Didier Favre
09/03/2021
Je pense décrire correctement un détail de notre monde en écrivant que tout ce qui est scientifique est indiscutable.
Nous trouvons également dans ce monde les sciences dites sociales. Je n’en ai qu’une idée très vague et lointaine mais je pense qu’elles décrivent ou tentent de décrire les relations humaines.
Elles représentent, à mon avis, un essai de transposition de la physique galiléenne aux relations humaines. La physique, étant ici, la reine de toutes les sciences.
Ces deux éléments, si jamais ils sont correct, fondent la bêtise de notre monde.
Il ne me viendrait pas à l’idée de discuter l’existence de la force de gravitation. Je l’accepte sans me poser de questions particulières. C’est scientifique.
Un détail me frappe ici. La loi de Newton ne contient aucune histoire. Elle ne contient aucune transcendance. Elle me permet de saisir instantanément et sans efforts le fait que dans ce monde, je reste assis sur ma chaise. Elle ordonne, dans ses limites, le monde où je vis. Elle est si parfaite que je n’ai pas de questions à me poser sur ce point de la réalité. Une affirmation scientifique, « la gravitation existe », est indiscutable et a des conséquences dans ma vie de chaque jour.
Les sciences sociales transposent ces conséquences aux relations humaines. Elles les ordonnent. Elles les vident de toute transcendance. Elles cessent d’avoir une histoire. Elles évacuent toutes les questions associées à leurs affirmations scientifiques. Elles transforment chaque objet de la vie de tous les jours en objets répétitifs, sans histoires et toujours présents. Elles leur interdisent toute histoire, toute évolution, tout but vers lequel ils pourraient nous faire tendre ou nous en éloigner. Elles bloquent toute discussion au sujet de ces objets.
Comme stérilisant de la pensée personnelle, de la créativité, de la recherche et la poursuite de sens dans la vie, je ne vois pas mieux. C’est aussi une définition de la bêtise.
Je conclus donc que la bêtise est scientifique.
Cela me fait vous rejoindre sur l’idée d’anti-civilisation. C’est une civilisation dans histoire, dans un présent éternel (c’est un attribut divin si mes souvenirs sont corrects). C’est une civilisation dont les représentants se voient comme des sommets de l’évolution ayant droit à ce statut de dieu humain.
Cela me fait vous rejoindre sur l’idée de raison pervertie. Se fonder sur la raison pour se prendre pour un dieu est une perversion ou je ne saisis pas du tout ce concept.
Cela me fait vous rejoindre sur l’importance des psychologies. Un humain ne peut que se sentir fatigué quand il doit se soumettre à cette bêtise.
Cela me fait vous rejoindre sur la notion d’inconnaissance (il me à lire votre définition). Je la vois comme ce sentiment ou cette intuition qui me saisit quand j’observe un objet. Que ce soit une fleur, la lune, une pierre, une personne inconnue, je suis à chaque fois devant quelque chose d’inconnu mais qui est là. Je peux me mettre à le découvrir. Le concept de vérité-de-situation en découle naturellement.
Bien à vous.
jc
09/03/2021
Thom : "C’est l’idée d’Aristote : la capacité de nier. Elle nous sépare des animaux: pour eux, lorsqu’une information leur est transmise, elle est immédiatement acceptée, et elle suscite une obéissance à la consigne. L’homme, au contraire, a la possibilité de prendre du recul et de nier le vrai." (1)
La solidification du monde, signe de nos temps modernes nous dit Guénon. Notre intuition animale (2) qui perd progressivement son âme en se formalisant (en laissant progressivement le devant de la scène aux rhéteurs et aux sophistes), avec pour seul horizon la rigidification cadavérique : du formel au formol.
Revenir aux sources premières de l'intelligibilité, c'est, j'en suis convaincu, la tâche que Thom s'est fixée et tâche qui nous attend. Or, selon moi, le transhumanisme prend le chemin exactement opposé, qui engage l'humanité sur la voie du "plus bête que bête".
PhG (3): "Désormais, parce que je suis entré dans le domaine immortel et tragique du souvenir, je me dis qu’elle, Margot, fut effectivement héroïque, et silencieusement, et je pense à elle comme Vigny pensa au loup en écrivant le poème sur la mort de cette bête sublime. J’ai toujours gardé à l’esprit, depuis les bancs de l’école, les derniers vers où l’animal s’adresse à l’homme, – et qu’importe à cet instant si l’animal est l’animal, s’il est sauvage ou non, s’il dénonce la condition domestique de nombre d’animaux, à cet instant il parle à l’homme au nom de l’essence du monde, avec des mots qui nous manquent désespérément aujourd’hui. Lisez-le, relisez-le, cela qui n’est l’affaire que d’un instant, et ayez une pensée pour Margot…
«Il disait : “Si tu peux, fais que ton âme arrive,
»A force de rester studieuse et pensive,
»Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
»Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
»Gémir, pleurer, prier est également lâche.
»Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
»Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
»Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.”»
(1) http://strangepaths.com/forum/viewtopic.php?t=41
(2) doué de vie (Wiktionnaire)
(3) https://www.dedefensa.org/article/a-margot-pour-quelle-repose-en-paix
pierre Darras
10/03/2021
Personnellement, je ne vois pas là de bêtise. Ce que je comprends c'est "ok, bravo, on a compris, vous avez des missiles formidables qui vous rendent dangereux et peuvent nous faire beaucoup de mal. Nous sommes donc d'autant plus sur une route de collision. À ce jeux, peu importe qui sera le perdant et s'il y aura même un gagnant mais les dommages que nous subirons seront infiniment moindre que ceux que VOUS, vous subirez"
Nulle bétise là, seulement l'habituel chicken game, constante de la politique étrangère US depuis 1776, qui a déjà coûté deux guerres mondiales et qui a toujours été grandement favorable au pays du poker. Pas des échecs, du go ou je ne sais quel jeu subtil; non, le poker.
jc
28/05/2021
Bien que la bêtise apparaisse dans le moteur de recherche Dedefensa dès 2006, elle prend pour PhG, il me semble, une nouvelle dimension à partir de l'article https://www.dedefensa.org/article/la-betise-comme-element-metahistorique.
J'ai entendu pour la première fois tout récemment le terme de zapiens dans la bouche de Philippe de Villiers, et je trouve ce terme tout-à-fait adapté pour symboliser la voie vers laquelle dérive actuellement sapiens.
Le titre renvoie au paradoxe du sapiens, titre d'un livre de Jean-Pierre Baquiast que l'auteur résume en prologue de dialogues avec Philippe Grasset (https://www.dedefensa.org/article/dialogues-ii-la-these-du-paradoxe-du-sapiens), où s'opposent la raison humaine de JPB et la raison "divine" de PhG (https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin ; https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-humaine-1). J'utilise ici le terme paradoxe en son sens étymologique -son vrai sens…- de contraire à l'opinion commune, et non dans le sens de proposition qui contient ou semble contenir une contradiction logique que lui donne JPB.
Comment le zapiens, qui est formaté par l'opinion commune, et qui est donc ainsi, en quelque sorte, lui-même l'opinion commune, peut-il s'opposer à l'opinion commune? La réponse, lapidaire, que je propose est: parce qu'il est sot. Mais cette réponse appelle aussitôt cette autre question: est-ce que la capacité d'être en même temps une chose et son contraire caractérise le zapiens (z minuscule)? Ma réponse à cette dernière question, que je vais tenter de préciser dans ce qui suit, est non, cette caractéristique étant partagée avec celui que je nomme le Sapiens (S majuscule). Thom: "La voie de crête [le chemin à emprunter par les aspirants Sapiens] entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité ; "Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure de la limite des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction.".
Il est vain de vouloir s'attaquer logiquement (en logocrate?) au problème de la non-contradiction, principe d'explosion oblige (si on peut démontrer une chose et son contraire alors on peut tout démontrer). C'est pourquoi Thom s'y attaque topologiquement, en topocrate, ainsi que les philosophes belges Lambert et Hespel dans leur article "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" (disponible sur la toile). Thom indique ce qui fait, selon lui, la supériorité de l'approche topologique sur l'approche logique dans son Apologie du logos, où il annonce dès l'envoi qu'il reprend -en la précisant considérablement- la vieille idée (Confucius?) qu'une image vaut mieux que mille mots. Il joint en quelque sorte le geste topocratique à la parole logocratique en produisant sa carte légendée du sens à la fin de "Prédire n'est pas expliquer (http://strangepaths.com/forum/viewtopic.php?t=41). C'est sur cette carte du sens que je précise la façon dont je vois les choses.
La carte mise au goût du jour s'est considérablement développée vers sa partie inférieure, où le zapiens y règne en maître incontesté. Le rivage marécageux de la mer de l'insignifiance a fait place à une immense promenade, la promenade des américains (of course), la vieille forteresse de la tautologie, transformée en musée de la logique, fait place aux arrogants buildings des sociétés informatiques où s'élabore l'intelligence artificielle, ceux de la communication où se concoctent les sophismes à destination des zapiens, ceux de la société de spectacle (la MGM vient, ai-je entendu, d'être racheté par Bezos), les bas-fonds de l'ambiguïté ont été asséchés et le post-modernisme y est à l'honneur dans l'imposant building Derrida. Le temple des mathématiques, au front duquel on peut encore deviner "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre", n'est pas entretenu, mais à ses pieds sont apparus les buildings des informaticiens théoriciens et des statisticiens. Du coté des sciences humaines, les sciences économiques et politiques se sont installées en front de mer et les philosophes en cour ont investi le building Derrida. Les sciences humaines non en cour restent étudiées en catimini dans les locaux vieillissants. Ainsi l'œuvre de Simone Weil qui écrit en lettres capitales dans son premier cahier : « ARGENT, MACHINISME, ALGÈBRE. Les trois monstres de la civilisation actuelle. Analogie complète. » (L'algèbre, mère de l'algorithmique, et donc essentielle à l'informatique, dont Thom écrit ceci : "C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques.", citation que je ressors quasi-systématiquement dès que je commente un article dans lequel il est question du JSF). L'allée des tropes, renommée en partie basse en boulevard et bordée de buildings de "com" à sa jonction avec la promenade des américains, est de moins en moins entretenue à mesure qu'on prend de la hauteur, le sentier de la métaphore étant quant à lui interdit d'accès, suite au diktat zapien : comparaison n'est pas raison.
Les aspirants Sapiens tentent de résister symboliquement (what else?). Un petit refuge, duquel on domine le front de mer, a ainsi été discrètement aménagé dans le massif de la réalité et appelé refuge de la vérité-de-situation (curieux mélange de logos et de topos…). Des expéditions nocturnes sont signalées dans le massif dit de l'inconnaissable (car caché dans des brumes éternelles) situé derrière le massif de la poésie, auquel on a accès par le sentier de la métaphore, sentier qui se termine au col dit de l'échelle de Jacob dont on ne voit que les sept premiers barreaux (allusion aux sept catastrophes élémentaires thomiennes -je rappelle que la théorie des catastrophe est une théorie de l'analogie).
Tout ça est évidemment un peu (c'est un euphémisme) niais mais il me permet de préciser le sens que je donne maintenant au chaos. Je distingue en effet deux types de chaos: le chaos par manque de sens, chaos qui me semble raisonnable de qualifier d'entropique, symbolisé par la mer de l'insignifiance, et le chaos par excès de sens, chaos nég(u?)entropique, symbolisé par le sommet du pic embrumé qui forme le sommet du massif de l'inconnaissance où règne l'harmonie suprême (l'harmonie des contraires, selon Héraclite) et où réside Sapiens, Celui qui peut en même temps tout et le contraire de tout, généralement appelé Dieu tout puissant, que j'associe analogiquement à un œuf totipotent et une fonction indéfiniment différentiable mais inconnaissable car indifférenciée (SSM, 2ème ed. p.32 et ES p.216).
(Thom rappelle dans un article l'étymologie "aujourd'hui bien oubliée" du mot théorème: l'objet d'une vision. Mes connaissances en grec sont insuffisantes pour savoir si le théo de théorie et le théo de théologie ont même étymologie…)
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