jc
08/11/2018
Penser sexuellement la géopolitique (à la Emmanuel Todd ?).
Dans les premières pages* de "La clef des songes" Grothendieck fait remarquer qu'il est plus raisonnable que ce soit Adam qui soit sorti des entrailles d'Eve que l'inverse.
"Allons enfants de la Patrie, ... , qu'un sang impur abreuve nos sillons": du Yang à l'état quasi pur?
"Allons enfants de la Matrie, ..., qu'un sang nouveau irrigue nos sillons": du Yin à l'état quasi pur?
Droit du sol. Droit du sang. Droit d'aînesse. Caïn a-t-il tué Abel ou Abelle?
Des poilus attachés (au sens premier c-a-d enchaînés) à leur Mère Matrie? La véritable Âme de Verdun?
Thom: "Le pied est une excroissance de la terre dans l'animal."
Je vis en milieu rural. J'ai toujours été frappé par l'attachement des agriculteurs à "leur" terre. Ma famille (dont moi) n'a pas le même attachement bien qu'elle soit là depuis longtemps. La France de 1914 était, je crois, essentiellement rurale…
*: Je n'ai parcouru que les cent premières.
jc
09/11/2018
Le déchaînement de la Matière traverse une bonne partie de l'oeuvre de PhG postérieur à 1985. Un commentaire sur ce sujet a donc peu de chances d'être complètement déplacé. Surtout en période de commémoration de la Grande Guerre.
Après une nième relecture de la conclusion de "La Grâce de l'Histoire II" dans laquelle j'ai bien du mal à voir ce que PhG veut dire en général et comment il conçoit la distinction qu'il fait entre matière et Matière en particulier, je perçois peut-être une petite lueur que je vous livre:
Pour moi la Matière est la matière des matérialistes et ce n'est pas celle d'Aristote. La matière d'Aristote est la matière primale -comme le rappelle ERMB dans un commentaire de ce jour-. Et je verrais bien la matière des matérialistes comme étant la matière finale. Autrement dit je verrais bien la matière des matérialistes comme étant la forme aristotélicienne. Le passage de la matière (primale) à la matière (finale) est métaphoriquement pour moi une solidification d'une matière initialement liquide voire gazeuse. Et je me demande s'il ne faut pas le penser comme un passage de la Vie à la Mort (et donc de considérer la matière primale comme vivante). Ceci permettrait l'identification Matière=Mort que fait PhG dans sa conclusion de "La Grâce II".
Pour moi, de deux choses l'une:
- Ou bien la forme est parfaite (le Bien pour PhG) et elle cesse-de-vivre-sans-cesser-de-vivre, en devenant immortelle*;
- Ou bien la forme est imparfaite ( le Mal pour PhG) et elle meurt en se dissolvant dans le néant.
Je ne pense pas que ce soit l'interprétation de PhG car je ne la vois pas coller ni avec son "d'un coup sec" (p.408). Attendons donc le tome IiI ...
Dans le deuxième cas je suis d'accord avec son Matière=Mort. Et peut-être y a-t-il un rapport entre le premier cas et ce qui est dit p.413 ?
J'en profite pour terminer en faisant écho aux propos de ERMB.
- J'utilise la métaphore puissance=dunamos=énergie potentielle(=force morte?) et energia=énergie cinétique=force vive=action, et pour l'instant j'en suis assez satisfait. Thom réserve acte pour traduire entélekia, terme de l'action. (Aristote utilise également, paraît-il, entélekia pour désigner l'origine de l'action**.)
*: Thom: "Je ne vois pas pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait pas être immortel."
**: ES p. 171. (Je ne peux m'empêcher de dire à ce propos que Paul Jorion, au cours d'un bref échange avec moi jadis sur son blog, a reproché à Thom de ne pas avoir lu Aristote…)
jc
10/11/2018
(Dans mon précédent commentaire je crois plus adéquat de qualifier l'énergie potentielle de force dormante -opposée à l'énergie cinétique, force vive.)
Eschatologie et scatologie.
Eschatologie: "L'eschatologie (du grec ἔσχατος / eschatos, « dernier », et λόγος / lógos, « parole », « étude ») est le discours sur la fin du monde ou la fin des temps." (Wikipédia)
Scatologie: "Désigne des écrits ou des propos se rapportant aux excréments." (Wikipédia)
(Après réflexion, ce rapprochement n'est peut-être pas si incongru que ça en commentaire de ce papier: les corps -certains sans vie- dans la fange des tranchées, les âmes au Panthéon.)
Dans mon précédent commentaire j'ai identifié la Matière (M majuscule) à la forme finale (au sens aristotélicien) et donc à l'Immortalité (aux Âmes de Verdun…), soit ni à la Mort ni au Mal (comme le fait peut-être PhG).
Au commencement était la matière (m minuscule -cf. le précédent commentaire). Nous ne sommes pas des dieux: la forme pure est un idéal de perfection inatteignable par nous. Il y a toujours dans toute entreprise humaine une part eschatologique et un part scatologique. La part eschatologique est immortalisée (elle monte au ciel, elle entre au Panthéon etc.). La part scatologique est recyclée, la merde est purgée (au purgatoire?).
Pour finir sexuons le propos: au commencement (input) la matière (m minuscule) est ingurgitée par la bouche. N'étant pas des dieux la digestion ne saurait être parfaite. A la fin (output) il y a donc une partie excrétée (l'excrément qui retourne à la terre pour être recyclé) et une partie secrétée, les gamètes, gamètes qui permettent de passer le témoin à la génération suivante.
Les gamètes? Evolution circulaire ou évolution en spirale? Thom a dit que vers seize ans il était pour l'éternel retour*. Il me semble qu'il évolué ensuite…
*: cf. la fin de son entretien avec Jacques Nimier, disponible sur la toile.
jc
14/11/2018
Je me verrais bien aristo-populiste. Mais qu'est-ce que l'aristo-populisme?
I. Populisme.
Populisme peut renvoyer à foule, populace,ou à peuplade, peuple.
Il y a des mouvements de surface, de foule, qui peuvent être très dangereux même alors qu'il n'y a initialement aucune intention d'agressivité, de violence, seulement une simple bousculade qui dégénère sous la seule action de la peur: par exemple à la Mecque en 2015.
Il y a les mouvements un peu plus raisonnés, que je qualifie de mouvements de populace, populace qui peut se révolter: révolte contre ce qu'elle perçoit comme une injustice, etc.
Il y a les émeutes: émeutes de la faim, etc.
Et il y a en profondeur les mouvements de peuplades, de peuples. Ces mouvements apparaissent lorsque les gens sentent que, d'une façon pas nécessairement perçue consciemment individuellement, ce sont leurs racines communes qui sont attaquées.
"C'est une révolte* [de la populace]? Non Sire, c'est une révolution* [du peuple].", disait La Rochefoucauld à Louis XVI.
Je crois au "Vox populi, vox dei". Et j'y crois d'autant plus après avoir lu les deux premiers tomes de "La Grâce de l'Histoire". Car comment expliquer Verdun autrement que comme un sursaut du peuple lui-même, tous poilus confondus, des bidasses aux officiers?
.
J'y croyais déjà auparavant "en puissance" parce que ça correspond à la vision que Thom a du psychisme des sociétés*, pour lui analogue au psychisme animal. Selon Thom en effet, comme les animaux, les sociétés ne prennent conscience d'elles-mêmes -elles ne se révèlent à elles-mêmes- que dans des circonstances spécifiques: pendant ces laps de temps le peuple devient tout autre que l'ensemble des individus qui le composent, le tout devient bien plus que l'ensemble de ses parties. Pendant ces périodes Margaret Thatcher a tout faux avec son "There is no such thing as society".
Pendant ces périodes le peuple est comme Margot ou le loup de Vigny**, il fait dignement ce qu'il a à faire, sans prendre ses ordres autre part qu'en lui-même:
"Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.”
Troquant cette métaphore canidée pour une métaphore salmonidée, on obtient un retour aux sources du saumon France, obstiné malgré tous les dangers, pour faire énergiquement sa lourde tâche de se reproduire avant de mourir: La France est morte, vive la France, la Vème République se meurt, vive la VIème.
Thom: "Le pied est une excroissance de la terre dans l'animal." (ES)
Autrement dit, extrapolant à peine, l'animal en général, et l'homme en particulier, est viscéralement attaché à la terre qui l'a vu naître.
C'est cet attachement ombilical à la terre de ses ancêtres qui explique, selon moi, Verdun.
Et qui pose la question sociétale principielle du capitalisme. La Terre nous appartient-elle, ou bien appartenons-nous à la Terre?
"Tu es poussière et tu retourneras en poussière." est-il écrit dans Le Livre…
*: SSM 2ème ed. p.323
**: Je ne suis pas du tout convaincu que Macron, Parly et Castaner pensent que c'est une révolution se prépare, et non une simple révolte ou une émeute aux causes plus ou moins évidentes.
II. Aristocratie. (à suivre)
jc
15/11/2018
Charte des nations unies (1945):
"Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ou droit à l’autodétermination, est le principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.(...) Le principe a été réaffirmé après la Seconde Guerre mondiale dans la Charte des Nations unies de 1945." (Wikipédia)
Constitution de la Vème République (1958), titre premier "De la souveraineté", article 2:
"La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est la « Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est: gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple."
(Le moins que l'on puisse dire est que ces principes sont bafoués dans l'esprit -sinon dans la lettre- et que l'impérialisme US n'y est sans doute pas pour rien. Selon moi un beau sujet de discussion pour soirées "musette jaune"...)
Remarques.
1. Peuple n'est pas nation, les frontières ne coïncidant pas nécessairement (pour nous peuple basque, peuple catalan…, ailleurs peuple kurde…)
2. En vue d'une VIème République je suggère:
- pour emblème: un drapeau "Roseau sur fond violet-pâle-blanc-rose-pâle*, nuance lueur d'aube, violet près de la hampe";
- pour hymne: Marseillaise modifiée (couplets patrie-yang et couplets matrie-yin);
- pour principe: gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
- pour devises: unité/ordre-harmonie-diversité/équilibre, vox populi, vox dei (cf. le principe), une âme inflexible dans un corps flexible (cf. le roseau -de Pascal bien sûr!).
(Principe guidant l'élaboration de cette constitution (suggérée): constitution embryologique fibro-stratifiée** sur le mode d'une analogie corps humain/corps social, les deux premières strates étant la strate "hommes"-yang*** et la strate "femmes"-yin***. Selon ce principe il s'agit métaphoriquement de différencier progressivement le blanc initial en les sept(?) couleurs de l'arc-en-ciel. L'emblème suggère déjà une chambre-strate où siègent les femmes (l'actuel sénat) et une chambre-fibre où siègent les hommes (l'actuelle assemblée nationale), ainsi qu'une chambre à accoucher des lois, chambre congrès (l'actuel Versailles), chambre à fibro-stratifier**** en lois communes cohérentes les lois particulières de chacune des deux chambres.)
PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée."
*: Renvoi aux couleurs extrêmes de l'arc-en-ciel, violet-yin à l'intérieur, rouge-yang à l'extérieur.
**: Thom: "En ce qui me concerne, je préfère croire à un réel -non globalement accessible parce que de structure stratifiée- dont l'herméneutique de la théorie des Catastrophes permettrait de dévoiler progressivement les "fibres" et les "strates. Mais tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en "couches" d'être exigera:
i) L'emploi de mathématiques pures -parfois bien difficiles- dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles des sciences de la signification;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers pragmatismes et positivismes ont depuis bien longtemps occultée."
***: Pour moi yin renvoie à permanence (XX), paradis terrestre, alors que yang renvoie à changement (XY), Jérusalem céleste.
****: Métaphoriquement je vois les choses ainsi:
Les femmes phagocytent, jettent leurs filets, entourent, "pensent" en cercles, alors que les hommes émettent des pseudopodes, lancent des flèches, percent, "pensent" en droites.
L'union de l'Homme et de la Femme (à Versailles) est alors naturellement symbolisée par un cône dont les strates-yin sont les cercles section du cône par des plans perpendiculaires à l'axe du cône et les fibres-yang les droites génératrices de ce même cône.
jc
15/11/2018
II. Aristocratie. (à suivre)
Il est écrit dans la constitution de la Vème République (au titre premier "De la souveraineté", article 2) -et je suggère qu'il en soit de même dans la VIème) que "Le principe de la république est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple".
C'est donc bien au peuple, et à personne d'autre, qu'il incombe de secréter en son sein son aristocratie, de coopter les plus aptes à le gouverner. Longue et lourde tâche, comme le rappelle Vigny.
(Le moins qu'on puisse dire c'est que la façon actuelle qu'a la France en particulier et le monde occidental en général de secréter ses élites politiques laisse à désirer… Sans parler de ses autres élites -économiques, financières, artistiques, scientifiques, etc.-)
Je voudrais ici esquisser métaphoriquement sur quels critères pourrait (devrait?) se faire ce recrutement.
Le point de départ est l'analogie que l'aristocratie politique est à la sociologie ce que la lignée germinale est à la biologie. (Ceci exige une vision autre que néo-darwinienne de l'évolution biologique puisque le dogme central de cette vision est l'existence d'une barrière entre soma et germen -la barrière de Weismann-, l'analogue d'une barrière entre peuple et aristocratie -interdite par l'article 2.)
Le point suivant est l'analogie thomienne selon laquelle le développement embryonnaire est à la biologie ce que le développement de Taylor est aux mathématiques (SSM p.32).
jc
16/11/2018
II. Aristocratie (suite)
Le fait de modifier la devise V-républicaine "Liberté-égalité-fraternité" en VI-républicaine "Unité/ordre-harmonie-diversité/équilibre ouvre de nouveaux horizons*. Le fait de remplacer égalité par harmonie libère la pensée, l'ouvre sur la possibilité de nouvelles organisations sociales.
Quel est en effet le principe de l'harmonie? C'est de remplacer le rapport entre les choses (concrètes ou abstraites) par le rapport des rapports entre les choses. L'exemple fondamental se trouve en musique où ce n'est pas le rapport des fréquences qui compte mais le rapport de leurs rapports (do mi sol do…). Ainsi le tabou de l'égalitarisme est brisé, il n'y a plus, par actuel principe, égalité des droits et égalité des devoirs pour tous, mais seulement, par nouveau principe, égalité -ou harmonie- des rapports droits/devoirs pour tous**. A chacun son job, hommes et femmes principiellement, non dans l'égalité mais dans l'harmonie.
Une VIème république fondée sur le pari d'une harmonie Homme/Femme?
Femme (XX): conservatisme, communautarisme, survie de l'espèce, spatialité, Paradis terrestre***;
Homme (XY): progressisme, individualisme, survie individuelle, temporalité, Jérusalem céleste***.
C'est certainement caricatural (et j'ai peut-être tout faux!). Mais je pense que ça mérite d'être tenté en grandeur nature. Et je trouve qu'en fait c'est un pari qui n'est pas très risqué...
*: PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée."
**: C'est, ai-je cru comprendre de ma longue participation passée au blog de Paul Jorion, le point de vue développé par Aristote dans son "Ethique à Nicomaque".
***: Cf. Guénon.
jc
16/11/2018
II. L'aristocratie (suite)
Pour moi l'aristocratie doit commencer à se constituer dès l'école maternelle avec l'apprentissage populaire de l'harmonie: harmonie des formes ondulatoires (sons, couleurs) et des formes corpusculaires (formes géométriques), certains apparaissant sans doute plus doués que d'autres…
Lien entre les deux par le rapport anharmonique et la division harmonique des matheux (un peu plus tard qu'en maternelle!) et par la géométrie arithmétique à la Grothendieck (pour l'aristocratie).
La formule canonique du mythe** de Claude Lévi-Strauss est fascinante. C'est un rapport de rapports. Elle a donc par ce côté peut-être à voir avec l'harmonie des sociétés.
La catastrophe "double fronce" est également fascinante. C'est un couplage synergétique* de deux fronces. Pour moi en rapport, au flair, avec l'harmonie homme/femme (rapport couplage/accouplement?). Certains catastrophiques patentés*** voient un rapport entre la double fronce et la formule canonique du mythe…
*: Le potentiel du tout est plus que la somme de chaque potentiel.
**: Cf. l'article Wikipédia
***: Jean Petitot, Lucien Scubla.
jc
16/11/2018
(Commentaire en rapport plus direct avec l'âme, sinon directement avec "Les Âmes")
L'emblème que je suggère pour la VIème République est un roseau. Avec pour devise: "Une âme inflexible dans un corps flexible".
Pour moi cette devise renvoie aux catastrophes thomiennes et à la théorie (thomienne) du déploiement universel: le potentiel V(x) = x⁴, par exemple, potentiel associé à la catastrophe fronce, est l'âme, et son déploiement universel le potentiel W(x) = x⁴ + ux² + vx en est le corps, corps flexible car dépendant de deux paramètres u et v.
Le verrou égalitaire ayant sauté dans cette VIème République suggérée, cette devise pourrait peut-être s'appliquer à la justice, justice qui pourrait être à au moins deux vitesses:
- d'une part une justice "yin", conciliante, flexible, avec pour devise "Mieux vaut un désordre qu'une injustice"; - d'autre part une justice "yang", inflexible, justice d'appel?*, avec pour devise "Mieux vaut une injustice qu'un désordre".
*: Une mère ayant échoué dans une conciliation de la fratrie, menace les impétrants de faire appel à leur père…
jc
16/11/2018
II. Aristocratie.
Il est écrit dans la constitution de la Vème République (au titre premier "De la souveraineté", article 2) que "Le principe de la république est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple".
C'est donc bien au peuple, et à personne d'autre, qu'il incombe de secréter en son sein son aristocratie, de coopter les plus aptes à le gouverner. Longue et lourde tâche, comme le rappelle Vigny.
(Le moins qu'on puisse dire c'est que la façon actuelle qu'a la France en particulier et le monde occidental en général de secréter ses élites politiques laisse à désirer… Sans parler de ses autres élites -économiques, financières, artistiques, scientifiques, etc.-)
Je voudrais ici esquisser métaphoriquement sur quels critères pourrait (devrait?) se faire ce recrutement. Avec, pour fixer les idées, en vue principalement la politique.
Pour ce faire il faut avoir foi en l'analogie du microcosme et du macrocosme, c'est-à-dire la foi en ce que le corps-âme humain (microcosme) a la faculté de simuler (très imparfaitement bien sûr) le monde extérieur (le macrocosme). Et il faut avoir foi en l'analogie corps-âme social/corps-âme humain. Autrement dit il faut accepter une vision de type thomienne du monde.
Ceci étant admis le point suivant est alors l'acceptation de l'analogie selon laquelle l'aristocratie politique est à la sociologie ce que la lignée germinale est à la biologie. L'acceptation du principe du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple exige que l'aristocratie soit secrétée par le peuple, donc -analogie biologique- que la sécrétion de l'élite se fasse par un mécanisme de type lamarckien (sécrétion des cellules germinales par les cellules somatiques analogue à la sécrétion de l'élite par le peuple). Ceci exige donc une vision autre que néo-darwinienne de l'évolution biologique puisque le dogme central de cette vision est l'existence d'une barrière entre soma et germen -la barrière de Weismann-.
L'analogie thomienne différenciation cellulaire/différentiation des fonctions (développement embryonnaire d'un oeuf "totipotent"/développement de Taylor d'une fonction) (cf. SSM 2ème ed. p32) permet de donner ici une idée très grossière de la façon dont le peuple doit sécréter son aristocratie.
Nous n'avons qu'une connaissance extrêmement locale de l'univers. Et comprendre (et/ou expliquer) le monde consiste à progressivement à recoller ces (et ses) connaissances locales pour obtenir une connaissance plus globabe. Et d'avoir des intuitions hautes, des visions du monde, des théories, permet d'aider à avoir cette connaissance plus globale.
Etant donné une fonction lisse, c'est-à-dire suffisamment différentiable, f(x), et un point a -une donné locale, en fait ici ponctuelle), un benêt, un crétin, assurément pas un aristocrate, "verra" la fonction f(x) comme étant f(a) -et sera pour cette raison noté 0-, autrement dit comme étant une fonction constante, un peu comme quelqu'un du XXIème siècle pour qui la terre serait plate. Un individu noté 1 verra la fonction f(x) comme étant f(a) + (x-a)f'(a) (f'(a) étant la dérivée de la fonction f au point a -il faut avoir fait un peu de maths…) donc comme une fonction dite affine, dont le graphe est une droite: pas un aristocrate, pas un benêt non plus. Un individu noté 2 verra la fonction f(x) comme étant f(x) + (x-a)f'(a) + 1/2(x-a)²f"(a), dont le graphe est une parabole. L'aristocratie sera ici formée des individus qui ont la note maximum, c'est-à-dire qui arrivent à simuler au mieux la fonction f(x): une nouvelle forme de sélection naturelle!
(Pour faire une analogie avec la biologie, l'aristocratie animale -non humaine- ne semble pouvoir dépasser la note 4 parce que la réalisation physique de leur cervelle, qui lui permet de simuler le macrocosme, est limitée par la dimension de l'espace-temps. Les humains, certains au moins, peuvent aller plus loin.)
Pour les non-matheux une autre analogie est celle de l'arc-en-ciel. Un aveugle, noté 0, le verra blanc (et sera vêtu de blanc pour être reconnu comme tel par ses concitoyens). Un individu plus évolué le verra rouge et violet (première différenciation du blanc, celle du drapeau "roseau" (analogiquement ce sera quelqu'un capable de savoir s'il est un garçon ou une fille…), il sera noté 1. Un individu normal sera vêtu de vert ou de jaune, les deux couleurs centrales de l'arc-en-ciel, signifiant par là qu'il "voit" les 7 couleurs de l'arc-en-ciel: il sera noté, disons, 4. Un aristocrate de la vision en couleur (un "grand" peintre par exemple) "verra" sans doute beaucoup plus de couleurs, c'est-à-dire différenciera beaucoup mieux le blanc initial que l'individu "normal".
On voit que la vision thomienne ici esquissée conduit à une société de castes, un peu à celle que décrit Aldous Huxley dans "Brave new world". En politique dans une telle société les classes inférieures sont constituées de gens d'action qui agissent à leur top-niveau de compétence, sans "rien sous le pied", les classes supérieures étant constituées des gens "qui ont du potentiel" -"qui en ont sous le pied"- capables d'abstraction comme d'action -action qu'ils délèguent le plus possible- (organisateurs de tout poil, architectes, ingénieurs, généraux d'armée, etc). Et si l'on suit Thom* et Grothendieck* l'aristocratie est constituée des rêveurs (certains poètes, artistes, philosophes, mathématiciens…).
On peut regretter la rigidité et l'inégalité foncière de la société de "super abeilles" dans laquelle on risque de s'engager si l'on suit la vision thomienne. Ce qui est certain pour moi c'est que la contre-civilisation "darwinienne" dans laquelle nous vivons est condamnée.
*: Cf. "La clef des songes" de Grothendieck, disponible sur la toile, et "Stabilité Structurelle et Morphogénèse" de Thom dont les dernières phrases de la conclusion est: "Une grande partie de mes affirmations relèvent de la pure spéculation; on pourra peut-être les traiter de rêveries… J'accepte le qualificatif; la rêverie n'est-elle pas la catastrophe virtuelle en laquelle s'initie la connaissance? Au moment où tant de savants calculent de par le monde, n'est-il pas souhaitable que d'aucuns, qui le peuvent, rêvent."
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