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Article : Le Canada s'interroge, — sur l'Afghanistan...

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Légèrement plus complexe que cela

Radisson

  08/09/2006

Évidemment, la réalité est toujours un peu plus complexe.  Cette complexité de “l’ambiance” en matière de politique internationale au Canada (et au Québec) s’explique, selon moi, par deux facteurs supplémentaires qui ne sont pas abordés dans ce bloc-note.

Premièrment, le parti conservateur, qui pour séduire l’électorat généralement centriste et modéré des provinces clés de l’Ontario et du Québec, avait présenté un visage modéré au cours de la dernière campagne électorale, a laissé graduellement tomber ce masque depuis qu’il est au pouvoir.  L’électorat centriste canadien, surtout au Québec, découvre avec stupéfaction (les naïfs…) que Harper n’est qu’une version légèrement canadianisée de Bush.  Son extrémisme conservateur d’inspiration américaniste, comme vous diriez, ne s’exprime pas seulement qu’en politique internationale.  On l’a vu s’exprimer aussi sur les questions de l’environnement (abandon de Kyoto), morales (rehaussement de l’âge de consentement à des activités sexuelles de 14 à 16 ans), judiciaires (criminalisation de délinquants dès l’âge de 10 ans), etc.  Mais ce qui a choqué énormément l’opinion publique canadienne dernièrement, particulièrement au Québec, c’est l’appui total et inconditionnel du gouvernement conservateur canadien à Israël lors du dernier conflit au Liban.  Cela en rupture avec la politique traditionnelle canadienne qui, à l’instar de la politique de la plupart des pays européens, se voulait plus équilibrée.

Dans ce contexte, l’engagement des troupes canadiennes en Afghanistan qui, jusqu’à tout récemment faisait l’objet d’un assez large consensus au Canada, d’autant plus que cette mission est mandatée par l’ONU, est vu avec de plus en plus de suspicion, comme une extension de la “guerre contre le terrorisme” de Bush.  Si le gouvernement conservateur canadien avait eu la prudence élémentaire de conserver une dose sanitairement responsable de distance envers la politique de Bush, il m’apparait que la mission canadienne en Afghanistan serait moins contestée.

Deuxièmement, le réflexe traditionnel québecois, en matière de politique de défense, en est un d’extrème méfiance.  La source de cette méfiance est évidemment historique et remonte à 1760, l’année où la France abandonne la Nouvelle-France.  Le conquérant Britannique ne s’est pas si mal comporté ici (tous les colonisés de l’empire Britannique ne peuvent en dire autant), mais il a toujours pris soin d’éloigner les francophones des institutions militaires.  Aux yeux des militaires britanniques, armer des milices “françaises” au coeur même de la colonie représentait un risque considérable.  On le verra au cours des guerres de 1776-1783 et de 1812-1814, pendant lesquelles les francophones sont courtisés, mais jamais armés.  En 1837 éclate une mini guerre civile, où l’armée britannique est largement utilisée pour mâter une rébellion des francophones.  En 1914, la nouvelle armée canadienne, à l’état-major exclusivement anglophone, demande aux francophones de s’enrôler.  Les francophones sont déchirés : l’idée d’aller défendre la mère-patrie, la France, les attire.  Mais en même temps, ils répugnent à l’idée de s’enrôler dans cette armée “d’anglais”.  Le Canada fini par décreter une conscription.  Les francophones résistent.  Émeutes et affrontements violents s’ensuivent : comme en 1837-1838, l’armée des anglais tire à bout portant sur les francophones.  Il y a mort d’hommes.  C’est la première crise de la conscription, dont on dit qu’elle est la pire crise politique à avoir frappé le Canada.  Une crise de même nature, les morts en moins toutefois, se répète en 1941.

Cette histoire mouvementée des relations entre les francophones et l’armée canadienne a laissée des traces, que l’on peut voir aujourd’hui dans l’extrême méfiance qui anime une majorité de Québecois sur les questions militaires.  C’est cette méfiance qui explique en bonne partie l’hostilité grandissante des Québecois envers la mission en Afghanistan.  D’aucun taxe les Québecois d’angélisme pacifiste, ce qui n’est pas entièrement erroné.  Mais cet angélisme a ses sources profondément enracinées dans l’histoire.

Encore aujourd’hui, l’armée canadienne, qui a fait des efforts réels pour faire une place au français, ne compte que 15% de francophones en son sein, alors la proportion des francophones au Canada est d’environ 30%.

Enfin, tout cela est très complexe…

Précision

Radisson

  08/09/2006

Ce n’est pas un soldat canadien qui est mort sous le tir “ami” des Américains, mais cinq.  Il y en eu un dernièrement (celui auquel vous faites référence).

Mais les quatre premiers soldats canadiens qui ont péri en Afghanistan sont morts après avoir été pris pour cible par un pilote d’un F-16 américain, qui croyait avoir affaire à des talibans.  Au moment de ce tragique incident, les soldats canadiens participaient à un exercice d’artillerie, dont l’état-major américain en Afghanistan connaissait l’existence.  Les pilotes américains en avait été prévenu, mais il semble que le pilote responsable avait “oublié” ce léger détail…