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Article : Le B-52 nucléaire, l’alarme et le désarroi

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Péril sur l'île Longue

D. M.

  24/10/2017

Vous avez parfaitement raison, la question centrale est celle de la crédibilité de la dissuasion nucléaire. Cette question est aussi (très, très,) intéressante pour le cas de la France. On sait que la dissuasion nucléaire repose sur deux choses: la certitude que l'adversaire se fera de la volonté de la direction politique de donner l'ordre de tir, et ensuite, la capacité opérationnelle de l'exécuter.  

La dissuasion nucléaire française ne repose dans les faits (c'est-à-dire là, sur le moment, maintenant, dans l'essence même de ce qui serait une capacité de riposte sûre et certaine) que sur un (2 - 1) sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) en patrouille. Il suffirait donc que ce sous-marin soit "défaillant" ou "manquant" pour ôter à la France son statut de puissance nucléaire dans les faits, dans l'immédiat, en situation de crise militaire imprévue.

Or, le problème qui se pose depuis quelque temps, problème en quelque sorte conjoncturel certes, mais qui s'aggrave parce que la conjoncture devient elle-même peu à peu structurelle, c'est que le suivisme aveugle de la France à la politique américaine, et en particulier le suivisme béat à leur politique anti-russe, tout cela dans le cadre de compressions budgétaires incessantes, a provoqué bien légitimement un regain d’activité des sous-marins russes dans l'Atlantique nord, disons dans le cadre de l'idée d'un "possible" conflit contre l'OTAN.

Au mois de juillet dernier, l’amiral Christophe Prazuck, le chef d'Etat major de la marine s'en est quelque peu inquiété, devant la Commission de la défense nationale et des forces armées, en déclarant qu'il y avait "des attitudes qui correspondent à des messages qui nous sont directement adressés; par exemple les sous-marins qui opèrent à proximité de nos approches bretonnes", et en réclamant des moyens supplémentaires, tant en bâtiments de surface qu'en moyens aéronavals.

L'affaire donne une étrange impression sur la crédibilité de la dissuasion nucléaire française: " Depuis janvier 1972, dit-il, il y a à la mer, et cela sans discontinuer, au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). À une époque il y en avait deux ou trois ; aujourd’hui il y en a un au moins. La question tactique est de savoir comment passer d’un sous-marin que tout le monde peut voir, dans sa base de l’Île Longue, à un sous-marin en patrouille que personne ne peut détecter, ce qui assure son invulnérabilité. Cette transition entre le quai et la haute mer, je dois l’organiser grâce à tout un dispositif de protection de la base de l’Île Longue, un dispositif de guerre des mines pour garantir qu’il n’y a pas d’obstacle sur le fond entre l’Île Longue et le large, après quoi des bâtiments de combat et des sous-marins vont vérifier l’absence de tout perturbateur qui attendrait au large, prêt à pister le SNLE au moment de son départ. Tout cela mobilise d’importants moyens : des avions de patrouille maritime, des sous-marins nucléaires d’attaque qui viennent de Toulon, des frégates spécialisées. [...] Jean-Yves Le Drian, quand il était ministre de la Défense, avait évoqué devant votre commission la complexification de la situation de l’Atlantique nord du fait d’une activité sous-marine redoublée – russe notamment –, y compris à proximité de nos approches bretonnes, ce qui nous impose un surcroît de vigilance. "

Vient ensuite la disponibilité des moyens: "En ce qui concerne la disponibilité, les Atlantique 2 [des avions de patrouille maritime] sont aujourd’hui dans un programme de rénovation piloté par Dassault et faisant également intervenir Thales, Naval Group et le service industriel de l’aéronautique [...]. Quand nous avons un problème de disponibilité de ces avions, comme cela nous est déjà arrivé à certaines périodes, nous sommes obligés d’aller chercher un Atlantique 2 qui opère au fin fond du désert en Jordanie pour l’envoyer au nord de l’Écosse ou à Lann-Bihoué participer à la chasse aux sous-marins qui s’approchent de notre sanctuaire breton."

Audition de l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la marine devant la Commission de la défense nationale et des forces armées, 26/07/2017

https://www.meretmarine.com/fr/content/la-marine-nationale-demande-le-retour-18-fregates-de-premier-rang