Max JAMES
09/05/2012
Voici un article de fond sur le gaz dans un cadre géopolitique.
Il a été repris par voltaire.net, palestine solidarité, blogs.mediapart.fr, alterinfo.net,..
Vu son importance je préfère le recopier pour le garder en archive même en perdant les illustrations qui sont intéressantes que de mettre un simple lien.
http://www.voltairenet.org/La-Syrie-centre-de-la-guerre-du
——-La Syrie, centre de la guerre du gaz au Proche-Orient——
par Imad Fawzi Shueibi
Avec la chute de lUnion soviétique, les Russes ont réalisé que la course à larmement les avait épuisés, surtout en labsence des approvisionnements dénergie nécessaires à tout pays industrialisé. Au contraire, les USA avaient pu se développer et décider de la politique internationale sans trop de difficultés grâce à leur présence dans les zones pétrolières depuis des décennies. Cest la raison pour laquelle les Russes décidèrent à leur tour de se positionner sur les sources dénergie, aussi bien pétrole que gaz. Considérant que le secteur pétrolier, vu sa répartition internationale, noffrait pas de perspectives, Moscou misa sur le gaz, sa production, son transport et sa commercialisation à grande échelle.
Le coup denvoi fut donné en 1995, lorsque Vladimir Poutine mis en place la stratégie de Gazprom : partir des zones gazières de la Russie vers lAzerbaïdjan, le Turkménistan, lIran (pour la commercialisation), jusquau Proche-Orient. Il est certain que les projets Nord Stream et South Stream témoigneront devant lHistoire du mérite et des efforts de Vladimir Poutine pour ramener la Russie dans larène internationale et peser sur léconomie européenne puisquelle dépendra, durant des décennies à venir, du gaz comme alternative ou complément du pétrole, avec cependant une nette priorité pour le gaz. À partir de là, il devenait urgent pour Washington de créer le projet concurrent Nabucco, pour rivaliser avec les projets russes et espérer jouer un rôle dans ce qui va déterminer la stratégie et la politique pour les cents prochaines années.
Le fait est que le gaz sera la principale source dénergie du 21ème siècle, à la fois comme alternative à la baisse des réserves mondiales de pétrole, et comme source dénergie propre. Par conséquent, le contrôle des zones gazières du monde par les anciennes et les nouvelles puissance est à la base dun conflit international dont les manifestation sont régionales.
De toute évidence, la Russie a bien lu les cartes et a bien retenu la leçon du passé, car cest le manque de contrôle au niveau des ressources énergétiques globales, indispensables à linjection de capital et dénergie dans la structure industrielle, qui fut à lorigine de leffondrement de lUnion Soviétique. De même la Russie a assimilé que le gaz serait la ressource énergétique du siècle à venir.
—-Historique du grand jeu gazier—-
Une première lecture de la carte du gaz révèle que celui-ci est localisé dans les régions suivantes, en termes de gisements et daccès aux zones de consommation :
1. Russie : Vyborg et Beregvya
2. Annexé à la Russie : Turkménistan
3. Environs plus ou moins immédiats de la Russie : Azerbaïdjan et Iran
4. Pris à la Russie : Géorgie
5. Méditerranée orientale : Syrie et Liban
6. Qatar et Égypte.
Moscou sest hâté de travailler sur deux axes stratégiques : le premier est la mise en place dun projet sino-russe à long terme sappuyant sur la croissance économique du Bloc de Shanghai ; le deuxième visant à contrôler les ressources de gaz. Cest ainsi que furent jetées les bases des projets South Stream et Nord Stream, faisant face au projet étasunien Nabucco, soutenu par lUnion européenne, qui visait le gaz de la mer Noire et de lAzerbaïdjan. Sensuivit entre ces deux initiatives une course stratégique pour le contrôle de lEurope et des ressources en gaz.
Pour la Russie :
Le projet Nord Stream relie directement la Russie à lAllemagne en passant à travers la mer Baltique jusquà Weinberg et Sassnitz, sans passer par la Biélorussie.
Le projet South Stream commence en Russie, passe à travers la la mer Noire jusquà la Bulgarie et se divise entre la Grèce et le sud de lItalie dune part, et la Hongrie et lAutriche dautre part.
Pour les États-Unis :
Le projet Nabucco part dAsie centrale et des environs de la Mer Noire, passe par la Turquie où se situent les infrastructures de stockage, puis parcours la Bulgarie, traverse la Roumanie, la Hongrie, arrive en Autriche et de là se dirige vers la République Tchèque, la Croatie, la Slovénie et lItalie. Il devait à lorigine passer en Grèce, mais cette idée avait été abandonnée sous la pression turque.
Nabucco était censé concurrencer les projets russes. Initialement prévu pour 2014, il a dû être repoussé à 2017 en raison de difficultés techniques. À partir de là, la bataille du gaz a tourné en faveur du projet russe, mais chacun cherche toujours à étendre son projet à de nouvelles zones.
Cela concerne dune part le gaz iranien, que les États-Unis voulaient voir venir renforcer le projet Nabucco en rejoignant le point de groupage de Erzurum, en Turquie ; et de lautre le gaz de la Méditerranée orientale : Syrie, Liban, Israël.
Or en juillet 2011, lIran a signé divers accords concernant le transport de son gaz via lIrak et la Syrie. Par conséquent, cest désormais la Syrie qui devient le principal centre de stockage et de production, en liaison avec les réserves du Liban. Cest alors un tout nouvel espace géographique, stratégique et énergétique qui souvre, comprenant lIran, lIrak, la Syrie et le Liban. Les entraves que ce projet subit depuis plus dun an donnent un aperçu du niveau dintensité de la lutte qui se joue pour le contrôle de la Syrie et du Liban. Elles éclairent du même coup le rôle joué par la France, qui considère la Méditerranée orientale comme sa zone dinfluence historique, devant éternellement servir ses intérêts, et où il lui faut rattraper son absence depuis la Seconde Guerre mondiale. En dautres termes, la France veut jouer un rôle dans le monde du gaz où elle a acquis en quelque sorte une « assurance maladie » en Libye et veut désormais une « assurance-vie » à travers la Syrie et le Liban.
Quant à la Turquie, elle sent quelle sera exclue de cette guerre du gaz puisque le projet Nabucco est retardé et quelle ne fait partie daucun des deux projets South Stream et Nord Stream ; le gaz de la Méditerranée orientale semble lui échapper inexorablement à mesure quil séloigne de Nabucco.
—-Laxe Moscou-Berlin—-
Pour ses deux projets, Moscou a créé la société Gazprom dans les années 1990. LAllemagne, qui voulait se libérer une fois pour toutes des répercussions de la Seconde Guerre mondiale, se prépara à en être partie prenante ; que ce soit en matière dinstallations, de révision du pipeline Nord, ou de lieux de stockage pour la ligne South Stream au sein de sa zone dinfluence, particulièrement en Autriche.
La société Gazprom a été fondée avec la collaboration de Hans-Joachim Gornig, un allemand proche de Moscou, ancien vice-président de la compagnie allemande de pétrole et de gaz industriels qui a supervisé la construction du réseau de gazoducs de la RDA. Elle a été dirigée jusquen octobre 2011 par Vladimir Kotenev, ancien ambassadeur de Russie en Allemagne.
Gazprom a signé nombre de transactions avec des entreprises allemandes, au premier rang desquelles celles coopérant avec Nord Stream, tels les géants E.ON pour lénergie et BASF pour les produits chimiques ; avec pour E.ON des clauses garantissant des tarifs préférentiels en cas de hausse des prix, ce qui revient en quelque sorte à une subvention « politique » des entreprises du secteur énergétique allemand par la Russie.
Moscou a profité de la libéralisation des marchés européens du gaz pour les contraindre à déconnecter les réseaux de distribution des installations de production. La page des affrontements entre la Russie et Berlin étant tournée, débuta alors une phase de coopération économique basée sur lallégement du poids de lénorme dette pesant sur les épaules de lAllemagne, celle dune Europe surendettée par le joug étasunien. Une Allemagne qui considère que lespace germanique (Allemagne, Autriche, République Tchèque, Suisse) est destiné à devenir le cur de lEurope, mais na pas à supporter les conséquences du vieillissement de tout un continent, ni celle de la chute dune autre superpuissance.
Les initiatives allemandes de Gazprom comprennent le joint-venture de Wingas avec Wintershall, une filiale de BASF, qui est le plus grand producteur de pétrole et de gaz dAllemagne et contrôle 18 % du marché du gaz. Gazprom a donné à ses principaux partenaires allemands des participations inégalées dans ses actifs russes. Ainsi BASF et E.ON contrôlent chacune près dun quart des champs de gaz Loujno-Rousskoïé qui alimenteront en grande partie Nord Stream ; et ce nest donc pas une simple coïncidence si lhomologue allemand de Gazprom, appelé « le Gazprom germanique », ira jusquà posséder 40 % de la compagnie autrichienne Austrian Centrex Co, spécialisée dans le stockage du gaz et destinée à sétendre vers Chypre.
Une expansion qui ne plait certainement pas à la Turquie qui a cruellement besoin de sa participation au projet Nabucco. Elle consisterait à stocker, commercialiser, puis transférer 31 puis 40 milliards de m³ de gaz par an ; un projet qui fait quAnkara est de plus en plus inféodé aux décisions de Washington et de lOTAN, dautant plus que son adhésion à lUnion européenne a été rejetée à plusieurs reprises.
Les liens stratégiques liés au gaz déterminent dautant plus la politique que Moscou exerce un lobbying sur le Parti social-démocrate allemand en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, base industrielle majeure et centre du conglomérat allemand RWE, fournisseur délectricité et filiale dE.ON.
Cette influence a été reconnue par Hans-Joseph Fell, responsable des politiques énergétiques chez les Verts. Selon lui quatre sociétés allemandes liées à la Russie jouent un rôle majeur dans la définition de la politique énergétique allemande. Elles sappuient sur le Comité des relations économiques de lEurope de lEst cest-à-dire sur des entreprises en contact économique étroit avec la Russie et les pays de lex Bloc soviétique, qui dispose dun réseau très complexe dinfluence sur les ministres et lopinion publique. Mais en Allemagne, la discrétion reste de mise quant à linfluence grandissante de la Russie, partant du principe quil est hautement nécessaire daméliorer la « sécurité énergétique » de lEurope.
Il est intéressant de souligner que lAllemagne considère que la politique de lUnion européenne pour résoudre la crise de leuro pourrait à terme gêner les investissements germano-russes. Cette raison, parmi dautres, explique pourquoi elle traine pour sauver leuro plombé par les dettes européennes, alors même que le bloc germanique pourraient, à lui seul, supporter ces dettes. De plus, à chaque fois que les Européens sopposent à sa politique vis-à-vis de la Russie, elle affirme que les plans utopiques de lEurope ne sont pas réalisables et pourraient pousser la Russie à vendre son gaz en Asie, mettant en péril la sécurité énergétique européenne.
Ce mariage des intérêts germano-russes sest appuyé sur lhéritage de la Guerre froide, qui fait que trois millions de russophones vivent en Allemagne, formant la deuxième plus importante communauté après les Turcs. Poutine était également adepte de lutilisation du réseau des anciens responsables de la RDA, qui avaient pris soin des intérêts des compagnies russes en Allemagne, sans parler du recrutement dex-agents de la Stasi. Par exemple, les directeurs du personnel et des finances de Gazprom Germania, ou encore le directeur des finances du Consortium Nord Stream, Warnig Matthias qui, selon le Wall Street Journal, aurait aidé Poutine à recruter des espions à Dresde lorsquil était jeune agent du KGB. Mais il faut le reconnaitre, lutilisation par la Russie de ses anciennes relations na pas été préjudiciable à lAllemagne, car les intérêts des deux parties ont été servis sans que lune ne domine lautre.
Le projet Nord Stream, le lien principal entre la Russie et lAllemagne, a été inauguré récemment par un pipeline qui a coûté 4,7 milliards deuros. Bien que ce pipeline relie la Russie et lAllemagne, la reconnaissance par les Européens quun tel projet garantissait leur sécurité énergétique a fait que la France et la Hollande se sont hâtées de déclarer quil sagissait bien là dun projet « européen ». À cet égard, il est bon de mentionner que M. Lindner, directeur exécutif du Comité allemand pour les relations économiques avec les pays de lEurope de lEst a déclaré, sans rire, que cétait bien « un projet européen et non pas allemand, et quil nenfermerait pas lAllemagne dans une plus grande dépendance vis-à-vis de la Russie ». Une telle déclaration souligne linquiétude que suscite laccroissement de linfluence Russe en lAllemagne ; il nen demeure pas moins que le projet Nord Stream est structurellement un plan moscovite et non pas européen.
Les Russes peuvent paralyser la distribution de lénergie en Pologne dans plusieurs pays comme bon leur semblent, et seront en mesure de vendre le gaz au plus offrant. Toutefois, limportance de lAllemagne pour la Russie réside dans le fait quelle constitue la plate-forme à partir de laquelle elle va pouvoir développer sa stratégie continentale ; Gazprom Germania détenant des participations dans 25 projets croisés en Grande-Bretagne, Italie, Turquie, Hongrie et dautres pays. Cela nous amène à dire que Gazprom après un certain temps est destinée à devenir lune des plus importantes entreprises au monde, sinon la plus importante.
——Dessiner une nouvelle carte de lEurope, puis du monde——
Les dirigeants de Gazprom ont non seulement développé leur projet, mais ils ont aussi fait en sorte de contrer Nabucco. Ainsi, Gazprom détient 30 % du projet consistant à construire un deuxième pipeline vers lEurope suivant à peu près le même trajet que Nabucco ce qui est, de laveu même de ses partisans, un projet « politique » destiné à montrer sa force en freinant, voire en bloquant le projet Nabucco. Dailleurs Moscou sest empressé dacheter du gaz en Asie centrale et en mer Caspienne dans le but de létouffer, et de ridiculiser Washington politiquement, économiquement et stratégiquement par la même occasion.
Gazprom exploite des installations gazières en Autriche, cest-à-dire dans les environs stratégiques de lAllemagne, et loue aussi des installations en Grande-Bretagne et en France. Toutefois, ce sont les importantes installations de stockage en Autriche qui serviront à redessiner la carte énergétique de lEurope, puisquelles alimenteront la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie, la Hongrie, lItalie et lAllemagne. À ces installations, il faut ajouter le centre de stokage de Katrina, que Gazprom construit en coopération avec lAllemagne, afin de pouvoir exporter le gaz vers les grands centres de consommation de lEurope de louest.
Gazprom a mis en place une installation commune de stockage avec la Serbie afin de fournir du gaz à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie elle-même. Des études de faisabilité ont été menées sur des modes de stockage similaires en République Tchèque, Roumanie, Belgique, Grande-Bretagne, Slovaquie, Turquie, Grèce et même en France. Gazprom renforce ainsi la position de Moscou, fournisseur de 41 % des approvisionnements gaziers européens. Ceci signifie un changement substantiel dans les relations entre lOrient et lOccident à court, moyen et long terme. Cela annonce également un déclin de linfluence états-unienne, par boucliers antimissiles interposés, voyant létablissement dune nouvelle organisation internationale, dont le gaz sera le pilier principal. Enfin cela explique lintensification du combat pour le gaz de la côte Est de la Méditerranée au Proche-Orient.
—-Nabucco et la Turquie en difficulté—-
Nabucco devait acheminer du gaz sur 3 900 kilomètres de la Turquie vers lAutriche et était conçu pour fournir 31 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis le Proche-Orient et le bassin caspien vers les marchés européens. Lempressement de la coalition Otan-États-unis-France à mettre fin aux obstacles qui sélevaient contre ses intérêts gaziers au Proche-Orient, en particulier en Syrie et au Liban, réside dans le fait quil est nécessaire de sassurer la stabilité et la bienveillance de lenvironnement lorsquil est question dinfrastructures et dinvestissement gaziers. La réponse syrienne fût de signer un contrat pour transférer vers son territoire le gaz iranien en passant par lIrak. Ainsi, cest bien sur le gaz syrien et libanais que se focalise la bataille, alimentera t-il Nabucco ou South Stream ?
Le consortium Nabucco est constitué de plusieurs sociétés : allemande (REW), autrichienne (OML), turque (Botas), bulgare (Energy Company Holding), et roumaine (Transgaz). Il y a cinq ans, les coûts initiaux du projet étaient estimées à 11,2 milliards de dollars, mais ils pourraient atteindre 21,4 milliards de dollars dici 2017. Ceci soulève de nombreuses questions quant à sa viabilité économique étant donné que Gazprom a pu conclure des contrats avec différentes pays qui devaient alimenter Nabucco, lequel ne pourrait plus compter que sur les excédents du Turkménistan, surtout depuis les tentatives infructueuses de mainmise sur le gaz iranien. Cest lun des secrets méconnus de la bataille pour lIran, qui a franchi la ligne rouge dans son défi aux USA et à lEurope, en choisissant lIrak et la Syrie comme trajets de transport dune partie de son gaz.
Ainsi, le meilleur espoir de Nabucco demeure dans lapprovisionnement en gaz dAzerbaïdjan et le gisement Shah Deniz, devenu presque la seule source dapprovisionnement dun projet qui semble avoir échoué avant même davoir débuté. Cest ce que révèle laccélération des signatures de contrats passés par Moscou pour le rachat de sources initialement destinées à Nabucco, dune part, et les difficultés rencontrées pour imposer des changements géopolitiques en Iran, en Syrie et au Liban dautre part. Ceci au moment où la Turquie sempresse de réclamer sa part du projet Nabucco, soit par la signature dun contrat avec lAzerbaïdjan pour lachat de 6 milliards de mètres cubes de gaz en 2017, soit par lannexion de la Syrie et du Liban avec lespoir de faire obstacle au transit du pétrole iranien ou de recevoir une part de la richesse gazière libano-syrienne. Apparemment une place dans le nouvel ordre mondial, celui du gaz ou dautre chose, passe par rendre un certain nombre de service, allant de lappui militaire jusquà lhébergement du dispositif stratégique de bouclier antimissiles.
Ce qui constitue peut-être la principale menace pour Nabucco, cest la tentative russe de le faire échouer en négociant des contrats plus avantageux que les siens en faveur de Gazprom pour North Stream et South Stream ; ce qui invaliderait les efforts des États-Unis et de lEurope, diminuerait leur influence, et bousculerait leur politique énergétique en Iran et/ou en Méditerranée. En outre, Gazprom pourrait devenir lun des investisseurs ou exploitants majeurs des nouveaux gisements de gaz en Syrie ou au Liban. Ce nest pas par hasard que le 16 août 2011, le ministère syrien du Pétrole à annoncé la découverte dun puits de gaz à Qara, près de Homs. Sa capacité de production serait de 400 000 mètres cubes par jour (146 millions de mètres cubes par an), sans même parler du gaz présent dans la Méditerranée.
Les projets Nord Stream et South Stream ont donc réduit linfluence politique étasunienne, qui semble désormais à la traîne. Les signes dhostilité entre les États dEurope centrale et la Russie se sont atténués ; mais la Pologne et les États-Unis ne semblent pas disposés à renoncer. En effet, fin octobre 2011, ils ont annoncé le changement de leur politique énergétique suite à la découverte de gisements de charbon européens qui devraient diminuer la dépendance vis-à-vis de la Russie et du Proche-Orient. Cela semble être un objectif ambitieux mais à long terme, en raison des nombreuses procédures nécessaires avant commercialisation ; ce charbon correspondant à des roches sédimentaires trouvées à des milliers de mètres sous terre et nécessitant des techniques de fracturation hydraulique sous haute pression pour libérer le gaz, sans compter les risques environnementaux.
——Participation de la Chine—-
La coopération sino-russe dans le domaine énergétique est le moteur du partenariat stratégique entre les deux géants. Il sagit, selon les experts, de la « base » de leur double véto réitéré en faveur de la Syrie.
Cette coopération ne concerne pas seulement lapprovisionnement de la Chine à des conditions préférentielles. La Chine est amenée à simpliquer directement dans la distribution du gaz via lacquisition dactifs et dinstallations, en plus dun projet de contrôle conjoint des réseaux de distribution. Parallèlement, Moscou affiche sa souplesse concernant le prix du gaz, sous réserve dêtre autorisé à accéder au très profitable marché intérieur chinois. Il a été convenu, par conséquent, que les experts russes et chinois travailleraient ensemble dans les domaines suivants : « La coordination des stratégies énergétiques, la prévision et la prospection, le développement des marchés, lefficacité énergétique, et les sources dénergie alternative ».
Dautres intérêts stratégiques communs concernent les risques encourus face au projet du « bouclier antimissiles » US. Non seulement Washington a impliqué le Japon et la Corée du Sud mais, début septembre 2011, lInde a aussi été invitée à en devenir partenaire. En conséquence, les préoccupations des deux pays se croisent au moment où Washington relance sa stratégie en Asie centrale, cest-à-dire, sur la Route de la soie. Cette stratégie est la même que celle lancée par George Bush (projet de Grande Asie centrale) pour y faire reculer linfluence de la Russie et de la Chine en collaboration avec la Turquie, résoudre la situation en Afghanistan dici 2014, et imposer la force militaire de lOTAN dans toute la région. LOuzbékistan a déjà laissé entendre quil pourrait accueillir lOTAN, et Vladimir Poutine a estimé que ce qui pourrait déjouer lintrusion occidentale et empêcher les USA de porter atteinte à la Russie serait lexpansion de lespace Russie-Kazakhtan-Biélorussie en coopération avec Pékin.
Cet aperçu des mécanismes de la lutte internationale actuelle permet de se faire une idée du processus de formation du nouvel ordre international, fondé sur la lutte pour la suprématie militaire et dont la clé de voute est lénergie, et en premier lieu le gaz.
—-Le gaz de la Syrie——
Quand Israël a entrepris lextraction de pétrole et de gaz à partir de 2009, il était clair que le bassin Méditerranéen était entré dans le jeu et que, soit la Syrie serait attaquée, soit toute la région pourrait bénéficier de la paix, puisque le 21ème siècle est supposé être celui de lénergie propre.
Selon le Washington Institute for Near East Policy (WINEP, le think tank de lAIPAC), le bassin méditerranéen renferme les plus grandes réserves de gaz et cest en Syrie quil y aurait les plus importantes. Ce même institut a aussi émis lhypothèse que la bataille entre la Turquie et Chypre allait sintensifier du fait de lincapacité Turque à assumer la perte du projet Nabucco (malgré le contrat signé avec Moscou en décembre 2011 pour le transport dune partie du gaz de South Stream via la Turquie).
La révélation du secret du gaz syrien fait prendre conscience de lénormité de lenjeu à son sujet. Qui contrôle la Syrie pourrait contrôler le Proche-Orient. Et à partir de la Syrie, porte de lAsie, il détiendra « la clé de la Maison Russie », comme laffirmait la Tsarine Catherine II, ainsi que celle de la Chine, via la Route de la soie. Ainsi, il serait en capacité de dominer le monde, car ce siècle est le Siècle du Gaz.
Cest pour cette raison que les signataires de laccord de Damas, permettant au gaz iranien de passer à travers lIrak et daccéder à la Méditerranée, ouvrant un nouvel espace géopolitique et coupant la ligne de vie de Nabucco, avaient déclaré « La Syrie est la clé de la nouvelle ère ».
Imad Fawzi Shueibi
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