jc
05/03/2020
(J'étais certain que Tulsi Gabbard allait revenir sous le clavier de PhG et j'attendais ce moment avec impatience.)
En consultant Wikipédia Gabbard figure dans le dernier carré (avec Warren, Biden et Sanders) alors qu'ils étaient 29 candidats au départs (18 retirés avant les primaires et 7 pendant).
Ce qui m'intéresse c'est la dynamique d'évolution du parti démocrate. Pour cela j'associe (en thomien que j'essaie d'être) à chacun une cuvette de potentiel avec une contenance proportionnelle aux votes, et une profondeur absolue proportionnelle à la qualité des principes sur lesquels s'appuie le candidat: de large mais très peu profonde pour Biden à étroite mais profonde pour Gabbard, Les désistements successifs sont le fait de candidats dont la profondeur de cuvette est insuffisante¹ et qui se déversent dans la cuvette plus profonde que la leur la plus proche, ce qui a pour effet d'élargir cette dernière mais pas nécessairement de l'approfondir (effet éventuel de dilution des principes -cas d'un candidat de consensus, d'un candidat attrape-tout-). Dans la théorie thomienne un conflit -ici actuellement à quatre actants- est dominé par la cuvette la plus profonde et l'évolution du conflit est régie par la forme de son fond². (Très grossièrement et métaphoriquement Il y a les cuvettes standard, de forme parabolique (d'équation z=x²+y²) structurellement stables (sans puissance car ne donnant lieu à aucun déploiement) et il y a les cuvettes au fond plus plat (d'équation z=x⁴+y⁴), germes instables, en puissance, en stand-by, donnant lieu à un déploiement structurellement stable -grandiose pour cette cuvette-ci-.) Tulsi Gabbard en puissance dans l'ombre yin, en stand-by (je n'ai qu'une idée extrêmement vague de ses principes et de son programme) attendant son heure face à trois acteurs en acte, sous la lumière yang des projecteurs?
¹: Patrick Martin (WSWS.org): "L’ancien président Barack Obama aurait pris l’initiative de faire pression sur Buttigieg. Lors d’un appel téléphonique de l’ancien commandant en chef à l’ancien officier de renseignement de la marine, lui disant que c’était son «levier maximum» pour une future influence au sein du parti démocrate." (Je suppose que "levier" est la traduction de "level". J'aurais plutôt traduit par "niveau"...) https://www.dedefensa.org/article/la-chasse-au-sanders-est-ouverte-chaos-compris
²: (pour scientifiques) Le fond de cuvette est une singularité en ce sens que le gradient de la fonction qui décrit la cuvette est nul au fond.
jc
06/03/2020
"Au principe était le Verbe…". Ainsi commence, dans la théogonie catholique, le premier évangile de Saint Jean (fait pour inspirer les logocrates…). Il en va autrement dans la théogonie hésiodique¹: "Au principe était le chaos…" (qui semble pouvoir inspirer plutôt les topocrates…). Le chaos et le topos yin face au cosmos et au logos yang? Les topocrates enfants de la nuit, les logocrates dans l'éblouissante clarté?
Thom: "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté."
Thom: "Pour moi la mathématique c'est la conquête du continu par le discret". Je pense qu'il ne renierait pas que c'est aussi pour lui la conquête du topos par le logos.
Au commencement était le chaos ou était le logos? Élie-Bernard Weil: "Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance."
Je note de Wiki¹ que "Kháos, littéralement « Faille, Béance », du verbe χαίνω / khaínô, « béer, être grand ouvert »", ce qui conforte mes enchaînements associatifs yin-ouvert-puissance-chaos-topos et yang-fermé-acte-cosmos-logos.
Je vois l'état actuel du monde comme suit: nous sommes en fin de fin de cycle (en fin de Kali-Yuga yang-yang), cycle qui a produit "en acte" une eschatologique "Jérusalem céleste" symbolisée par tous les gratte-ciel qui jaillissent actuellement un peu partout dans "nos" orgueilleuses mégapoles. Bien que je sois tout le contraire d'un atomiste -je suis continuiste- le retour au chaos m'apparaît nécessaire avant de pouvoir débuter l'âge d'or yin-yin d'un nouveau Manvantara, selon la métaphore suivante -réservée aux atomistes-: la Jérusalem-céleste-en-acte-et-en-lego, doit être déconstruite² pour redevenir un Paradis terrestre, c'est-à-dire "en puissance" à la fois toutes les Jérusalem-célestes-possibles.
Dans "Esquisse d'une sémiophysique" (p.80) Thom s'efforce de décrire les grands modes de déploiement d'une dynamique ponctuelle en dynamique de la blastula physiologique. Pour lui "la situation est semblable à celle des dynamiciens qui veulent décrire la "marche au chaos" pour un système dynamique [en mécanique des fluides]...".
Application au cas des primaires démocrates US? (Allusion au "chaos" du titre de l'article "La chasse-au-Sanders est ouverte, chaos compris".)
¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaos_(mythologie)
²: Soros, Derrida et Schumpeter en marionnettes "faisant leur job"?
jc
06/03/2020
Je ne sais pas si d'autres que Thom utilisent en sciences l'expression "marche au chaos", et je ne sais pas non plus si la "marche au chaos" dont il parle dans ES (p.80) a un rapport avec l'effondrement de la Jérusalem céleste dont je parle dans le .0: mes compétences en mathématiques sont trop insuffisantes pour le dire¹. Je pense plutôt à une catastrophe silencieuse² qui n'est pas complètement catastrophique, car elle se traduit par un gain de compétence qui compense l'évidente perte de performance qu'entraîne l'effondrement.
Remarque.
La construction de la Jérusalem céleste est une rigidification yang et sa déconstruction une volatilisation yin, pour reprendre les termes utilisés par Guénon. Autrement dit, en sexuant la chose de la façon la plus naturelle qui soit, l'effondrement (beaucoup plus rapide que l'érection) est une débandade…
¹: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304020808721108
²: Cf. l'index de SSM et l'article "Une théorie dynamique de la morphogenèse" de MMM, ed. de 1974, p.267
jc
07/03/2020
Comment concilier le "Au principe était le verbe" et le "Au principe était le chaos"?
J'ai indiqué au .0 que, métaphoriquement, le chaos était constitué du tas de lego qui représente "en puissance" toutes les "Jérusalem célestes" qu'il était possible de construire "en acte" à partir de ce tas de lego. Il suit que dans ce cas, toujours métaphoriquement, le verbe est alors naturellement le pgcd¹ des plans de ces "Jérusalem célestes".
Métaphysiquement il s'agit de relier le morphologique et le logique. Ci-après deux articles qui traitent du sujet, par Jean Petitot, sans doute l'un des plus fins connaisseurs de l'oeuvre de Thom. Le premier pour les scientifiques (l'introduction est lisible par les non matheux): http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_ThomUrbino.pdf ; le second que je découvre après une courte recherche sur Internet, après avoir noté que "Le déclin de l'Occident" de Spengler² "se présente comme une application aux phénomènes culturels de la méthode morphologique³ [de Goethe]", article qui m'a passionné (en particulier l'analyse du "Eliezer et Rebecca" de Poussin par Lévi-Strauss, pour moi un véritable bijou): http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_LeviStrauss_FR.pdf
¹: Le plus grand commun diviseur.
²: PhG: "... à la mode spenglerienne…"
³: "Le Déclin de l'Occident (1918 pour la première partie, 1922 pour la seconde) est une œuvre de synthèse historique qui rassemble tout à la fois l'économie politique et la politique, les sciences et les mathématiques, les arts plastiques et la musique. Cet ouvrage se présente comme une application aux phénomènes culturels de la méthode morphologique qu'avait élaborée Goethe pour les sciences naturelles et qui consiste dans le fait de dériver les phénomènes à partir d'un « phénomène primitif unique »." (Wikipédia, Spengler)
jc
07/03/2020
Une question qui se pose est: comment peut-on, comment faut-il, traduire "In principium"?
Dans la théogonie catholique il y a le verbe et il y a la chair, dans la théogonie hédiosique il y a le chaos et il y a le cosmos. Dans la tradition catholique (depuis saint Jean?) la traduction française est actuellement "Au commencement était le Verbe", suivi dans le premier évangile de "et le Verbe était Dieu " puis "Et le Verbe s'est fait chair". Il me semble¹ que dans la tradition hésiodique c'est plutôt le chaos qui est au commencement (et donc le cosmos à la fin).
J'ai mentionné dans le .2 que pour Thom "la mathématique est la conquête du continu par le discret", ce qui laisse deviner sa position de que le continu précède ontologiquement le discret², et, par transposition, que, très vraisemblablement pour lui, le chaos et le topos précèdent le cosmos et le logos. Peut-on être plus précis sur la vision thomienne de la métaphysique extrême? Il écrit à la fin de "Esquisse d'une sémiophysique" (1988): "Peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois Sa création achevée" (et cite alors l'aristotélicien "premier selon l'être, dernier selon la génération". (ES, p.216). Mais dans le "platonicien" SSM (2ème ed. 1977) j'ai repéré deux fois le catholique "Et le verbe s'est fait chair"³. Je pense que la position de Thom a évolué de la position catholique vers la position hésiodique⁴ (la citation "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel." (1968, SSM) va selon moi dans ce sens. Mais il n'est pas du tout inconcevable -il est même probable- que Thom applique les préceptes d'Élie-Bernard Weil avant que ce dernier ne les ait formulés⁵
Au commencement des temps le chaos, la matière informe, en puissance, à la fin des temps le cosmos, la matière formée, en acte et immortelle: la position thomienne⁶?
La position vaticane? Dans l'encyclique "Laudato si" du pape François on relève un étrange(?) "La réalité est supérieure à l'idée".
¹: J'ai découvert la théogonie hésiodique hier par le biais de Wikipédia,
²: Thom prend fermement cette position : "Il ne fait guère de doute que d'un point psychologique (et pour moi ontologique) le continu est l'être premier" (AL, p.564)
³: En épigraphe du chapitre 9: "Modèles locaux en embryologie" et au début du dernier chapitre "De l'animal à l'homme: pensée et langage" (p;295) chapitre entièrement remanié par rapport à la première édition.
⁴: Thom a été élevé dans le culte protestant.
⁵: "Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance."
⁶: Dans la préface de AL le philosophe Jean Largeault écrit: "Thom qui, à la rigueur, aurait de la sympathie pour un matérialisme, rejette le réductionnnisme…" (p.27)
jc
07/03/2020
Quelle est la position des "cyclistes"?
Il me semble clair que, dans ce cas, on ne peut traduire "principium" ni par "commencement" ni par "fin". Je ne connais rien ni des cosmogonies et théogonies orientales (certaines sont peut-être de ce type), ni de ce qu'ont écrit les éventuels éternels-retouristes occidentaux (Nietzsche?).
Quelle est la position de Thom?
Dans un entretien avec Jacques Nimier¹, Thom dit:
"Je me souviens que vers dix-sept ans, j'ai commencé à m'intéresser à la dynamique. Je ne me souviens plus à quelle occasion j'avais remis un papier à mon professeur de math-élem, où je parlais de l'éternel retour vu d'un point de vue dynamique, les théories de l'éternel retour ... C'était l'idée qu'on pouvait avoir un espace-temps, un univers dans lequel il y aurait l'éternel retour, c'est-à-dire où la dynamique serait périodique, mais je crois que c'est à peu près la première fois que j'ai réellement pensé les choses en terme de dynamique ..."
Je me demande si Thom n'a pas changé de position avec l'élaboration de sa théorie des catastrophes qui l'a amené à écrire plus tard: "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel"(1968) et "Peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois Sa création achevée," (1988).
Quelle est la position de PhG?
Je l'attends avec impatience dans la suite du tome III de "La Grâce…". Car, visiblement à la lecture du III.1 et des deux tomes précédents, le problème l'intéresse au plus haut point. Pour preuve ses références répétées au temps, au passé, à la nostalgie, à l'éternité et à l'Histoire providentielle, avec les citations suivantes, pour moi assez énigmatiques:
PhG: "Ainsi en est-il, pour mon compte, de "l'éternel retour", qui est un don terrestre, reconnaissable dans le fait du "retour" comme un acte concédé par l'éternité au cycle terrestre du monde, don terrestre disais-je de l'essentielle manifestation de l'Unité originelle, sous la forme de l'éternité majuscule." (Tome III-1, p.143)
Fabrice Hadjadj: "En un mot le futur est relatif à ce qui va et l'avenir à ce qui vient, et il faut que ce qui va soit ouvert à ce qui vient, sous peine d'une vie qui meurt en se fixant dans un programme." (id. p.148)
La position de PhG: un éternel retour vu non pas comme une éternelle cyclicité, mais comme un permanent retour vers le passé et vers l'unité primordiale, avec un temps non nécessairement cyclique, l'avenir à reculons?
La citation suivant de Daniel Rops revient souvent dans "La Grâce…": "Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice". Dans cette lutte prodigieuse entre la matière et la forme (entre la matière informe et la matière formée), entre le chaos et le cosmos, entre le topos et le logos, entre la puissance et l'acte, entre l'ouvert et le fermé, entre le paradis terrestre et la Jérusalem céleste, la citation de Fabrice Hadjadj ("une vie qui meurt en se fixant dans un programme") nous suggère peut-être de ne pas nous précipiter vers la forme, le cosmos, le logos, l'acte, le fermé, la Jérusalem céleste. Est-ce la lecture que PhG fait de la citation?
¹: http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html
jc
09/03/2020
Je ne peux m'empêcher:
1. de reproduire ici les principes édictés pour l'église catholique par le pape François: le temps est supérieur à l'espace, l'unité est supérieure au conflit; la réalité est supérieure à l'idée, le tout est supérieur à la partie;
2. de constater sur la toile l'embarras des ecclésiastiques qui les commentent;
3. De les confronter aux principes de Thom et de Guénon.
Pour Thom ce qui domine la pensée c'est l'opposition discret/continu et c'est le continu qui est ontologiquement l'être premier. Pour lui la mathématique est une conquête du continu par le discret, et j'espère ne pas trahir sa pensée en disant que la métaphysique est une conquête du topos/chaos/matière/substance par le logos/cosmos/forme/essence. Le pape François va-t-il au contact avec l'Être en soi (j'imagine que c'est son job…) ou s'arrête-il à un centre organisateur partiel où il produit seulement une idéologie progressiste (le temps est supérieur à l'espace) et matérialiste (la réalité est supérieure à l'idée) -cf. la note ¹-?
Le franciscain "le temps est supérieur à l'espace" paraît idéologique face à la tradition rapportée par Guénon dans le chapitre "Le temps changé en espace" de "Le règne de la quantité..." -cf. la note ²-
¹: Pour Thom "Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur. Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer." (ES, p.216)
²: Guénon: "Ainsi un « retournement » s’opère en dernier lieu contre le temps et au profit de l’espace : au moment même où le temps semblait achever de dévorer l’espace, c’est au contraire l’espace qui absorbe le temps ; et c’est là, pourrait-on dire en se référant au sens
cosmologique du symbolisme biblique, la revanche finale d’Abel sur Caïn." (Pour moi, d'une part il ne s'agit pas d'une revanche finale, la roue cosmique tournant inexorablement, d'autre part Abel est Abelle.)
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