jc
08/04/2020
PhG: "... où l’on voit leur position “intérieure” se renforcer à mesure que décline leur position impériale “extérieure” :".
C'est la première fois que je remarque chez PhG l'antagonisme intérieur/extérieur ainsi mis en lumière. Je rappelle à ce propos le principe antagoniste d'Élie Bernard-Weil que j'ai adopté dès que lu:
"Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance. La seule excuse, c'est que presque tout le monde considère que c'est là l'enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux!"
Pour moi la coupure galiléenne n'est pas une question de passage du géocentrisme à l'héliocentrisme, c'est une coupure entre la phusis aristotélicienne où sujet et objet d'étude étaient intimement liés et la physique moderne exclusivement et farouchement objective¹. Et c'est ainsi que je vois le clivage actuel entre les véritables scientifiques et les scientistes modernes. Penser de manière bipolaire c'est avant tout se mettre alternativement dans la peau de chacun des actants d'un conflit binaire.
C'est la définition que Thom donne de l'intelligence, et ce n'est pas facile à faire: la seule évocation de la référence de ÉBW à la "pensée unique" suffit pour expliquer l'état actuel du Système, car dogmatisme rime avec unipolarité.
Il est évident pour moi qu'un politicien qui se respecte doit se mettre dans la peau de ses adversaires politiques ou géopolitiques pour tenter d'anticiper leurs intentions et de combattre leurs actions. Je n'ai pas l'impression que D.Trump et E.Macron (pour ne citer que ceux-là) aient une grande intelligence "à la Thom". Par contre j'aurais tendance à voir une telle capacité chez V.Poutine (assisté par Lavrov).
L'opposition intérieur/extérieur est capitale en théorie thomienne des catastrophes où il y a un conflit permanent entre les variables internes et les variables externes (paramètres de contrôle). Je n'ai pas encore compris "en profondeur" -c-à-d pas encore digéré- tout ce que Thom dit à ce sujet -loin de là, hélas-. La citation qui suit laisse penser que la pensée bipolaire "à la Bernard-Weil" est insuffisante, car la pensée doit être simultanément agoniste et antagoniste pour pouvoir penser simultanément la permanence et le changement: c'est pourquoi je m'intéresse à la pensée à la fois "tripolaire" et dynamique de Stéphane Lupasco dont j'ai découvert tout récemment l'existence:
- Thom: "(...) j'avais cette association sujet / endoderme, verbe-action / mésoderme et objet / ectoderme. L'ectoderme c'est l'objet et le monde extérieur, à la fois, parce que cela donne une bonne partie de la peau, mais aussi parce que dans le cerveau on s'occupe surtout du monde extérieur. C'est la représentation du monde extérieur. Je ne sais pas ce qu'en pensent les gens, évidemment ils n'en pensent pas grand-chose, je n'ai jamais vu de réaction effective sur ce genre d'idée, ce qui est vraiment très curieux (...) Personne ne m'a jamais fait la moindre observation là-dessus. Je pense que ça stupéfie les esprits et c'est tout. Tant pis."
¹: En théorie mathématique des catégories, les français parlent d'objet et de flèche, les anglo-saxons parlent de being et d'arrow. Je pense que ce sont ces derniers qui ont raison: les êtres d'une catégorie, à l'exception de la source et du but, doivent être considérés alternativement comme des sujets et des objets, ainsi que la source-but quand source et but coïncident (mais Socrate nous a prévenus que c'est plus difficile à penser).
jc
08/04/2020
La coupure néo-darwinienne.
Darwin avait très certainement une grande capacité d'observation, donc très vraisemblablement une bonne capacité à se mettre dans la peau des animaux ou des plantes¹ qu'il observait, autrement dit il était très vraisemblablement intelligent "à la Thom". La coupure néo-darwinienne est venue de Weismann et de sa barrière qui a interdit les actions du soma sur le germen, c'est-à-dire tout mécanisme lamarckien (ce que ne refusait pas Darwin). Appliquant ma citation favorite avant la lettre par les spencériens, cette coupure s'est naturellement étendue du biologique au sociologique, l'élite politique/germen se coupant progressivement du peuple/soma: on en voit le résultat aujourd'hui.
Je pense que les révoltes et révolutions des peuples contre leurs élites manifestent de façon assez éclatante le caractère lamarckien de l'évolution des sociétés². (Thom tire argument de ma citation favorite (qui est de lui) pour conforter son intuition de l'évolution lamarckienne des espèces².)
Je me demande d'ailleurs si l'attitude initiale de l'élite actuelle (Donald Trump, Emmanuel Macron et Boris Johnson pour ne citer qu'eux) n'a pas été spontanément "néo-spencérienne": seuls les plus forts s'adapteront (Boris Johnson a depuis peut-être changé de point de vue).
¹: Bernard Giraudeau: "Il y a peu, une équipe de recherche plus hardie a voulu en savoir plus sur la pharmacopée amazonienne. Ils ont demandé aux shamans comment ils pouvaient reconnaître la bonne plante sans l'expérimenter sur les hommes et faire quelques dégâts. Les shamans ont répondu: on n'a pas besoin de tuer des animaux ou des gens pour savoir si une herbe ou une racine est efficace. Alors comment faites-vous? parle nos nous asseyons devant la plante choisie, en silence, le temps nécessaire, et elle nous parle. Les chercheurs sont repartis fort marris." (Cher amour, p.40)
²: Thom tire argument de ma citation favorite (qui est de lui) pour conforter son intuition de l'évolution lamarckienne des espèces. Cf. à 39'40 le court métrage "René" sur Thom par J.L. Godard https://www.qwant.com/?q=thom%20godard%20vid%C3%A9o&t=videos&o=0:914e4714ec7f529dd9b129f50a311dad
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