David Cayla
09/08/2012
Les introvertis préfèrent réfléchir avant d’agir de manière structurée, avec la plus grande économie de moyens, et s’ils ne parlent pas beaucoup, c’est qu’ils ont appris à redouter l’agitation des extravertis, profondément perturbatrice pour qui a besoin de de calme.
Les extravertis au contraire ne supportent pas l’attente - ici le silence diplomatique, littéralement assourdissant pour des personnalités extraverties, mais tellement reposant pour des personnalités introverties qui sauront s’y ressourcer - raison pour laquelle ils bousculent en permanence leur environnement.
Ils refusent d’agir de manière structurée parce que cela impose de se montrer patient, attentiste, ce qu’ils ne supportent pas. Et finalement, cela les conduit à agir systématiquement de façon déstructurée, inconséquente, parce qu’il ne peut pas en être rapidement quand on refuse systématiquement de penser avant d’agir.
Ce n’était jusqu’à présent qu’une vague intuition de ma part, que l’attentat commis contre le prince Bandar a confirmée, et on passera rapidement sur l’affirmation digne d’un matamore qu’il ne lui est rien arrivé de fâcheux, mais qu’il ne faut pas compter sur une apparition publique, parce que rien ne le nécessite. “Même pas mal !”
Je passe rapidement également sur les aspects terrorisants de cet attentat pour les princes saoudiens, car effectivement, il n’y a rien de plus terrorisant pour ces personnalités extraverties que de se découvrir soudainement excessivement vulnérables, elles qui se croyaient littéralement intouchables, raison pour laquelle elles n’ont pas hésité une seule seconde à semer la mort et la désolation en Syrie.
Il y a bien plus important encore, avec la confirmation que les services syriens ou iraniens (et russes via leurs contacts en Syrie et/ou en Iran ?) lisent à coeur ouvert dans les desseins des Saoudiens (et de combien d’autres pays du bloc occidental ?) depuis le tout début, et qu’ils se sont donnés beaucoup de mal pour faire mine de courir après les événements, ce qui n’était pas une mince affaire quand des personnalités introverties entreprennent de manipuler des personnalités extraverties dont elles savent que celles-ci recherchent leur destruction in fine, et qu’elles seront d’autant plus violentes qu’on s’opposera frontalement à elles.
- J’assimile ici la Syrie, l’Iran, la Russie, la Chine, l’Inde,... à des personnalités introverties, et les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Royaume-Uni, la France,... à des personnalités extraverties -
Revenons en arrière, au tout début du conflit syrien et du printemps arabe. En 2008, au tout début de la crise économique planétaire, les pays arabes ont été secoués par des vagues d’émeutes suscitées par la flambée des prix alimentaires, et encore faut-il remarquer qu’il n’y avait alors pas de chômage comparé à aujourd’hui. Au printemps 2011, la Tunisie et l’Egypte ont lâché sans crier gare parce qu’un nouvel épisode de flambée des prix alimentaires a frappé des populations touchées par un chômage de masse.
Les mêmes causes étant susceptibles de produire les mêmes effets, les dirigeants du bloc occidental n’ont pas pu s’empêcher de vouloir mettre leur grain de sel en Libye, mais aussi en Syrie et en Iran, convaincus que ces pays tomberaient rapidement, et qu’ils pourraient se couvrir de lauriers. Voyons maintenant les choses telles qu’elles se présentaient du côté syrien : le pays est semi-désertique, beaucoup de paysans ont été frappés par la sécheresse et contraints de s’installer dans des mégalopoles surpeuplées (6 millions d’habitants à Damas et plus de 2 millions à Alep, dans un pays de 20 millions d’habitants !).
Il n’était pas possible de prétendre à la fois contrer vivement et durement les visées occidentales et contenir l’irrépressible montée de la grogne populaire que le chômage et la misère n’auraient pas manqué de provoquer dans un contexte de flambée des prix alimentaires… en l’absence de menace venue de l’extérieur. Quant aux destructions d’usines qui sont du fait des “rebelles”, je me demande combien d’entre elles auraient du mettre de toutes façons la clé sous la porte dans un contexte de crise économique.
En fin de compte, il n’y avait sans doute pas d’autre possibilité que de “laisser faire” les mercenaires occidentaux, et de les contrer méthodiquement, mais pas avant qu’ils ne se soient mis à dos la population syrienne. A n’en pas douter, une action trop rapide et déterminée contre les mercenaires aurait produit exactement le résultat contraire. “On a faim !” ... Et on ne supporte plus de voir les privilégiés du régime continuer de mener la belle vie… Privilégiés qui ont été pris pour cibles plus souvent qu’à leur tour par les mercenaires étrangers et des repris de justice enrôlés dans “l’armée syrienne libre”.
Jusqu’à cet attentat dont les médias occidentaux ont fait abondamment la couverture, en faisant l’apologie d’un acte de terrorisme censé avoir décapité le régime. Raté, cet attentat a très largement raté sa cible, il n’a donc absolument pas fragilisé le régime, mais en revanche, il a largement contribué à souder la population derrière son armée et ses dirigeants, qui souffrent eux aussi, “comme tout le monde”. Quoi de plus symbolique que de donner sa vie à son corps défendant ?
Au final, le résultat qu’on peut constater un peu partout dans le monde non-occidental, à commencer par la Syrie et l’Iran, c’est une crispation structurante de l’ensemble des populations contre la menace déstructurante représentée par un bloc occidental qui achève de se dissoudre furieusement contre des adversaires extérieurs et intérieurs dont il perçoit fugacement qu’ils sont insaisissables, ce qui pourrait laisser supposer qu’ils n’ont aucune substance, et qui pourtant semblent gagner en substance de jour en jour, sans qu’il lui soit possible de comprendre les causes qui président à l’émergence de ce phénomène, à savoir le déchaînement de sa volonté de toute-puissance. Car plus le bloc occidental se déchaîne à visage découvert dans toute sa hideur, et plus la résistance têtue à ce déchaînement se construit, sans la moindre volonté de concession. Il n’y a pas à négocier.
A cet égard, la démission de Kofi Annan ne pourrait-elle pas être interprétée comme le pendant silencieux de la conférence de Casablanca où avait été décidé le principe de la reddition sans conditions des puissances de l’Axe ?
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