Olivier le Verseau
18/12/2021
La méta histoire ne peut prendre corps que par le symbolisme éternel.
Dans le labyrinthe des crises, un fil d’ariane nous serait bien utile.
Ne pourrait-il pas être l’intuition haute dont vous parlez si souvent ?
Ce fil d’ariane est certainement le produit des tisserands d’un autre monde beaucoup plus divin et revêt toutes les caractéristiques du sacré.
On ne peut sortir de ce labyrinthe que par ce fil !
Le système est bien le fruit d’un Dédale qui ignorait lui -même qu’un jour l’humanité y serait enfermée.
L’inconnaissance pure est bien l’état dans lequel nous déambulons dans l’enchevêtrement des temps “crisiques”.
Il n’y a en effet qu’un Dieu pour nous sauver…
Théo Ter-Abgarian
19/12/2021
Je vous propose pour enrichir la caverne d'Ali Baba des phobies, une bien réelle, la iérophobie. La phobie du sacré !
Les clercs sont les premiers à se vautrer dans le sordide du philistinisme, voyez le citoyen Bergoglio, directeur de l'ONG Vatican, n'est-il pas la caricature des caricatures du philistin ? Cette détestation du sacré qui va loin, jusqu'à ses extrêmes limites, cette adulation du rentable, qui est l'infamie bourgeoise que dissimule Bergoglio derrière son masque d'humaniste hargneux. Bergoglio, militant de son ONG moribonde, pense que l'homme ne se nourrit que de pain. C'est son obsession, il veut étouffer toute transcendance sous les logos de Benetton, Adidas, Toblerone, Nike… Croissez et multipliez pourvu que ça tourne. Le temps baroque, fabuleux, siglo de oro ! des indulgences, des Virgenes Negras, des ostensoirs de vermeil, du Purgatoire, des miracles les plus invraisemblables, des reliques les plus farfelues, de toutes ces productions scintillantes, de l'Au-Delà.... Et, bien, tout cela, Bergoglio vous dit de foutre tout cela à la poubelle ; et même, il vous l'ordonne, en imprécateur rageur.
Le Vatican demande son rattachement au Wokistan !
A la bonne heure : il n'est de paradis qu'aux îles Cayman, avec un bon portefeuille d'actions Pfyzer.. .
Tout cela nous fait oublier l'actualité, car les nullocrates ne sont pas tout puissants qu'à Rome. En France, nous avons Kéké 1er, Kéké 1er qui n'ira pas au Mali, le 20 décembre, fêter la naissance du petit Jésus avec les troupes. A cause du Covid. Prétexte grossier (mais philistin). En réalité, à quatre mois des présidentielles, il n'est pas question d'avoir sur les écrans (même de BFM TV) des images d'émeutes anti-Macron et, pire, d'un Macron devant un arbre de Noël, voire une crèche (horresco referens !).
Je donne un petit conseil aux djihadistes maliens : profitez des 4 mois de la campagne électorale pour faire tout ce que vous souhaitez dans la vie… Kéké 1er ne bougera pas d'un pouce (crainte de pertes dans les troupes françaises). La campagne électorale avant tout ! On remarque tout de même que l'AFP (plus que jamais Agence Française de Propagande) nous dit que 1000 soldats tchadiens vont se déployer (en fait en échange des 450 soldats français qui seront rapatriés).
Il y a pas mal d'arrogance chez les Macron, Le Drian et Parly de traiter le Mali en partenaire mineur, en agitant le Traité d'Alger (2015), interdisant au gouvernement malien de négocier avec son opposition, interdisant au gouvernement malien de faire appel à un soutien militaire autre que français (ici l a Russie) ; mais la France négocie avec les djihadistes maliens derrière le dos de Bamako, on a le souvenir de la bouffonnerie de la libération de Mme Pétronin… Et ils veulent tourner la page de la Françafrique ! Décidémment, comme disait, de manière plus abrupte, Trump, avec sa chatoyante vulgarité, Macron pollue tout ce qu'il touche. Bergoglio aussi.
jc
22/12/2021
J'ai déjà fait trois commentaires (1) sous ce titre (cf. https://www.dedefensa.org/article/fascination-for-the-devil ) à partir d'un article éponyme de Thom paru dans https://www.persee.fr/issue/comm_0588-8018_1976_num_25_1 intitulé "La notion de crise" qui regroupe une douzaine d'articles sur le sujet et donne une idée dont des intellectuels percevaient cette notion en 1976.
Parmi ces articles figure "L'ordre par le bruit" du jeune Jacques Attali où l'on peut lire dans le paragraphe intitulé "L'espace informationnel généralisé" qu'il est pour moi un représentant du "camp d'en face", celui de la thermodynamique statistique où la notion de stabilité structurelle n'a pas droit de cité (2).
(1) En relisant le .2 je m'aperçois que les "ébauches de solutions" dont je parle sont sans guère de doute des pseudo-solutions auxquelles Thom consacre tout un paragraphe. L'idée du Système naviguant de pseudo-solutions en pseudo-solutions de moins en moins plausibles (narratives de plus en plus folles) pour tenter d'éviter ce qui est pour moi inévitable (la GCES -C pour Catastrophe plutôt que Crise-) n'est pas pour me déplaire.
(2) Thom (1982): "(...) au départ, la théorie de la stabilité structurelle m'avait paru d'une telle ampleur et d'une telle généralité, qu'avec elle je pouvais espérer en quelque sorte remplacer la thermodynamique par la géométrie, géométriser en un certain sens la thermodynamique, éliminer des considérations thermodynamiques tous les aspects à caractère mesurable et stochastiques pour ne conserver que la caractérisation géométrique correspondante des attracteurs. Il est certain que les phénomènes d'instabilité des attracteurs qu'on a découverts depuis montrent qu'un tel espoir est faux ou, en tout cas qu'il faudrait modifier profondément la notion de stabilité structurelle en l'affaiblissant de manière considérable. On a beaucoup travaillé à ce genre d'affaiblissement, mais sans avoir apparemment trouvé jusqu'à présent la bonne conceptualisation.".
jc
28/12/2021
Je prolonge mon dernier commentaire de https://www.dedefensa.org/article/la-pologne-et-le-iveme-reich . Je le fais ici car cela précise le cadre dans lequel je vais essayer de commenter ultérieurement cet article "Structure crisique".
1. Dieu immanent ou Dieu transcendant ?
Ce que Thom appelle Dieu immanent est pour moi Dieu en acte, omniscient, parfaitement déterminé et déterminant, discriminé et discriminant et ce qu'il appelle Dieu transcendant est pour moi Dieu omnipotent (tout puissant), Dieu totalement libre, indéterminé et indiscriminé (et donc à déterminer et à discriminer).
Contrairement à PhG (?) Dieu est pour moi nécessairement immanent, c'est-à-dire qu'il contient en lui-même son propre principe (car sinon il ne serait pas tout puissant car vassal d'un OverLord qui le transcenderait). À ce propos il est pour moi clair que les Idées divines transcendent infiniment les possibilités opératoires des humains que nous sommes, enfermés dans notre caverne de Platon 4D, et donc, pour faire plus court, que Dieu est "évidemment" transcendant de notre point de vue d'humain.
Dieu tel que je le conçois est nécessairement autonome car l'autonomie est une conséquence de l'immanence; ce Dieu est ainsi nécessairement self-made (ce qui met en cause les principes aristotéliciens (?) d'identité et de non-contradiction (1)) : il s'auto-meut, s'auto-organise, s'auto-connaît, s'auto-génère, etc. , ce qui met en cause les principes d'identité et de non-contradiction (1)). C'est, je crois, comme ça que Thom le conçoit lorsqu'il écrit (ES, 1988, p.216) :
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe [de Porphyre] on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération".".
2. Le khaos
Dans sa conférence "Processus au hasard, déterminisme et innovation" (1985) Thom place le chaos du côté de la diversité et de la complexité, en contradiction (selon moi) avec la place qu'il lui réserve sur sa carte du sens dont il écrit d'une part "En haut c'est le chaos du déferlement des forces cosmiques", "Tout en haut, c’est l’Absurde. La crête figure la perte du sens des contraires, quelque chose comme un excès de sens universel, qui rend la vie impossible", et d'autre part "En haut, c'est le calme de cieux… éternel.". Il faut savoir!
Je me sens beaucoup plus proche de la position de PhG si j'en juge par sa citation récurrente de Pseudo-Denys l'Aréopagite rappelée dans cet article et par celle qui suit de Julius Évola ("la Grâce…") à propos de la pensée traditionnelle ("C'est une pensée originelle, elle ne recule pas en arrière dans le temps; elle s'élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant"), à ceci près -évoqué plus haut- que le noyau est pour moi l'Être en soi, immanent en soi mais transcendant pour les humains. Ainsi, sur la carte du sens, le pic de l'absurde est pour moi à renommer en pic de l'inconnaissance, pic sempiternellement embrumé au sommet duquel se trouve cet Être en soi, singularité universelle qui synthétise harmonieusement tous les contraires (harmonie suprême pour Héraclite) et qui contient en elle l'éternelle structure de l'Être. Contrairement à ceux, nombreux, qui voient le chaos associé à la complexité, je le vois associé à la simplicité selon le principe que l'abstraction a pour fonction de remplacer du visible compliqué par de l'invisible simple (2), chaos par moi renommé en khaos pour éviter de le confondre avec le chaos au sens moderne (3). Il suit que l'ordre, l'harmonie et l'équilibre, traditionnellement associés au cosmos le sont également au khaos , le cosmos étant alors vu comme une actualisation du khaos et le khaos comme une potentialisation du cosmos.
3. Le khaos comme œuf cosmique (et le cosmos comme poule cosmique)
C'est une idée qui remonte au fond des âges de l'humanité (4) et il n'y a donc là, selon moi, rien de nouveau; dans sa "tirade de Porphyre" (ES p.216) Thom adopte quasi-explicitement ce point de vue (l'Être en soi comme un œuf cosmique). Ce qu'il y a de nouveau, et qui est selon moi génialissime, c'est que parallèlement (SSM, 2ème ed. p.32) Thom fait l'analogie entre un œuf totitpotent et une fonction indéfiniment différentiable indifférentiée et indéterminée : "Expliquons de manière assez élémentaire le mécanisme qui, à mes yeux, commande toute morphogenèse, par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part, et une série de Taylor à coefficients indéterminée, d'autre part.". Par développement en série de Taylor l'œuf cosmique se déploie en prenant la forme d'arbre cosmique (4), représentation qui remonte elle aussi au fond des âges de l'humanité. La théorie de l'analogie que développe Thom à partir de l'analogie entre les deux cosmogonies (œuf cosmique et arbre cosmique) lui permet alors d'avoir une vision des choses dont l'envergure apparaît dans l'une de mes citations thomiennes favorites, citation que j'élargis ici pour insister sur le fait que cette vision s'ancre dans la Tradition :
"Nos modèles attribuent toute morphogenèse à un conflit, à une lutte entre deux ou plusieurs attracteurs; nous retrouvons ainsi les idées (vieilles de 2500 ans!) des premiers présocratiques, Anaximandre et Héraclite. On a taxé ces penseurs de confusionnisme primitif, parce qu'ils utilisaient des vocables d'origine humaine ou sociale comme le conflit, l'injustice… pour expliquer les apparences du monde physique. Bien à tort selon nous, car ils avaient eu cette intuition profondément juste : les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés (5), ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en Physique (6) est foncièrement justifié." (SSM, conclusion).
4. Le rôle du métaphysicien.
En son sens technique (?) la métaphysique est l'étude de l'être en tant qu'être et Thom voit ainsi le rôle du métaphysicien (ES p.216) :
"Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α, (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur.".
Thom propose une métaphysique réaliste pour redonner du sens au monde (dernière phrase de ES). La voie qu'il suggère est nouvelle en ce sens que, si l'on y adhère -mon cas- les mathématiques font irruption par la grande porte dans le monde de la métaphysique (7) et de la théologie (8). Cette voie pourrait amener certains philosophes et théologiens à modifier leur point de vue envers cette discipline à propos de laquelle Thom écrit :
"En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur -ainsi que la structure même de l'esprit-, l'activité mathématique se place dans la droite ligne de l'évolution. C'est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité.".
5. Autorité spirituelle et pouvoir temporel.
Le pouvoir temporel du bloc BAO est devenu fou, il a perdu tout bon sens, comme vient de le rappeler Poutine (9). Il est à mon avis urgent de commencer à lui opposer des garde-fous. Dans la Tradition cela a toujours été le rôle de l'autorité spirituelle d'être un guide pour le pouvoir temporel…
(1) Principes que Thom remet en cause : "Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL, p.561)
(2) Jean Perrin (Nobel de Physique) : "La science remplace du visible compliqué par de l'invisible simple".
(3) J'interprète le "déchaînement des forces cosmiques" dont parle Thom en légende de sa carte du sens comme le passage de l'énergie potentielle (δύναμις) à l'énergie active (ἐνέργεια), passage qui permet (selon moi…) de relier la puissance à l'acte, associé au passage de la forme "œuf cosmique" à la forme "arbre cosmique".
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%92uf_cosmique ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_du_Monde
(5) Il va sans dire mais mieux en l'écrivant que l'évolution des espèces fait partie du lot.
(6) et en métaphysique…
(7) qui donne consistance au badiousien : "Les mathématiques c'est l'ontologie" ? (Badiou se focalise sur la vision grothendieckienne des mathématiques, ignorant, à ma connaissance, complètement la vision thomienne.)
(8) Même étymologie au théo de théologie et au théo de théorème? Thom : "Un théorème est avant tout, selon une étymologie aujourd'hui bien oubliée, l'objet d'une vision."
(9) https://www.dedefensa.org/article/apologie-contrainte-de-vladimir-poutine ; https://www.dedefensa.org/article/musk-poutine-meme-combat-face-au-virus-woke
jc
29/12/2021
En utilisant le vocable de Crise-Dieu PhG place résolument la barre au niveau métaphysique comme le montre la citation suivante, par lui souvent faite, que je reproduis ici pour la mettre en regard d'une autre, cette fois par moi souvent faite :
« C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui qui échappe à toute inconnaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence. » (Pseudo-Denys l’Aéropage) ;
"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogenèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur. Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." (René Thom).
Pour différencier le chaos tel que je le conçois (1) du chaos-désordre des profanes, je l'ai renommé khaos. Il me semble assez clair que c'est ce genre d'intention qui a fait PhG utiliser le vocable de kosmos (3) pour le différencier du cosmos des profanes (4) (et que je m'empresse de déifier en Kosmos, ainsi que mon khaos en Khaos). Khaos, Dieu omnipotent (Dieu tout en puissance, Dieu tout puissant), Kosmos Dieu omniscient (Dieu en acte); il m'apparaît assez clairement que c'est Khaos qui est le Dieu de Denys l'Aréopagite (et donc de PhG); et ce serait, à mon avis, aussi celui de Thom dont l'une des citations favorites est héraclitéenne : "Le Maître dont l'oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache: il signifie.".
PhG se place en homme modeste face à un Dieu qui le transcende, alors que RT dit que le rôle du métaphysicien -son rôle?- consiste à se mettre à la place du Démiurge ("son travail, fort immodeste,..."), ce qu'il précise dans un article en écrivant : "Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu.". Pour moi la modestie et l'immodestie n'ont rien à voir avec l'affaire, car il s'agit de dégager une vision cohérente du monde ayant la plus grande envergure possible, afin de tenter de restaurer dans le monde des humains une autorité spirituelle qui fait cruellement défaut aux actuels pouvoirs temporels (qu'ils soient militaires, politiques, économiques, scientifiques…). Dans "Révolutions : catastrophes sociales?" (AL) Thom précise qu'il importe d'établir -ce qu'il tente de faire- "qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique", autrement dit sans une certaine forme d'autorité spirituelle.
L'exemple le plus flagrant sur ce site du saut conceptuel abyssal qu'il y a entre des humains faisant un travail humain avec leur raison humaine et ceux tentant de faire le travail de Dieu (autrement que Lloyd Blankfein…) en tentant de percer le mystère de la raison divine, cet exemple est pour moi donné par les dialogues qu'il y a eu jadis ici entre Jean-Paul Baquiast (7) et PhG (il suffit de parcourir les premiers dialogues pour s'en rendre compte) : selon moi il est clair que JPB raisonne en profane (le chaos et le cosmos ont pour lui leur sens moderne, c'est-à-dire profane, ainsi que la technique qui, pour lui, a manifestement perdu son caractère sacré -teknè est l'art en grec ancien-: dialogues (de sourds?) entre un JPB anthropo-technicien et un PhG anthropo-artiste…
Remarque finale. Puisque PhG d'une part et Thom (avec moi évidemment dans son sillage) d'autre part sont pro-Khaos il me semble logique de parler de micro-khaos et de macro-khaos plutôt que de micro-cosmos et de macro-cosmos. Je pense qu'il y a alors une divergence de vues entre un PhG plutôt pro-macro-khaos (PhG puise son intuition au-dessus de lui en un Dieu extérieur à lui qui le transcende) et un Thom plutôt pro-micro-khaos qui puise son intuition en un Dieu immanent sis au plus profond de lui (8), comme le montre , à mon avis, la citation "prophétique" suivante que je fais souvent :
"... en écrivant ces pages j'ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l'Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l'Homme connaîtra l'univers. Dans cet essai d'une Théorie générale des modèles [sous-titre de SSM], qu'ai-je fait d'autre, sinon de dégager et d'offrir à la conscience les prémisses d'une méthode que la vie semble avoir pratiquée dès son origine?".
(1) Cf. mon commentaire précédent
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaos_(cosmogonie)
(3) PhG : "au sens que lui donnaient les Grecs d’univers clos en soi, d’entité" ( https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-notre-kosmos-crisique )
(4) Il est pour moi piquant de noter que l'un des principaux artisans de la profanation de Khaos en chaos est un serviteur de Dieu, l'abbé Lemaire.
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9miurge
(6) https://www.dedefensa.org/article/mark-matrix-est-lavenir-de-sapiense
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Baquiast
(8) Il suffit de parcourir les premières pages de "La clef des songes" (sous-titré "Dialogue avec le bon Dieu") pour voir que Grothendieck dialogue avec un Dieu enfoui au plus profond de lui-même.
jc
29/12/2021
En actionnant mon moteur de recherche général je constate que c'est Edgar Morin qui occupe le terrain de la crisologie : a priori très peu pour moi, car classé -peut-être à tort- "du camp d'en face".
PhG en donne ici la définition suivante :
« La science intuitive du phénomène de la crise, c’est-à-dire l’acquisition d’une connaissance par l’intuition appuyée sur l’expérience pour le domaine de l’humain ; soutenue par un savoir d’origine ancestrale sinon éternel, extrahumain et au-dessus de l’humain, qui nous est donnée sans reconnaissance ni autorisation de notre conscience (“à l’insu de mon plein gré” comme dit l’autre), sans aucun savoir ni connaissance, – au-delà, [c’est-à-dire décisivement] dans l’inconnaissance pure. ».
Pour moi cette définition a tout à voir avec la notion d'ange gardien, dont il était question au catéchisme de ma jeunesse, ange qui, à l'insu de notre plein gré, nous prévient de la façon dont nous devons réagir à un évènement -un changement donc- qu'il pressent (pré-sent) pour nous; et la définition s'éclaire si on identifie crise et évènement (pensé comme une rupture phénoménologique dans le déroulement du Temps) c'est-à-dire comme une catastrophe thomienne), identification qui ne me semble pas déraisonnable (1). Bien entendu il le dit différemment, mais je pense que pour lui cette idée lui est absolument fondamentale pour échafauder une théorie de l'évolution du vivant (évolution des espèces si l'on veut…) différente de celle de Darwin :
"Comment s'expliquer ce processus d'apprentissage [qui permet l'adaptation adéquate]? Un darwinien orthodoxe dira que seuls survivent les systèmes (les individus] pour lesquels cette adaptation est suffisamment réalisée… mais chez les animaux supérieurs nous savons parfaitement qu'il y a apprentissage par l'affectivité: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. À la sélection par la mort a succédé la sélection par l'affectivité. L'affectivité peut donc être vue comme une rétroaction du flux final ramifié sur la dynamique de commande des pré-programmes. Et je n'ai jamais compris pourquoi ces effets de rétroaction ne pourraient être transmis héréditairement [Thom lamarckien…] (au niveau des modes de stimulation du génome, sinon sur la composition de l'ADN lui-même), ce que nie la biologie moléculaire classique." (AL, p.159).
(1) Pour être plus précis le concept de crise relève du biologique au sens que Thom donne à cette expression dans son article "Crise et catastrophe" : "On posera donc en principe que la crise comporte toujours un élément subjectif, elle ne peut apparaître que chez un être pourvu de conscience. (...) Si, à cause de sa composante subjective, le concept de crise déborde le cadre de la Dynamique, il n'est pas non plus du domaine de l'humain, du psychologique. En fait, ce concept relève proprement du biologique.". Il faut lire l'article pour en savoir plus.
jc
29/12/2021
Identifiant (à tort ou à raison…) la Crise-Dieu à l̈́'Être en soi, on est amené, par l'analogie thomienne génialissime considérée précédemment, à l'associer à la fonction indéfiniment différentiable inspécifiée et indifférentiée, -l'œuf cosmique-, fonction qu'on peut voir comme l'âme du développement en série de Taylor de cette fonction -l'arbre cosmique-. La Crise-Dieu est alors assimilée au Dieu Khaos, crise-Dieu en puissance, âme du Dieu Kosmos, crise-Dieu en acte.
L'intérêt de la théorie des catastrophes est qu'on a alors une petite idée de la structure du Dieu Khaos et du Dieu Kosmos -et donc de la crise-Dieu-, car on peut découvrir progressivement leur ontologie. À la base on a l'être le plus simple qui soit, représenté par la fonction x->x² qui est son propre déploiement, c'est-à-dire qu'à la base Khaos et Kosmos sont identiques : c'est l'être d'une stabilité structurelle absolue, persévérant imperturbablement dans son être (Spinoza) quand on tente de le perturber. Au stade suivant on a un être un peu plus élaboré représenté par la fonction x->x³ pour Khaos, âme de Kosmos représenté par le déploiement "corps-et-âme" de cette âme, à savoir la fonction x->x³ + ax (a paramètre dit "de déploiement"), âme cette fois structurellement instable qui est stabilisée par son déploiement: on a ainsi un renseignement sur Khaos: si on veut dialoguer avec lui il faut le faire dans le plus grand recueillement, extrême sensibilité -due à l'instabilité structurelle- oblige! (1). À l'étape suivante on a x->x⁴ pour Khaos et x->x⁴ pour Kosmos et ainsi de suite, les "véritables" Khaos et Kosmos trônant "évidemment" au sommet infiniment haut d'un "arbre de Jacob" dont les trois branches les plus basses sont celles ci-dessus.
Dans une interprétation linguistique de cet "arbre de Jacob", Khaos est le Verbe et Kosmos est la phrase élémentaire qui donne sens à ce verbe en saturant ls valence par des substantifs -typiquement "Le chat mange la souris." pour un phrase SVO- (et ainsi le Verbe se fait Chair). Linguistiquement Thom associe à l'âme x->x² le verbe être (on ne peut rien dire de cet être qu'une seule chose : il est), puis commencer ou finir à x->x³ et diviser et unir à x->x⁴ qui sont les évènements crisiques les plus courants.
Remarque finale : On voit donc qu'il est plus difficile de remonter l'arbre de Porphyre que le redescendre puisqu'il s'agit d'isoler l'âme du corps-âme. L'âme est au corps ce que la vue est à l'œil, disait Aristote…
(1) Ce que Grothendieck dit faire dans "La clef des songes" lorsqu'il dialogue avec Dieu.
jc
29/12/2021
Pour Thom il ne fait aucun doute que, dans les sociétés, c'est la fonction qui crée l'organe. Il me semble en effet clair que tout logisticien qui se respecte est lamarckien lorsqu'il s'agit d'organiser son job et que d'une façon générale, on s'organise pour que ça fonctionne (ce ne seront pas les logisticiens qui me contradiront). Ainsi le Dieu Khaos (en puissance) n'est pas entièrement libre, car il est contraint de se débrouiller pour que le Dieu Kosmos (en acte) fonctionne. Thom : "(...) j'accepte, en biologie, le principe lamarckien : la fonction crée l'organe. C'est un principe que les biologistes actuels refusent absolument. Ils pensent, par exemple, que si nous voyons c'est parce que nous avons des yeux et pas du tout parce que d'une certaine manière la vie a décidé de fabriquer des yeux pour voir !"(1).
Remarque finale : On retrouve le problème avec les homéomères et les anhoméomères d'Aristote : "L'opposition homéomère-anhoméomère recoupe donc -en un certain sens- l'opposition centrale de la physique aristotélicienne, celle de la puissance et de l'acte. (...) Ainsi donc, si les homéomères définissent la structure, les anhoméomères sont étroitement liés à la fonction." ("Structure et fonction en biologie aristotélicienne", AL p.255).
(1) Cf. le film fait par JL Godard sur Thom, à 40', dispo sur la toile.
jc
30/12/2021
On trouve dans "Structures et fonction en biologie aristotélicienne" (AL), le passage suivant qui me semble en rapport avec ce que dit PhG du Temps crisique :
"On peut métaphoriquement représenter le concept de fonction par une fronce d'hystérésis associée à l'opposition de deux temps : un temps "atemporel", une éternité vide d'évènements, ce que les anciens Grecs appelaient aiôn, et un temps qualitativement spécifié, chronos, celui qui est porteur d'évènements catastrophiques, et où se déroule l'exécution d'actes. (...) Toute fonction apparaît alors comme un pli des temps sur l'espace-temps." (p.257).
On voit que, dans ce cas, il y a une respiration : phase de tension suivie d'une phase de relâchement, que l'on retrouve un peu partout (par exemple systole/diastole, inspiration/expiration,voire guerre/paix). Cela suggère l'idée d'un monde perpétuellement en crises pendant lesquelles est consommée de l'énergie active (ἐνέργεια) entrecoupées de périodes de repos pendant lesquelles le monde emmagasinant de l'énergie potentielle (δυναμικός) destinée à être transformée en énergie active pour de futurs travaux. On retrouve là, il me semble, une idée développée jadis par PhG (1).
En fait, si l'on regarde la Crise-Dieu du point de vue esquissé dans mes précédents commentaires, cette crise est embryologique et il est clair que le développement de l'embryon à partir de l'œuf fécondé est une succession de crises. Le choix de Crise-Dieu est, àmon avis, fort bien venu parce que cette crise est embryologique (2).
(1) https://www.dedefensa.org/article/le-rythme-contraction-extension-de-la-crise
(2) dont il découle que le Dieu Kosmos doit être pensé comme vivant.
jc
30/12/2021
[ Dans "Ontologie" lire x->x⁴ + ax² + bx pour le déploiement de x->x⁴ ]
Le lecteur ayant parcouru et l'article du glossaire et mes commentaires aura peut-être été frappé par le net décalage entre l'approche hautement intuitive et quasi-mystique de PhG et celle beaucoup plus nette de Thom.
Thom écrit à ce sujet:
1. "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite
clarté."
2. "Si l'on veut comprendre l'auteur, il faut jouer le jeu et rentrer dans son monde. Sans doute y a-t-il beaucoup de cas, récents, où le jeu n'en vaut pas la chandelle. dans ma propre écriture, je mêle de manière quasi indissoluble la pensée verbale et l'idéalité mathématique. Cela ne va pas sans inconvénient. Ce style mixte irrite le mathématicien professionnel, habitué à traiter mathématiquement l'être mathématique; et déconcerte le non-géomètre (αγεωμέτρητος) à qui la face mathématique de ma pensée échappe irrémédiablement. Mais je vis de ce contact, et si ma pensée a quelque valeur, c'est de cette symbiose qu'elle la tire. la pensée purement mathématique, quand elle est formalisée, est aveugle, mais capable de marcher, et même fort loin. La pensée intuitive, au contact du réel, est le paralytique de la parabole, qui voit, mais ne peut pas progresser sûrement." (AL, p.503)
jc
30/12/2021
PhG : "Pour nous, cette révolution structurelle décisive, préparée par divers événements (diverses crises) s’est faite avec l’ensemble Covid-wokenisme apparu en 2020, – dont il est évidemment complètement inutile de chercher une explication historique et rationnelle, – ni du Covid, ni du wokenisme, ni du reste.".
PhG insiste ici -et aussi ailleurs- sur le fait qu'il est inutile de chercher une explication rationnelle à la crise qui nous secoue. Je ne suis pas d'accord avec ça, je l'ai déjà souvent dit en commentaire et je le redis ici. La rationalité n'étant rien d'autre qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire, rien ne dit qu'en changeant de déontologie on ne va pas tomber sur une autre rationalité qui nous permettra de voir les choses autrement et plus nettement. Il apparaît de plus en plus clairement que les principes qui fondent notre rationalité occidentale (identité, non-contradiction) sont mis à mal depuis l'apparition de la Physique quantique (le chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant).
Le langage naturel a pour Thom une origine embryologique qui calque l'origine embryologique du monde comme esquissé dans mon commentaire "ontologie". Autrement dit, à condition d'utiliser le langage en logocrate (comme PhG s'attache scrupuleusement à le faire) et sans le saccager (comme "on" est en train de le faire), ce langage naturel est une base solide pour fonder une nouvelle rationalité. Le problème est que c'est seulement une base, base qui ne permet pour l'instant pas d'aller au-delà. Thom:
1: "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne. quel est l'intérêt des la mathématisation en physique? C'est qu'on peut, par le calcul sur les nombres, faire des opérations que ne permet pas le raisonnement sur des concepts en langage ordinaire. Une modélisation géométrique de la pensée verbale ordinaire n'aura d'intérêt que si l'on peut, grâce à elle, aboutir à des assertions que ne permet pas de fournir la logique usuelle du langage naturel. Cela suppose qu'on puisee: 1) modéliser géométriquement toutes les déductions (rigoureuses) de la pensée ordinaire. Autrement dit : réaliser le rêve leibnizien de la "caractéristique universelle" ; 2) aller au-delà.
La partie 1 de ce programme "énorme" n'étant pas réalisée (et de loin), il est sans doute prématuré de considérer la partie 2. J'ai cependant déjà rencontré des propositions à caractère "translogique" fournies par le modèle géométrique et que rejetait le bon sens ordinaire. Ainsi de l'assertion : "le prédateur affamé est sa propre proie" qui, selon moi, est à la base de l'embryologie animale." (AL, p.409) ;
2: "Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être." ;
3. "La pensée conceptuelle est une embryologie permanente." ;
4. "La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute, à mes yeux, que c'est là l'unique façon de définir la Logique naturelle" ;
5. Ce que dit Thom dans le dernier chapitre de la deuxième édition de SSM (mais pas la première) intitulé "De l'animal à l'homme : pensée et langage" ouvre des perspectives selon moi assez vertigineuses.
jc
30/12/2021
En fouillant sur le site ce que PhG dit à propos des crises en général j'ai parcouru l'article "Notes sur notre “kosmos crisique” avec plus d'attention avec des concepts soigneusement nommés et définis: structure crisique, chaîne crisique, infrastructure crisique (qui appellera sans doute celle de superstructure crisique ou de métastructure crisique quand cette fameuse crise qui monte actuellement en puissance va réellement s'emballer).
Ce qui m'a attiré dans ces Notes c'est l'inversion du sens. Le sens naturel est, selon moi, lorsque la fonction crée l'organe, c'est-à-dire lorsque la fonction s'impose à la structure. Lorsqu'il y a inversion du sens, c'est-à-dire quand c'est la structure qui s'impose à la fonction, c'est pour moi un signe de vieillissement du système considéré (ici, bien entendu, du Système). C'est un mauvais signe pour le Système car il est le signe un manque d'adaptabilité (typiquement La Redoute, la Poste, face au tout nouveau e-commerçants pour qui le principe lamarckien joue à fond). Mais le fait que la catastrophe soit furtive ("PhG parle de déferlement furtif", "de trou noir silencieux") m'incite à penser à une autre cause d'inversion catastrophique.
Dans sa classification des catastrophes (plus de entrées 30 à ce mot dans l'index de SSM!) figurent justement les catastrophes silencieuses, catastrophes qui se caractérisent par l'augmentation de la dimension de l'attracteur, soit par bifurcation (dédoublement) soit par couplage avec un autre attracteur. Thom écrit à son propos : "En embryologie, la catastrophe silencieuse signifie en principe un gain de compétence mais, comme il s'agit d'une transformation continue, elle ne donne, en principe, naissance à aucune morphogenèse.". Peut-être l'intuition qu'a PhG de la situation est-elle mieux décrite par une catastrophe anabolique (formation d'attracteurs de dimension plus grande) ou catabolique (désagrégation de l'attracteur au profit d'attracteurs de dimension plus petite)? Le rôle de la catastrophe silencieuse en morphogenèse est indiqué dans l'article fondateur "Une théorie dynamique de la morphogenèse" (MMM), paragraphe "La finalité en Biologie".
(1) https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-notre-kosmos-crisique
jc
30/12/2021
Avec mes considérations sur la Crise-Dieu qui m'ont emmené en métaphysique extrême (je ne suis pas déçu de mon voyage) je redescend en métaphysique normale.
À la fin de SSM Thom évoque la décomposition de l'empire d'Alexandre :
"Il serait tentant d'envisager l'histoire des nations comme une suite de catastrophes entre formes métaboliques ; quel exemple de catastrophe généralisée que la décomposition d'un grand empire, comme celui d'Alexandre. Mais il faut de toute évidence se borner ; dans un sujet comme l'Homme, on ne saurait pénétrer qu'à la surface des choses.".
Je me demande si envisager l'histoire "comme une suite de catastrophes entre formes métaboliques" n'est pas très exactement envisager l'histoire comme l'Histoire majusculée, c'est-à-dire comme la métahistoire au sens de PhG. Pour qu'il en soit ainsi il faudrait que la chaîne crisique (c-à-d la suite de catastrophes entre formes métaboliques) soit une chréode (1). PhG se retrouverait alors face à l'histoire exactement dans la même position que Thom face à la Biologie : saut métaphysique est incontournable, raison à mon avis fondamentale pour laquelle la théorisation thomienne de la Biologie est refusée par les scientifiques actuels. Grasset et Thom même combat?
Les catastrophes anaboliques et cataboliques (évoquées en Structure et fonction.1) sont des catastrophes généralisées. Il y en a d'autres. Ces catastrophes ont toutes en commun de ne pouvoir être rationnellement formalisées (2), ce qui est déjà un indice qui renforce l'intuition de PhG selon laquelle on est nécessairement dans le domaine de la métaphysique.
1: Notion introduite par l'embryologiste anglais Waddington, généralisée par Thom.
2: Thom : "Une catastrophe généralisée n'est pas un processus formalisable car la déduction logique vérifie l'analogue formel du principe de Curie [toute symétrie des causes se retrouve dans les effets] : dans un système formel, tout automorphisme d'un système de prémisses s'étend en un automorphisme de l'ensemble des conclusions." (SSM, 2ème ed., pp.104 et 105)
jc
01/01/2022
Les concepts qui sortent de la fertile imagination de PhG ne sont pas figés, ils évoluent au contraire constamment (majuscule ici, gras là, trait d'union, etc) comme s'ils vivaient vraiment dans l'esprit de leur concepteur. Et c'est peut-être le concept de crise qui, pour moi, montre le plus nettement la façon que PhG a de conceptualiser.
Thom : "Il faut au contraire concevoir que tout concept est comme un être vivant qui défend son organisme (l'espace qu'il occupe) contre les agressions de l'environnement, c'est-à-dire, en fait, l'expansionnisme des concepts voisins qui le limitent dans l'espace substrat : il faut regarder tout concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis.".
Qu'est-ce que conceptualiser, qu'est-ce que penser par concept? Thom propose la réponse suivante : "L'homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son existence à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire : aussi, va-t-il « penser » c'est-à-dire saisir des êtres intermédiaires entre les objets extérieurs et les formes génétiques : les concepts."(1).
Avoir un accès conscient aux formes génétiques : une spécificité de PhG par rapport à l'individu lambda qui n'y a accès qu'inconsciemment, guère plus qu'un animal? Un rapport avec sa mystérieuse et légendaire intuition haute?
Thom : "(...) l'homme est pourvu d'un dispositif universel qui, sur un champ de dynamique neuronique, peut en reconstituer le centre organisateur. Véritable gonade mentale, ce dispositif condense les champs en mots, vraies semences d'idées ; placé dans un contexte approprié, le mot germe et éclate dans l'esprit de l'auditeur, et la forme globale ainsi reproduite est l'idée. Ainsi, la pensée conceptuelle est une Embryologie permanente.
Thom : "L'émission verbale est un véritable orgasme."
PhG (2) : « Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou. »
La théorétique est, je viens de le vérifier (3), a trait "à la connaissance conceptuelle, au savoir et non à l'action" et . Pour moi PhG est typiquement un théoréticien; et ainsi peut-être, tel Monsieur Jourdain, un petit peu mathématicien sans le savoir (4).
(1) Thom parle des formes génétiques pp. 303 et 304 de SSM. En gros ce sont les formes archétypes, les formes fondamentales, comme la forme d'un œuf pour la poule qui doit le couver, d'un téton de la mère pour les lèvres du nourrisson ou d'un bec pour l'oiseau (l'oisillon) qui doit donner (recevoir) la becquée. Parmi les singularités thomiennes figurent le "bec à bec", et la "lèvre" (SSM, pp. 66 et 67). Il revient à ce propos à l'embryologie p. 304 : "on aurait tort de se représenter ces formes comme des sortes d'engrammes fixés définitivement, comme une empreinte sur une plaque photographique. En réalité ces formes sont définies dynamiquement, par une sorte d'embryologie permanente, qui se prolonge en la chréode motrice focalisée sur la forme. ".
(2) "La Grâce…", tome III.1 , https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu
(3) https://fr.wiktionary.org/wiki/th%C3%A9or%C3%A9tique
(4) Allusion à mon commentaire "L'aveugle et le paralytique".
jc
01/01/2022
PhG (1): "Qu’importe, l’âme poétique s’était ouverte, dans toute sa sublime splendeur, dans sa grandeur extrême, dans la douceur de son infinie nostalgie, et je réalise, à en parler comme je le fais, que j’ai mis bien du temps à la reconnaître et à l’honorer pour ce qu’elle est. Je ne crois pas une seconde que cette âme poétique, de même que les mots et les phrases qui naissent de-ci de-là, de ma plume, je ne crois pas que tout cela soit de moi ; cela m’est un don, c’est-à-dire quelque chose que l’on voulut bien me donner pour que j’en fasse le message, que j’en sois le recéleur puis le porteur et rien d’autre, rien de plus…".
Le don, la donnée, le fait ont-ils un caractère sacré ou profane: that is the question. Il est clair que, pour "nos" modernes, données -data- et faits sont des "concepts" profanes ; Thom ironise sur cette vision des choses :
"Lorsqu'on a compris – à la suite de T. S. Kuhn – le caractère « automatique » du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde – et cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du « hard fact », se sont-ils jamais demandé ce qu'est un fait ? Faut-il croire – ce qu'insinue l'étymologie – que derrière tout fait, il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait ? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un « sujet » résistant sur lequel le fait nous apprend quelque chose ? Telles sont les questions que notre philosophe devra constamment reposer, insufflant ainsi quelque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. Bien sûr la Science n'a nul besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit.".
Quid des formes premières d'intelligibilité? Pour moi il ne fait guère de doute que ce sont les formes génétiques dont parle Thom (2)
Voici comment, chaussé de mes lunettes thomiennes, je vois le don de PhG. Pour faire court je vois PhG comme un nourrisson, et ses paroles comme des babils. Ce n'est pas du tout péjoratif de mon fait, tout au contraire. Ne dit-on pas en effet que la vérité sort de la bouche des petits enfants (le babil comme émission/expression/expulsion des premières formes d'intelligibilité)?
Thom :
1. "A la naissance le nourrisson est équipé d'un stock de schémas sensori-moteurs, de formes génétiques, qui se manifestent par les réflexes dits archaïques. plus tard, vers l'âge de six mois, ces schémas subissent une sorte de fonte, de catastrophe généralisée qui coïncide avec le début du babil enfantin. On peut voir dans ce babillage la volonté d'expulser, par voie articulatoire, un certain nombre de formes génétiques aliénantes, manifestation ludique d'émission, non de capture. (...) Si on ne parle pas à l'enfant entre un et trois ans, la catastrophe d'émission articulatoire (le babil) dégénère rapidement en l'émission d'un petit nombre de sons grossiers (vocalisation des "enfants-loups")." (SSM, 2ème ed., pp. 309 et 310)
2. "On sait que vers l'âge de dix-huit mois, le nouveau-né commence son babillage, il prend conscience de ses possibilités articulatoires, et -disent les spécialistes- forme à cette époque les phonèmes de toutes les langues du monde. Les parents lui répondent dans leur propre langue et, peu de temps après, le bébé n'émet plus que les phonèmes de cette langue, dont quelques mois plus tard, il maîtrisera le vocabulaire et la syntaxe. Je verrais volontiers dans le mathématicien un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront un jour à ouvrir le dialogue avec elle, et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo." ("De l'icône au symbole", conclusion, MMM).
Mon flair me dit que tout ça s'accorde avec ce que j'imagine être PhG: il suffit de remplaçer ci-dessus mathématicien par théoréticien et Mère Nature par Dieu. Le don "qu'on voulut bien me donner" est alors celui de traduire en français la parole de Dieu "pour que j'en fasse le message".
Logocrate un jour, logocrate toujours dirait sans (aucun?) doute Semper Phi que je verrais bien adhérer à ce que dit Thom, convaincu, lui, que "le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être.".
Au seuil de cette nouvelle année (qui s'annonce chaotique) je souhaite à Semper Phi une bonne éternité.
1: La Grâce de l'Histoire" tome III.1 , https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu
2. Cf. mon commentaire "Conceptualisation".
jc
05/01/2022
Dans le .0 j'ai émis l'idée que la pensée de PhG était embryologique. En poussant un peu le bouchon, cela ne peut, selon moi, signifier rien d'autre qu'une chose : PhG pense et agit tel qu'il est, son action consistant, en ce qui concerne le lecteur que je suis, à coucher ses pensées, ses intuitions hautes, sur le papier. Sa logique est, pour moi, naturelle au sens que Thom donne à ce concept :
"La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l'animal. C'est, à mes yeux, l'unique façon de définir ce qu'est la Logique naturelle."
L'analogie me semble en effet claire : le "germe "c'est ici "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie" et "les organes de l'animal" c'est "là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place.".
Pour moi PhG est un esprit de finesse (et même un esprit de grande finesse) au sens où je crois que Pascal l'entend et c'est un esprit qui entend essentiellement par le sens selon la citation d'Al-Kindi, tout en étant très conscient d'une origine, d'une structure et d'une raison "divines" du langage dans lequel il exprime son "âme poétique". Ceci le conduit à se qualifier de logcrate en citant George Steiner (1), si bien que je le vois bien rejoindre Thom (2) sur la citation suivante, dont on notera la référence à la Tradition:
"Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clefs de l'éternelle structure de l'Être.".
PhG tel monsieur Jourdain, géomètre sans le savoir? L'esprit de géométrie -le parent pauvre dans l'esprit de Pascal (2)?- au secours de l'esprit de finesse? Apologie du logos, qui est consacré à ce problème, comme un prolongement de la célèbre pensée de Pascal? L'envoi, à mon avis le suggère. Extraits :
1. "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle de l'agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." ;
2. "Ces deux pentes du logos [conceptuelle et mathématique] manifestent sans doute une distinction irréductible entre deux modes d'appréhender l'existence. Le mode métaphysique, celui d'Aristote -l'être comme acte ("on agit comme on est", dit saint Thomas)-, et le mode géométrique : la forme visible dans l'étendue. Ces deux modes existent bel et bien l'un et l'autre, et à leurs frontières subsiste un no man's land où se déploient les catastrophes. ".
Je n'ai rien lu ni de ni de saint Augustin ni de saint Thomas, car je n'ai fait que parcourir leurs fiches Wikipédia. Mais est-il inconcevable de remplacer Thomas par Augustin et acte par pensée (et Aristote par Plotin) dans la citation ci-dessus et d'en faire une synthèse (4)?
La citation 2 se prolonge immédiatement par : "L'exploration de ces marches, où se heurtent vouloir et étendue, n'est pas chose aisée et je suis sûr que de nombreux lecteurs trouveront parfois que mes textes exigent un effort intellectuel excessif. Ceux qui ne se laisseront pas rebuter en retireront, je l'espère, quelque bénéfice.". La fin de cette dernière citation vaut pour moi autant pour Thom que pour PhG et le "où se heurtent vouloir et étendue" me renvoie quasi en direct (ou en uppercut) à "Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice", citation de Daniel-Rops à propos de "la parabole de Rodin" dont PhG nous dit à la fin du tome II de "La grâce…" qu'elle fait l'affaire pour introduire le tome III et, en fait, l'essentiel de "La Grâce…".
1. Steiner : "Le point de vue “logocratique” est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que “l’usage” qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la “maison du langage” (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus…"
2: Cf. le dernier chapitre de SSM (2ème ed.) intitulé "De l'animal à l'homme : pensée et langage".
3: Je "sens" Pascal beaucoup plus métaphysicien que mathématicien. Mais peut-être a-t-il pressenti très tôt que la mathématique était métaphysique?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hexagramme_de_Pascal
4. Thom laisse peut-être entrevoir une telle synthèse: "C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, conclusion). (Ce monisme n'a, selon moi, rien à voir avec le monisme matérialiste affiché par Michel Onfray et le monisme spiritualiste de Descartes ("Je pense donc je suis"), dual, selon moi…, du précédent, car le monisme de ces intellectuels s'obtient en considérant que dans l'opposition essence-existence, l'un des deux actants n'a pas droit de cité car impliqué par l'autre: "Le plus ne peut sortir du moins", écrit Guénon à ce propos…)
jc
05/01/2022
Complément au .1.
1. À propos de " PhG est un esprit qui entend essentiellement par le sens selon la citation d'Al-Kindi" (Al-Kindi oppose la perception par les sens et la perception par la raison). il est clair pour moi que PhG ne perçoit pas par la raison des scientifiques modernes (Boole, Frege, etc.), ni peut-être même par celle codifiée dans l'organon aristotélicien.. Je vois plutôt PhG percevant le monde grâce à sa très grande sensibilité/affectivité, "un mot, une phrase placés en tête" renvoyant à une ou plusieurs formes génétiques enfouies au plus profond de son "âme poétique" par un mécanisme analogue à celui du chien de Pavlov salivant au tintement d'une sonnette (je suis à ce jour arrivé à l'idée que pour Thom, tous, animaux et humains pensent naturellement -mais pas artificiellement…- comme ça). Le drame de la pensée artificielle comme étant une pensée reliant des objets extérieurs selon des critères prétendument objectifs -au sens d'indépendants du sujet qui les considère- , critères venus on ne sait d'où?.
2. À propos de Guénon. Il me semble que PhG ne suit pas Guénon lorsqu'il assène que la Matière est le Mal et n'est que ça (et allant jusqu'à mettre la démocratie du côté du Mal et donc à proscrire absolument). On voit à la fin du tome II de "La Grâce…" que la position de PhG est plus nuancée : s'il assimile la Matière (des modernes?) au Mal, il se ménage une porte de sortie en ce qui concerne la matière (m minuscule) :
"... la matière elle-même n'est pas ou n'est plus tout le Mal lorsque le Mal s'est opérationnalisé sous le terme de "Matière", et qu'elle n'est certainement pas que le Mal, -comme Rodin justement nous le démontre, et les cathédrales avec lui- ...".
J'attends avec impatience ce qu'il va en dire dans le tome III.
3. J'en profite pour faire une remarque que je vois en rapport avec ce qui précède. Pour moi le roseau pascalien illustre bien l'idée que je me fais de la stabilité structurelle : une âme inflexible dans un corps flexible. L'âme comme matière rétive s'opposant à la volonté du créateur -Rodin par exemple- (pour l'empêcher de faire n'importe quoi? Bien que je n'y connaisse strictement rien aux choses de l'art, je pense qu'un sculpteur ne peut pas faire n'importe quoi, car il doit respecter la matière qu'il travaille, l'exemple d'Aristote (?) concernant la statue d'airain ou de glaise me sembleant amélioré lorsqu'on remplace l'airain par du bois ou de la pierre. Le Dieu Khaos (vu à ma sauce) : un Dieu infiniment inflexible -tout est infini chez Dieu…- mais laissant une infinie flexibilité dans l'exécution, flexibilité du Dieu Kosmos (toujours à ma sauce) que l'on perçoit dans la diversité de la nature?
jc
06/01/2022
Complément au .1
I. À propos du monisme.
Je lis que le monisme se différencie en monisme matérialiste et monisme idéaliste (1). Le monisme thomien est pour moi nettement distinct de ces deux monismes: c'est pour moi un monisme conceptualiste, à égale distance de ces deux monismes extrêmes, assez proche de l'hylémorphisme aristotélicien mais cependant différent, l'étude de cette différence faisant l'objet d'une partie de "Esquisse d'une sémiophysique". C'est en fait, à mon avis, une synthèse "en une entité géométrique unique" de ces deux extrêmes, synthèse "Janus " dont les deux faces sont la face matérialiste et la face idéaliste (2).
1: https://fr.wikipedia.org/wiki/Monisme#Origine_et_histoire_de_la_notion
2. Thom : "(...) le problème classique de l'opposition : « réalisme-idéalisme » ne se pose pas pour nous ; car on se place à un niveau (celui de l'image homomorphe du réel dans l'esprit) où cette distinction s'abolit."
II. À propos de l'opposition Saint Augustin/Saint Thomas
J'ai lu que pour les thomistes Dieu est en acte (Dieu acte pur). Le Dieu des augustiniens serait-il au contraire un Dieu en puissance (Dieu puissance pure)?
III. I+II
La réalité est-elle supérieure à l'idée ou, à l'opposé, l'idée est-elle supérieure à la réalité? Le pape François a rappelé la position thomiste (donc aristotélicienne) du Vatican selon laquelle la réalité est supérieure à l'idée. Les augustiniens ont-il la position opposée à savoir que pour eux que l'idée est supérieure à la réalité? (1)
Dans sa métaphysique Aristote illustre l'opposition puissance/acte par l'opposition mathématique problème ouvert/problème fermé, à savoir l'opposition assertion conjecturée/assertion démontrée. Les matheux savent bien qu'une même conjecture peut recevoir plusieurs démonstrations.
La position augustinienne serait-elle plus ouverte, plus libérale, que la position thomiste? La position thomiste serait-elle plus proche du globalisme, voire du totalitarisme? Pour répondre à la première question je lis (2 ): "Homme clé de l'émergence du moi en Occident" ; "De nos jours Augustin est plutôt considéré comme un des pères de l’individualisme moderne, voire du libéralisme.".
Je ne suis pas du tout spécialiste de ces questions mais je me demande si, pour PhG (pour moi indiscutablement augustinien), l'opposition Thomas/Augustin ne recoupe pas politiquement l'opposition américaine Démocrates/Républicains (avec en toile de fond l'opposition Globalisme/Localisme et l'opposition Système/AntiSystème)?
1. "[Pour Augustin] c’était bien évidemment le pôle divin qui devait orienter la pensée des hommes." ( https://www.dedefensa.org/article/je-suis-blanc-mais-je-me-bronze )
2: https://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_d%27Hippone
jc
07/01/2022
Suite du .1.2.
La citation suivante tirée de (1) me conforte dans l'idée que les thomistes pensent bien Dieu comme acte pur:
"De là cet axiome de St Thomas : Dans la mesure où l’on est en acte et parfait, on est principe actif ; unumquodque secundum quod est actu et perfectum, secundum hoc est principium activum alicujus. (S. Thom., I. P., q. 25, a. 1.) La seconde est donc seulement puissance, la première est déjà un acte dont dérive l’opération ou l’effet ; c’est pourquoi la seconde répugne à Dieu, mais non pas la première.".
La conception de Thom, telle qu'elle apparaît dans ce que j'appelle sa "tirade de Porphyre" (ES p.216), me semble diamétralement opposée -donc augustinienne?- puisque l'Être en soi y est vu comme "la rencontre de l'esprit avec "quelque chose comme un fluide indistinct, un matériau informe" (ce qui pour moi se résume en "Dieu tout puissant"), alors que, si j'interprète correctement la fin de sa tirade, "Dieu en acte" n'existera pleinement pour Thom "qu'une fois sa création achevée".
Du chaos des modernes au Dieu Khaos.
On est naturellement conduit à considérer que Dieu tout puissant peut tout, et donc aussi le contraire de tout, autrement dit que c'est le chaos au sens moderne du terme, et que c'est de ce chaos que sortira le monde (position qui conforte les "hasardeux" comme le Jacques Monod de 1968 -j'ai entendu récemment qu'il avait évolué-). Mais même les thomistes ne sont pas sur cette ligne comme le montre la citation suivante tirée de (1) :
"une puissance substantielle ne saurait être complétée que par un acte digne d’elle, c’est-à-dire substantiel ; et il est manifeste, d’autre part, qu’une puissance purement accidentelle ne saurait porter un acte substantiel : l’hypothèse se détruit d’elle-même." ,
Car il y a en Dieu l'idée de perfection, idée qui est refusée par les "hasardeux". Perfection en puissance chez les augustiniens et perfection en acte chez les thomistes?
Pour moi "Dieu tout puissant" est le Dieu Khaos dont j'ai déjà parlé. C'est Dieu "en germe", œuf cosmique fécondé par l'Esprit , Dieu tout puissant (celui des augustiniens?) dont sortira le Dieu Kosmos dont j'ai également déjà parlé, Dieu en acte (des thomistes?). (Finalement ce que fait Thom -et moi à sa suite- n'est guère plus que de déifier le vieux problème de l'œuf et de la poule (2).)
Pour Thom la structure est du côté de la puissance et la fonction du côté de l'acte (3). Cela suggère un Dieu Khaos "structurel" et d'un Dieu Kosmos "fonctionnel", la structure étant bien entendu faite pour fonctionner : Dieu Khaos détenteur des principes immuables (4), Dieu parménidien; Dieu Kosmos, Dieu vivant agissant en respectant ces principes avec cependant une certaine liberté d'action (liberté imposée par la stabilité structurelle) Dieu héraclitéen?
Thom écrit dans la conclusion de SSM: "Si certaines de mes considérations, en biologie notamment, ont pu paraître confiner au délire, il pourra, par une relecture, se convaincre qu'en aucun point, je n'ai, j'espère, franchi ce pas.". Je n'en écrirai certainement pas autant ici mais, comme le dit PhG : "la sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée"...
1: https://integralisme-organique.com/2018/08/matiere-et-forme-de-la-puissance-a-lacte-par-le-r-p-edouard-hugon-thomisme/
2: dont il parle p.226 de SSM (2ème ed.) laissant planer l'idée d'un Dieu Janus unique, à la fois en puissance et en acte : "...la poule et l'œuf ne sont que des sections temporelles d'une configuration globale dont le centre organisateur n'apparaît jamais, autour duquel l'onde de croissance tourne indéfiniment" (de même que ellipse et hyperbole sont des sections spatiales d'un même cône…).
3. Thom : "... si les homéomères définissent la structure, les anhoméomères sont liés à la fonction. (...) L'opposition homéomère-anhoméomère
4. dont, bien entendu, le principe de stabilité structurelle selon lequel tout être se doit de persévérer dans son être.
jc
08/01/2022
La citation thomienne suivante est pour moi en rapport avec le "Pour moi "Dieu tout puissant" est le Dieu Khaos [dont j'ai déjà parlé en .1.3]. C'est Dieu "en germe", œuf cosmique fécondé par l'Esprit , Dieu tout puissant (celui des augustiniens?) dont sortira le Dieu Kosmos |dont j'ai également déjà parlé]" :
"En parcourant cet axe [qui joint Indicativité à Prédicativité, c'est-à-dire la Deixis à la Prédication] (...) on décrit psycholinguistiquement le parcours de l'énonciateur : sa tâche initiale est de créer le paysage sémantique qu'il va énoncer, et cette tâche terminée il doit finalement s'effacer devant l'univers qu'il a créé, imitant ainsi Jéhovah qui, la Création achevée, s'est retiré,
laissant ainsi le monde en état d'« apousie »." (1992, La Transcendance…)
Cette citation de Thom me renvoie à une autre, cette fois de PhG, citation qui me fascine (1) : "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie" : Deixis, Dieu Khaos ; "et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place." : Prédication, Dieu Kosmos (2).
1: « Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou. » ("La Grâce…", tome III.1 et https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu )
2: Je rappelle à ce propos la citation thomienne : "La classe engendre ses prédicats comme le germe engende les organes de l'animal. C'est (à mes yeux) l'unique façon de définir ce qu'est la Logique naturelle."
jc
09/01/2022
Il est pour moi clair qu'il y a "des mots, des phrases, des citations à placer en tête", qui préoccupent Semper Phi plus que d'autres et qui donnent lieu à des développements différents ("et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place"), comparant ainsi Semper Phi à Rodin "actant" plusieurs statues d'un Balzac "en puissance". Pour moi Semper Phi est dans une situation analogue au matheux qui trouve différentes démonstrations d'une même assertion conjecturée (et, quand il en trouve une, c'est un instant plaisant -sinon un moment de bonheur fou-). J'ai ci-dessus utilisé à dessein le terme de développement pour faire une autre analogie mathématique, selon moi plus intéressante, car elle connecte le don de Semper Phi au mécanisme qui, selon Thom, commande toute morphogenèse (SSM, 2ème ed., p.32): le mot, la phrase la citation à placer en tête est associé à l'œuf totipotent, lui-même associé par Thom à une fonction indéfiniment différentiable mais non différentiée et très peu spécifiée (comme le sont le mot, la phrase,la citation à placer en tête). Et les développements différents de Semper Phi à partir de différents points de vue sont les analogues des développements de Taylor de la fonction en différents points.
Dans la citation qui me fascine tant (1) Semper Phi parle de l'être en soi "en acte", alors que, dans une autre citation qui me fascine aussi (2), Thom parle de l'être en soi en puissance, être qu'il qualifie à la fin de sa tirade de fluide homogène indistinct, de matériau informe dont sortira le monde (ES, p.216). L'instant crucial est, pour Thom, l'instant crucial est celui de la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe, alors que pour Semper Phi c'est celui de la rencontre du mot, de la phrase, de la citation avec "la chose inspiratrice qui ouvre la voie".
En termes onto-théologiques (je découvre le mot) l'instant important apparaît alors comme étant celui où l'Être en soi en puissance (celui de Thom), plein d'énergie potentielle (δύναμις), rencontre l'Esprit qui convertit cette énergie potentielle en énergie active (ἐνέργεια), déclenchant le processus qui aboutit à l'Être en soi en acte (celui de Semper Phi).
Puissance et matière d'une part et acte et forme d'autre part étant liés (chez Aristote?), Dieu tout puissant ("mon" Dieu Khaos) se trouve alors associé à la matière, ce matériau informe dont sortira le monde ("mon" Dieu Kosmos) dont parle Thom, donnant ainsi à la matière un statut diamétralement opposé à celui que lui donne Guénon (la Matière assimilée au Mal).
Sans guère de doute pour moi on retrouve là Daniel Rops, que Semper Phi cite si souvent à propos de Rodin et de son Balzac dans "La Grâce…": "Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice…" ?
Pour finir je me permets, à propos de cette dernière citation, de citer un fragment du tome III.1 de "La Grâce…" (pp.181 et 182):
"Où l'on voit, comme suggéré plus haut et ici avec nécessité de redite pour que l'insistance donne forme à la démarche, que rien n'est dit sur la matière; où l'on voit, en d'autres mots plus décisifs, que la Matière-majusculée que nous-mêmes avons proposée comme instituée dans notre terrible époque; où l'on voit alors, et cela est absolument et tout simplement décisif, que la Matière-majusculée, si elle est le Tout de cette terrible époque, n'est pas toute la matière. Encore et encore, avec toute la force qui me reste, que me laisse le fond de mon âge finissant, je proclame cette fondamentale distinction comme étant l'un des phénomènes les plus importants de la conception générale que je me fais du monde; Il me faudra bien revenir sur cette problématique, sur le fond, -je l'espère, plus loin dans ce tome III de "La Grâce" si le Temps me laisse un peu de sa grâce ;il faudra bien se plonger dans l'épreuve incroyable et inestimable de la définition de la matière dans toutes ces nuances essentielles que je ne fais que survoler. Au bout du compte, le Tout de cette ambition dépendra du temps qui m'est encore laissé...".
1: « Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou. » ("La Grâce…", tome III.1 et https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu )
2: "L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogenèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.
Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"?" (Esquisse d'une sémiophysique, p.216)
jc
13/01/2022
Dans le .1 j'ai catalogué PhG en esprit doué d'une grande finesse (1), mais guère pourvu, apparemment, d'esprit de géométrie. Partant de l'idée que l'esprit de finesse perçoit plus par les sens que par la raison, au contraire de l'esprit de géométrie, qui, lui, perçoit plus par la raison que par les sens, je voudrais illustrer ici cette opposition en reprenant une citation de Fabrice Hadjadj, faite dès le tome II de "La Grâce…" et reprise dans le tome III.1. Je remets d'abord ici les citations thomiennes qui invitent à une telle illustration, en rappelant que, pour Thom, "l'ambition ultime de la théorie des catastrophes est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne" :
"Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle de l'agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." ;
"Ces deux pentes du logos [conceptuelle et mathématique] manifestent sans doute une distinction irréductible entre deux modes d'appréhender l'existence. Le mode métaphysique, celui d'Aristote -l'être comme acte ("on agit comme on est", dit saint Thomas)-, et le mode géométrique : la forme visible dans l'étendue. Ces deux modes existent bel et bien l'un et l'autre, et à leurs frontières subsiste un no man's land où se déploient les catastrophes. L'exploration de ces marches, où se heurtent vouloir et étendue, n'est pas chose aisée et je suis sûr que de nombreux lecteurs trouveront parfois que mes textes exigent un effort intellectuel excessif. Ceux qui ne se laisseront pas rebuter en retireront, je l'espère, quelque bénéfice.".
Ensuite la citation de FH suivie d'un commentaire de PhG :
FH : "En un mot, le futur est relatif à ce qui va, l'avenir à ce qui vient, et il faut que ce qui va soit ouvert à ce qui vient, sous peine d'une vie qui meurt en se fixant dans un programme. Cette subordination du futur à l'avenir marque aussi la supériorité et plus encore la surprise de l'avenir par rapport au futur. Quand le monde ne va pas, quand, sous nos yeux, il court à sa perte, cela n'empêche pas le royaume de venir : sa grâce ne dépend pas de nos mérites, elle présuppose même plutôt notre condamnation." ;
PhG : "De la définition qui précède on peut déduire autre chose, à savoir que le passé se retrouve rejeté par le futur, mais assumé par l'avenir.".
Pour moi PhG commente la citation d'Hadjadj en mode métaphysique (2). Le mode géométrique ("la forme dans l'étendue") suivant éclaire pour moi lumineusement les constructions conceptuelles de PhG : l'avenir est éclairé et tracé par un projecteur situé au-dessus de nous, qui permet d'embrasser d'un seul regard le passé et l'avenir (3), alors que le futur est éclairé et tracé par une lampe située sur notre front (c'est presque "Et lux in tenebris lucet et tenebræ eam non comprehenderunt"...).
Il y a pour moi une nette distinction entre un projecteur qui "projette" sa lumière "sur" les ténèbres (et donc sur nous) et une lampe frontale (éclairée par notre propre hubris ...) qui "injecte" sa lumière "dans" les ténèbres. Cette distinction renvoie à la distinction mathématique limite inductive/limite projective (4). Thom (SSM, 2ème ed., p.33) associe la lignée germinale en embryologie à une limite projective qui, lorsque prolongée à l'infini, n'est autre, pour moi…, que la représentation de "mon" Dieu-Khaos en mode géométrique, Dieu qui se projette en une infinité de "petits dieux", d'autant plus petits que la dimension de l'espace sur lequel il (Dieu-Khaos) se projette -et, selon la théorie des catastrophes élémentaires, il n'y a que sept tels "petits dieux" observables dans notre espace-temps 4D, le plus puissant étant l'ombilic parabolique-.
NB: Je me place donc ici résolument en apprenti-métaphysicien (en culotte courte bien sûr, tentant de trottiner derrière mon gourou Thom) au sens que Thom donne à ce mot ("en son sens technique, la métaphysique est l'étude de l'être en tant qu'ëtre"), plus précisément en théoréticien (Aristote regroupe mathématique, physique (aristotélicienne bien sûr) et théologie sous le nom de théorétique). Thom : "En dépit de mon admiration pour Aristote, je reste platonicien en ce que je crois à l'existence séparée ("autonome") des entités mathématiques, étant entendu qu'il s'agit là d'une région ontologique différente de la "réalité usuelle" (matérielle) du monde perçu. (C'est le rôle du continu -de l'étendue- que d'assurer la transition entre les deux régions.)" (ES, p.245)
1: "Pour moi PhG est un esprit de finesse (et même un esprit de grande finesse) au sens où je crois que Pascal l'entend et c'est un esprit qui entend essentiellement par le sens selon la citation d'Al-Kindi, tout en étant très conscient d'une origine, d'une structure et d'une raison "divines" du langage dans lequel il exprime son "âme poétique".".
2. Cf. "La Grâce…", tome III.1, pp. 148 à 150.
3. Référence à une citation de Julius Évola faite par PhG dans "La Grâce…": "C'est une pensée "originelle"; elle ne recule pas en arrière dans le temps, elle s'élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant". (Le noyau transcendant est par moi identifié à "mon" Dieu-Khaos.)
4: https://fr.wikipedia.org/wiki/Limite_inductive ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Limite_projective
jc
13/01/2022
J'ai écrit en 1.1 que "Je vois plutôt PhG percevant le monde grâce à sa très grande sensibilité/affectivité, "un mot, une phrase placés en tête" renvoyant à une ou plusieurs formes génétiques enfouies au plus profond de son "âme poétique" par un mécanisme analogue à celui du chien de Pavlov salivant au tintement d'une sonnette.", et en 1.6 que "... l'esprit de finesse perçoit plus par les sens que par la raison, au contraire de l'esprit de géométrie, qui, lui, perçoit plus par la raison que par les sens". Quelques précisions.
La relecture des pages 131 à 137 du tome III.1 de "La Grâce…" me conforte dans l'idée que c'est par la sensibilité et l'affectivité que c'est essentiellement à travers son "âme poétique" que PhG perçoit le monde. il s'agit bien entendu d'une sensibilité et d'une affectivité humaines qui prennent leur source dans la sensibilité et l'affectivité animales mais qui en diffèrent notablement par le fait que la cervelle humaine "a pu réaliser une architecture compliquée (...) dont les animaux paraissent incapables. "(1), (2). En relisant: "Avec elle [la nostalgie], en vérité, l'émotion est la grande santé même, la raison éclairée par l'âme poétique", je me trouve conforté dans l'idée que la raison humaine de PhG est bien fille de l'affectivité -débarrassée de tout affectivisme- et de la sensibilité -débarrassée de toute sensiblerie-. Il s'agit d'une raison "divine", à mille lieues de la raison "humaine" (et rien qu' "humaine") des modernes (3).
1: "... dans le cerveau humain s'est réalisé un dispositif simulateur des singularités auto-reproductrices de l'épigenèse qui permet, en présence d'une catastrophe d'espace interne Y et de déploiement U, de renvoyer le déploiement U dans l'espace interne Y, réalisant ainsi la confusion des variables internes et externes." (SSM, 2ème ed. p.309) ;
2: "(...) le langage humain permet la description d'un processus lointain (dans l'espace et dans le temps) et libère l'esprit de la tyrannie du « hic et nunc » à
laquelle l'animal demeure soumis. Peut-être en cela la vie n'a-t-elle fait que pousser à son terme un de ses mécanismes fondamentaux ; dès qu'il fabrique un œuf, un organisme vivant a le projet de coloniser l'espace et le temps, il se soustrait au « hic et nunc ». La fonction essentielle de l’intelligence humaine, simuler les lois, les structures du monde extérieur n'est guère que le prolongement – ou l'explicitation – de ce dessein primitif.".
3. Cf. https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin
jc
14/01/2022
Une remarque prolongeant le .1.6, à propos citation de Fabrice Hadjadj.
La psychanalyste Michèle Porte a recueilli quelques 90 pages de citations de l'œuvre de Thom (1), dont la première est :
"Quand on sait où l’on va, on va rarement très loin." .
Je la paraphrase à l'attention des "modernes" et de leur "futur transhumaniste": "Quand on ne sait pas d'où on vient, on va rarement très loin (2,3)".
1: https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf
2: Et quand on croit être allé très loin, c'est qu'on s'est perdu : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Poucet
3. C'est encore quand on est guidé par une intuition haute (je pense à PhG et à Thom* en écrivant ça) que l'on va le plus loin (et de très loin!). (": "Une grande partie de mes affirmations relèvent de la pure spéculation; on pourra sans doute les traiter de rêveries… J'accepte le qualificatif; la rêverie n'est-elle pas la catastrophe virtuelle en laquelle s'initie la connaissance? Au moment où tant de savants calculent de par le monde, n'est-il pas souhaitable que d'aucuns, qui le peuvent, rêvent?"(SSM, dernières phrases))
jc
14/01/2022
Je m'aperçois que j'en viens à commenter "La Grâce…". Pourquoi en suis-je arrivé là, puisqu'il s'agissait initialement de commenter "Structure crisique"? En reparcourant mes commentaires j'en impute la faute à PhG, qui a placé la barre très haut -c'est-à-dire au niveau métaphysique- en parlant de la GCES comme de "Dieu de la crise”, “notre Dieu”, la “crise-Dieu”, que je traduis comme du "tourbillon crisique divin" dans lequel les humains n'agissent pas mais sont agis (1). D'où mes escapades en théorétique…
En relisant la quatrième de couverture du tome III.1 je tombe sur la phrase suivante, qui mélange optimisme et pessimisme: "Avec lui, avec ce Tome III, j'ai un instant la conviction que le Grand Tout est à portée de plume, et l'instant d'après la certitude pour mon compte de n'être rien oserais-je dire le Grand Rien".
Pour mon compte je pense un peu plus tous les jours que nous ne sommes pas, nous humains, un "Grand Rien", mais un "petit tout". Alors que le corps-âme de ce "Grand Tout" ("mon" Dieu-Kosmos) excède "évidemment" infiniment le corps-âme de notre "petit tout", l'âme enfouie au plus profond de notre "petit tout" reste exactement la même que l'âme du "Grand Tout".
Pourquoi suis-je amené à penser ça? Parce que que j'ai l'impression d'avoir, un peu plus tous les jours, foi en ce que René Thom écrit dans les dernières lignes de SSM :
"Dans le domaine des sciences humaines, il m'est difficile de me rendre compte si ma tentative présente quelque intérêt; mais en écrivant ces pages j'ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l'Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l'Homme connaîtra l'univers. Dans cet essai d'une Théorie générale des modèles [sous-titre de SSM], qu'ai-je fait d'autre, sinon de dégager et d'offrir à la conscience les prémisses d'une méthode que la vie semble avoir pratiquée dès son origine?
Ce n'est pas sans quelque mauvaise conscience qu'un mathématicien s'est décidé à aborder des sujets apparemment si éloignées de ses préoccupations habituelles. une grande partie de mes affirmations relèvent de la pure spéculation; on pourra sans doute les traiter de rêveries… J'accepte le qualificatif; la rêverie n'est-elle pas la catastrophe virtuelle en laquelle s'initie la connaissance? Au moment où tant de savants calculent de par le monde, n'est-il pas souhaitable que d'aucuns, qui le peuvent, rêvent?".
Quelques pages auparavant Thom (encore lui…) passe en revue trois grands types d'activité humaine que sont l'art, le délire et le jeu. Pour moi PhG est fondamentalement un artiste (2)-et un artiste plutôt "tourmenté" si j'en juge par sa photo de la quatrième de couverture du Tome II- alors que Thom est, toujours pour moi, fondamentalement un mathématicien, donc un joueur, et par suite, un être beaucoup plus "détendu".
La page qu'il consacre au délire (et qu'il termine par "Si certaines de mes considérations, en Biologie notamment, ont pu paraître au lecteur confiner au délire, il pourra, par une relecture, se convaincre qu'en aucun point, je n'ai, j'espère, franchi ce pas.") peut, je crois, s'appliquer à la situation actuelle de l'élite du bloc BAO :
"Dans l'activité mentale normale, il existe un grand nombre de substrats relativement indépendants, soumis chacun à son déterminisme (ou son évolution) propre. (...) Mais une séparation des substrats au sein d'un système fonctionnel unique et très interconnecté comme l'est le système nerveux n'en est pas moins difficile à tenir. (...) Le mélange des substrats a pour effet de détruire les chréodes les plus raffinées à centre organisateur de grande codimension, au profit de champs plus primitifs qui sont plus stables et plus contagieux. Ainsi s'installe une dynamique mentale syncrétiste à structures relativement simplistes qui constitue ce qu'on appelle habituellement la pensée délirante.".
1: PhG cite souvent Maistre à ce propos : «On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse… [...] Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement.»
2: "D'où provient, dès lors, notre sentiment de beauté [des œuvres picturales]? De la sensation que l'œuvre n'est pas arbitraire; bien qu'imprévisible, nous avons l'impression que son exécution a été dirigée par quelque centre organisateur de grande codimension, bien loin des structures habituelles de la pensée ordinaire, mais néanmoins en résonance avec les grandes structures affectives ou génétiques qui sous-tendent toute notre pensée consciente". ( https://journals.openedition.org/signata/2315 -le rappelle à ce propos que la catastrophe fronce est de codimension 2, les ombilics elliptique et hyperbolique sont de codimension 3 et l'ombilic parabolique est de codimension 4)
jc
14/01/2022
Qu'est-ce qui différencie le Grand Tout en puissance ("mon" Dieu-Khaos) du Grand Rien en puissance (le chaos des modernes)?
Je vois ça comme ce qui différencie l'art (et/ou le jeu) du délire, à savoir la confusion des substrats ou des concepts (cf. mon .0). Typiquement je vois le passage du Grand Tout au Grand Rien par la confusion de l'énergie potentielle, force en puissance (δύναμις), et de l'énergie active, force en action (ἐνέργεια), pour donner naissance à une force "mixte" très dégradée que je qualifie d'énergie agitative, énergie qui, à mon avis, caractérise assez bien notre époque (agitation thermique, thermodynamique, entropie, chaos thermique, etc.), et qui conduit "nos" élites à un idéal de puissance (le choix du feu pour PhG) très dégradé par rapport à l'idéal de perfection que vise, selon moi l'opposition δύναμις/ἐνέργεια (ainsi que l'opposition matière/forme (très!) chère à PhG).
Qu'est-ce qui différencie le Grand Tout en acte ("mon" Dieu-Kosmos) du Grand Rien en acte (le cosmos de Thom (1))? C'est que le Grand Tout en acte est vivant, alors que le Grand Rien en acte est mort, vidé de toute ἐνέργεια et de toute δύναμις.
(Bon. C'est un peu tiré par les cheveux, mais j'ai lu pire…)
1: "Le cosmos sous sa forme la plus absolue, c’est le cimetière. Rien de plus tranquille, c’est le calme de l’insignifiance, le néant de l’insignifiance."
( http://strangepaths.com/forum/viewtopic.php?t=41 )
jc
14/01/2022
Sur fond d'opposition Macrocosme/microcosme.
Wikipédia étant laconique -et incomplet- sur la notion de singularité en mathématiques, je renvoie au chapitre 5 de leçons données à l'IRCAM (1,2) par Yves André, mathématicien-philosophe. Extraits:
1. "intuitivement, lisse veut dire « infiniment doux à la caresse »; formellement : indéfiniment différentiable." ;
2. "une singularité est donc un « défaut de lissité », une « aspérité » ou une « crise », dans un contexte génériquement lisse." ;
3. "Si le lisse est générique, si donc « la caresse rencontre presque partout de l’infiniment doux », pourquoi se préoccuper des singularités, ces « aspérités exceptionnelles » ?
4. "les singularités et autres bifurcations (changements de régime), loin d’être des « impuretés » dont il faudrait se débarrasser, en disent souvent long sur les systèmes étudiés tout entiers, comme si ces derniers étaient caractérisés par leurs « crises ».
5. "la théorie des singularités va opérer une sorte de renversement dialectique : elle va thématiser ces obstructions, en faire des objets mathématiques à part entière, les décrire, les classifier, etc. Dans ses listes le point lisse ne figurera plus qu'en tant que "singularité triviale".
Quand on considère une œuvre d'art "visuelle" (peinture, sculpture) l'œil est attiré par les singularités (et pour les œuvres d'art "auditives", c'est l'oreille) : c'est pour moi l'âme de l'œuvre d'art, exactement au sens où "mon" Dieu-Khaos est l'âme de "mon" Dieu-Kosmos, Kosmos étant "évidemment" considéré comme une œuvre d'art.
Il suit qu'une œuvre d'art sans singularité est une œuvre d'art sans âme, c'est-à-dire la négation d'une œuvre d'art. Il suit aussi que, pour moi, le cercle ou la sphère (qui sont infiniment lisses à la caresse) ne peuvent symboliser Dieu-Khaos, alias l'œuf cosmique, selon l'idée bien naturelle que de l'homogène ne peut sortir l'hétérogène (en particulier le Dieu-Kosmos). Guénon en fait la remarque en bas de page dans "La sphère et le cube"(3).
Cette notion mathématique de singularité se retrouve en sociologie, chaque être humain étant en général considéré comme un être singulier et unique, c'est-à-dire comme une singularité basse, opposée à La Singularité Haute qu'est "mon" Dieu-Khaos. Identité de l'âme des humains (la même que celle du Dieu-Khaos) mais diversité du corps, identité de la présentation mais diversité de la représentation (4) ?
Chantal Delsol (5) et Gilles Châtelet (6) défendent la singularité de chaque être humain.
1: ( http://www.entretemps.asso.fr/maths/Livre.pdf ) Je n'ai pas encore compris en quoi des théoriciens de la musique peuvent être intéressés par ces leçons. (Par contre ces leçons -en particulier le chapitre 5- me semblent être faites pour intéresser des théoriciens de la peinture et de la sculpture! - cf. https://journals.openedition.org/signata/2315 -)
2. Le lecteur de ces lignes est invité à ne pas manquer de lire la fin 5.5.3 de ce chapitre 5, en rapport avec ce qui est pour moi la fascinante intuition haute, très haute, de certains nos anciens (ici Platon), intuition qui vient je ne sais d'où!
3. "Le règne de la quantité et les signes des temps".
4. Avant ce commentaire j'étais a priori analogiste -car attiré par la théorie thomienne des catastrophes qui est une théorie de l'analogie-. Me voilà maintenant animiste ? En tout cas certainement pas naturaliste (en quoi Descola reconnaît «l’ontologie moderne»). https://journals.openedition.org/lhomme/21752
5. "Éloge de la singularité, essai sur la modernité tardive" (2000) (je n'ai lu que la quatrième de couverture).
6: "Vivre et penser comme des porcs" (Gilles Châtelet, 1999) qui se termine par "Ce serait peut-être une définition moderne du communisme : "À chacun sa singularité". (GC oppose l'héroïsme du quelconque" -c-à-d de l'être singulier selon lui- à l'homme moyen "issu de la yaourtière à classe moyenne" que l'élite-Système de la "surclasse globaliste" des "Cyber-Gédéons" et des Turbo-Bécassines" s'emploie à imposer.
* : une surclasse globaliste qui, en France, dépeint, selon moi, assez parfaitement LAREM et son chef…
jc
15/01/2022
Le fait de dissocier Khaos et Kosmos et de donner la priorité ontologique à Khaos -comme je l'ai fait jusqu'ici- m'est désagréable dans la mesure où je vois en Khaos l'œuf cosmique et en Kosmos la poule cosmique, et aussi dans la mesure où la Tradition voit l'œuf cosmique en paradis céleste et la poule cosmique en Jérusalem terrestre (1).
En 2D, au lieu de symboliser Khaos par un cercle, comme c'est la Tradition, et Kosmos par un carré, je pense préférable de représenter Khaos par un cercle circonscrit à un carré/losange, et Kosmos à un cercle inscrit dans un carré/carré. Le carré/losange, obtenu en joignant les sommets de la croix (2) et inscrit dans le cercle symbolise Khaos "en acte" contenant Kosmos en puissance, le carré/losange en équilibre instable sur sa pointe symbolisant l'instabilité structurelle de Khaos. Le carré/carré circonscrit au cercle symbolise, quant à lui, la stabilité structurelle de Kosmos "en acte" contenant Khaos "en puissance". En termes plus théologiques Khaos est une âme-en-acte/corps-en-puissance alors que Cosmos est un corps-en-acte/âme en puissance.
En 3D (c'est là que se passe l'embryologie réelle) on remplace le cercle par la sphère d'une part et le carré/losange par octaèdre régulier et le carré/carré par cube d'autre part. Cela établit une dualité entre corps et âme (3), alias entre forme et matière, ou encore entre matière informée et matière informe (l'âme étant représentée par une sphère parfaitement lisse, donc informe), soit, plus intelligiblement (à mes yeux…) entre matière structurellement instable et matière structurellement stable.
Mais ce symbolisme m'est encore désagréable parce qu'il établit un dualisme entre la res extensa de Kosmos et la res cogitans de Chaos. Comment fusionner ce dualisme en le monisme thomien (4), comment fondre Khaos et Kosmos en un unique Khaos&Kosmos et comment symboliser ce Dieu Janus? C'est le problème de l'œuf et de la poule à propos duquel Thom écrit dans SSM: "...la poule et l'œuf ne sont que des sections temporelles d'une configuration globale dont le centre organisateur n'apparaît jamais, autour duquel l'onde de croissance tourne indéfiniment".
Passer du Khaos au Kosmos c'est symboliquement passer de la sphère circonscrite à l'octaèdre à la sphère inscrite dans le cube. Géométriquement il s'agit de retourner l'intérieur de la sphère et tout ce qui s'y trouve -ici l'octaèdre- en l'extérieur de la sphère et tout ce qui s'y trouve -ici le cube-. C'est un problème que les matheux ont longtemps cru impossible à résoudre mais non seulement on sait maintenant qu'il est soluble mais on sait aussi effectivement retourner une sphère (5). Cela se fait par invagination -un terme qui revient souvent en embryologie réelle, ce qui licite son usage en "embryologie cosmique"- et le premier à avoir effectivement ainsi retourné une sphère est un mathématicien aveugle (6). Le symbole dynamique de ce Dieu Janus est alors tout trouvé: c'est la vidéo de (5). Le symbole statique -classique- est lui aussi tout trouvé : c'est la photo de l'instant de la vidéo où la surface est unilatère, c'est-à-dire où l'intérieur et l'extérieur sont confondus : cf. (6).
L'hexagramme découvert par Pascal a été qualifié d'hexagramme mystique (7). Je trouve un côté encore plus mystique au retournement de la sphère, le côté mystique prenant évidemment de l'ampleur lorsqu'on l'associe au Grand Tout. La géométrie qui est en jeu dans les deux cas est la géométrie projective: une géométrie mystique?
Pour conclure.
Quel rapport avec "La Grâce…" et les préoccupations de PhG? C'est que le Grand Tout ainsi symbolisé statiquement est , selon moi…, à l'exact milieu entre la res extensa et la res cogitans, c'est-à-dire à l'exact milieu qui renvoie dos-à-dos les tenants de l'idée supérieure à la réalité et ceux de la réalité supérieure à l'idée (8).
La lutte entre la matière et la volonté créatrice est plus que prodigieuse, elle est pour moi prodigieusement mystique.
1: Dans la littérature Paradis et Jérusalem sont, au choix, qualifiés de terrestre ou de céleste. Voir les "explications" de Guénon dans "La sphère et le cube" de "Le règne…" (et sans doute ailleurs).
2: Voir "Le Symbolisme de la croix" par R. Guénon.
3: Dualité soulignée par la dualité de ces deux solides de Platon, l'octaèdre étant associé à l'air et le cube à la terre, ce qui explique mon choix de Paradis céleste et de Jérusalem terrestre.
4: "C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, 2ème ed., conclusion)
5: https://fr.wikipedia.org/wiki/Retournement_de_la_sph%C3%A8re
6: Jacques Lacan s'est "évidemment" aussitôt intéressé à ce résultat , tel l'ours attiré par le miel: https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf
7: https://fr.wikipedia.org/wiki/Hexagramme_de_Pascal
8: Le pape François a édicté quatre principes dès le début de son pontificat. L'un d'eux est: "La réalité est supérieure à l'idée".
jc
16/01/2022
1. Tentative de démystification du symbole du Grand Tout.
On revient en 2D. Comment retourner un cercle? Il suffit de prendre un élastique à section carrée, de le pincer en un point entre pouce et index puis de faire délicatement rouler le pouce sur l'index pour amener lentement l'extérieur sur l'intérieur en ce point de l'élastique. En cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice, on voit l'élastique tenter de résister en se tortillant dans l'espace 3D, pour finir par se retourner. Je n'y connais rien en embryologie mais j'ai l'impression, en faisant cette expérience, d'avoir assisté/participé à la gastrulation du cercle. C'est le fait de pouvoir voir le cercle S¹ se tortiller en 3D qui démystifie la chose.
2. Tentative d'hypermystification du symbole du Grand Tout.
Il suit assez naturellement que pour comprendre la "gastrulation" de la sphère S² il faut voir en 4D, ce qui n'est pas donné au commun des mortels. Mais il existe quelques mortels hors du commun qui voient en 4D et peuvent ainsi comprendre ce qui se passe. C'est sans doute le cas de certains géomètres comme René Thom (1), Bernard Morin (matheux aveugle), Jean-Pierre Petit, et très certainement quelques peu nombreux autres.
Il vient alors tout naturellement à l'idée de monter en dimension pour retourner la sphère S³ en 5D, etc. jusqu'à l'infini -domaine réservé à Dieu et à certains matheux (2)- où, miracle, on peut retourner l'hyper-sphère Σ dans l'espace lui-même puisque l'infini plus 2 est égal à l'infini, et de faire du retournement de Σ le symbole hypermystique du Grand Tout.
1: Thom: "je voyais déjà dans l'espace à quatre dimensions à l'âge de dix, onze ans." ( http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html )
2: Thom: "Selon beaucoup de philosophies, Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu."
jc
16/01/2022
Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice, la volonté créatrice a 2D d'avance sur la matière: pour retourner le cercle S¹, le retourneur est un être vivant en 3D, pour retourner S² en 4D, etc. : le retourneur transcende le retourné de deux dimensions.
Thom a bien vu le problème :
"(...) il y a toujours une secousse qui s'est propagée, et cette secousse est de nature épigénétique, elle n'est pas de nature génétique. On ne peut pas dire que l'œuf quiescent programme son propre développement, ce n'est pas vrai. Au fond, c'est peut-être pour cela qu'il y a des mâles dans la nature en un certain sens : on ne peut pas croire que les mâles soient vraiment très utiles, mais en fait, ils sont là pour donner la secousse ; je sais bien qu'il y a des animaux qui sont parthénogénétiques, mais enfin je ne sais pas très bien comment ça fonctionne, comment l'œuf à un moment donné se déclenche. Je crois que cet aspect-là est assez fondamental. La causalité matérielle est génétique, la causalité efficiente est épigénétique. Si on n'a pas fait cette distinction je crois qu’on ne comprend rien à la distinction génétique-épigénétique.".
Comment s'en tirer? En montant en dimension infinie car là tout s'arrange (puisque l'infini + 2 est égal à l'infini) ?
jc
16/01/2022
Je ne sais pas pourquoi le retournement par invagination intervient pendant la gastrulation. Par contre ça m'apparaît lumineux pendant la neurulation d'après la citation thomienne suivante:
"(...) toute la plaque neurale s'invagine à l'intérieur, le mésoderme restant fixe ; c'est là l'effet de la neurulation. Le neurocèle représente finalement l'espace à l'infini dans cette transformation, qu'on pourrait regarder symboliquement comme l'absorption par l'animal de l'espace ambiant où il aura à vivre." .
Il suit de mes commentaires précédents qu'un bon espace pour tenter de "faire le travail de Dieu" pourrait être l'espace projectif de Hilbert (1) -espace hypermystique- utilisé par, paraît-il, certains physiciens quantiques?
Peut-être est-ce là que se fera un jour -dont il ne semble pas qu'on soit à la veille…- la jonction entre le chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant, et le chat affamé de Thom, à la fois prédateur et proie?
Un rapport avec la citation suivante, toujours thomienne (2)?
"En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures du monde extérieur -ainsi que la structure même de l'esprit-, l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution.".
1: https://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_projectif_de_Hilbert
2: On remarquera le monisme (res extensa/res cogitans) de la citation.
jc
16/01/2022
En reparcourant le .0, je m'aperçois d'un point de bifurcation pour moi fondamental, qui divise en deux camps : "mon camp" et "le camp d'en face". Il s'agit de 3. et 5. considérés dans le .0 :
3. "Si le lisse est générique, si donc « la caresse rencontre presque partout de l’infiniment doux », pourquoi se préoccuper des singularités, ces « aspérités exceptionnelles » ?
5. "La théorie des singularités va opérer une sorte de renversement dialectique : elle va thématiser ces obstructions, en faire des objets mathématiques à part entière, les décrire, les classifier, etc. Dans ses listes le point lisse ne figurera plus qu'en tant que "singularité triviale".
Le Système est entièrement sous le règne de la quantité profane (1), royaume dans lequel la statistique est incontestablement reine. Or la statistique est pour moi fondamentalement une machine à faire des moyennes, donc fondamentalement une machine à lisser les singularités, c'est-à-dire à les noyer dans le flot des lissités génériques (pour reprendre les termes de 3.) ou dans le flot des singularités triviales (pour reprendre ceux de 5.).
Faire le contraire, c'est-à-dire se méfier et se défier des statistiques (2), c'est se placer dans le camp d'en face, celui des anti-Système. Et c'est pour moi exactement l'attitude qu'adopte fermement PhG lorsqu'il écrit (3) ce qui suit, où l'analogie Singularité/Vérité de situation saute aux yeux: "
"Ces exemples, à nous, ne prétendent en aucune façon à la “rigueur scientifique” citée plus haut, c’est-à-dire leur “rigueur scientifique“, mais nous nous fichons du tiers comme du quart de leur rigueur scientifique“. Nous avons d’autres chats à fouetter, c’est-à-dire tenter de débusquer, pour nos lecteurs, des “vérités de situation” significatives,"
C'est exactement ça que Gilles Châtelet dénonce lorsque, avec son ironie mordante, il oppose l'homme moyen "issu de la yaourtière à classe moyenne", c'est-à-dire l'homme statistique, à l'homme ordinaire, c'est-à-dire l'homme singulier.
1: Il y a pour moi des quantités sacrées, liées essentiellement aux petits nombres entiers et à leurs rapports (1/2, 2/3, 3/4, ...). Pour moi si le "Tout est nombre" des Pythagoriciens vaut, c'est par ce genre de nombres qu'il vaut.
2: Je parle ici seulement des statistiques usuelles traitées par des instituts comme PEW ou l'INSEE (je ne parle pas des statistiques théoriques, genre Maxwell-Boltzmann, Bose-Einstein ou Fermi-Dirac).
3: https://www.dedefensa.org/article/lopinion-a-labattoir-ou-les-sondages-a-lencan
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