Milsabor
30/11/2014
Il y a une modalité de la raison que cette analyse pratique dun bout à lautre sans la nommer comme monsieur Jourdain fait de la prose, cest la pensée clinique. Tous les signifiants de la psychologie sont utilisés dans les dimensions phénoménologique et dynamique de la psychopathologie sans en tirer les conséquences. Cest ainsi que la démarche se conclut par un appel au sacré énigmatique en ce quil dénie la métapsychologie qui lintroduit et en ce quil dénie la référence implicite au divin qui lui est consubstantiel.
Alors quil eût été fécond de pousser la logique clinique jusque dans ses conséquences psychopathologiques et danalyser la déviance de la raison humaine depuis linstauration du progressisme comme signifiant maître à la Renaissance sous langle dune pathologie du désir associée à un trouble de la conscience, des troubles de lhumeur et dune dynamique évolutive évaluable selon une perspective pronostique.
Pathologie du désir : «laffirmation de sa propre puissance par lintermédiaire de la matière déchaînée». Lassouvissement du désir de puissance propre à la structure perverse tend vers le triomphe narcissique et la fusion du Moi avec le Moi-Idéal dont la réalisation est le propre de la paranoïa. Son accomplissement se nourrit de laccaparement de matières propres à susciter la jalousie et lenvie dautrui. Cette envie projetée dans lautre procure la plus-value narcissique recherchée. Elle peut saccompagner de la jouissance sadique de faire souffrir lautre. Le triomphe narcissique se nourrit aussi de la victoire obtenue sur linstance dautorité par la transgression ou mieux par le retournement de linstance dautorité en son contraire obtenue par la corruption ou la collusion dalliance. Le scénario imaginaire sous-jacent est celui de leffraction de la limite afin de libérer le désir de puissance. En mode majeur : la transgression, en mode mineur : le repoussement de la limite. On peut citer des exemples concrets : dérégulation financière, dérégulation sociétale, conquête impérialiste, conquête de lespace etc
Trouble de la conscience : ce fonctionnement transgressif ne peut conserver son intégration dans le système social quau prix dune distorsion de la conscience obtenue par le déni et le clivage. Le déni porte sur le caractère fondamentalement immoral et prédateur de ce fonctionnement. Il opère par le clivage entre les causes et les conséquences. Les causes sont reconnues, les conséquences aussi mais la relation de cause à effet et les conséquences quil convient den tirer font lobjet dun déni, dun tabou, dun trou noir de la pensée. Par exemple la crise économique de 2008 peut être rapportée à sa cause : la dérégulation financière, sans quil soit possible de poser les bases concrètes dune régulation curative et prophylactique. Le déni et le clivage portent, en premier lieu, sur les mécanismes deffraction de la limite qui permettent laccomplissement du désir de puissance, puis ils se contaminent à lensemble des mécanismes de pensée pour pervertir toute la raison.
Trouble de lhumeur : si la bipolarité se caractérise par une alternance de phases dépressives et de phases maniaques caractérisant des cycles opposés dhumeur triste et dhumeur euphorique, la perversion narcissique se déploie dans une ambiance émotionnelle conditionnée par la menace et la promesse : menace dune catastrophe imminente et promesse dun avenir radieux. La menace génère un mécanisme de fuite en avant tandis que la promesse génère une course vers lavant. Les deux se combinent pour créer le mouvement et léquilibre dynamique qui lui est propre. Par exemple la menace du chômage et la promesse de la reprise de la croissance justifient toutes les mesures de dérégulation économique et sociale et toutes les mesures daustérité qui garantissent au capitalisme de maintenir son taux de profit sur la production. Léquilibre dynamique créé sa propre menace : comme la bicyclette qui ne tient debout que pour autant quelle roule, la logique du système ne saurait sarrêter. Cest le fondement de la logique TINA. Lorsquelle dépasse certains seuils de destructivité, cette dynamique connait des épisodes critiques deffondrement apparent qui se révèlent après-coup comme des moments de ressourcement et daggravation des conditions de laccomplissement du désir de puissance. Le pronostic de « lhyperpuissance-autodestruction » en train de saccomplir, peut être contredit comme un épisode critique de plus dans le cadre le la stratégie du choc du capitalisme du désastre. Lattente passive de son accomplissement risque de laisser sa logique se prolonger jusquà la disparition du dernier capitaliste, qui serait aussi le dernier être humain.
La valeur heuristique de la pensée clinique appliquée à la perversion du système réside dans lanalyse des conditions propres à assurer une pensée saine prophylactique de la pensée perverse et à proposer des mesures thérapeutiques pour sortir de la pensée perverse. Alors que la pensée perverse procède de lauto-engendrement, la pensée saine procède de lengendrement référé au fantasme décrit par Freud dans le complexe ddipe. Engendrement, triangulation dipienne et filiation constituent la vérité anthropologique « sacrée » contenue dans la « tradition immémoriale » à lexclusion de toute intervention divine.
Quand à la thérapie de la perversion, on sait quelle ne se soigne pas. Le pervers doit être arrêté par une instance supérieure en mesure de le réprimer et de lui ôter son pouvoir. Ensuite est envisageable le déconditionnement de ses victimes restées sous son emprise. Ce pouvoir supérieur au système peut-il advenir par la Révolution, elle-même devenue possible par le dépassement dun seuil critique de conscience déconditionnée devenue insurrectionnelle dans une part suffisante de la population ? Les précédentes Révolutions française, américaine, thermodynamique et marxiste ne plaident pas en faveur de cette voie thérapeutique.
eric basillais
08/03/2015
Plusieurs commentaires à donner:
1/ d’abord concernant le commentaire qui me précède sous l’angle psychopathologie clinique et prophylaxie :
je cite son auteur :
” Il y a une modalité de la raison que cette analyse pratique dun bout à lautre sans la nommer comme monsieur Jourdain fait de la prose, cest la pensée clinique. Tous les signifiants de la psychologie sont utilisés dans les dimensions phénoménologique et dynamique de la psychopathologie sans en tirer les conséquences. Cest ainsi que la démarche se conclut par un appel au sacré énigmatique en ce quil dénie la métapsychologie qui lintroduit et en ce quil dénie la référence implicite au divin qui lui est consubstantiel.
Alors quil eût été fécond de pousser la logique clinique jusque dans ses conséquences psychopathologiques et danalyser la déviance de la raison humaine depuis linstauration du progressisme comme signifiant maître à la Renaissance sous langle dune pathologie du désir associée à un trouble de la conscience, des troubles de lhumeur et dune dynamique évolutive évaluable selon une perspective pronostique.”
C’est assez tentant et performant. Explicatif des psychopathologies individuelles épidémiques. Mais, en dehors de mon objection à l’OEDIPE (axiome universel douteux en mode RAISON), le seul malheur est la conclusion de ce commentaire : pas du cure à la perversité narcissique et impasse de toutes les tentatives de révolution pour instaurer une Autorité lui posant la limite…n’est-ce pas revenir à l’attente quiétiste dénoncée de la crise TERMINALE ?
2/ à propos de l’article de P. GRASSET lui-même et donc de la crise de la RAISON :
a) en redondance avec le commentateur précédent, de quel sacré hors religion et idéologie, sensé permettre la libération de la pensée parle-t-on ? Enigmatique en effet…est-ce à dessein ? Si oui, dois-je comprendre ...secret, initiation, caste brahmane, Mystères Grecs et tout le truc évoquant la TRADITION selon R. Guénon ?
b) sinon l’ensemble de l’article me convient bien conceptuellement, je m’y retrouve.
c) or, je ne sais pourquoi mais, en lisant “Déchaînement de la Matière” et “Métahistoire” dans le même texte, on a presque une version conceptualisée de MYTHES anciens comme FAUST, sa sorcellerie, son Satanisme… ou KALI et sa rage destructrice à la fin d’un cycle cosmique… comme si la Mythologie était conçue suivant le schéma MODERNE et RATIONNEL de Superstition avec le Tabou qui va avec.
jc
18/07/2017
PhG (à propos du persiflage selon Bourguignat et Chartier):
"qui donne à la linguistique la dimension substantielle d’exprimer, sinon de créer des pensées fondamentales par des mots qui, littéralement, précèdent cette pensée".
Thom:
"C'est une des thèses fondamentales de notre théorie que l'opposition aristotélicienne substance/prédicat tend toujours à être ressentie comme l'opposition état de base/état excité d'un système dynamique; le prédicat est alors associé à la transition, et en symbolise les caractères qualitatifs (voire quantitatifs) propres."
"L'opposition entre la singularité créée comme un défaut d'une structure propagative ambiante et la singularité qui est source de l'effet propagatif lui-même, pose un problème central que l'on retrouve dans presque toutes les disciplines scientifiques. La physique contemporaine admet plutôt le deuxième aspect: la particule est source d'un champ qu'elle génère. En relativité générale, la particule apparaît plutôt comme une singularité d'une métrique de l'espace-temps. On retrouve ici cette aporie fondamentale du continu et du discret qui est au coeur de la mathématique. On la retrouvera jusqu'en psychologie: est-ce que nous parlons parce que nous pensons ou, au contraire, est-ce que nous pensons parce que nous parlons?"
"Il ne fait guère de doute que d'un point de vue psychologique (et pour moi [Thom!], ontologique) le continu est l'être premier."
Sur ce point la position de Thom diffère donc fondamentalement de celle d'Aristote:
" [Aristote] veut que le lieu soit un prédicat de la substance, et non la matière un prédicat de l'étendue. L'histoire et la science n'ont pas tranché entre Mach et Einstein: E. Mach tenait pour un espace engendré par la matière (et le rayonnement), et Einstein, dans son vieil âge, voyait la matière comme une "maladie" de l'espace-temps. Ma lecture d'Aristote est évidemment "einsteinienne", non machiste. En ce sens, elle est fondamentalement "infidèle" à l'auteur."
[Cf. aussi la conclusion de "Topologie et signification" dans "Modèles mathématiques de la morphogénèse" (formation de néologismes, signification d'un mot comme étant l'usage de ce mot).]
"La pensée conceptuelle est une embryologie permanente."
jc
23/07/2017
Ces deux mots français ont même étymologie latine: ratio.
Selon moi raison renvoie ici au grec Logos qu'il est d'usage de traduire par Verbe. Auquel cas, à mon avis, il ne peut y avoir crise de la raison (si raison il y a), car la raison ne peut être que ce qu'elle est. Toujours selon moi, ce qui est en crise actuellement c'est la rationalité humaine, c'est-à-dire les règles choisies par les humains (au moins les occidentaux) pour tenter de déterminer cette raison, ce Logos, ce Verbe: la nature a sa propre raison (qu'il n'est pas interdit à certains de qualifier de divine) et la rationalité humaine de notre contre-civilisation a été (ou s'est-elle même) -selon moi- subvertie d'une façon telle qu'elle ne permet pas, qu'elle ne permet plus, d'avancer sur le problème qui consiste à tenter d'appréhender cette raison. Je m'explique en partant d'un exemple élémentaire.
Dans la suite infinie (donc complexe -au sens de compliquée) 1, 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, 1/32, etc., dite décrite, comme c'est l'usage, en extension, on remarque que l'on passe d'un terme à son suivant immédiat en multipliant ce terme par 1/2, et donc que la suite est comprise, c'est-à-dire dite décrite cette fois en compréhension (on dit aussi en intension) dès qu'on a fait cette remarque et qu'on connaît le premier terme. [L'opération inverse de régénérer en extension la suite décrite en compréhension peut être confiée à un ordinateur à partir d'un programme très simple. Et les ordinateurs actuels peuvent générer en un éclair des milliers (voire des millions) de termes en un éclair]
Jadis (c.a.d. dans ma jeunesse) ce nombre (ici 1/2) qui permet de régénérer une telle suite à partir de son premier terme s'appelait sa raison (géométrique). Ce nombre est son Logos, son Verbe, et la suite expansée c'est sa Chair (une façon d'interpréter le premier évangile de Saint Jean…). Dans ce cas très élémentaire on sait donc passer du Verbe à la Chair et de la Chair au Verbe; en d'autres termes encore on sait développer l'oeuf totipotent (le Verbe) pour obtenir sa forme expansée, la poule, et inversement on sait extraire de la poule la lignée germinale qui permet de récupérer le précieux verbe qui permettra la perpétuation de l'espèce.
Le monde tel qui nous apparaît est d'une effarante complexité lorsqu'on le considère, à la suite de Leucippe, comme un ensemble d'atomes. Aussi l'esprit a toujours cherché à le simplifier, et toutes les civilisations ont produit des cosmogonies (cf. l'article Wiki).
En Physique moderne les lois fondamentales (attraction universelle, équations de Maxwell), ou même seulement les lois de Képler, peuvent être vues comme des fragments du Logos, du Verbe de l'Univers.
Mais notre contre-civilisation butte, comme celles qui l'ont précédée, sur le problème du Logos de l'être humain (par exemple -mais exemple qui nous intéresse au premier chef!). Et le Système refuse, au nom de la Science telle qu'il la conçoit, de faire appel à des hypothèses métaphysiques, contrairement à toutes(?) les civilisations qui l'ont précédé.
René Thom pose alors la question: "En quoi est-il plus scientifique de faire appel au hasard que de faire appel à Dieu?"
Le paragraphe "L’hypothèse du système constitué en tant que tel" se termine par: "la sagesse, aujourd’hui, c’est l’audace de la pensée."
Audace que René Thom et Philippe Grasset ont assurément.
jc
26/07/2017
C'est le mot qui me tourmente actuellement. Et j'essaie d'en faire le tour.
"Toute pensée est plate (ou profonde, ce qui est la même chose) avant d'inventer une hauteur langagière. On reconnaît la logocratie aristocratique dans la démocratie des pensées." (Aristophane - vers 450–445 - 385 av. J.-C.)
Cette citation d'Aristophane est pour moi lumineuse: je verrais bien la logocratie définie comme la démocratie des idées.
[Le net me paraît le lieu idéal pour exercer la logocratie, cette démocratie des idées]
Ensuite je mets côte à côte ci-dessous les citations des logocrates aristocratiques que sont pour moi Aristophane (au flair, je n'ai lu de lui que la phrase de lui) et Thom:
"Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique. Mais dès qu'on reconnaît aux autres l'existence, qu'on accepte de dialoguer avec eux, on s'engage ontologiquement. Pourquoi ne pas accepter alors les entités que nous suggère le langage, quitte à contrôler les hypostases abusives, c'est là la seule manière d'apporter au monde une certaine intelligibilité. Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde." (Thom, Conclusion de "Esquisse d'une Sémiophysique")
Thom est de formation mathématique. Pour lui le langage mathématique est le langage de la Nature, le langage des dieux:"je suis un impérialiste mathématique" (cf. § "La réalité est mathématique" http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html )
Il écrit par ailleurs dans la conclusion de "De l'icône au symbole" (MMM):
"Je verrais bien le mathématicien comme un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature;
seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront plus tard à ouvrir le dialogue avec elle et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo."
Je viens de visionner une conférence du physicien-théoricien-vulgarisateur Etienne Klein intitulée "Peut-on comprendre d'où provient l'efficacité des mathématiques" ( https://www.youtube.com/watch?v=YQMhrVSR6X0 ), conférence qui commence, en gros, par: Qu'est-ce que les équations fondamentales de la physique, qui sont exprimées dans le langage mathématique, nous diraient si elles pouvaient parler le français.
J'ai visionné (et revisionné) cette conférence avec l'idée a priori que ces équations sont des raisons divines, des logos, examinées par notre raison humaine (au moins occidentale), notre rationalité. Et j'ai trouvé ça passionnant.
Gros bémol, pour moi, cependant: Thom n'est pas cité alors que les quelque trente articles recueillis dans "Apologie du Logos" tournent précisément autour de ce rapport entre le langage mathématique et le langage "naturel", celui dans lequel nous nous exprimons entre nous, humains.
jc
26/07/2017
A mon avis le débat logocratique par excellence.
https://www.youtube.com/watch?v=YqFdJpEASUo
Aristote: "L'art imite la nature"
jc
27/07/2017
La citation originelle d'Aristote en grec ancien est: "ê tekhnê mimeitai tên phusin". Et on peut imaginer que "tekhnè" a été traduit en français par "art" avant l'apparition de "notre" contre-civilisation, cette apparition introduisant une bifurcation* du sens, de "art" vers "technique" (voire de "technologie"), et de "artisan" (voire "artiste") vers "technicien" (voire "technologicien").
La logocratie est, selon Aristophane, la démocratie des idées (définition qui me va parfaitement et que je fais mienne). Et cette démocratie ne peut bien évidemment s'exprimer que par le dialogue.
Il y a quelques années il y a eu un débat passionnant, une série de dialogues, entre Philippe Grasset et Jean-Paul Baquiast, dont le thème a été exposé par PhG dans http://www.dedefensa.org/article/dialogues-1-questions-de-sens .
Dans mon commentaire "Logocratie aristocratique" j'ai cité Thom à la suite d'Aristophane:
""Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique. Mais dès qu'on reconnaît aux autres l'existence, qu'on accepte de dialoguer avec eux, on s'engage ontologiquement. Pourquoi ne pas accepter alors les entités que nous suggère le langage, quitte à contrôler les hypostases abusives, c'est là la seule manière d'apporter au monde une certaine intelligibilité. Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde."
J'ai parcouru ces dialogues, en ai lu plusieurs, et en ai commenté certains. J'en ai retiré l'impression que PhG s'y engageait à fond, ontologiquement, corps et âme, mais que JPB ne s'y engageait qu'avec son cerveau.
* Dans la conclusion de "Topologie et signification" (MMM) Thom écrit:
"Dès qu'un mot est utilisé fréquemment avec sa signification initiale, il en résulte une tension sur certaines parois de la figure de régulation du concept, tension qui pourrait fort bien la briser; le concept alors se défend en suscitant la naissance d'un mot nouveau qui canalise cette nouvelle signification. La formation de néologismes est ainsi une illustration -difficilement réfutable- du principe lamarckien: la fonction crée l'organe. Elle illustre aussi l'accélération énorme des processus évolutifs qu'a opéré le transfert du génétique au cérébral."
"La Grâce de l'Histoire" est, selon moi, l'étude de cette bifurcation. J'en attends le tome III ("Le premier cercle") avec grande impatience. [Les tomes I et II sont à lire ABSOLUMENT]
jc
27/07/2017
L'idée de ce commentaire m'est venue après visionnage d'une conférence d'Etienne Klein sur les rapports entre les maths et la réalité:
https://www.youtube.com/watch?v=YQMhrVSR6X0 version courte
https://www.youtube.com/watch?v=-fOATGw3bMc version longue
Il y raconte que les mathématiques enseignées dans les grandes écoles scientifiques françaises dépendent de la classification philosophique ci-dessus:
Ecole polytechnique: Pythagore (Tout est nombre), Ecoles où l'on applique les maths à des choses réelles (Ecole centrale des arts et métiers, etc.): Platon (le monde des Idées mathématiques participe au monde sensible), Ecoles où l'on applique les maths à des choses abstraites, typiquement les écoles de commerce, d'économie: Aristote (qui considérait (ai-je lu) que les idées platoniciennes n'existaient pas, et que, par conséquent, les maths avaient nécessairement une position ancillaire par rapport au monde sensible).
Pour Thom les mathématiques (de l'intelligibilité) sont le jeu signifiant par excellence. Mais il distingue les maths de la maîtrise des maths de l'intelligibilité. Bien entendu ce sont les maths de la maîtrise qui règnent quasiment sans partage actuellement, les maths de l'intelligibilité apparaissant moins rentables, voire inutilement coûteuses. Comme ce sont celles de Villani, fervent soutien de Macron, ça risque donc de perdurer. Ainsi tout repose sur les règles du jeu, sur la logique. La logique utilisée est-elle la même que celle qu'utilise la nature? Pour Thom la réponse est: non! (cf. ce qu'en dit Klein -Kant, etc.- et cf. la blague polytechnicienne dans la version longue)
Thom: "La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute (à mes yeux) que c'est là l'unique manière de théoriser ce qu'est la Logique naturelle."
Thom: "Pour moi la rationalité est une déontologie dans l'usage de l'imaginaire" qu'il précise ci-après
"la théorie des catastrophes m'a réellement donné la clé d'un mode de pensée qui m'a permis de voir les choses sous un angle qui échappe, apparemment, à la manière standard de les voir. Essentiellement parce qu'on fait un saut dans l'imaginaire, mais un saut contrôlé: le saut doit être contrôlé. (...) Le contrôle de l'imaginaire c'est, je crois, l'essence de la rationalité."
Ainsi les maths "de la maîtrise" ne sont pas peut-être pas un roc sur lequel la pensée scientifique peut s'appuyer fermement mais, au contraire participent à la déstructuration du monde parce que la logique qui les règle n'est pas la logique naturelle…
jc
28/07/2017
Pythagore:
Dans la préface de "Apologie du Logos" Jean Largeault cite Thom: "Selon beaucoup de philosophies, Dieu est géomètre, il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu". La somme infinie 1/2+1/4+1/8+1/16+1/32+etc est égale à 1, c'est ce qu'on enseigne dans les écoles pythagoriciennes. L'infini ne pose pas de difficulté aux dieux (le calcul infinitésimal non plus). Mais ça en pose à nous, simples humains qui peinons à résoudre les paradoxes de Zénon. Les mathématiques sont un jeu de l'esprit.
Aristote:
Voici ce qu'écrit Thom sur les applications des mathématiques à l'économie dans "Classification des sciences et des techniques" (AL):
"En tant que technologie, l'économie a deux sciences d'appui: la sociologie et la mathématique; mais sa finalité la rapproche plutôt du groupe "endodermique" [La classification de Thom est biologique], la capture et l'énergie. D'où une situation assez aberrante sur le schéma, qui n'est sans doute pas sans rapport avec son inefficacité bien connue: il s'agit en fait d'une discipline "nocturne" car la motivation des agents économique procède plus du rêve que de la rationalité; or elle veut prévoir leur comportement à l'aide d'algorithmes mathématiques empruntés aux disciplines d'éveil, comme la théorie mathématique des jeux. C'est ce paradoxe qui la condamne à l'impuissance." Et au délire…
Platon:
Il y a d'une part les Idées mathématiques et d'autre part la réalité sensible. La difficulté est de faire le lien entre les deux
pour résorber la coupure "galiléenne" qui a fait cohabiter Pythagore et Aristote et, selon moi (pas que!), a entraîné la catastrophe civilisationnelle que nous subissons. L'artisan est devenu technicien, l'Architecte a perdu sa majuscule et est devenu simple architecte. Les Architectes bâtissaient de sublimes cathédrales, les architectes construisent les tours de Dubaï. Comme le dit si bien Jacques Ellul la nature a toujours été sacralisée d'une façon ou d'une autre dans toutes civilisations. Sauf dans notre contre-civilisation où c'est la technique qui est sacralisée.
Comment remonter de l'observation du monde sensible au monde des Idées mathématiques? Il me semble qu'il y a un frémissement de ce côté, une amorce d'espoir de résorption de la coupure, effectuée par les matheux: cf. http://www.entretemps.asso.fr/maths/Livre.pdf Chapitre 5 (à la fin duquel on voit Platon pointer son nez), figures pp. 75, 77 et 79, et les formules pp. 79 et 80, formules qui sont les "logos" de ces formes.
Thom: "Malgré mon admiration pour Aristote je reste platonicien en ce que je crois à l'existence séparée ("autonome") des entités mathématiques", étant entendu qu'il s'agit là d'une région ontologique différente de la "réalité usuelle" (matérielle) du monde perçu. (c'est le rôle du continu -de l'étendue- que d'assurer la transition entre ces deux régions)." (ES p.245)
Art, délire et jeu: trois types d'activités humaines examinées dans SSM (pp.318 à 320).
jc
28/07/2017
Pythagore aurait dit: "Tout est nombre".
J'ai lu qu'à cette époque, en Grèce, seuls les nombres entiers étaient des nombres. Nos actuels rationnels n'étaient pas considérés comme nombres. A fortiori les "aloga", nos irrationnels. Pour les purs pythagoriciens le secret du monde était dans certains nombres
entiers, nombres qui revêtaient pour cette raison un caractère sacré (on retrouve ça dans de nombreuses civilisations -cf. Guénon). Ainsi le nombre 10, lié au triangle équilatéral, qui donne les premiers rapports harmoniques (tétraktys). Mais les pythagoriciens n'étaient pas des arithméticiens comme on peut les imaginer de nos jours: ils étaient des géomètres-arithméticiens qui distinguaient les nombres carrés (4, 9) des nombres triangulaires (typiquement 10) ou cubiques (8, 27) et se gardaient bien de mélanger torchons et serviettes. Je "sens" (je n'ai rien lu de lui, car pas au niveau) Grothendieck comme étant le Pythagore des temps modernes.
Peut-être vérifiera-t-on un jour l'intuition de Pythagore: premier selon l'être, dernier selon la génération? Car pour moi (à la suite de Thom, bien entendu!) l'ordre naturel est: 1. géométrisation du monde perçu; 2: arithmétisation de cette géométrie (par l'école de Grothendieck?). Autrement dit c'est bien en dernier que nous sera, peut-être, révélé secret des nombres sacrés.
Un certain Hofstadter a écrit en 1979 un étonnant livre: "Gödel, Escher, Bach: "Les brins d'une guirlande éternelle"
https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%B6del,_Escher,_Bach_:_Les_Brins_d'une_Guirlande_%C3%89ternelle
Je sens ce bouquin très pythagoricien (donc , en un certain sens, divin…) [mais je n'ai pas lu, même pas feuilleté]. Et très germanique… Gödel: implacable rigueur (noter que Gödel n'était pas connu pour être géomètre), Escher et Bach: selon moi trop rigoureux, trop raides. (A ce propos j'ai regardé il y a quelque temps sur Arté une émission qui comparait architecture et urbanisme de Paris et Berlin. Même constat d'un petit moins pour Berlin par rapport à Paris qu'il cherchait à concurrencer. Chauvinisme?). Lien avec l'idéal de puissance germanique?
Perso, j'aurai choisi sans hésiter Thom à la place de Gödel. La stabilité structurelle, ça laisse un peu de liberté, de fantaisie, ça respire. Juste ce qui faut.
jc
28/07/2017
Ce genre de titre peut sembler déplacé dans un site comme celui-ci. Mais il semble avoir un rapport presque immédiat avec
1. d'une part le basculement de notre civilisation en contre-civilisation;
2. d'autre part la distinction entre idéal de puissance (le technologisme) et idéal de perfection (le naturalisme).
Le cadre est celui d'une conférence d'Etienne Klein (55') https://www.youtube.com/watch?v=-fOATGw3bMc sur l'efficacité des mathématiques en physique.
I. Inversion
L'exemple d'inversion à la mode est actuellement le GPS. C'est lui qui tend à devenir la référence, et, si l'on n'y fait pas attention, il est arrivé à beaucoup de se dire que tel endroit ne devrait pas être là! La méthodologie est donc très simple: il faut savoir où est le modèle. Et s'y tenir. Ontologiquement c'est ici l'espace qui est l'être premier, c'est l'espace qui est le modèle, et doit impérativement le rester.
(Cela vaut aussi pour le poumon, le coeur, le cerveau, qui doivent impérativement avoir un statut ontologique hiérarchiquement supérieur au soufflet, à la pompe, à l'ordinateur. Or l'inversion est courante: le poumon est un soufflet, le coeur est une pompe, et, the last but not the least, le cerveau est un ordinateur. Nombreux sont donc très certainement ceux qui sont mentalement préparés à la grande inversion que "nos" élites nous préparent: à devenir des robots…)
Il est clair que le temps est au sommet (ou tout près) de la hiérarchie des êtres (pour Thom il précède l'espace). Ayant pris l'habitude de mesurer le temps par des horloges, l'inversion est faite dans l'immense majorité des esprits: le temps est devenu ce qui se mesure par des horloges*. Les grecs anciens distinguaient l'aïon, le kairos et le chronos…
En modélisation il est crucial de savoir où est le modèle: dans l'esprit ou dans la chose? Je ne serai pas étonné de voir que certains choix technologiques qui se sont révélés désastreux résultent de modèles pris dans l'esprit plutôt que dans la chose. La position de Thom est très claire à ce sujet: il se pose en philosophe de la nature qui se souvient du précepte d'Aristote: "Abstraire n'est pas mentir".
Avec ce qui précède à l'esprit, et en fonction de sa propre position idéologique relativement à l'essence et l'existence, on pourra visionner la conférence de F. Klein (55'): https://www.youtube.com/watch?v=-fOATGw3bMc
On s'apercevra que le milieu des sciences dites dures (math et physique) est un microcosme où se présentent les mêmes problèmes que ceux du macrocosme, mais avec plus de netteté (et se payent parfois cash).
* ce qui suggère que l'essence du temps est périodique. Mais en même temps(!) on modélise le temps par un modèle assurément non périodique: la droite réelle…
jc
29/07/2017
Pour moi le déchaînement de la matière me fait penser à:
1. les explosions atomiques et nucléaires;
2. la décomposition du corps après la mort.
Et le déchaînement de l'esprit me fait penser, bien sûr, à la folie (l'analogie* corps-esprit suggère donc qu'il y ait une folie douce et une folie dure. Mais je ne suis pas psychanaliste).
Si, comme le répète Thom avec insistance, c'est l'opposition discret-continu qui domine la pensée alors on doit voir le déchaînement de l'esprit comme une déconnexion du discret et du continu.
Dans le microcosme mathématique, c'est la déconnexion** entre l'arithmétique (plus généralement l'algèbre) et la géométrie.
Nous vivons à l'ère du numérique. Mais il s'agit de nombres profanes, codés en binaire par des suites de 0 et de 1, sans aucune référence à la géométrie. Les nombres tels que les concevaient les pythagoriciens ont été désacralisés, profanés, banalisés. Dans l'enseignement secondaire la géométrie "à l'ancienne" a pratiquement disparu et fait seulement une toute petite place à une géométrie sous contrôle de l'algèbre (cf. les preuves du théorème de Pythagore enseignées au Lycée).
Dans "La rationalité en science" j'ai signalé que Gödel n'était pas géomètre. Plus généralement la rationalité "moderne" (je me restreins au cadre mathématique) qui s'est développée à partir de Boole (Frege, Russel, Gödel) ainsi que le cadre mathématique ensembliste qui va avec (Cantor, etc.) ignore complètement la géométrie. Il s'agit là plus que d'un déchaînement de l'esprit (dans ma jeunesse arithmétique et géométrie étaient enseignées déconnectées l'une de l'autre) mais carrément de son hémiplégisme! J'ai parlé plus haut de folie douce et de folie dure. Je crois que l'on peut parler ici de folie pure (cf***. "Les mathématiques modernes: une erreur pédagogique et philosophique?" (AL) où Thom rappelle que l'article s'est retrouvé sur le bureau du président Pompidou, ex-employé Rothschild…).
J'aime bien cette méthodologie (que j'ai découverte dans mon précédent commentaire) microcosme/macrocosme car on voit dans les microcosmes les problèmes avec plus de netteté que dans le macrocosme.
* Thom: "Ils [ses modèles théoriques généraux] offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique."
** Thom: "C'est la géométrie qui limite le décollage sémantique de l'algèbre". Selon moi les pythagoriciens appliquaient ce précepte et étaient fascinés par les rapports entre certains nombres entiers et certaines figures, allant jusqu'à donner à certains de ces rapports un caractère sacré (typiquement la tétraktys).
*** " "Dieu créa les nombres entiers, et le reste est l'oeuvre de l'homme". Cette maxime de l'algébriste Kronecker témoigne plus de son passé de banquier enrichi que de sa clairvoyance philosophique". Quant à moi, je vois de plus en plus clairement où cela nous a menés: l'actuel représentant du Dieu de Kronecker sur notre terre est une femme: elle se prénomme Janet.
jc
29/07/2017
(Bel enchaînement avec le commentaire précédent, n'est-ce pas?)
Il y a une inversion dans la stratégie de "nos" élites. Dans les temps anciens on enfermait en prison les esprits récalcitrants. Grâce aux nouvelles techniques de communication les élites actuelles tentent d'enfermer les esprits (plus rentable sans doute…). Mais les prisons continuent de se remplir. Et beaucoup des récalcitrants à cette nouvelle stratégie sont enfermés dans d'autres prisons: les hôpitaux psychiatriques.
Le crabe besogne.
jc
29/07/2017
A la suite de mes longues lectures de l'oeuvre de Thom et de leur quasi-permanente rumination, je commence lentement à me convaincre qu'il faut tenter d'apprendre à penser embryologiquement: la bonne idée, l'idée originale et féconde, doit se développer comme se développe l'oeuf originel qui se différencie en trois feuillets endoderme-mésoderme-ectoderme que Thom compare aux trois feuillets Sujet-Verbe-Objet qui déploient le Verbe, le Logos, originel. Plus facile à dire qu'à faire!
Mais il est peut-être temps (l'orage monte) de commencer à fédérer des bonnes volontés autour de ce projet. Car je n'en vois pas d'autre pointer à l'horizon. Dans la différenciation du Verbe initial en trois feuillets, le Verbe reste identique à lui-même en persévérant dans son Être; au cours du développement la lignée du Verbe est la lignée germinale.
"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." (Fin de ES)
jc
29/07/2017
Le Verbe de départ est le théorème de Pythagore, le Logos L0. Il a été énoncé la première fois par X à la date x, disons Pythagore, puis démontré la première fois par Y, disons Euclide, à la date y. En termes religieux, entre les dates x et y, il fallait croire à la parole divine, en l'occurence au logos L0, jusqu'à ce que la démonstration de Y nous révèle L0, c-a-d nous révèle une facette du "Dieu le Géomètre".
Il y a plusieurs démonstrations de L0, d'inégale beauté (cf. la toile): unité du logos, multiplicité de ses réalisations. Mais l'une d'entre elle a surpassé toutes les autres par sa simplicité et a fini par s'imposer… ; et il a fallu environ 2500 ans aux mathématiciens pour qu'ils arrivent à dégager le concept d'espace euclidien et de produit scalaire, et pour s'apercevoir que derrière le logos L0 se cachaient bien d'autres logos: Dieu avait de multiples facettes! Alors on eut l'idée de formuler L1…
Dans sa métaphysique Aristote prend cet exemple du théorème mathématique et de sa démonstration pour illustrer ce qu'il entend par puissance et acte: le théorème énoncé est en puissance, le théorème démontré est en acte. Les matheux parlent de problème ouvert* pour un théorème conjecturé et parlent parfois de théorème fermé* lorsqu'il a été démontré.
L'exemple choisi par Aristote est celui de la conjecture selon laquelle la somme des angles d'un triangle est égale à l'angle plat (pi). Sans conteste la plus simple est celle, proposée par Aristote, qui consiste à tracer la parallèle à la base passant par le sommet et lève aussitôt le voile: une preuve est une apocalypse, et le mathématicien entrevoit "Dieu le Géomètre" à ce fugitif moment…
*: Thom a, le premier(?), débusqué un Aristote mathématicien sous la forme d'un topologue (donc environ 2500 ans avant l'apparition de la topologie moderne ( http://www.tribunes.com/tribune/alliage/43/thom_43.htm ).
jc
29/07/2017
La donne "embryologique" qui s'ébauche implique, selon moi, un retour impérieux à un pouvoir imaginaire et non plus réel. (Cf. "Révolutions: catastrophes sociales?"(AL)
"L'homme sans qualité" (Musil), "L'homme sans gravité" (Melman), "L'homme dévasté" (Mattéi) ...
Dans "L'homme sans gravité" le lacanien Melman écrit p.78: "La barbarie consiste en un pouvoir non plus symbolique mais réel". Et poursuit: "A partir du moment où le pouvoir qui est établi s'appuie sur -a pour référence- sa propre force, et ne cherche qu'à défendre et à protéger son existence en tant que pouvoir, eh bien, nous sommes dans la barbarie. Est-ce que vous connaissez une seule des grandes manifestations récentes d'exercice du pouvoir dans notre monde qui ne soit pas une manifestation de la barbarie?
Pour briser ses chaînes de la tyrannie globaliste déguisée en démocratie que nous subissons actuellement avec une accélération de plus en plus vertigineuse, je relance l'idée que j'avais proposée lors de la récente élection présidentielle (cf. mes commentaires) avec une jonction des "forces populaires obtenues en fermant symboliquement l'hémicycle en cycle, la véritable extrême droite (la droite extrêmement pauvre) faisant sa jonction avec la véritable extrême gauche (la gauche extrêmement pauvre), des leaders du secours de droite (catho, etc.) faisant leur liaison symbolique avec ceux du secours de gauche (populaire, etc.).
Bien entendu nombreux vont se dresser contre ce retour au religieux imaginaire et à son bras armé sur terre comme au temps du pacte religion/royauté. Mais ce qui, à mon sens, s'esquisse, ce n'est pas ça. C'est un pacte Idées platoniciennes/mathématiciens. Il y a des éléments de réponse dans l'oeuvre de Thom. Peut-être y en a-t-il aussi dans le pavé (1000 pages) du mathématicien Alexandre Grothendieck au titre évocateur: "Récoltes et semailles" qui est au-dessus de mon niveau?
jc
29/07/2017
Si l'évolution de notre société humaine se fait dans le sens "embryologique" que je développe depuis quelques commentaires, alors la sélection naturelle se fera naturellement(!): l'élite, les alpha du meilleur des mondes de Huxley, sera formée des gens (pas nécessairement mathématiciens) qui seront capables de faire progresser la connaissance dans la direction embryologique indiquée par René Thom (alpha d'honneur!), donc dans la compréhension du problème posé par Socrate, à savoir celle de sa propre co-naissance. Il s'agira d'une aristocratie d'un nouveau genre qui, si elle s'instaure, fera sans doute classer l'époque finissante actuelle comme celle des "régisseurs crétins".
Dans l'introduction de SSM Thom écrit: "J'ai pour excuse ma confiance illimitée quant aux capacités du cerveau humain."
Et juste avant la conclusion: "En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur - et la structure même de l'esprit, l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution; C'est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleurs chances de survie pour l'humanité."
Selon moi nous n'avons pas d'autre choix que d'y croire.
jc
29/07/2017
Je remarque que l'orientation embryologique proposée par Thom est dans le droit fil de l'ésotérisme, doctrine des choses intérieures.
Le premier des problèmes ésotériques étant bien évidemment le "Connais-toi toi-même" de Socrate, la résolution de ce problème revient naturellement aux mathématiciens puisque la tradition elle-même a nommé ainsi les ésotériques.
Thom indique discrètement mais fermement le caractère ésotérique de son oeuvre. Ainsi "ésotérique" ou "ésotérisme" figure trois fois en vingt lignes sur la quatrième de couverture de MMM. Et l'envoi de Apologie du logos commence par un long épigraphe extrait de "Des rayons, ou théorie des arts magiques" de Al Kindi.
Contrairement à de nombreuses écoles ésotériques Thom n'a pas cherché à faire école et il n'a jamais eu d'élève au sens universitaire de la chose. Il a opté pour une vulgarisation maximum de ses idées (deux petits livres "de poche" sous formes d'entretiens, de lecture apparemment facile (apparemment seulement!) contrairement aux écoles ésotériques classiques qui semblent (wiki…) plutôt rechercher l'ombre et le mystère. Sans doute savait-il qu'une sélection naturelle opérerait?
jc
30/07/2017
Je vois l'idéal de puissance idéalement(!) qualifié par "artificiel". En effet le rapprochement de "puissance" et "artificiel" me fait penser à feu d'artifice, à explosion atomique, et à "artificier", celui qui déclenche le feu d'artifice. Par opposition il apparaît alors tout naturel de qualifier l'idéal de perfection par "naturel".
Fidèle à ma nouvelle ligne de me concentrer sur le microcosme mathématique, se pose alors le problème de savoir s'il y a des mathématiques naturelles et des mathématiques artificielles. Thom aborde cette question dans l'article "La mathématique essentielle"(AL) ou il distingue mathématique de la maîtrise et mathématique de l'intelligibilité. Il saute aux yeux du mathématicien que je suis (troisième couteau, émoussé) que les mathématiques de l'intelligibilité renvoient aux (sont les?) mathématiques naturelles alors que celles de la maîtrise renvoient à (sont?) des mathématiques démiurgiques , -peut-être même sataniques par l'usage qui est fait de l'infini (axiome de récurrence -échelle de Jacob-, calcul infinitésimal -cf. ce qu'en a dit à l'époque l'évêque Berkeley).
Les mathématiques se sont considérablement développées à la suite des "Principes mathématiques de la philosophie naturelle" de Newton, en particulier dans les domaines de la balistique (sous l'impulsion des lobbies militaires de l'époque?) et de la mécanique des milieux continus (sous l'impulsion des lobbies industriels?): ce sont, il me semble, assez précisément celles que Thom qualifie de mathématiques de la maîtrise. Selon moi (au flair parce que je ne suis pas au niveau) je vois Cédric Villani, soutien inconditionnel du dorénavant président Macron, comme un typique mathématicien de la maîtrise.
Thom propose un autre genre de mathématiques (il termine son article par un désabusé: "Bien entendu, l'ère des ordinateurs ne fera que renforcer la tendance vers les techniques de maîtrise, qu'on appliquera de plus en plus dans des situations où, a priori, elles n'ont aucune raison de pouvoir s'appliquer").
Il serait déplacé d'évoquer ici cet autre genre (cf. l'article précité, déroutant, car de prime abord très élémentaire, presque banal). Mais ce que Thom a très clairement en vue avec ces mathématiques de l'intelligibilité, c'est l'intelligibilité de la nature:
"On sait que vers l'âge de dix-huit mois, le nouveau-né commence son babillage; il prend conscience de ses possibilités articulatoires, et -disent les spécialistes- forme à cette époque les phonèmes de toutes les langues du monde. Les parents lui répondent dans leur propre langue, et, peu de temps après, le bébé n'émet plus que les phonèmes de cette langue, dont quelques mois plus tard, il maîtrisera le vocabulaire et la syntaxe. Je verrais volontiers dans le mathématicien ce perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront plus tard à ouvrir le dialogue avec elle, et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo. Et où, me direz-vous, le mathématicien pourrait-il entendre la réponse de la nature? La voix de la réalité est dans le sens du symbole."
("De l'icône au symbole", MMM).
Ce sont ces mathématiciens que j'entrevois comme futurs "alpha", comme aristocrates de la civilisation à venir.
Rq1: Thom se revendique philosophe de la nature. La citation suivante revient souvent dans son oeuvre: "Il faut être philosophe en science et scientifique en philosophie". Je crois que cette position a plutôt eu comme résultat de l'isoler au milieu du gué. Pour l'instant?
Rq2: Je me demande si ce clivage maths de la maîtrise/maths de l'intelligibilité, et donc artificiel/naturel ne se retrouve pas au sein de l'écologie française: http://www.linfo.re/france/politique/un-seau-d-epluchures-pour-nicolas-hulot
Quoiqu'il en soit je n'ai jamais entendu d'écologistes prononcer le nom de Thom. Or je suis convaincu que celui-ci devrait être le "panache blanc" mondial auquel ils (ainsi que beaucoup d'autres) devraient constamment se référer. Pour moi Thom est le "panache blanc" de l'antiSystème.
*: "En plaquant ainsi sur le monde l'infini mathématique, l'homme ne fait-il pas preuve de la même présomption inconsciente que le magicien primitif qui commandait aux Dieux…?"
jc
30/07/2017
Par là Philippe Grasset veut signifier, j'en suis profondément convaincu, qu'il est absolument nécessaire de crever le plafond de la prison dans laquelle la pensée moderne, pensée trop mécanique, insuffisamment humaine, s'est enfermée.
Le lacanien Charles Melman fait, selon moi, le bon diagnostic dans "L'homme sans gravité"(2003) qui est un dialogue avec Jean-Pierre Lebrun:
ChM: "La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel. (...)"
JPL: "Vous avancez que de nous être aperçus que le ciel n'était pas habité a représenté un progrès. Et maintenant vous déclarez, ce que pourrait confirmer une évidente résistance du fait religieux, que certains ont besoin de la religion, ou ne peuvent reconnaître leur dette que grâce à la religion. La question se pose de savoir si collectivement ce progrès est assumable. Est-ce qu'il est effectivement possible, pour beaucoup, de continuer à respecter cette dette qui permet la subjectivisation, les conséquences de ce rapport à l'Autre [le grand "autre" lacanien], sans croire à un ciel habité?"
ChM: "Je ne saurais répondre à la question".
Le silence pour toute réponse. Fermez le ban.
Le diagnostic est, à mes yeux, bien posé. Le problème également. Reste à le résoudre sans revenir au statu quo ante religieux. Thom indique un chemin selon lui réaliste qui présente l'immense avantage d'éviter l'écueil religieux: "Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde", écrit-il en dernière phrase de la conclusion de ES.
Je me suis efforcé de suggérer que le Dieu de la civilisation à venir pourrait être un Dieu Mathématicien, un Dieu à la fois Arithméticien et Géomètre, un "bon" Dieu à bien choisir parmi les nombreux Dieux mathématiciens, certains sataniques*.
*: https://fr.wikipedia.org/wiki/Satan
jc
30/07/2017
(Fausse manip dans mon précédent "La puissance du symbole")
Dans le combat logocratique, c'est-à-dire, selon moi, dans le débat* démocratique des idées, dans le combat d'idées, les symboles ont une importance capitale et doivent être comparés aux drapeaux disposés sur les positions stratégiques dans le combat réel ou aux étendards et autres panaches qui signalaient la présence du chef dans les guerres de mouvement.
Il faut donc tenter de trouver la symbolique la mieux adaptée aux idées que l'on veut défendre, montrer à l'ennemi -le Système- que l'anti-Système est installé sur de solides positions stratégiques. Compte tenu de l'ensemble de mes commentaires depuis un certain temps déjà je (re)propose la symbolique embryologique suivante: unité-harmonie-diversité, fleur avec deux pétales entourant et protégeant le logos de la fleur, son bourgeon, animaux parents entourant et protégeant leur rejeton, etc., c'est-à-dire tout ce qui symbolise la différenciation cellulaire, symbolisant l'unité et la beauté de l'idée originelle et la beauté et la diversité des réalisations qu'elle féconde.
(Pour la France fleur de lys avec abeilles, coq, poule et poussin. Pour Paris le roseau (de Pascal) pur accompagner le "Fluctuat")
Je verrais bien un escalier en double hélice, genre Chambord, au centre de l'esplanade de la Grande Bibliothèque, plus haut que les deux "livres ouverts" actuels: la Nature dominant la culture, l'Homme dominant le robot…
L'orage monte vite…
*: Pour Thom en effet: "Il faut regarder le concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis"
jc
02/08/2017
L'ontologie est la science de l'être en tant qu'être. ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Ontologie_%28philosophie%29 )
"Tout être tend à persévérer dans son être" écrit Spinoza. En termes thomiens cela devient: tout être est structurellement stable. Les catastrophes élémentaires étant les plus simples parmi les systèmes dynamiques structurellement stables, il est ainsi naturel de les considérer comme des êtres. Ces êtres ont chacun un état de repos et un ou plusieurs états excités. Quels sont ces êtres?
Voici une lecture libre de la façon dont Thom classe les cinq plus simples (pour les trois ombilics c'est plus compliqué):
0: l'être "un" a pour unique état le repos;
1: l'être "pli" peut apparaître s'il est caché et disparaître s'il est apparent;
2: l'être "fronce" est "un" au repos; il peut se dédoubler lorsqu'il est excité;
3: l'être "queue d'aronde" est "pli" au repos; il peut se dédoubler lorsqu'il est excité;
4: l'être "papillon" est "un" au repos; il peut se dédoubler et même se détripler lorsqu'il est excité.
Wikipédia (Raison): "Le discours philosophique a besoin de cohérence. Une expression de ce besoin est le principe d'identité qui énonce que ce qui est, est soi-même". On voit donc que le principe d'identité de la rationalité occidentale ne vaut guère ici que pour l'être parménidien "un".
Un incontournable du développement du psychisme de l'enfant est le jeu "Coucou" ... Et me revoilà", que toutes les mères pratiquent naturellement avec leur bébé. A partir de cette situation "réelle" voici ci-après une incursion minimale en mathématiques pour esquisser ce que je considère être la rationalité embryologique thomienne.
A l'être "un" Thom associe la fonction (dite potentielle) V(x)=x². Son graphe est une parabole. Dans la théorie thomienne du déploiement universel (au-dessus de mon niveau mathématique), cette fonction, singulière à l'origine (parce que sa dérivée s'annule en x=0), est son propre déploiement universel. Perso je me représente cet être par une petite bille dans le fond (c'est à dire au point x=0, y=0) de la cuvette en forme de parabole.
A l'être "pli" Thom associe la fonction V(x)=x³ dont le déploiement universel est W(x)=x³+ux qui dépend du paramètre réel u. En étudiant les variations de cette fonction (niveau Lycée) on voit que V ne présente pas de cuvette lorsque u est positif mais en présente une lorsque u est négatif: l'être "pli" apparaît dans le monde réel lorsque u est négatif, disparaît du monde réel lorsque u est positif (et réside dans un monde purement imaginaire, exactement comme les racines de l'équation 3x²+u=0 qui sont dans ce cas purement imaginaires): la valeur de u (positive ou négative) permet donc de discriminer le "mode d'être" du "pli" (le discriminant mathématique de l'équation 3x²=u=0 est -3u).
A l'être "fronce" est associé le potentiel singulier V(x)=x⁴ (dont le graphe a une allure de cuvette parabolique, mais avec un fond plus plat et des bords plus pentus) dont le déploiement universel est W(x)=x⁴+ux²+vx qui dépend des deux paramètres réels u et v. Selon le signe du discriminant mathématique de l'équation W'(x)=0, le graphe de W présente soit deux cuvettes, soit une seule. Dans le cas où il y a deux cuvettes, l'être "fronce" se dédouble et rentre en conflit avec lui-même: Docteur Jekyll et Mister Hyde. La fronce est pour Thom à la base de l'embryologie animale: "Le prédateur affamé est sa propre proie".
A l'être "queue d'aronde" est associé le potentiel V(x)=x⁵ dont le déploiement W dépend de trois paramètres. Le discriminant se complique. C'est le jeu "Coucou ... Et me revoilà" que les parents pratiquement naturellement: la mère disparaît et ... c'est le père qui réapparaît. L'enfant découvre ainsi qu'il a un père et une mère, et que, pour lui, ils ne font qu'un.
A l'être "papillon" est associé le potentiel V(x)=x⁶ dont le déploiement W dépend de quatre paramètres. Selon les valeurs des paramètres (discriminées par le discriminant mathématique qui commence à être une variété -c'est le terme mathématique- très compliquée) il y a une, deux ou trois cuvettes. Pour comprendre le "papillon" il faut voir en 4D, ce qui n'est pas mon cas, mais est celui de Thom ( http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html ) -c'est ainsi, c'est la sélection naturelle! Il y a dans l'être "papillon" un conflit entre trois actants et l'un des actants réalise une "poche de compromis" (cette terminologie est thomienne) entre les deux autres. Thom cite la maison comme poche de compromis entre la terre et l'air. Mais j'espère ne pas dénaturer la pensée thomienne en disant que l'enfant est une poche de compromis entre son père et sa mère, que le verbe d'une phrase transitive est une poche de compromis entre le sujet et l'objet de cette phrase, que le mésoderme est une poche de compromis entre l'endoderme et l'exoderme, que le centre est une poche de compromis entre l'individualisme et le collectivisme, etc., et que tout ça est lié à la catastrophe "papillon".
Je suis quasiment certain d'avoir lu chez Thom que les trois catastrophes "ombilic" sont liées à la sexualité. Aussi je voudrais à ce propos terminer par une remarque "troublante" qui m'est venue à l'esprit pas plus tard qu'hier.
En couplant deux potentiels "fronce" V(x) et V(y), indépendants en ce sens que les variables x et y sont considérées comme indépendantes, on obtient le potentiel V(x,y)=x⁴+y⁴, appelé naturellement "double fronce" ("double cusp" en anglais) dont le déploiement universel dépend de sept paramètres réels, dont la variété discriminant est d'une très grande complexité. Le graphe de ce potentiel a la forme d'un paraboloïde de révolution, mais avec un fond plus plat et à bord plus pentu, "en coupe de champagne". Cette forme est celle d'un calice*'** en liturgie catholique.
Dans son texte PhG oppose raison humaine et raison divine…
* C'est le rapprochement avec le calice qui est la remarque "troublante".
** Wikipédia (calice):
"Le calice, en botanique, est le premier verticille floral constitué par l’ensemble des sépales.
Le calice, en liturgie, est un vase sacré présentant la forme d'une coupe évasée portée sur un pied élevé et employé dans la célébration eucharistique pour la consécration du vin."
jc
02/08/2017
Dans mon commentaire "Modélisation" j'écrivais:
"En modélisation il est crucial de savoir où est le modèle: dans l'esprit ou dans la chose? Je ne serai pas étonné de voir que certains choix technologiques qui se sont révélés désastreux résultent de modèles pris dans l'esprit plutôt que dans la chose. La position de Thom est très claire à ce sujet: il se pose en philosophe de la nature qui se souvient du précepte d'Aristote: "Abstraire n'est pas mentir".
On a donc fondamentalement deux choix possibles en modélisation: le choix aristotélicien qui consiste à prendre pour modèle le monde sensible, la "nature", et le choix platonicien qui consiste à partir du monde réel*, celui des Idées.
Si l'on veut se cantonner "scientifiquement" au monde sensible, alors on est contraint de se limiter à l'empirisme, au pragmatisme et au positivisme. Sortir de cette prison en plaquant un monde d'Idées a priori est une entreprise dogmatique qui a toutes les raisons d'échouer (ce qui est en train d'arriver à notre contre-civilisation). La bonne méthode consiste, j'en suis convaincu, à tenter d'abstraire sans mentir (ce qu'Aristote demande aux mathématiciens), c'est-à-dire à abstraire dans l'esprit de la chose. Ce que Thom a réussi à faire -j'en suis convaincu- en ouvrant la porte des véritables Idées platoniciennes (que Newton a à peine -peut-être même pas du tout- effleurées).
* réel pour Platon!
jc
02/08/2017
Question: Comment apprendre à abstraire sans mentir, à passer de la chose à l'esprit de la chose (et non directement à l'esprit sans la chose comme c'est, hélas, souvent le cas)?
Réponse: En commençant le plutôt possible.
Dès qu'un très jeune enfant arrive à reconnaître un objet en le touchant sans le mettre en bouche, il fait preuve d'abstraction puisqu'il élimine le goût dans la palette des sens à sa disposition. Lorsqu'il aura éliminé progressivement les cinq sens, il aura abstrait cet objet, c'est-à-dire qu'il aura structuré sa pensée en le conceptualisant. De même, plus tard, il pourra apprendre à compter d'abord avec ses sens, puis à les supprimer un à un, d'abord sans toucher les objets à compter, puis tout bas, enfin les yeux fermés, etc. Ou encore apprendre à conceptualiser des actions élémentaires (Thom a listé une quinzaine de situations archétypes) en supprimant progressivement l'usage des sens, à l'aide de mots-clé avec lesquels on ne peut tricher sans aussitôt tomber dans l'inintelligible, avec des mots-clé dont nous ne sommes pas maîtres*.
Thom:
1. "L'homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son existence à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire; aussi va-t-il penser, c'est-à-dire saisir des êtres intermédiaires** entre les formes extérieures et les formes génétiques: les concepts."
2. "La pensée conceptuelle est une embryologie permanente."
* Steiner ("Les logocrates): "Nous ne sommes pas maîtres de la maison du langage."
** Peut-être la forme "biberon" est-elle l'une des premières à être conceptualisée par le nourrisson, intermédiaire entre le biberon réel et la forme génétique qu'est la forme du sein maternel?
jc
03/08/2017
Thom: "La pensée conceptuelle est une embryologie permanente"
Ce qui suit est une lecture libre (j'espère pas trop délirante) de l'oeuvre de Thom d'où je tire une esquisse d'une (hypothétique!) théorie de l'évolution qui n'a rien à voir avec la théorie officielle. Avec en conclusion un retour à la crise de la raison humaine.
Notre être est le plus possible au repos (principe de moindre action); il ne s'excite que lorsqu'il est en état de privation, plus généralement lorsqu'il a un souci. Faim, peur, sexe sont les trois (uniques?) soucis des animaux. Soucis que nous partageons avec eux, auxquels nous en avons rajouté bien d'autres. Pour Thom un être vivant s'excite comme indiqué dans mon commentaire "Rationalité embryologique". Et l'excitation normale d'un être vivant éveillé est la "fronce", qui lui permet d'être en état de prédation virtuelle permanente sur son environnement. Dans ES (pp. 72 à 74) Thom montre comment l'excitation de la "fronce" en "papillon", excitation affective provoquée par la faim, permet au singe de découvrir l'utilisation du bâton pour gauler les bananes.
Certains animaux sauvages sont incapables de penser à utiliser des outils ou incapables de s'aménager un habitat, et ont sans doute pour cette raison leur être limité à la "fronce". D'autres, comme le singe ou certains oiseaux, sont capables de réaliser des poches de compromis (le bâton pour le singe, le nid pour l'oiseau, etc.), leur être accédant ainsi au "papillon" mais pas au-delà.
Peut-être l'homme a-t-il vu son être boosté par rapport à celui de ses ancêtres? Jusqu'à la "double fronce"?
Pour en revenir à la crise de la raison humaine, la raison étant devenue une raison-subvertie et l'affectivité étant devenue affectivisme, ce qui précède explique peut-être pourquoi l'élite-Système nous fait actuellement de la bouillie pour chats.
jc
03/08/2017
Notre être est paresseux (principe de moindre action). Il est le plus souvent possible au repos, au point mort. Dès que nous sommes éveillés, il "passe la première" en se mettant en position "fronce", notre être étant alors en perpétuel état de prédation virtuelle (et réelle au moins à chaque repas!). Comment exciter notre être pour "passer la seconde", pour se mettre en position "papillon", puis la "troisième", etc.?
Je ne vois guère qu'une réponse acceptable: la maniaco-dépression qui est à la pensée ce que l'inspiration-expiration est aux poumons ou la systole-diastole est au coeur (tous trois modélisés par le cycle de prédation - ou, si l'on préfère, le cycle de Carnot en thermodynamique- associé à la catastrophe "fronce").
http://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-maniaco-depression-du-monde
"Nous introduisons une dimension personnelle qui n’est nullement anecdotique mais qui, au contraire, prétend rapprocher de ce que nous nommons “l’intuition haute”, c’est-à-dire l’intuition comme inspiratrice de la pensée, comme maîtresse de la raison elle-même en la protégeant de son travers infâme, de l’hybris."
jc
03/08/2017
Selon la théorie thomienne des catastrophes, tout conflit entre deux actants tend à se réguler cycliquement indépendamment du substrat, donc de la discipline considérée:
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés."
La question la plus urgente à résoudre est celle de l'évolution (dramatique!) du Système. Faire le diagnostic et poser le problème sont les préalables incontournables. La théorie de Thom est utile car elle permet de faire des analogies avec des questions similaires pour lesquelles le diagnostic a été fait, le problème posé et résolu, analogies qui peuvent alors donner des idées pour résoudre le problème initial.
Le cas de la thermodynamique (cycle de Carnot, machine à vapeur) est certainement l'un des (sinon le) mieux connu. Et le simple fait de formuler un problème en langage thermodynamique ouvre déjà des horizons. Essayons.
Dans la société actuelle il y a des riches (de moins en moins nombreux mais de plus en plus riches) et une classe moyenne-pauvre. Et les riches pompent actuellement la richesse de la classe moyenne (la pratique du ruissellement inversée par rapport à la théorie!). En terme de thermodynamique la classe riche est la source froide et la classe moyenne la source chaude et la machine de Carnot tourne tant que la classe moyenne a de l'argent. Au dessous d'un certain seuil la situation s'inversera: les pauvres deviendront la nouvelle source froide et les riches la nouvelle source chaude à laquelle la nouvelle source froide fera les poches. Et ainsi de suite. L'analogie avec la machine à vapeur peut donner des idées pour mettre fin à cette alternance très fréquemment ponctuée par une révolution.
Dans toute société il y a opposition entre les individualistes (libéraux, ultra-libéraux) et les collectivistes. Actuellement la source froide est constituée des individualistes qui pompent la source chaude qu'est l'Etat (qui représente la collectivité) en privatisant à tour de bras. Au-dessous d'un certain seuil la situation va s'inverser: les collectivistes vont devenir la nouvelle source froide et les individualistes la nouvelle source chaude. Là aussi la machine à vapeur peut donner des idées pour mettre fin à cette alternance infernale souvent également ponctuée par une révolution.
jc
04/08/2017
Rantanplan en psychanalyse.
Thom: "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".
Il y a quelques années déjà j'ai fait ce genre d'escapade sur le blog de Paul Jorion (je ne retrouve plus où) à propos da ouble fronce, qui me fascine*: ça me reprend avec le rapprochement que je viens de faire tout récemment entre la catastrophe "double fronce" (non élémentaire) et le calice de la liturgie catholique…
Génèse.
(Dieu, parfait, est symbolisé par la croix "x")
Le premier jour Dieu créa la Femme, parfaite, en se dédoublant: xx.
Le deuxième jour la Femme se dédoubla: xxxx. Mais en voulant "couper le cordon" elle cassa la branche "sud-est" de l'une des croix: xx xy, créant ainsi l'Homme. Alors Dieu ordonna: unissez-vous jusqu'à retrouver la perfection perdue.
Le troisième jour Dieu se reposa.
L'Homme et la Femme avaient des "potentiels de vie" identiques V(x)=x⁴ et V(y)=y⁴. En unissant leurs potentiels ainsi que Dieu leur a ordonné ils acquirent le potentiel V(x,y)=x⁴+y⁴ dont le déploiement universel W(x,y) est à sept paramètres, trois de plus que celui de la somme des déploiements de deux "potentiels de vie" initiaux: il y a, divin miracle, synergie. Double fronce, calice.
Wiki (Calice, version non censurée):
" - le calice, en botanique, est le premier verticille floral constitué par l’ensemble des sépales.
- le calice, en anatomie, est une partie du rein véhiculant l'urine.
- le calice, en liturgie, est un vase sacré présentant la forme d'une coupe évasée portée sur un pied élevé et employé dans la célébration eucharistique pour la consécration du vin."
Alors les phusiciens, c'est-à-dire les physiciens modernes, les chimistes, les biologistes, les humanistes (anthropologues, sociologues, psychanalystes, linguistes, ...) se réunirent pour fonder une nouvelle église: L'église de Scientologie. Pour marquer cette réunion de ces différentes disciplines ils firent un banquet où furent servis des rognons de veau à la crème présentés dans un grand calice, qu'ils arrosèrent d'un bon vin, qu'ils burent dans de petits calices. Et ils commencèrent à discuter de la façon d'organiser leur nouvelle église:
http://www.imagesetmots.fr/pages/litterature/chef.htm
Les mathématiciens ne participaient pas à la fête. Car la mathématique n'est pas une science, c'est un langage, le langage des dieux.
* Elle fascine également le mathématicien-philosophe Jean Petitot qui voit un rapport entre cette catastrophe "double cusp" et la formule canonique du mythe de Claude Lévi-Strauss:
http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1988_num_28_106_368968
http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1995_num_35_135_369946
jc
05/08/2017
Dans le modèle génétique (au sens de génèse) Dieu est hermaphrodite. Il y a donc le mystère de l'ébranlement initial, du déclenchement de l'oeuf "x".
Pour Aristote "x" est le premier moteur non mû, "x" est "automoteur", c'est-à-dire un automate. La théorie des automates cellulaires de Von Neumann a-t-elle à voir avec ça?
Voici ce qu'écrit Thom à ce propos de ce mystère de l'ébranlement initial:
""Il y a toujours une secousse qui s'est propagée, et cette secousse est de nature épigénétique, elle n'est pas de nature génétique. On ne peut pas dire que l'oeuf quiescent programme son propre développement, ce n'est pas vrai. Au fond c'est peut-être pour cela qu'il y a des mâles dans la nature en un certain sens: on ne peut pas croire que les mâles soient vraiment très utiles, mais en fait ils sont là pour donner la secousse; je sais bien qu'il y a des animaux qui sont parthénogénétiques; mais je ne sais pas très bien comment ça fonctionne, comment l'oeuf à un moment donné se déclenche. Je crois que cet aspect-là est assez fondamental. La causalité matérielle est génétique, la causalité efficiente est épigénétique. Si on n'a pas fait cette distinction, je crois qu'on ne comprend rien à la distinction génétique-épigénétique."
jc
05/08/2017
"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
jc
07/08/2017
(Fausse manip dans le précédent)
Pour moi l'alpha c'est "x" qui détient le "logos" génétique (c-a-d de la génèse), Idée platonicienne et immuable alors que l'oméga c'est le déploiement final de l'oeuf "x", c'est la "poule cosmique" adulte, pleinement différenciée.
Métaphoriquement, "x" est le théorème de Pythagore et la "poule cosmique" adulte est une (on en connaît plusieurs) démonstration de ce théorème: il y a donc plusieurs réalisations possibles de la "poule cosmique", vraisemblablement une infinité (cf. les multivers d'Everett).
Thom: "Il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne serait pas immortel"
Thom: "L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
"x" peut-il avoir pour logos la double fronce? Autrement dit la double fronce est-elle un point germinal alpha dont il est question ci-dessus? Pourquoi pas? Mais, à mon avis(!), la route sera encore longue, très longue (infiniment longue?) pour aboutir à un être pleinement différencié.
Si "x" avait été idéalement procaryote*, le problème aurait été tout de suite résolu puisqu'un oeuf idéalement procaryote est immortel (et se reproduit par simple division). Dans ce cas on a alpha=oméga.
Bon j'arrête; je commence à voir de la fumée qui sort du capot.
* Dans le monde réel, non idéal, je suppose que ces cellules finissent par mourir.
jc
07/08/2017
"En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur -ainsi que la structure même de l'esprit- l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution. c'est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité." (René Thom, Stabilité Structurelle et Morphogénèse, 2ème ed., pp.320 et 321)
Voilà. Il faut bien s'arrêter à un moment ou à un autre (mais peut-être pas maintenant…). J'ai tenté un bouquet final à la PhG (cf. la-conclusion-qui-est-bien-plus-qu'une-conclusion du tome II de "La Grâce de l'Histoire"*)
Comme écrit PhG dans cet article: "la sagesse, aujourd’hui, c’est l’audace de la pensée".
J'y suis peut-être allé un peu fort…
* A LIRE ABSOLUMENT
jc
07/08/2017
Thom:
"Je pense que la stabilité des organismes vivants est de nature cinétique. C'est la stabilité d'un tourbillon et non une structure statique."
"Car la vie, c'est bien connu, s'entre-dévore."
Valéry:
"Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l'étincelante queue".
Il y a en chacun de nous un docteur Jekyll et un mister Hyde: le docteur Jekyll perçoit le monde par ses sens réceptionnés dans son cerveau prédateur situé près de la bouche, et mister Hyde perçoit le monde par ses rêves réceptionnés dans son cerveau proie, situé, selon Thom, le long de la moëlle épinière. [Il peut y avoir fit entre ces deux interprétations ou misfit: les deux bouts du bâton s'emboîtent bien (sumbolè) ou mal (diabolè)]. D'où l'image d'un prédateur redoutable (un lion) qui court sur place en rond derrière sa proie, c'est-à-dire lui-même, avec la ferme intention de le dévorer. Comment peut-il échapper à la mort?
La solution est peut-être ici (16'): https://www.youtube.com/watch?v=-fOATGw3bMc
jc
07/08/2017
Peut-être le cerveau proie (cf. "Images de la vie") a-t-il cette faculté d'anticipation qui prévient l'individu en amont des "bon choix" à effectuer (le cerveau-proie ange gardien de ce balourd de cerveau-prédateur?). C'est ce que semble indiquer la citation qui suit, extraite de "La notion de programme en Biologie" (AL p. 159): "Chez les animaux supérieurs nous savons parfaitement qu'il y a un apprentissage par l'affectivité [ce "nous" exclut bien entendu les darwiniens orthodoxes!]: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. A la sélection par la mort a succédé la sélection par l'affectivité. l'affectivité peut donc être vue comme une rétro-action du flux final ramifié sur la dynamique de commande des pré-programmes."
D'où une image de la vie un peu différente de celle du commentaire précédent: le lion-prédateur poursuit le lion-proie dans un escalier en colimaçon transparent, le lion-proie (l'ange gardien du lion-prédateur) ayant exactement un tour d'avance -ce qui fait que vue de dessus, les deux lions coïncident exactement.
jc
08/08/2017
La nuit portant conseil, je trouve préférable de représenter la vie, non plus par un escalier en colimaçon, mais plutôt par un double escalier, à la Chambord (qui renvoie à la double hélice, au génome, à la génèse).
Je verrais bien Philippe Grasset et l'auteur de "FN au Kosovo" dialoguer en gravissant chacun son escalier, en costume d'époque bien entendu.
Nietzsche a posé son problème dans "La volonté de puissance": l'origine des valeurs est à la fois unitaire et scindée en deux pôles antagonistes: "la volonté de vie" et "la volonté du néant". Et c'est vraisemblablement l'antagonisme qui, chez FN, a pris le pas sur l'unitarisme, l'amenant à la schizophrénie. Pour ne pas tomber dans ce travers, pour que ce soit l'unitarisme qui prenne le pas sur l'antagonisme (tout en préservant le charme de l'antagonisme) il suffit de remplacer la volonté de puissance par la volonté de perfection, d'harmonie. Peut-être plus facile à dire qu'à faire pour qui n'a pas la chance de ne pas avoir de charme*...
*: https://fr.wikipedia.org/wiki/Quark_charm
jc
12/11/2018
PhG: "C’est pourquoi, effectivement, l’on en vient à évoquer la raison humaine, – non pas en tant que telle, certes, mais plutôt en fonction du rôle qui lui a été assigné, ou, peut-être, – c’est une question qui n’est pas inintéressante et qui reste en suspens, – en fonction du rôle que la raison humaine s’est elle-même assignée, comme on s’arroge de plein autorité un rôle dirigeant et une mission impérative."
"Comme on s’arroge de plein autorité un rôle dirigeant et une mission impérative".
Quel rôle la raison occidentale s'est-elle arrogé à partir de la fin du XVIIIème siècle? Kant donne une réponse au début de la préface de la deuxième édition de sa "Critique de la raison pure", une réponse stupéfiante qui donne, selon moi, vu l'influence de Kant sur la pensée occidentale, un éclairage précieux sur la crise de la raison humaine (occidentale au XVIIIème et globale au XXIème):
Kant: "La raison, tenant d’une main ses principes, qui seuls peuvent donner valeur de lois à des phénomènes concordants, et de l’autre l’expérimentation qu’elle a conçue d’après ceux-ci, doit s’approcher de la nature, certes pour être instruite par elle, mais non toutefois comme un élève, prêt à entendre tout ce que le maître veut, mais en la qualité d’un juge en exercice, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu’il leur soumet."
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/wp-content/uploads/ebooks/kant_preface_crp.pdf (haut de p.12)
Idéal de puissance des allemands, des anglo-saxons, de tous ceux (dont beaucoup de français bien sûr) qui sont convaincus par le discours kantien, c'est-à-dire par la domination de la raison humaine sur la nature, éclairant sinon expliquant l'ahurissant "lorsque nous agissons nous créons notre propre réalité" d'un conseiller de G.W. Bush (puisqu'inventer sa propre raison c'est en quelque sorte inventer aussi sa propre réalité), annonçant "notre" XXIème siècle et "notre" croyance en la possibilité d'une intelligence artificielle dominant l'intelligence naturelle. Kant a désacralisé la nature pour sacraliser ce qui la désacralise, à savoir la Raison (la déesse Raison chère aux Lumières).
Idéal de puissance des germains face à l'idéal de perfection des latins (selon Ferrero) et de l'ermite de Fléron. Et face à Thom. Car Thom s'insurge contre la logique aristotélicienne et la raison kantienne -contre la façon occidentale de raisonner donc- dès le premier paragraphe introductif du chapitre I de ES ("Le problème de l'a priori") et propose une autre voie:
"On ne cherchera pas à fonder la Géométrie dans la Logique, mais bien au contraire on regardera la logique comme une activité dérivée (et somme toute bien secondaire dans l'histoire de l'esprit humain), une rhétorique. Ici on ne cherchera pas à convaincre, mais à susciter des représentations, à étendre l'intelligibilité du monde." (p.16)
(Thom: " Ici on ne cherchera pas à convaincre, mais à susciter des représentations, à étendre l'intelligibilité du monde."
PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée.")
Thom: "Il me semble qu'il y a au coeur de l'aristotélisme un conflit latent (et permanent) entre un Aristote logicien, rhéteur (voire même sophiste, quand il critique Platon et les Anciens) et un Aristote intuitif, phénoménologue, et topologue quasiment malgré lui. (...) Il a espéré¹ faire la jonction à l'aide du concept de séparation, fondamental dans sa Métaphysique."
————————————————-
Je voudrais maintenant dans ce qui suit tenter d'introduire la façon géométrique qu'a Thom -je crois!- de voir les choses à partir de l'exemple du plus simple des syllogismes. Je commence par rappeler que Thom est un penseur du continu, que pour lui le continu précède le discret, ontologiquement (et non seulement psychologiquement) et que sa théorie des catastrophes est une théorie de l'analogie.
Ceux qui ont reçu un formatage scientifique moderne, et en particulier un formatage mathématique, "géométrisent" le célèbre syllogisme "Tous les hommes…" par un diagramme de Venn, c'est-à-dire dessinent deux cercles topologiques, deux patates, l'une incluse dans l'autre, limitant chacune un enclos contenant l'un les mortels, l'autre les hommes, Socrate étant symbolisé par un point de l'enclos "hommes". Et s'arrêtent là.
Thom critique Aristote (cf. plus haut). Il critique a fortiori les logiciens modernes, mais sur un tout autre ton:
"L'homme du XXème siècle a découvert avec enthousiasme les syllogismes en Darapti et en Celarent, mais avec quelle dégradation! Quand Boole écrivit au XIXème siècle son célèbre traité sur l'algèbre qui porte son nom, il n'hésita pas à l'appeler "The Laws of the Thought". La croyance naïve que toute déduction trouvait son modèle dans une déduction ensembliste a été partagée par des philosophes modernes, comme les néo-positivistes. Aristote, pas plus que les scolastiques médiévaux, ne partageait pas cette illusion." (AL p.565)
La citation thomienne ci-dessus suggère que les visions aristotélicienne et médiévale de la Logique sont beaucoup plus profondes que la vision décrite plus haut dont semblent se satisfaire les logiciens modernes. Qu'est-ce qui cloche dans l'approche ensembliste des modernes, approche qui semble pourtant limpide?
Pour moi ce qui cloche c'est l'approche nominaliste de la question où l'Homme ne peut désigner rien d'autre que l'ensemble des hommes. C'est un Homme sans qualité, conceptualisé seulement en extension² mais pas en intension, indéfini au sens de non défini, illimité au sens de non limité. Or le fait de dessiner une patate symbolisant l'enclos signifie qu'on considère cet enclos comme existant en tant qu'enclos efficace, donc sans trou, donc continu³. Autrement dit la vision moderne du syllogisme est une vision entropique: "Socrate est mortel" renseigne moins que "Socrate est un homme", il y a dégradation de l'information; ça ou rien… On peut, je crois, faire mieux.
Etymologiquement l'intelligence est la faculté de voir des liens entre les choses, les concepts. Autrement dit, en ce sens étymologique, intelligence rime avec continuité: être intelligent c'est découvrir des liens, être plus intelligent que son voisin c'est découvrir plus de liens que lui. (On notera à ce propos que, pour moi, l'ordinateur a peu -aucune?- de chances d'être intelligent en ce sens parce qu'il ne peut avoir accès au continu, il est condamné au discret⁴.)
Par exemple pour montrer que la somme des angles d'un triangle est égale à l'angle plat, on peut se contenter de le vérifier expérimentalement (comme le font les physiciens et les astronomes pour vérifier la loi newtonienne d'attraction universelle). On peut aussi être intelligent en faisant apparaître une parallèle à l'un des côtés passant par le sommet opposé, parallèle qui fait immédiatement apparaître une monstration.
Pour revenir au syllogisme étudié plus haut je crois qu'on peut faire mieux en se représentant les deux patates comme deux disques, deux strates, sections d'un cône plein (cône qui me semble être l'ensemble fibro-stratifié le plus simple rendant géométriquement compte de la situation) les fibres étant les droites orientées issues du sommet du cône. Dans un langage chrétien(?), Dieu est au sommet du cône, son représentant parmi les hommes est à l'intersection de l'axe, de l'âme du cône, et de la strate "hommes", et de même pour les mortels. On fait mieux parce qu'on a un embryon de conceptualisation en intension, platonicienne, puisqu'on a une définition intensive de l'homme comme étant à l'image du Christ, homme-Idée désigné par Dieu (deixis) pour le représenter sur terre. On a de plus un vision aristocratique (sociétalement) ou embryologique (biologiquement), un individu d'une strate donnée (la strate "hommes" par exemple) étant d'autant plus aristocratique qu'il est proche de l'âme du cône, c'est-à-dire sociétalement du Christ dans la représentation choisie, et embryologiquement de la lignée germinale.
Je crois que ce qui précède illustre assez bien le thomien "Ici on ne cherchera pas à convaincre, mais à susciter des représentations, à étendre l'intelligibilité du monde." (Souvent l'intelligence, pour Thom, consiste à "monter en dimension" -ici de 2D à 3D).)
1: En langage thomien cela signifie, selon moi, qu'Aristote n'a pas réussi.
2: Le thatchérien "There is no such thing such as society" peut, je crois, se concevoir dans ce cadre nominaliste.
3: Lire ou relire "Eloge des frontières" de Régis Debray.
4: Je ne sais pas ce qu'il en est de l'aptitude de l'intelligence artificielle à résoudre des problèmes de géométrie.
jc
07/04/2020
Je poste ce commentaire sur "La crise de la raison humaine" car je pense que c'est sa place naturelle. Le titre vient du lien qui figure dans l'article du jour (07/04/2020) https://www.dedefensa.org/article/le-salaire-de-la-haine . J'y reproduis un commentaire (du même jour) sur le site tiersinclus.fr.
Les points forts de ce commentaire sont, selon moi:
- « C’est en effet une contrainte fondamentale de la pensée juste que d’éviter le mélange de champs sémantiques disjoints; ce mélange a un nom: le délire. » (Thom dont, à l'époque du début de la numérisation de la société -vers 1970-, l'article dont est extrait cette citation a atterri sur le bureau du grand-père spirituel de E. Macron, à savoir G. Pompidou, sans aucun effet évidemment).
- Surtout l'article Wikipédia "Clusivity" qui montre clairement que le nombre de langues qui distinguent le "ou" inclusif et le "ou" exclusif est impressionnant, et qui suggère fortement que les populations qui font cette distinction ont une autre vision (quantique et/ou psychique) du monde que la nôtre!
"En logique classique (pour les matheux…), c’est-à-dire booléenne, l’expression « Ce drapeau est bleu-nuit ou noir » ne choque pas parce que le bleu-nuit et le noir sont proches dans l’ensemble des impressions de couleur. Mais « Ce drapeau est noir ou blanc » choque parce que le noir et le blanc sont des extrêmes dans cet ensemble. Par contre il n’y a plus rien de choquant si on remplace le « ou » inclusif usuel par le « ou » exclusif, « ce drapeau est noir ou blanc » a un sens parfaitement clair avec ce « ou » exclusif puisque la phrase signifie alors exactement « ce drapeau est soit noir soit blanc ».
Passons maintenant au « et » classique. L’expression « Ce drapeau est noir et bleu-nuit » n’est pas choquante » mais « ce drapeau est noir et blanc » l’est en logique booléenne, mathématique, parce que le « et » y est exclusif, alors que la même expression est tout-à-fait acceptable en langage courant (en particulier pour les bretons et leur Gwenn ha du). Cela montre encore mieux que la bizarrerie de l’implication en logique booléenne signalée dans mes deux précédents commentaires est ici renforcée par la bizarrerie du « et » exclusif et conduit à répondre par la négative à la question de l’adéquation de la logique booléenne comme loi de pensée: « The laws of thought » de George Boole (1854) formalisent-elles correctement les lois de la pensée humaine? Et cela pose alors la question: y-a-t-il des lois formelles de la pensée plus en rapport avec la pensée humaine « naturelle »?
Il y a des entrées « ou exclusif » et « exclusive or » dans Wikipédia, mais rien sur « et inclusif » et « inclusive and ». Or il me semble naturel de penser que l’expression « Ce drapeau est noir et blanc » s’interprète de façon tout-à-fait correcte en logique lupascienne (et de même « ce drapeau est bleu et blanc et rouge »). Révolution dans la logique formelle (mathématique)?
René Thom (encore lui) a consacré une partie de son article « Les mathématiques modernes: une erreur pédagogique et philosophique? » (Apologie du logos), partie dans laquelle il traite des rapports du « ou » et du « et » formels et naturels (c’est-à-dire, pour lui, des rapports du logique et du morphologique). Il y écrit à propos de l’enseignement de la logique booléenne à l’école: « C’est en effet une contrainte fondamentale de la pensée juste que d’éviter le mélange de champs sémantiques disjoints; ce mélange a un nom: le délire. »
Le « et » inclusif et les algèbres de Lupasco connaîtront-ils le sort du « et » exclusif et des algèbres de Boole? Avant de tenter une réponse, la première chose à faire est de les étudier.
NB: Je suis tombé sur l’entrée wikipédiesque « Clusivity » https://en.wikipedia.org/wiki/Clusivity (je n’ai pas trouvé d’entrée en français) Un rapport avec la logique lupasciennne? "
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