David Cayla
22/03/2019
... parce qu'elle a toujours incité les gens à acheter des choses qu'ils n'avaient pas, dont ils n'avaient pas besoin, pour pouvoir montrer aux autres que eux avaient pu se les acheter.
Dans le climat d'optimisme des années 1960, où tout le monde, et d'abord les enfants de la bourgeoisie, ne doutait pas un seul instant pouvoir accéder à la consommation, cela a fini par susciter un sentiment de révolte parmi cette jeunesse choyée : pourquoi acheter toutes ces choses que tout le monde peut s'acheter et dont personne n'a véritablement besoin ?
Intuitivement, je dirais que les choses ont commencé à changer "en mieux" en tout cas du point de vue des publicitaires et de leurs donneurs d'ordre lorsque le premier choc pétrolier est venu mettre un terme brutal aux rêves de croissance éternelle et de satisfaction des envies de consommation de tous.
(Et peut-être même que cela a soudainement donné un sens aux envies de consommation des anciens étudiants révoltés de mai 1968, "trahis" dans leur envie de révolutionner le monde par les ouvriers qui eux n'aspiraient qu'à pouvoir consommer : ils allaient pouvoir consommer, et les ouvriers, non.)
Dès lors, et de plus en plus, chaque publicité pouvait s'adresser ou entendre s'adresser à deux publics toujours plus distincts, toujours plus fracturés, ceux qui ont acheté la publicité, et ceux que l'on invite à rêver de ces choses qu'ils ne peuvent pas se payer (je mets délibérément de côté ceux qui peuvent se les payer et qui ne servent qu'à faire rentrer de l'argent dans le tiroir-caisse, et que les donneurs d'ordre doivent observer avec un brin de condescendance)
Sauf qu'il existait une parade à la frustation de ne pas pouvoir se payer telle ou telle chose : savoir qu'on ne peut pas se payer cette chose là en particulier, mais qu'on dispose d'une chose équivalente, en tout cas qui rend les mêmes services, et qui nous a coûté nettement moins cher.
Mais dès lors que de plus en plus de gens ne disposent même plus d'une alternative abordable, il n'est plus possible d'échapper à la frustration, et l'efficacité de la publicité devient maximale.
Et à ce compte-là, ne peut-on pas assimiler la publicité à une sorte de medium monstrueux qui aspire la frustration des masses pour nourrir l'ego des élites ? (A ceci près que la frustration engendre aussi de la colère, laquelle finit par mettre les masses en mouvement…)
Christian Feugnet
22/03/2019
D'accord vous faites un procés pertinent à la pub et bien timé . Ce serait , c'est une propagande anti propagande ,. Parce que la propagande c'est un peu comme la messe , le sermon , la lecture du talmud , que sais je , on est vacciné d'ennui et de culpabilisation . Y a longtemps qu'on sait que çà va pas sauver le monde . Alors la pub , elle aurait échoué elle aussi parce qu'avec cette taxe sur l'essence supplémentaire , la contrition écolo pour tous et à long terme on est sur de ne pas pouvoir se payer une rollex? Vous la charger pas un peu la pub ?
A mon avis y a quelque part autour des statues de la Liberté des forces occultes , un poil Atlantistes à l'oeuvre . C'est curieux quand méme que ces leaders des Gj , juste portes paroles , la maitrisent si bien la parole , à tel point , moi tout au moins , qu'on se dit que se ne sont pas vraiment des innocents politiques , sociaux ou com !
jc
23/03/2019
Tout-à-fait d'accord avec l'analyse faite par PhG sur le rôle de la publicité. Pour prolonger l'image -qui me plaît bien- de la porcherie chère au mathématicien/philosophe Gilles Châtelet, la pub était jadis en phase avec l'ambiance générale des trente glorieuses où tout un chacun voyait dans l'American Way of Life l'avenir radieux de l'homme: devenir un porcelet. Et maintenant la pub est en opposition de phase: elle continue à nous vendre de l'American Way of Life alors que les porcelets châtelains désertent de plus en plus la porcherie pour redevenir -ainsi les appelle Gilles Châtelet- des hommes ordinaires.
(Parenthèse soixante-huitarde:
PhG: "Mai-68 n’a pas été fait par les pauvres privés de moyens jusqu’à souffrir horriblement, mais par des nantis (fils de nantis) qui se payaient, non sans un romantisme de midinette branchée-sociétale (à voir ce qui a suivi), le luxe de se révolter contre le confort dont ils disposaient."
Je me demande quel a été le rôle de l'American Way of Life en 68, sachant que Sartre, Beauvoir, Cohn-Bendit et la CIA avaient un objectif commun, celui de bouter dehors l'homme du coup d'état permanent, la bête noire des anglo-saxons, pour mettre à sa place un rothschildien (grand-père spirituel de l'actuel).)
Là où je ne suis pas du tout d'accord avec PhG c'est sur la qualification de "monstre incontrôlable" du mouvement qu'initient et symbolisent les GJ. Car les GJ symbolisent pour moi tout le contraire: ils symbolisent la société des vrais gens, des gens ordinaires, la société de ceux qui tentent de vivre et de penser comme des gens ordinaires. Car pour moi c'est ça le vrai peuple, le peuple profond, c'est la communauté des gens ordinaires. La monstruosité est de l'autre côté, elle est du côté de ceux, encore très nombreux, du peuple-simulacre, de la plèbe, qui vivent et pensent comme des porcs, et qui ont plébiscité en 2017 un incontrôlable et monstrueux leader, un incontrôlable et monstrueux führer.
Nicolas Prenant
23/03/2019
En parlant de l'idéologisation de la publicité, avez-vous vu la fameuse pub Gillette ?
https://www.youtube.com/watch?v=koPmuEyP3a0
Ivan-Ivan Chasseneuil
25/03/2019
C'est cela : le luxe incroyable des moyens technologiques pour faire de la pub… Totale décadence de notre époque : le raffinement poussé à l'extrême dans la maîtrise de l'image (et le développement technique qui le rend possible) avec tout ce temps et toute cette énergie pour de la pub au lieu de réfléchir à des sujets d'intérêt public.
C'est vraiment bizarre, cette dichotomie entre la sophistication de la forme et son utilité réelle. Quelle est sa fonction ? Si le standard visuel était resté "pauvre" - disons plus populaire, plus "bricolage", est-ce que le consommateur aurait moins consommé ? (Mais il n'aurait pas connu autre chose : le luxe au luxe, et tout le reste pour le consommateur de base.) Pourquoi faut-il faire "luxe" pour vendre des serviettes hygiéniques et de la bière ? Question : est-ce que cette sophistication a en elle-même un effet de conviction (pas le message du luxe : on vous vend du luxe ou on vous flatte en vous vendant quelque chose de luxueux), mais la forme elle-même, est-elle plus convaincante (le côté léché, impeccable, lisse, sans défaut, équilibré, impersonnel, pas fait main, l'effacement du créateur derrière des outils techniques) ? Grasset parle de "forme idéologisée", mais j'aimerais bien qu'elle soit définie.
Peut-être que ce type d'image tellement trafiqué et léché, où s'efface totalement l'humain qui l'a créé, où ce dernier n'est visible nulle part (et quelque part plus c'est bête plus c'est fonctionnel - parce que cela voudrait dire qu'il n'y effectivement pas un humain derrière, avec son bon sens), est pour nous autres, hommes, Homme (notre physiologie), l'émanation de la divinité ? Cette perfection formelle tromperait notre esprit qui n'y verrait pas quelque chose d'humain, parce qu'il n'y a rien d'humain auquel se raccrocher dedans (le tremblé d'un crayon, une bavure, un côté fait main, une intelligence vive et empathique, l'évidence qu'il y a un être humain de chair et de sang derrière), mais un dieu, et donc une création autoritaire, toute-puissante et comminatoire (ou bienveillante selon ce qu'est la divinité pour les gens). Et donc la propension naturelle à céder, le bon sens s'effaçant devant la manifestation de la puissance.
Kevin CONRAUX
09/04/2019
Voici un lien à deux articles que j'ai publié assez incroyablement par pur hasard le lendemenain de cet article de dedefensa et dans lequel je vomissais aussi sur la publicité, pour la première fois alors que ça fait si longtemps que ça me torture:
http://www.lecturesalternatives.fr/2019/03/la-propagande-fasciste-publicitaire-2000-mots.html
http://www.lecturesalternatives.fr/2019/03/1-la-pub-mercedes-classe-b.html
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