alain pucciarelli
13/05/2020
Cher monsieur Grasset, nous assistons à une crise humaine, seulement humaine, à laquelle les dieux, dont j'ignore l'existence, ne sont donc à mes yeux en rien les responsables. Le Bien, le Mal, le Diable, pourquoi pas. Mais surtout, les hommes, leurs intérêts, leurs faiblesses. Et les conséquences d'un capitalisme débridé. Construction parfaitement humaine. La solution éventuelle à tout cela est politique, éminement politique. Et donc matérielle. Le "tourbillon crisique" est celui des folies et des passions humaines. Les hommes ont créé Dieu, le bien, le mal, mais en définitive ils sont tout cela. Ne croyons pas à l'effondrement du Système, mais à sa mue. J'ai la plus grande estime pour votre pensée rationnelle, moins pour vos fondamentaux idéologiques. Nous sommes dans la merde certes, mais une merde parfaitement humaine. Si Dieu existait, si le Diable existait, depuis le Moyen Age cela se saurait. Non. L'homme, seulement l'homme et ses intérêts. Ses défauts, ses qualités, et ses difficultés à vivre son destin mortel. L'accumulation sans fin de richesse est une psychopathie. Elle est le capitalisme qui a donné le pouvoir aux plus fous d'entre nous. Et traduit leur désir de dominer. Ces gens sont des fous de toute évidence. La hantise du moi surpuissant. Les rois naissaient pour régner, nos politique veulent régner sans excuse ou raison sinon leur ambition personnelle. Oui, une saloperie parfaitement humaine. Et des Ego en foule croupissant dans l'attente de l'"élection" électorale. Des fous donc. Et, humainement, des minables. Bien sûr. Cordialement.
Pierre
14/05/2020
Bonjour,
une autre analogie intéressante (grain de sable, épingle) est la surfusion, qui est l'état d’une matière (Système) qui demeure en phase liquide (normalité apparente) alors que sa température (vérité de situation) est plus basse que son point de solidification (d'implosion). Un tout petit choc (Covid) suffit alors à déclencher abruptement le changement vers la phase solide (l'effondrement).
Voici en image….
https://www.youtube.com/watch?v=qk6758_GANU
bien à vous
Pierre
jc
14/05/2020
PhG fait l'analogie entre l'impact du Covid19 sur notre contre-civilisation et l'impact d'un gros astéroïde au Mexique sur notre planète. (Son intuition semble donc être que l'effondrement du Système sera cataclysmique…)
Avec sa théorie des catastrophes Thom a proposé une théorie de l'analogie qui licite ma citation thomienne favorite: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés". PhG sera sans doute intéressé de savoir que pour Thom la forme des cratères, fonction de la taille des astéroïdes, sont des formes archétypes classifiées par sa théorie: minimum simple de potentiel V(x)=x² pour les impacts inférieurs à 10km, fronce pour les impacts entre 20 et 100km, papillon à partir de 140km, formes que l'on retrouve dans l'animation vidéo de https://fr.wikipedia.org/wiki/Crat%C3%A8re_de_Chicxulub .
Question (qui renvoie directement à la célèbre citation de Galilée: "Le livre de la nature est écrit en langage mathématique"). Faut-il considérer les formes archétypes données par la théorie des catastrophes élémentaires comme des formes suprahumaines¹?
Remarque. Cet exemple typiquement topocratique est donné à la page 201 de ES, dans le cadre de "Perspectives aristotéliciennes en théorie du langage": "Il existe un argument philosophique en faveur d'une certaine "réalité" des espaces de genre. (...) Si la réalité ultime est dans l'acte, si être, c'est agir ou pâtir, on comprendrait difficilement que la propre scène du théâtre où se déploie l'action soit un espace imaginaire." (Thom prolonge page 202 avec les genres bidimensionnels et les changements de phase évoqués dans le commentaire de Pierre -catastrophes généralisées pour Thom, peut-être plus adéquates pour modéliser un effondrement…-).
¹: Cf. l'article "L'art, lieu du conflit des formes et des forces", Apologie du logos, pp.131 à 138.
jc
04/02/2022
À la fin de "La crisologie de notre temps, le chapeau du site, on lit : "La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition.".
Dans l'introduction du présent article on lit :
1. "Il doit se comprendre ici que nous établissons un lien métahistorique entre l’“assassinat métahistorique de Souleiman”, le début de la crise-Covid19 et le passage à la décennie des néo-Roaring Twenties. Ce lien ne concerne pas la signification, le contenu opérationnel des événements, mais ce que nous considérerions comme l’“essence commune” d’événements nécessairement métahistoriques, qui sont justifiés d’une telle essence que l’on pourrait qualifier symboliquement, – ou plus encore ? – de “quasi-divine” par la période qu’ils ouvrent et illustrent puissamment, et par les effets qu’ils engendrent…" , suivi de :
2. "Ce qui va se passer” est dans “ce qui s’est inscrit” comme fœtus dans le ventre de sa mère, dans ce cas la “mère de tous les possibles”.", suivi de la citation de Fabrice Hadjadj, récurrente dans "La Grâce…", complétée par ce que PhG en déduit.
Ce que je déduis de 2. c'est que le temps n'a rien à voir là-dedans, et donc qu'il s'agit de savoir si "l’“assassinat métahistorique de Souleiman”, le début de la crise-Covid19 et le passage à la décennie des néo-Roaring Twenties" sont substantiels ou essentiels. Le 1; semble suggérer qu'ils sont essentiels pour PhG ("essence commune", "essence") Pour moi ce sont des évènements substantiels, ce que semble confirmer le :
"“Ce qui va se passer” est dans “ce qui s’est inscrit” comme fœtus dans le ventre de sa mère, dans ce cas la “mère de tous les possibles”,
car, pour moi, substance, matière et puissance ("mère de tous les possibles") sont du même bord, bord opposé à l'essence, la forme et l'acte.
La question est de savoir si ces évènements substantiels ont ou non une essence commune. La réponse de PhG qui amalgame ici -volontairement?- substance et essence, est pour moi l'analogue de celle d'un mathématicien qui conjecture un théorème -étymologiquement l'objet d'une vision- en lequel il a tellement foi qu'il se dispense d'en faire une démonstration (spécialité de Thom et de Grothendieck). Mais peut-être PhG veut-il nous indiquer par cet amalgame que nous sommes déjà dans l'œil du tourbillon de la GCES où la distinction substance/essence s'abolit (mon "volontairement?")?
Bien entendu je ne me perdrais pas en de telles arguties si ce qui est ici en question n'avait pas un rapport étroit avec la citation de Daniel-Rops chère à PhG car objet du tome III de "La Grâce":
"Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice.".
jc
05/02/2022
Àprès réflexion cette opposition substance/essence est bien confuse dans ma tête (1): l'assassinat de Souleiman était "en puissance" dans les cartons de la CIA bien avant d'être "acté" le 03/01/2020. Et j'ai lu depuis (2) :
"Le terme d'οὐσία est un nom féminin tiré du verbe εἶναι (einai), qui signifie « être ». L'οὐσία est donc l'essence, la substance. Il a par conséquent été traduit en latin par substantia et essentia. Cicéron utilise le terme d'essentia ; chez Boèce, on trouve essentia dans le Contra Eutychen, où il traduit « ousiôsis » par « subsistentia », et « hupostasis » par « substantia » ; en revanche, dans sa traduction des Catégories, il traduit « οὐσία » par » substantia ».".
Pour moi "mon" Dieu Khaos tout en puissance est l'âme de "mon" Dieu Kosmos" qui en est le déploiement "embryologique" tout en acte. J'ai personnellement tendance à mettre l'âme du côté de la substance (et de la matière) car je la vois emprisonnée (l'âme d'un cordage, l'âme d'un violon) dans son corps qui en est la forme (le cordage, le violon): je la vois comme une singularité (et au niveau divin, La Singularité -"mon" Dieu Khaos-) dont l'objectif, la cause finale est de se régulariser en se déployant, en s'actualisant : Aristote ne disait-il pas que l'âme était au corps ce que la vue était à l'œil…
Dans "Esquisse d'une sémiophysique" Thom consacre une bonne partie du chapitre 7, intitulé "Perspectives en biologie aristotélicienne", à balancer entre matière et forme et entre puissance et acte. Il consacre une longue note de fin de chapitre (p.194) à ce sujet, note qu'il termine par : "C'est là -bien évidemment- tout ce qui fait le charme -et toute la difficulté- d'une théorie de l'embryogenèse."
Thom écrit quelque part que la philosophie est une discipline beaucoup plus ardue que les mathématiques -et je le crois volontiers-. Mais il propose de les rapprocher méthodologiquement: "Il faut être philosophe en sciences et scientifique en philosophie". Il est de fait que pour un matheux basique qui se lance en métaphysique -moi en l'occurrence- le fait de travailler avec des termes mal définis est une difficulté que les mathématiciens -les vrais- tentent d'éviter le plus soigneusement possible (un siècle pour préciser la notion d'ensemble et voir plus clair dans les paradoxes initialement attachés à ce mot.)
1: Mais, à mon avis, pas assez dans celle de René Guénon -qui assimile la substance à la Matière -qui est pour lui le Mal-, lorsqu'il écrit dans "Le chaos social", chapitre VI de "La crise du monde moderne" : "L’argument le plus décisif contre la « démocratie » se résume en quelques mots : le supérieur ne peut émaner de l’inférieur, parce que le « plus » ne peut pas sortir du « moins » ; cela est d’une rigueur mathématique absolue, contre laquelle rien ne saurait prévaloir."
2: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ousia
jc
05/02/2022
En essayant de comprendre (via Wikipédia…) la différence entre le Sein et le Dasein de Heidegger, je suis tombé sur un article d'un certain Maurice Corvez -qui s'est avéré, après recherche sur la toile (2) être un dominicain- article intitulé "L'Être et l'étant dans la philosophie de Heidegger" (1), que j'ai lu comme je bois du petit lait, en identifiant le Sein à "mon" Dieu Khaos (Dieu en toute puissance) et le Dasein à mon Kosmos (Dieu tout en acte) (3).
Selon Corvez, Heidegger butte sur le manque de lien entre Sein et Dasein; et Corvez lui-même, qui termine l'article avec sa propre vision des choses, également, le Dieu Sein et le Dieu Dasein ne peuvent être identiques puisque l'un est là et l'autre n'est pas là; on n'est pas en présence d'un Être unique, ce qui gêne Heidegger comme Corvez, et aussi tous les "auto", tous ceux qui -dont moi- recherchent l'Être en soi unique qui contient en lui-même son propre principe, l'Être immanent (4).
"Mes" Dieux Khaos et Kosmos proviennent d'une idée thomienne toute différente, trouvée aux pages 32 et 33 de SSM (2ème ed.), idée théologisée par Thom dans sa "tirade de Porphyre" (ES, p.216), l'Ëtre en soi thomien étant l'analogue d'une fonction indéfiniment différentiable, inspécifiée et indifférentiée (5), Être en soi tout en puissance que je qualifie de Dieu Khaos, analogue selon moi du Sein de Heidegger.
J'ai déjà tenté d'identifier ce Dieu Khaos -Sein -Dieu œuf- au Dieu Kosmos-Dasein -Dieu poule- en de nombreux commentaires de https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-structure-crisique, en particulier les "Symboliser le Grand Tout". Dans ce qui suit je précise un peu comment je vois la chose, sur le mode "théorétique fiction".
Thom associe une "forme d'être" de plus en plus évoluée à chacune de ses sept catastrophes élémentaires. La plus simple d'entre elles est la catastrophe de potentiel V(x)=x², tellement simple qu'elle n'est pas comptabilisée dans la liste. Cette catastrophe a une particularité que n'ont pas les autres: elle est "auto" en ce sens qu'elle est son propre déploiement: théorétiquement son sein coïncide avec son dasein, le verbe être coïncide avec le substantif être, à la différence de toutes les autres, pour qui le dasein déploie strictement le sein, typiquement la catastrophe pli de potentiel V(x)=x³ et de déploiement W(x,y)=x³+xy, où y est une nouvelle variable.
Il me paraît clair que pour retrouver cette situation "auto" -c'est-à-dire immanente-, et donc une situation où Sein et Dasein coïncident, il est nécessaire de monter à une infinité de variables, ce qui conduit naturellement (pour les matheux…) à se placer dans l'espace de Hilbert séparable -espace qui a le bon goût d'être universel dans sa classe- et à considérer une fonction V "potentiel" de H dans H indéfiniment différentiable -dont on remarque que la différentielle en chaque point est exactement une observable de la physique quantique (si on considère l'espace de Hilbert complexe)-. J'y rajouterai une petite touche projective en considérant l'espace de Hilbert projectif, car ces espaces sont pour moi mystérieux, voire mystiques, et ce d'autant plus que la dimension augmente (6).
Je m'arrête là en citant PhG : "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée", et Thom : "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécilité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".
1: https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1965_num_63_78_5305
2: suite aux envolées lyriques de la fin de l'article que ce qui précédait ne laissait pas prévoir (pp. 277 et 278).
3: Le Dasein heideggerien est traduit en français par Étant. Personnellement je le traduis Être-là et je le pense Être en acte, et l'oppose au Sein que je traduis Être-pas-là et que je pense Être en puissance.
4: Être qui, bien entendu, transcende infiniment tous les étants (é minuscule).
5: indifférentiée avec un "t" de matheux, à distinguer -mais à mettre en regard- du indifférenciée de biologiste.
6: https://fr.wikipedia.org/wiki/Hexagramme_de_Pascal
jc
06/02/2022
En reparcourant l'article de Maurice Corvez, j'ai été arrêté par ce qu'il écrit du milieu de la page 274 au haut de la page 275, pages où il associe le Sein au Logos, ce qui me convient tout-à-fait car, pour moi, le Sein est La Singularité-Khaos, le centre organisateur du DaSein-Kosmos, Dasein que je vois, non comme une pensée -ce que font Heidegger et Corvez?- mais associé au Topos, l'unification du Sein et du Dasein en "mon" Khaos&Kosmos étant associé à la topologie ou la logotopie (1), selon le point de vue choisi. Et Thom comme Guénon ont, je crois, privilégié la logotopie (déploiement du topos à partir du logos ), ce qui m'étonne de la part de Thom , car je le perçois nettement comme un topologue (2)-.
Que donne tout ça lorsque le métaphysicien, en principe parvenu à ce point originel de l'ontologie, daigne redescendre jusqu'à nous, individus d'en bas, c'est-à-dire simples étants (3)? Il me semble qu'on se retrouve alors sur la thomienne carte légendée du sens (4) où Thom écrit:
"En haut le chaos des forces naturelles ; en bas, la paix du néant ; entre les deux, une sorte de croissant que l’on peut renverser, et que l’on peut voir comme un canot flottant sur le bouillonnement des forces naturelles." (que je paraphrase en "En haut le Dieu Khaos ; en bas le Dieu Kosmos ..."),
puis :
"Cela donne une idée assez précise du rôle du langage comme support de ce que Heidegger appelle le souci. Il dit que l’existence est liée au sentiment d’inquiétude, au besoin que nous avons de réagir au danger qui nous menace. C’est peut-être une présentation trop concrète pour un métaphysicien, mais c’est assez réel. Le logos existe seulement dans cette zone où règne le danger, mais celui-ci peut être conceptualisé, et donc traité en fonction de connaissances antérieures et, du même coup, neutralisé.",
d'où je tire que le logos (l minuscule) et le topos (t minuscule) sont les infimes parts du Logos et du Topos qui sont accessibles aux simples étants que nous sommes, embarqués sur le canot des forces naturelles, la proue dirigée vers le Logos-Sein-Khaos et la poupe vers le Topos-DaSein-Kosmos.
Peut-être que pour neutraliser notre souci "heidegerrien" n'avons-nous essentiellement et substantiellement que ces deux possibilités: le dire et le voir?
1: Mot que j'ai lu pour la première fois sous la plume du mathématicien-philosophe René Guitart: "Je dirai la chose ainsi encore : la portée de ce que Lacan peut être amené à nous proposer avec ses élaborations autour des objets mathématiques, tels que la bande de Moebius et l'entrelacs borroméen, est moins de l'ordre de la topologie (élaboration d'un discours sur la question des lieux) que de ce que j'appellerai la logotopie (élaboration de lieux sur la question des discours).(Evidence et Etrangeté, p.28, PUF).
2: Sa préférence apparaît nettement dans le chapitre 9 de SSM (2ème ed.) car épigraphé : "Et le Verbe s'est fait chair", et également dans la citation suivante: "(...) on peut se demander si la réticulation ne serait pas la donnée première, la construction globale de l'espace-temps ne s'effectuant que par un processus de concaténation à partir des espaces engendrés par les processus d'éclatement associés aux points centraux. Je verrais volontiers l'archétype fondamental de la notion d'espace, l’Urbild de la spatialité, dans l'image d'un point centre organisateur, qui s'étoile en une configuration sous-tendant tout un espace associé.", citation que je rapproche d'une autre, cette fois de Guénon dans le chapitre IV intitulé "Les directions de l'espace de "Le symbolisme de la croix" -où l'on voit que Guénon se situe dans l'espace 3D euclidien et non projectif puisqu'il considère six directions et non trois-: "L’ensemble de ces deux croix, qui ont le même centre, forme la croix à trois dimensions, dont les branches sont orientées suivant les six directions de l’espace; celles-ci correspondent aux six points cardinaux, qui, avec le centre lui-même, forment le septénaire.".
3: Cf. ES, p.216.
4: http://strangepaths.com/forum/viewtopic.php?t=41
jc
06/02/2022
Pour moi Thom est un "substantialiste", un topologue/géomètre, qui part du Kosmos-Dasein-Topos pour tenter de remonter au Khaos-Sein-Logos, alors que je vois Grothendieck comme un "essentialiste", un algébriste/arithméticien, qui tente de parcourir le même chemin en sens inverse en simulant pour ce faire les topos "mystiques" (1) de Thom par ses propres topos« diaïrétiques ». J'ose à ce propos l'analogie biblique Thom-Caïn et Grothendieck-Abel, étant convaincu que c'est le "bombinans in vacuo" thomien (2) qui a poussé Grothendieck à quitter l'IHES (3).
Je pense que le "visionnaire-topocrate" Thom a fait sa part (4) et que c'est maintenant aux "dictionnaires-logocrates" grothendieckiens de faire la leur : après l'image et la prose thomiennes, la musique et le cantique, le nombre et le quantique. grothendieckiens. Après le platonicien "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre", le pythagoricien "Que nul n'entre ici s'il n'est arithméticien", donnant raison au Guénon du "Règne de la quantité..." avec son :
"... par la force des choses, les sédentaires en arrivent à se constituer des symboles visuels, images faites de diverses substances, mais qui, au point de vue de leur signification essentielle, se ramènent toujours plus ou moins directement au schématisme géométrique, origine et base de toute formation spatiale. Les nomades, par contre, à qui
les images sont interdites comme tout ce qui tendrait à les attacher en un lieu déterminé, se constituent des symboles sonores, seuls compatibles avec leur état de continuelle migration. Mais il y a ceci de remarquable, que, parmi les facultés sensibles, la vue a un rapport direct avec l’espace, et l’ouïe avec le temps : les éléments du symbole visuel s’expriment en simultanéité, ceux du symbole sonore en succession ; il s’opère donc dans cet ordre une sorte de renversement des relations que nous avons envisagées précédemment…",
et justifiant peut-être ainsi son:
"Ainsi, un « retournement » [216] s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire
l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn.".
Thom s'est beaucoup intéressé à tenter de géométriser la physique quantique, sans guère de succès à ma connaissance. Dans sa conférence sur le déterminisme (Figueras, 1985) il dit (36' à 37') à propos de la mécanique quantique qu'il y a la question de la phase qui reste à résoudre : "Le consensus intersubjectif n'est valable qu'au niveau des rayons, et non au niveau de la fonction d'onde.". Et pour moi -qui n'y connais rien en physique quantique, c'est beaucoup plus un problème d'arithmétique que de géométrie (ou, plus précisément, beaucoup plus un problème de géométrie arithmétique "à la Grothendieck" qu'un problème de géométrie différentielle "à la Thom".
Je dis tout ça pour pointer le fait que le Sein et le Dasein présentés ci-dessus le sont uniquement d'un point de vue géométrique (du seul point de vue des rayons dans la citation ci-dessus), c'est-à-dire du point de vue de la seule Jérusalem céleste, et qu'il reste à faire l'analogue temporel, c'est-à-dire du point de vue du Paradis céleste, pour in fine coupler les points de vue temporel et spatial en un Dieu Sein1Dasein (alias Khaos&Kosmos) spatio-temporel. ("évidemment" de dimension infinie puisqu'il s'agit du divin. Et je me demande si, au fond, ce n'est pas un reproche de plus -oublier le paradis terrestre- que Corvez fait à Heidegger lorsqu'il parle de "Générosité et Libéralité, Gracieuseté et Grâce, etc" (pp. 277 et 278).
1: "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la
nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté.".
2: Cf. la conclusion de "DE l'icône au symbole" dans MMM.
3: Cf. "Récoltes et semailles", p. 757 (https://agrothendieck.github.io/divers/ReS.pdf).
4: Cf. les paragraphes 3, 4 et 5 de "Topologie et signification", MMM. (Thom écrit quelque part -PNPE?- qu'il n'a aucune attirance pour l'arithmétique et l'algèbre.)
jc
07/02/2022
[J'ose ici exceptionnellement -réticence de matheux?- ce que PhG ose quasi systématiquement dès que l'article du jour l'y invite (1)]
Dans la Bible (l'Exode 3.14!) YHWH s'est adressé à Moïse: "La traduction de cette formule est variable : « Je suis Celui Qui suis », « Je suis qui Je serai », « Je suis qui je suis », « Je suis Celui Qui Est », etc. Dans la traduction grecque de ce passage, les termes employés ouvrent la porte à une interprétation d’ordre métaphysique : « Je suis l’Étant » "(2). Thom en Jacob et Grothendieck en Moïse et des temps modernes?
J'ai choisi Jacob pour Thom uniquement à cause de : "Au cours de son voyage vers Harran, Jacob passe la nuit à Béthel, prend une pierre comme chevet et y a la vision d’une échelle atteignant le ciel et de Dieu se tenant en haut de cette échelle.". La pierre, socle sur laquelle s'appuie l'échelle de Jacob, c'est la catastrophe "triviale" de potentiel V(x)=x², qui a la propriété d'être son propre déploiement universel, catastrophe à laquelle Thom associe le verbe être et le substantif être (3), catastrophe triviale que l'on peut donc appeler yhwh (en minuscules bien entendu). Et Thom-Jacob de détailler les sept premiers barreaux de l'échelle: ses sept catastrophes élémentaires, les seules réalisables, selon lui, dans notre espace-temps (4); et de suggérer "une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être" qui n'est autre que ce que j'appelle sa tirade de Porphyre (ES, p.216) que j'ai souvent citée ici, tirade qui, couplée à ce qui est pour lui "le mécanisme qui commande toute morphogenèse" (SSM, 2ème ed., p.32) le met, selon moi, en concurrence directe avec Heidegger (dont je n'ai rien lu "dans le texte"), et me conduit à voir YHWH comme limite projective (5) de toutes les catastrophes en toutes dimensions, limite "évidemment" infinie puisque divine. Je crois que cette métaphore de l'échelle de Jacob symbolise bien la façon de penser de Thom: celle d'un topologue qui part du rez de chaussée, sans coup de baguette "magique", l'esprit montant pas à pas, sans jargonnage, l'échelle de Jacob (6).
Grothendieck-Moïse, c'est pour moi tout l'opposé de Thom, c'est quelqu'un dont la pensée "cosmique" ne touche pas le sol -et ne cherche pas à le toucher-, et je ne suis pas du tout étonné qu'il sous-titre son "La clef des songes" par "Dialogue avec le bon Dieu".
Ne connaissant quasiment rien ni de Grothendieck ni de son œuvre mathématique, je reviens à "mon" Thom, pour moi prophète (Thom-Moïse) à la toute fin de SSM (2ème ed.) (les majuscules sont de moi):
"Dans le domaine des sciences humaines, il m'est difficile de me rendre compte si ma tentative présente quelque intérêt; mais en écrivant ces pages, j'ai acquis une conviction : au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces naturelles extérieures agissent, OU EN ATTENTE, SONT PRÊTES À SE DÉPLOYER QUAND CE SERA NÉCESSAIRE. La vieille image de l'homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur : qui connaît l'homme connaîtra l'univers. Dans cet "essai d'une théorie générale des modèles" [sous-titre de SSM], qu'ai-je fait d'autre, sinon de dégager et d'offrir à la conscience les prémisses d'une méthode que la vie semble avoir pratiquée dès son origine?".
Louis Pergaud: "Ah ! les voies de Dieu (on a bien raison de le dire) sont impénétrables et ses instruments inconscients viennent se jeter dans nos jambes comme des roquets dans un jeu de quilles." (Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921) (https://fr.wiktionary.org/wiki/les_voies_de_Dieu_sont_imp%C3%A9n%C3%A9trables);
PhG : "... si nous ne savons pas où nous allons, le ‘Freedom Convoy’ et nous, les “forces supérieures” ainsi citées le savent parfaitement.".
1: L'article de ce jour : https://www.dedefensa.org/article/le-freedomconvoy-de-la-g5g-hybride .
2: https://fr.wikipedia.org/wiki/Mo%C3%AFse#R%C3%A9cit_biblique
3: Cf. le tableau de la fin de "Topologie et signification", MMM.
4: Auxquelles il associe des formes d'être (verbe) de plus en plus élaborées (cf. 3).
5: Et non limite inductive, ce que, en matheux, je traduis du reproche essentiel que Maurice Corvez fait à Heidegger : cf. la partie "Insuffisance de l'explication" de https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1965_num_63_78_5305
6: La fin de la phrase est une légère paraphrase de la fin de la quatrième de couverture de MMM (1ère ed.). On a une idée de cette lente montée dans le chapitre 9 de SSM, épigraphé "Et le Verbe s'est fait chair", et décliné en: épigenèse primitive, épigenèse moyenne, épigenèse tardive.
7: https://agrothendieck.github.io/divers/clef.pdf
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