un dégoût
que ne connaissent pas les autres hommes et peut-être connaît-il aussi
une tâche nouvelle ! »
Nous n'aurons d'autre alternative que de radicaliser nos pensées, et pendant que tous ces pauvres hères qui ont choisi le camp du mal s'enfonceront toujours plus avant dans l'ignominie et l'abjection jusqu'à finir dans la fosse septique de l'Histoire, nous ne pourrons que nous élever jusqu'à la libération de nos mentals qui s'ouvriront automatiquement à la spiritualité de la libre pensée retrouvée ... telle est ma vision de ce passage transitoire obligé, de ce chaos non pas créateur, mais bien plutôt libérateur de notre pleine Humanité, le principe spirituel zarathoustrien et quantique des vases communiquants de la fin d'un Monde vers un Devenir à créer en somme !
jc
18/07/2019
"Grothendieck qui devait être un lecteur éclairé de Nietzsche ! "
De ce que je connais de Grothendieck je ne pense pas qu'il ait lu Nietzsche. Car
- dès l'âge de 18 ans il a (re)fait toute la théorie de la mesure de Lebesgue (et s'est fait plus tard dire à ce propos par ses futurs "maîtres" que ce n'était pas en réinventant la roue qu'on faisait "progresser" la connaissance);
- il a tout juste parcouru l'oeuvre d'Einstein et, pourtant, il ose écrire: ""Je ne prétends nullement être familier de l'oeuvre d'Einstein. En fait, je n'ai lu aucun de ses travaux, et ne connais ses idées que par ouïe-dire et très approximativement. J'ai pourtant l'impression de discerner la forêt", même si je n'ai jamais eu à faire l'effort de scruter aucun de ses arbres."
- je pense que Grothendieck se "cultivait" en lisant les introductions et les conclusions des bouquins dont le titre -et/ou l'auteur- l'avait attiré².
Pour moi Grothendieck fait partie des rares individus -les génies?- qui pensent de première main, refusant de polluer leur pensée en ingurgitant tout ce qui a été dit sur tel ou tel sujet qui les intéresse: le sous-titre de "La clef des songes" est pour moi clair à ce sujet.
Je n'ai rien lu de Nietzsche et n'en lirai probablement rien car j'ai pas du tout d'attirance pour les écrits de gens déséquilibrés (en science Boltzmann, Cantor, Gödel). (Je n'ai noté nul déséquilibre ni chez Thom dont je rumine l'oeuvre depuis plus de 15 ans ni chez Grothendieck que je commence à essayer de découvrir.)
En ce qui concerne le "tout est lié" -auquel je crois, comme vous, il me semble- je préfère l'approche "théorie des catégories" -qui rentre dans le cadre de la "théorie des graphes"- à l'approche "physique quantique", car j'ai toujours été complètement allergique aux probabilités¹. (Je suis actuellement sensible à une position ultra-déterministe -qui rejoint peut-être celle de Nietzsche- "pour mettre fin à cette épouvantable domination de l’absurde et du hasard qu’on a appelée jusqu’à présent « l’histoire ».)
Nietzsche: "(...) nous qui considérons le mouvement démocratique, non seulement comme une forme de décadence de l’organisation politique, mais aussi comme une forme de décadence, c’est-à-dire de rapetissement chez l’homme, comme le nivellement de l’homme et sa diminution de valeur : où devons-nous diriger nos espoirs ? Vers les nouveaux philosophes."
Déjà Platon tenait ce genre de discours, pour finalement se lancer en politique en s'accoquinant avec des dictateurs. À mes yeux, il faut rallumer en chacun de nous -dès le plus jeune âge- la petite voix intérieure chère à Socrate -son daïmon-, à Grothendieck -et à Nietzsche?- qui nous murmure comment discerner le vrai du faux et le bien du mal et comment discerner et élire un bon leader -un bon aristocrate- plutôt qu'un mauvais. (En ce qui concerne la démocratie je n'ai pas du tout l'attitude que semble prendre Nietzsche dans la citation ci-dessus.)
(Vous finissez votre commentaire par "Devenir à créer en somme." Pour moi, nous -les humains- ne créons rien, nous ne faisons que découvrir. Aristote: "C'est l'art [teknè en grec ancien] qui imite la nature [et non l'inverse]". Inventer -voire créer- implique brevets d'invention -voire de création-, progrès, royalties, etc., qui ont mené "notre" contre-civilisation là où elle est, c'est-à-dire très bas.)
¹: Quarante ans de "carrière" sans enseigner une seule fois les probabilités.
²: Pour moi ceux de Thom en font très certainement partie, Grothendieck ayant très certainement peu apprécié que Thom traite les travaux de Pierre Deligne, élève de Grothendieck et futur médaille Fields, de "simples exercices".
patrice sanchez
19/07/2019
(Vous finissez votre commentaire par "Devenir à créer en somme." Pour moi, nous -les humains- ne créons rien, nous ne faisons que découvrir. Aristote: "C'est l'art [teknè en grec ancien] qui imite la nature [et non l'inverse]". Inventer -voire créer- implique brevets d'invention -voire de création-, progrès, royalties, etc., qui ont mené "notre" contre-civilisation là où elle est, c'est-à-dire très bas.)...
Nous devrons faire table rase du passé, apprendre à changer notre mode de pensée, ne plus penser que dans l'instant présent afin de trouver au plus profond de nous le rêveur grothendickien et l'âme soeur nietzschéenne, cet autre moi qui nous relie à l'Univers, au Divin ou au champ Akashique et qui nous "susurre" cette inspiration si Vitale ... je viens d'écrire un post scriptum à ma lettre et je me permettrais de vous le faire découvrir s v p ! P.S.. Ce mois durant lequel j‘aurais inlassablement parcouru mon texte en même temps que je faisais défiler rétrospectivement ma vie dans mes pensées aura eu l’effet d’une révélation ! Je viens de prendre conscience avec une acuité toute zarathoustrienne de la cause profonde de ma bonne fortune miraculeuse durant les 25 années me séparant de mon apocalypse cérébrale, et je puis vous assurer que durant tout ce temps, je n’aurais vécu que dans l‘instant présent ; c’est ce mode de pensée qui nous offre la possibilité de nous reconnecter avec notre soi profond et les éléments qui nous entourent, c’est ce mode de pensée qui permet aux aventuriers de l’extrême de se sortir de situations bien périlleuses, c'est ce mode de pensée qui permet à notre esprit de créer coïncidences et synchronicités si chargées de sens pour notre Devenir et c’est encore ce mode de pensée qu’usitaient toutes les civilisations anciennes et les sociétés traditionnelles ... c’est enfin le mode de pensée si Vigoureux que ce cher Friedrich Nietzsche avait redécouvert grâce à son expérimentation de l'Ascèse de la Liberté.
Avec cette Lettre, Mesdames et Messieurs, “le tripatouilleur de mes pensées“ comme j’aimais à me qualifier depuis quelques années, s’est définivement transmuté en Alchimiste de son Destin.
A ce propos, je pense au savant, "le sulfureux pour le système", Mr Garnier Malet et sa théorie du dédoublement du temps
http://www.garnier-malet.com/dedoublement-espace-temps/ ; tout est dans l'intériorité créatrice ou co-créatrice avec notre Soi profond, ce "divin inspirateur" qui est en chacun de nous si vous le préférez ... n'étais-ce pas Grothendieck qui écrivait : "... la destinée humaine est l'apprentissage d'une liberté créatrice appelée à devenir égale à celle du Maître, Dieu, et bornée seulement par les limites qu'il a assignées à la condition humaine…"
Bien cordialement,
Patrice Sanchez
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