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Article : La question de la légitimité

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D'où parlent-ils ?

Antonio Labriola

  24/06/2009

Vous avez raison de souligner combien ténue et relative est la notion de légitimité dans le domaine du gouvernement des foules. Merci pour les exemples de 68 et les regrets doux-amers qu’ils ont éveillés.

Cet excellent point de départ aurait pu servir à une étude sur la vanité des analyses (sauf celle de Le Bon bien sûr) mais finalement nous nous cognons sur les miroirs de M. Lind et des autres comme des pigeons parisiens égarés dans le labyrinthe du musée Grévin (existe-t-il toujours, au fait ?)

Emblématique de la relativité, le musée Grévin. Fondé par le milliardaire Arthur Meyer propriétaire du “Gaulois” anti-dreyfusard, pour abriter les créations magiques d’Alfred Grévin le prolétaire inspirateur de l’élégance parisienne…

Pour l’heure, la légitimité du régime iranien quand elle est appréciée de l’extérieur peut -légitimement- s’appeler résilience, ou capacité de résister aux ingérences. On peut se féliciter de cette résistance ou la combattre, c’est selon sa propre position.

Si l’on est partisan d’une analyse “économiste”,  la fraude électorale n’est qu’un détail plus ou moins signifiant.

Pour ma part, je considère d’un oeil plutôt sympathique et intéressé les propositions (suppositions ?) contenues dans un article de James Petras professeur émérite de sociologie à l’université Binghamton de New York, dont voici un extrait :

“L’immense majorité des électeurs du président [de l’Iran] actuel ont probablement eu le sentiment que les intérêts de leur sécurité nationale, l’intégrité du pays et le système de sécurité sociale, en dépit de tous ses défauts et de ses excès, seraient mieux défendus et améliorés avec Ahmadinejad au pouvoir, qu’avec de jeunes technocrates des classes aisées, soutenus par l’Occident, qui placent leur style de vie égoïste boboïsé au-dessus des valeurs et de la solidarité partagées par le peuple iranien.

“L’analyse démographique des électeurs met en évidence une réelle polarisation de classe, qui dresse des individus bénéficiant de hauts revenus, partisans du libre marché, capitalistes et individualistes, contre une classe laborieuse ayant de faibles revenus, fortement solidaires entre eux, partisans d’une « économie morale » dans laquelle l’usure et le profit sont strictement limités par des préceptes religieux. Les attaques ouvertes d’économistes oppositionnels contre les dépenses sociales du gouvernement, contre sa politique de crédit accessible et de très généreux subventionnement des produits alimentaires de première nécessité ne les ont pas vraiment fait apprécier par la majorité des Iraniens, qui bénéficient de ces programmes sociaux du gouvernement. L’État était considéré (par ceux-ci) comme le protecteur et le bienfaiteur des travailleurs pauvres contre le « marché », qui représentait à leurs yeux la richesse, le pouvoir, les privilèges et la corruption. Les attaques de l’opposition contre la politique étrangère « intransigeante » du régime et contre ses positions « lui aliénant » l’occident n’ont trouvé d’écho qu’auprès des seuls étudiants ultralibéraux et des affairistes de l’import-export. Aux yeux de l’immense majorité des Iraniens, la mobilisation et la menace d’escalade militaires du régime ont évité à l’Iran une attaque armée des Etats-Unis et/ou d’Israël.”

On peut retrouver l’intégralité du texte en suivant le lien :
http://www.voltairenet.org/article160669.html

Mais gare aux conclusions ! Le pigeon qui réussit à s’échapper du 10 boulevard Montmartre peut se retrouver dans les phares du Phaeton du gros Marx et de son compère Durkheim, polissant, pour mieux les embrouiller et les réfuter, les “Essais sur la conception matérialiste de l’histoire”.

délégitimationlogique et légitimité antique

geo

  25/06/2009

Si Lind considère comme tranchée la question de la légitimté, c’est moins par le fait de la réalité de la fraude (illégitilité procédurale) par le mépris du régime pour ses propres fondements déclarés (illégitimité logique). Dans république islamique, il y a répubique. Un prétendant au trône de france qui négligerait d’établir sa légitimité héréditaire s’exposerait à légitmer à la fois la révolte d’en bas et les prétentions concurentes.

La légitimité est sans doute complexe, peut être insaisissable, mais pas amorphe, elle a sa logique.

Mai 68 avançait une légitimité de la rue, qui d’une certaine façon remonte loin.(après tout dans     l’Athènes de démosthène, ceux qui n’avaient pas pris les armes dans une guerre civile perdaient le droit de vote. Le vote était semble-t-il un combat réduit au décompte des forces, seuls étaient donc comptés les citoyens prêts à aller dans la rue.)  De gaulle a restauré sa légitimité en se montrant le plus légitime par la rue aussi. Et c’était clair pour tous les acteurs, si ignorants aient-t-ils été de l’histoire Athénienne.

Leur vote volé, ou perçu comme volé, les iraniens sont revenus à la rue comme d’autres retournent à l’or quand la monaie fiducière n’est plus fiable, et ont fondé leur légitimité sur leur présence massive dans les rues qui leur a permis à la fois de se compter autrement que par des urnes douteuses, et de revendiquer leur droit au vote à l’antique en participant aux troubles, parfois en se faisant tuer.

Tout ça n’est pas rien. Khatami peut bien lancer ses propres forces dans la rue, il renforcera le côté république du régime, ce qui ne doit pas lui plaire.