Dufau J.P
11/10/2006
Excellente analyse:un vrai régal.
B. Schnetzler
11/10/2006
Si je partage votre opinion sur l’analyse de la crise coréenne, la politique américaine et l’hypocrisie de la société occidentale, je suis en désaccord sur votre vision stratégique : le futur sera d’abord la continuation de la politique globale menée durant ces quinze précédentes années, caractérisée par une escalade continue, et ensuite son épilogue. Parce que ni la Corée ni l’Iran ni l’Europe n’ont le moindre poids, les événements à venir pour les prochains mois ne dépendront que des Etats-Unis, en position hégémonique.
La Corée n’a jamais menacé les Etats-Unis. Ainsi quelle est l’utilité de missiles anti-missiles spécifiquement déployés contre une menace nord-coréenne qui n’existe pas encore, et alors qu’on a de plus décidé de mener des frappes préventives ? La réponse à une telle question conduit à la conclusion évidente que les déterminismes de la politique de Washington sont ailleurs intérêts du complexe militaro-industriel, création de tensions justifiant l’imposition de protectorats américains, etc. La réponse américaine à l’essai nucléaire nord-coréen doit donc être analysée dans le seul cadre d’une stratégie américaine globale, et non en fonction de la situation en Corée. Or, compte tenu de l’intransigeance de Washington vis-à-vis de Pyongyang, la provocation coréenne devient une atteinte insupportable à son prestige minant la crédibilité de sa diplomatie face à l’Iran. Les Américains se sont mis dans une position où ils ne peuvent reculer. Si ce n’était pas la une raison suffisante pour une action militaire et en dépit de l’absence de sa nécessité (il n’y a pas de menace réelle pour les Etats-Unis), le fait que l’étape suivante soit l’installation de têtes nucléaires sur des missiles Nodong (créant ainsi une dissuasion crédible) signifie que c’est maintenant ou jamais.
Quelle serait la riposte de la Corée du Nord en cas de frappes américaines ? Elles ne seraient certes pas nulles pour les populations de la région, mais elles seraient quand même assez faibles, car, une fois de plus, on a grossi la menace hormis une centaine de missiles sol-sol, les Coréens seraient impuissants. Par ailleurs, en cas de désaccords avec les Etats-Unis, comme ni la Chine ni la Corée du Sud n’ont de moyens de rétorsion, la crise ne s’étendra pas. En conclusion, avec les habituels habillages, tout comme l’invasion de l’Irak, pour quelques semaines ce sera un triomphe de plus pour G.W. Bush. Le fait est que la force paye quand on est à cent contre un - dénoncer le virtualisme c’est tenir compte de cette réalité.
Le problème est que l’odeur du sang excite les fauves. Or, un succès en Corée pourrait conduire les Etats-Unis à réitérer l’action contre l’Iran, alors que le rapport de force géopolitique est complètement différent. Premièrement, l’Iran peut riposter sans en venir à l’action militaire ni même à l’arme du pétrole : les mollahs peuvent soulever les populations en Irak ; en dépit de rivalités religieuses, Téhéran peut décider de soutenir des guérillas ou des mouvements d’opposition en Afghanistan, dans le Caucase et en Asie Centrale. Deuxièmement, une agression contre l’Iran perçue comme une attaque contre un pays musulman aurait des répercussions imprévisibles et impossibles à maîtriser sur les opinions publiques de nombreux pays instables.
Les Etats-Unis ne seront plus alors les seuls à jouer tous les coups sur l’échiquier, comme c’est le cas depuis le 11/09. Ne serait-ce que pour le pétrole, Russes et Chinois seront aussi de la partie. Ce jour là, trop tard, le monde se rendra compte que “The dark side of Forrest Gump” est allé un peu trop loin.
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