jc
26/10/2019
PhG: "(...) ces “hommes-modernes” aux regards tangentiels ont pris l’idéologie pour l’ontologie (...)"
Je ressors une fois de plus cette citation thomienne qui me semble parfaitement adaptée à la situation actuelle telle que décrite par PhG:
Thom: "Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
Elle est extraite de la fin du dernier chapitre "Perspectives aristotéliciennes en théorie du langage" de "Esquisse d'une sémiophysique" (ES), fin que je reproduis intégralement parce qu'il y est essentiellement question d'ontologie (et "de la modernité dans son affrontement avec la Tradition" -on y notera la place assignée par Thom aux pragmatistes et autres positivistes-):
"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal alpha (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur. Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.
Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
Dans son article déjà ancien "La crise de la raison (humaine)" PhG écrivait que "la sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée".
À la lecture de l'article du jour je crois qu'on peut préciser: l'audace de la pensée, aujourd'hui, consiste à se libérer -autant que faire se peut…- des chaînes de l'idéologie. Il y a du travail… dont le premier pas consiste à passer d'acteur de la société du spectacle à "spectateur de la société du spectacle de la catastrophe¹".
¹: Ce qu'a fait PhG, j'en suis convaincu, il y a longtemps (peut-être, au moins symboliquement, un certain 9 mars 1985…).
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