jc
31/03/2020
PHP: " ... c’est le principe de réalité qui est entièrement annexé, gobé, avalé par le principe de plaisir."
L'affectivité a mauvaise presse. Elle a un côté animal, bestial, qui ne peut seoir à l'homme, cet animal supérieur doué de raison. Il suffit de lire le début de la préface de la deuxième édition de sa "Critique de la raison pure" pour mesurer la suffisance -l'hubris?- de la position de Kant:
"La raison, tenant d’une main ses principes, qui seuls peuvent donner valeur de lois à des phénomènes concordants, et de l’autre l’expérimentation qu’elle a conçue d’après ceux-ci, doit s’approcher de la nature, certes pour être instruite par elle, mais non toutefois comme un élève, prêt à entendre tout ce que le maître veut, mais en la qualité d’un juge en exercice, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu’il leur soumet."
PhG, dans son article du même jour "Covid-19; "à prendre avec des pincettes", cite Mircea Marghescu:
"L’“homme nouveau”, ou “homme moderne”, c’est l’homme dont la conscience a pris le pas sur le reste et décidera “de façon impérative dans quel sens et de quelle façon vont aller ses actes et sa vie”, et donc qui soumet la “nature du monde” dont il tend de plus en plus à douter de sa pertinence sinon de son existence, au jugement triomphal de sa conscience.".
Rien de changé, donc, ou presque, sous le soleil du XXIème siècle: seul un léger glissement sémantique, la raison kantienne étant devenue conscience.
Je pense que l'affectivité a eu mauvaise presse chez PhG. Jusqu'à ce qu'un lecteur lui fasse remarquer que ce qu'il pensait être de l'affectivité n'en était en fait pas. Et PhG de créer le néologisme d'affectivisme¹ et de s'y tenir. L'affectivisme est une déviance de l'affectivité comme le virtualisme est une déviance de la saine imagination. À force de matraquage médiatique, à force de conditionnements pavloviens déviants perpétuellement renforcés, les médias mainstream à la solde du Système arrivent à véritablement conditionner l'homo economicus, l'homo politicus, voire l'homo scientificus (Darwin…) dans la voie servant les intérêts de leurs maîtres; il y a un économiquement correct, un politiquement correct, un scientifiquement correct que le citoyen de base est tenu de respecter: l'affectivité naturelle de l'homme de la rue a été détournée en affectivité artificielle, en affectivisme.
Avant d'être des humains nous sommes avant tout des animaux mus par l'affectivité: faim, peur, amour; on retrouve ici deux des trois ingrédients du titre de l'article de PhP. Pour Thom -et aussi pour Lupasco, je l'ai découvert tout récemment- c'est essentiellement l'affectivité qui nous meut. Plus précisément c'est l'affectivité qui déforme la structure de régulation de notre organisme en la compliquant, d'autant plus intensément que la faim qui nous attire vers la proie, la peur qui nous fait fuir le prédateur, ou l'attirance sexuelle sont elles-mêmes intenses. Et c'est, selon Thom, c'est cette complication qui permet à l'animal (dont l'homme) de trouver la ressource qui lui permet de se surpasser momentanément (ça consomme de l'énergie!) pour arriver à ses fins.
À ce propos il y a à la toute fin de SSM une phrase qui m'a toujours intriguée parce que jugée par moi prophétique: " ... au coeur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces naturelles existent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire." Une sorte de "le ciel t'aidera lorsque ce deviendra nécessaire". Or il me semble que nous sommes à une époque où il devient nécessaire de nous sortir de l'impasse dans laquelle "notre" contre-civilisation nous a mis. Un citoyen lambda sortira-t-il du rang, qui aura la faculté de se surpasser pour devenir momentanément un Moïse des temps modernes? Je me demande si ce n'est pas ce genre de chose dont Grothendieck nous parle dans "La clef des songes", sous-titré "Dialogue avec le bon Dieu".
Thom décrit avec précision le fonctionnement de l'affectivité telle qu'il le conçoit:
"Un darwinien orthodoxe vous dira que seuls survivent les systèmes pour lesquels l'adaptation est suffisamment réalisée… Mais chez les animaux supérieurs, nous savons parfaitement qu'il y a apprentissage par l'affectivité: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. À la sélection par la mort a succédé la sélection par l'affectivité. L'affectivité peut donc être vue comme une rétroaction du flux final ramifié sur la dynamique de commande des préprogrammes. Et je n'ai jamais compris pourquoi ces effets de rétroaction ne pourraient être transmis héréditairement (...), ce que nie la biologie moléculaire classique." (AL, p.159)
¹: https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-laffectivisme-postmoderne
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