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Article : Justin-Adolf et ses nerfs

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Le monde multipolaire sait-il vraiment ce qu'est la laïcité ?

Jean-Claude Cousin

  26/09/2023

Monsieur Alexandre Douguine fait une liste de ce qui peut choquer les non-occidentaux ; il y comprend la laïcité.
Je pense que sur ce point-là il se trompe. Ne nous leurrons pas : ce que certains appellent l'Occident n'a que faire de la vraie laïcité. D'ailleurs, cela l'embarrasserait fort, car la religion de l'Argent-Pouvoir est la base de sa façon de penser.
La laïcité, c'est la cité où les responsables élus ou désignés  prennent bien soin que NULLE religion ne prenne le pas sur les autres, ni sur ceux qui ont choisi de n'avoir aucune religion, aucune foi, aucune croyance : ils sont bien moins nombreux qu'on pourrait le penser, mais ils existent. Ne pas croire, mais accepter ce que dit la science à un moment donné, puisque la science avance : parfois elle paraît reculer parce que ce qui paraissait certain se révèle une impasse. Il faut donc s'engager sur une autre route peut-être encore plus difficile. Il suffit de se référer au difficile débat entre le darwinisme et d'autres hypothèses encore à explorer. Ou entre les partisans de Béchamps et ceux, apparemment plus nombreux pour le moment, de Pasteur, mais qui sont en perte de vitesse.
La laïcité est donc essentielle, parce qu'elle permet de cohabiter sans que personne ne se sente supérieur. On notera que certains pays se disent laïcs, mais leur façon de penser et d'agir démontre le contraire. La laïcité est incompatible avec le capitalisme, avec le marxisme tel qu'on le connaît aujourd'hui, avec beaucoup de choses en fait, parce que justement elle est exigeante. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, mais pour chacun et pour tous une lutte continuelle contre soi-même.
Moyennant quoi, à la fin de leur vie, humblement ceux qui ont vraiment pratiqué la laïcité pourront citer Saül de Tarse : « J'ai mené le bon combat, j'ai achevé ma course…. » car la lutte contre soi-même est sans doute l'une des plus difficiles qui soient.
 

Combien de temps ?

jc

  26/09/2023

PhG : "Combien de temps tiendront-ils encore dans leur absurde bataille conçue par un hubris nourri à un narcissisme insupportable ? Eh bien, le temps que leur psychologie cède, comme un barrage épuisé par la pression des eaux bouillonnantes et impatientes s’effondre et emporte nos mauvais rêves si trompeurs.".

Thom : "[La] situation [des révolutions scientifiques] est tout-à-fait analogue à ce qui se produit en politique au cours des périodes prérévolutionnaires. (...) une révolution se réalise lorsque les dirigeants eux-mêmes cessent d'être convaincus de la validité de l'ancien paradigme. (...) Alors ils sont perdus. Peut-être la même chose se produit-elle en sciences : à un certain moment les défenseurs d'un vieux paradigme sont vaincus par le doute, alors la voie est ouverte pour un nouveau paradigme…" (Paraboles et catastrophes, p.116)

Rien ne s'oppose à ce que les deux révolutions -politique et scientifique- aient lieu en même temps.

Alignement des planètes

jc

  29/09/2023

J'emprunte ce titre à l'article du 28/09/2023. Car je vois arriver en même temps trois fins de monde (les deux premières nettement):

- la fin de la domination mondiale du néo-libéralisme anglo-saxon dont je date le début au 11/09/1973 (renversement d'Allende au Chili); époque économique de 50 ans;

- la fin d'un certaine forme de scientisme dont je date le début à la rupture galiléenne; époque scientifique de 500 ans;

- la fin d'une certaine forme de domination yang; époque théologique (et métaphysique) de 5.000 ans (pour faire des comptes ronds).

Thom sur la "science" contemporaine :

"S'il est donc vrai que l'inflation expérimentale de la science moderne a amené à un développement considérable de la production scientifique, il convient cependant d'admettre qu'une grande partie de cette production est, aujourd'hui, dénuée d'intérêt. (...) De ce point de vue l'expérimentation à outrance a conduit à une dévaluation totale du "fait" scientifique. (...) Il faudrait, comme dit Habermas, revenir à l'idée selon laquelle à côté de la vérité proprement dite d'un résultat on doit aussi considérer son intérêt. C'est la fameuse formule que j'ai utilisée tant de fois : "Ce qui limite le vrai n'est pas le faux mais l'insignifiant!". et la science moderne, au point où elle en est, est un torrent d'insignifiance proprement dit." (Paraboles et catastrophes, p.127).

Autre citation plus métaphysique (où, bien entendu, Thom prêche pour sa paroisse) :

"Lorsqu'on a compris – à la suite de T. S. Kuhn – le caractère « automatique » du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde – et
cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du « hard fact », se sont-ils jamais demandé ce qu'est un fait ? Faut-il croire – ce qu'insinue l'étymologie – que derrière tout fait, il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait ? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un « sujet » résistant sur lequel le fait nous apprend quelque chose ? Telles sont les questions que notre philosophe [de la nature] devra constamment reposer, insufflant ainsi quelque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. Bien sûr la Science n'a nul besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit.".

Alignement des planètes.1

jc

  30/09/2023

Alignement de la troisième planète.

Pour moi il faut remonter à l'époque où le langage humain a commencé à être suffisamment développé pour que l'on puisse discuter de son origine, autrement dit à l'époque où a débuté la querelle des universaux (le langage a-t-il une origine sacrée ou une origine profane ?), époque dont je date le début -pour faire un compte rond- quatre millénaires avant la querelle médiévale gagnée en France par les nominalistes -décret de Louis XI-.

Pour Thom les origines du langage ne sont clairement pas profanes : "Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, détient dans sa structure les clés de l'universelle structure de l'Etre.". Pour lui le langage est d'origine géométrique : voir ses seize morphologies archétypes associées à des verbes et/ou des substantifs (cf. "Modèles Mathématiques pour la Morphogénèse" et la fin de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse").

Thom et la religion : "Dans de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu".

[ Le premier évangile de Saint Jean débute ainsi en latin : "In principium erat Verbum…", traduit en français par "Au commencement était le Verbe…". Il est clair pour un mathématicien platonicien comme moi que la géométrie est principielle et éternelle (elle n'a pas de commencement). ]

Je me vois à une fin d'époque logocratique yang débutée il y a cinq millénaires dont témoignent les trois grandes religions monothéistes (Dieu en acte et transcendant). Civilisation dans laquelle le Verbe sacré s'est lentement usé pour arriver aujourd'hui à se profaner complètement : il suffit d'écouter la bouillie verbale qui sort de la bouche de l'élite auto-proclamée du monde occidental actuel -et, en France, nous sommes particulièrement bien dotés-.

Début d' -ou retour à- une époque topocratique yin, avec un Dieu tout puissant et immanent logé au plus profond de chacun d'entre nous (notre propre principe se trouve en nous-mêmes) et qu'il nous appartient de découvrir en gravissant lentement les échelons de l'échelle de Jacob proposée par Thom ? C'est, je crois, ce que celui-ci laisse entendre à la fin de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse" et de "Esquisse d'une Sémiophysique" (pour le moins il hésite entre les approches transcendante et immanente) :

"En écrivant ces pages j'ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l'Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l'homme connaîtra l'univers. Dans cet essai d'une théorie générale des modèles [le sous-titre de SSM], qu'ai-je fait d'autre, sinon de dégager et d'offrir à la conscience les prémisses d'une méthode que la vie semble avoir pratiquée dès son origine?";

"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe [de Porphyre] on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."

Je ne suis pas (du verbe suivre) Guénon lorsqu'il assimile la Matière au Mal. J'attends avec impatience de lire ce que PhG -qui différencie matière et Matière- va en écrire dans le tome III de "La Grâce de l'Histoire".

 

Retour à la Tradition et remontée aux principes

jc

  01/10/2023

Je distingue retour à la Tradition (Guénon, Douguine) et remontée aux Principes. La différence est que la Tradition semble immuable alors que la remontée aux Principes peut évoluer. Car il peut apparaître de nouveaux principes qui subsument ceux légués par la Tradition, principes qui feront alors évoluer ladite Tradition (qui, pour moi, a nécessairement évolué depuis l'homme des cavernes).

Analysés avec les principes que nous propose René Thom, les Philosophiæ naturalis principia mathematica de Newton (qui reconnaît lui-même que sa théorie ne nécessite pas de principe supérieur puisqu'elle est vérifiée expérimentalement -"Hypotheses non fingo"-) apparaissent dans les basses branches de l'arbre de Porphyre (et la théorie de l'évolution de Darwin dans les très basses) :

  "L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi ("απλως"). Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.".
  Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." (Esquisse d'une Sémiophysique" p.216);

"On [les scientifiques modernes] s'imagine que le monde a été construit par un Démiurge intelligent grâce à certaines formules simples. Le but de la Science, c'est de retrouver ces formules, qui permettront à l'Homme de réaliser le rêve prométhéen de maîtriser le monde. Et ceci même si ces formules apparaissent comme des formules magiques sans aucune justification intelligible. (Il suffit de songer au caractère inintelligible de la Mécanique quantique pour s'en convaincre.)" (ES p.223)

  "La Science moderne a eu tort de renoncer à toute ontologie en ramenant tout critère de vérité au succès pragmatique. Certes, le succès pragmatique est une source de prégnance, donc de signification. Mais il s'agit alors d'un sens immédiat, purement local. Le pragmatisme -en ce sens- n'est guère que la forme conceptualisée d'un certain retour à l'animalité. Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique. Mais dès qu'on reconnaît aux autres l'existence, qu'on accepte de dialoguer avec eux, on s'engage ontologiquement. Pourquoi ne pas accepter alors les entités que nous suggère le langage ? quitte à contrôler les hypostases abusives, c'est là la seule manière d'apporter au monde une certaine intelligibilité. Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde." (Dernières phrases de ES).

 

De la pensée intuitive à la pensée instrumentale : un signe des temps

jc

  02/10/2023

J'ai souvent fait ici la citation thomienne qui suit. Je la fais encore une fois pour illustrer comment, selon moi, la dégradation de la pensée -dont il est question au début de mon "Alignement des planètes.1"- fait partie des signes des temps (selon René Guénon) :

« Pourquoi au début de la pensée philosophique, les présocratiques, d’Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d’une si grandiose profondeur ? Il est tentant de penser qu’à cette époque l’esprit était en contact quasi-direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s’étaient pas imposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l’arrivée des sophistes, de la géométrie euclidienne, de la logique aristotélicienne, la pensée intuitive fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. Or, le moteur de toute implication logique est la perte en contenu informationnel : ‘‘Socrate est mortel'' nous renseigne moins que ‘‘Socrate est un homme''.. Il était donc fatal que le problème de la signification s’effaçât devant la structure de la déduction. Le fait que les systèmes formels des mathématiques échappent à cette dégradation de la « néguentropie » a fait illusion à cet égard, une illusion dont la pensée moderne souffre encore : la formalisation – en elle-même, disjointe d’un contenu intelligible – ne peut être une source de connaissance ».