Stéphane Reposo
30/03/2009
“Le Hezbollah a suffisamment montré son sens de lorganisation et de lefficacité pour qu’on juge possible sinon probable l’hypothèse qu’il a envisagé et développé cette option. ” dites-vous.
Encore faudrait-il expliquer ce qu’il compte faire aux USA. Du trafic de drogue? Surement pas, il entrerait en concurrence avec les fameux cartels. Une guerrilla dans le middle west?
Soyons sérieux 5 minutes… Le Hezbollah prépare les élections au Liban, et je doute qu’il ait quoi que ce soit à faire sur la frontière américaine. Ses revenus proviennent de la diaspora libanaise et de l’Iran, et n’en manque pas au point de devoir se compromettre avec des trafiquants.
D’autre part, oser prétendre que cette organisation, essentiellement religieuse, soit cynique au point de fricoter avec les mafias de la pire espèce relève d’une forme très peu sophistiquée de diffamation. C’est bien mal connaitre le Hezbollah et les raisons de son succès…
Pour les raisons qu’auraient certains chroniqueur américains de voir le Hezbollah à leur porte, le lecteur saura trouver…
Nicolas Stassen
06/04/2009
Full title.
Nicolas Stassen
06/04/2009
Barack Obama à la reconquête de l’allié turc
Laure Marchand, à Istanbul
06/04/2009 | Mise à jour : 06:46 | Commentaires 6 | Ajouter à ma sélection
Des manifestants ont protesté contre la venue de Barack Obama en Turquie et appelé au départ des Américains d’Afghanistan, hier à Istanbul. Crédits photo : AFP
La Turquie, gratifiée d’une visite officielle de deux jours, est bien placée pour servir d’intermédiaire à Washington sur plusieurs dossiers importants.
En menaçant de mettre son veto à la nomination de M. Rasmussen à la tête de l’Otan, le premier ministre turc n’a pas failli à sa réputation d’homme politique au caractère bien trempé. Il a fallu la garantie de Barack Obama d’uvrer au rapprochement entre l’Otan et le monde musulman pour que Recep Tayyip Erdogan se laisse fléchir. Ce coup d’éclat, à la veille de la venue du président américain en Turquie, confirme qu’Ankara, prête à défendre ses intérêts, n’est plus un allié docile mais qu’elle prend également en compte ceux de Washington. Barack Obama lui a d’ailleurs aussitôt rendu la politesse en plaidant à Prague pour son entrée dans l’UE.
Les Turcs ne boudent pas leur plaisir : inclus dans la tournée du président américain, ils sont les seuls à être gratifiés d’une visite officielle. Arrivé dimanche soir en Turquie, Barack Obama y séjournera jusqu’à mardi. Cette attention particulière accordée à son vieil allié dans l’Otan exprime la volonté de la Maison-Blanche de reconquérir la confiance de ce pays à cheval sur deux continents et d’en faire une de ses cartes maîtresses au Proche-Orient.
«La Turquie a une valeur ajoutée évidente pour les Amé¬ricains qui veulent renouer avec le monde islamique», analyse Sinan Ülgen, président du think-tank Edam. La diplomatie turque, qui repose sur le concept «zéro conflit avec nos voisins», a conduit Ankara à se rapprocher de l’Iran et de Damas, à parrainer des négociations de paix indirectes entre Israël et la Syrie, à favoriser la coopération afghano-pakistanaise
Les Turcs sont bien placés pour servir d’intermédiaires dans de nombreux dossiers prioritaires de Barack Obama.
En 2003, le refus de laisser passer les soldats américains sur le territoire turc pour entrer en Irak avait rompu la confiance entre les deux partenaires. L’hostilité anti-Bush avait atteint des records dans l’opinion. Mais aujourd’hui, Ahmet Davutoglu, le chef de la diplomatie turque, appelle à «un nouvel âge d’or» dans les relations. Le premier ministre ne manque pas de ¬rappeler que le deuxième prénom d’Obama est Hussein, celui du petit-fils du Prophète. Au-delà, l’annonce du retrait des troupes d’Irak, la fermeture de ¬Guantanamo ou le message d’ouverture adressé à l’Iran sont reçus avec soulagement en Turquie.
Les Turcs attendent un appui sur deux dossiers cruciaux
Ces réorientations «ouvrent la voie à une coopération dans les domaines où nous avons des intérêts communs», souligne Murat Mercan, président de la commission des affaires étrangères au Parlement. La Turquie, deuxième plus gros contributeur de l’Otan, pourrait renforcer sa présence civile et militaire en Afghanistan. Surtout, Ankara a déclaré être prêt à faciliter le départ des soldats américains d’Irak. La mise à disposition de sa base aérienne d’Incirlik et de ses ports sera au centre des discussions.
En retour, les Turcs attendent un appui sur deux dossiers cruciaux. Que Washington continue à faire pression sur le gouvernement autonome kurde en Irak pour qu’il lutte contre les rebelles du PKK dans le nord du pays. Et la reconnaissance du génocide arménien par la ¬Chambre des représentants ou la Maison-Blanche serait perçue comme un casus belli diploma¬tique.
Mais la Turquie ne veut pas rester cantonnée dans un statut de médiateur : elle entend être associée «à l’élaboration de la politique régionale», selon Murat Mercan. Pour Faruk Logoglu, ancien ambassadeur aux États-Unis, ces ambitions sont «surévaluées». Le président iranien a déjà opposé une fin de non-recevoir à la proposition de médiation turque.
http://www.lefigaro.fr/international/2009/04/06/01003-20090406ARTFIG00257-barack-obama-a-la-reconquete-de-l-allie-turc-.php
Obama entame sa visite en Turquie
AFP
dimanche 05 avril 2009, 22:07
Le président américain Barack Obama est arrivé dimanche à Ankara pour une visite de deux jours en Turquie, « allié déterminant » des Etats-Unis et plus grand pays musulman de lOtan, dont il a appuyé la candidature à lUnion européenne.
Lire aussi : Obama et Sarkozy s’opposent sur l’entrée de la Turquie dans l’UE
epa
Le président Barack Obama, qui effectue en Turquie la dernière étape dune tournée en Europe, est arrivé à 21H10 à laéroport Esenboga. Il a été accueilli par le ministre de lEconomie Mehmet Simsek, et son épouse américaine. Après des entretiens lundi à Ankara avec les dirigeants turcs et un discours au parlement, M. Obama est attendu à Istanbul, où il rencontrera mardi les autorités religieuses, puis un groupe détudiants, et visitera deux mosquées.
« Le président va réaffirmer son sentiment que la Turquie est un allié déterminant, et constitue une partie importante de lEurope. Il a voulu se rendre en Turquie parce quil pense quil faut relancer les relations entre les deux pays, distendues ces dernières années », a déclaré à la presse un responsable américain qui fait partie de la délégation.
Entrée de la Turquie dans lUE
Les relations entre les deux pays sétaient tendues en 2003, après lintervention militaire américaine en Irak. « Le président sentretiendra du progrès des réformes démocratiques en Turquie, et réaffirmera le soutien américain à la demande de la Turquie dentrer dans lUnion européenne », a ajouté le responsable avant larrivée de M. Obama, qui effectue sa première visite dans un pays musulman. A Prague dimanche, M. Obama a clairement soutenu lentrée de la Turquie dans lUE, qui enverrait selon lui « un signal important ». Plusieurs pays européens sont opposés à cette adhésion, dont le président français Nicolas Sarkozy, qui la immédiatement rappelé haut et fort.
Selon le même responsable, M. Obama souhaite discuter des défis régionaux communs tels que « la menace terroriste, la guerre en Afghanistan, les relations avec lIran, et lobjectif partagé dune paix durable entre Israël et ses voisins. » La Turquie occupe une position stratégique entre Europe, Proche-Orient et Caucase. Alliée dIsraël, elle joue les intermédiaires dans des négociations entre lEtat hébreu et la Syrie, et partage des frontières avec lIrak et lIran.
Lors de sa tournée, M. Obama a réclamé de ses alliés lenvoi de troupes supplémentaires en Afghanistan, où la Turquie a 900 hommes. Ankara ne souhaite pas pour linstant aller au delà. La lutte contre les insurgés kurdes de Turquie, qui ont des bases de repli en Irak, ainsi que la question arménienne, pourraient être évoquées lors de cette visite.
Génocide arménien
Ankara souhaite aussi que M. Obama renonce à qualifier de génocide les massacres dArméniens sous lempire ottoman (1915-1917), comme il la fait pendant sa campagne électorale.
Autre dossier : lOtan. Samedi, lors du sommet de lalliance, M. Obama est intervenu pour dénouer une crise à propos de la nomination, finalement annoncée, du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen comme nouveau secrétaire général de lOtan.
M. Rasmussen est mal vu de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan—dont le parti est issu de la mouvance islamiste—pour son soutien au journal danois qui avait publié en 2005 des caricatures controversées de Mahomet. M. Erdogan lui reproche aussi le refus de Copenhague dinterdire une chaîne kurde émettant du Danemark et accusée dêtre le porte-voix dun groupe rebelle kurde. Selon la presse turque, Ankara a monnayé son feu vert à la nomination de M. Rasmussen contre de fortes exigences, dont la nomination de personnalités turques à des postes clés de lOtan.
(afp)
http://www.lesoir.be/actualite/monde/obama-entame-une-visite-en-2009-04-05-699601.shtml
Abdullah Gül
‘‘La Turquie a accompli une révolution silencieuse’‘
Par Christian Makarian, Gosset Ulysse, publié le 07/11/2008 15:35 - mis à jour le 07/11/2008 17:51
Il a été Premier ministre, puis ministre des Affaires étrangères, avant d’assumer la charge de président de la République turque au terme d’une élection mouvementée. C’est dire si ce quinquagénaire, proeuropéen tout en étant issu de la mouvance islamiste, connaît les arcanes politiques et diplomatiques. Pour L’Express et France 24, il a accepté de répondre aux questions qui se posent au sujet de la Turquie, y compris les plus embarrassantes.
La Turquie est-elle vraiment à l’abri d’un nouveau complot ou d’un coup d’Etat?
Ces hypothèses ne sont plus plausibles dans la Turquie actuelle. Les dangers dont vous parlez étaient hier imaginables mais ne sont plus vraisemblables aujourd’hui. Certes, quand on regarde notre passé politique, on trouve des hauts et des bas. C’est vrai. Mais aujourd’hui, vous le voyez, nous menons à bien des procès importants, avec des actes d’accusation en bonne et due forme, et la défense peut s’exprimer librement… Si un crime ou si un délit a été commis, quel qu’il soit, des tribunaux indépendants sont parfaitement en mesure de procéder à un jugement. Il existe en Turquie un système de droit qui fonctionne. Cela s’inscrit dans la perspective des négociations visant à l’adhésion à l’Union européenne. Il nous faut remplir les critères politiques de Copenhague : la démocratie, la suprématie du droit (au niveau des normes européennes), et le respect des droits de l’homme (là aussi, au niveau des normes européennes). On ne peut pas démarrer les négociations d’adhésion si ces conditions ne sont pas remplies. Nous avons donc procédé à des réformes vraiment radicales, que certains ont qualifiées de “révolution silencieuse”.
Abdullah Gül
1950 Naissance à Kayseri.
1983 Economiste à l’Islamic Development Bank, à Djeddah.
1991 Professeur d’économie internationale. Elu député du Refah Partisi (Parti du bien-être).
1996 Ministre d’Etat, porte-parole du gouvernement turc.
2001 Membre fondateur de l’AKP (Parti de la justice et du développement).
2002 Premier ministre.
De 2003 à 2007 Ministre des Affaires étrangères.
28 août 2007 Elu président de la République.
La Commission européenne vient de rendre son rapport d’avancement portant sur la modernisation de la Turquie. Ce constat contient des réserves. Est-ce que cela vous inquiète?
Le processus de négociation d’adhésion à l’Union européenne est un processus de transformation de la Turquie. Nous avons effectué des réformes tout à fait radicales, mais nous sommes loin d’avoir fini. Nous avons encore beaucoup à accomplir. Nous ne le faisons pas pour satisfaire l’Union européenne, pour que les Européens nous voient d’un bon oeil. Nous le faisons parce que notre peuple a le droit d’avoir accès à ces réformes. Même si l’Union européenne n’existait pas, nous devrions moderniser la Turquie de nous-mêmes, élargir les libertés de la façon la plus étendue possible pour que le peuple turc puisse en jouir. Le pluralisme, la transparence, l’égalité... ce sont des besoins qui vont dans le sens de l’intérêt de la Turquie et du peuple turc. Nous y travaillons. Peut-être aurait-il fallu agir plus rapidement. C’est ce que je pense. Mais, comme vous le savez, il y a des considérations économiques, des questions de politique intérieure qui ont ralenti les choses, notamment l’année dernière.
Vous êtes issu d’un mouvement politique d’inspiration islamiste. Est-ce que vous êtes très religieux, est-ce que vous effectuez vos prières tous les jours, est-ce que vous allez à la mosquée tous les vendredis?
Il faut séparer la religion de la politique. Dans notre pays, une grande majorité du peuple est musulmane. Cela relève du domaine personnel. J’ai la foi et, dans la mesure de ma force, je ferai ce que ma foi juge nécessaire. Mais ce sont des questions privées, qui ne concernent que moi, ou ma famille. Je ne fais pas de distinction entre mes concitoyens, parmi lesquels certains ne sont pas musulmans. Je n’effectue aucune discrimination. Il n’en est pas question. Ma propre conviction, ma propre foi, ne regarde que moi.
REUTERS/Osman Orsal
Des manifestants brandissent des drapeaux turcs et scandent des slogans contre l’AKP et la levée de l’interdiction du voile à l’université, près de l’Université d’Istanbul.
Pendant des décennies, il y avait un consensus en Turquie autour de la question de la laïcité. Pourquoi le gouvernement a-t-il voulu modifier ce principe pour autoriser, par exemple, le port du voile à l’université, qui était jusque-là interdit?
Il n’y a pas que le gouvernement qui ait souhaité cet amendement constitutionnel, voté par une vaste majorité. Au moins deux des partis de l’opposition l’ont également voté. Un seul groupe de partis d’opposition s’est prononcé contre. Plus de 400 députés sur 550 ont voté pour cet amendement constitutionnel destiné à supprimer cet interdit. Mais la Cour constitutionnelle a considéré que cela était contraire à la laïcité et a annulé l’amendement en question. Nous nous plions à cette décision de la Cour suprême.
Ce besoin de pouvoir porter le voile à l’université est difficile à comprendre d’un point de vue occidental…
Pourquoi?
Parce que, jusque-là, l’université fonctionnait très bien sans cela…
Que voulez-vous dire par “fonctionnait très bien”?
Le fonctionnement des universités, des écoles, des administrations se faisait dans un consensus laïque - qui était l’une des spécificités de la Turquie. Pourquoi vouloir le modifier aujourd’hui?
Il faut poser cette question aux partis politiques qui ont voulu changer cette règle. C’est sans doute qu’il y avait une demande en ce sens. La Turquie est une société ouverte. Tout cela est débattu. Ce qui est important, c’est que tous ces sujets puissent être discutés et que tout le monde participe à la discussion. Après quoi les instances constitutionnelles décident, pour ou contre. Et la règle de droit s’impose à tous au final.
REUTERS/Jean-Paul Pelissier
Orhan Pamuk, en mai 2007.
Le Prix Nobel de littérature Orhan Pamuk considère qu’il y a toujours une véritable menace pesant sur les libertés des journalistes et des écrivains en Turquie, en raison de l’existence de l’article 301 du Code pénal, qui sanctionne durement “l’humiliation de l’identité turque”. Que répondez-vous? Et que dites-vous aux Européens concernant cet article, qui devait être aboli mais qui ne l’a jamais été?
Orhan Pamuk est un écrivain turc qui a obtenu le prix Nobel, et nous en sommes naturellement très fiers. Les intellectuels, les écrivains doivent nourrir la critique. Ils souhaitent pour l’avenir une situation meilleure que celle d’aujourd’hui. Je considère que c’est tout à fait naturel de leur part. Il est vrai qu’il y a eu dans un passé récent une série de procès intentés en vertu de l’article 301. Mais cet article a été modifié. Précisément pendant la période où l’on a dit que le rythme des réformes avait ralenti. Cette disposition a été changée cette année. Désormais, les écrivains ne sont plus jetés en prison pour avoir pris la parole. Vous pouvez dire ce que vous voulez en Turquie.
Vous vous êtes récemment rendu en Arménie, pour assister à un match de football, ce qui a représenté un événement historique. Est-ce que cela signifie que la Turquie est susceptible d’évoluer sur la question arménienne?
Si vous voulez parler des événements qui se sont produits lors de la Première Guerre mondiale, je tiens à rappeler que tout le monde a souffert durant cette période : les Turcs, les Arméniens, et d’autres. Il y a eu des circonstances tragiques de part et d’autre. Toutes ces souffrances nous attristent tous. Mais dire que les Turcs ont, de façon délibérée, mené un massacre contre leurs propres concitoyens n’est pas vrai. Il faut comprendre ces événements à la lumière de la guerre. Tout le monde était en guerre à l’époque. Nos concitoyens arméniens ont été provoqués par un autre pays alors que nos troupes se battaient sur trois fronts. Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais nous répondons aux allégations sur cette question de la façon suivante: étudions ces allégations. Ce n’est pas aux hommes politiques de prendre position sur ces questions. Quelle est l’attitude honnête ? C’est de créer une commission d’historiens indépendante. Mettons nos archives sans restriction à la disposition de cette commission! Que cette commission fasse son travail. Et nous devrons tous accepter ses conclusions. La République de Turquie a fait cette proposition. Nous sommes même allés un peu plus loin : si la France s’intéresse de près à ce sujet, que la France participe à cette commission.
REUTERS/Anatolian-Mustafa Oztartan
Le président turc assiste, à côté du président arménien Sarkissian, au match Turquie-Arménie, à Erevan, le 6 septembre dernier. Un événement sans précédent.
Néanmoins, le génocide des Arméniens est désormais reconnu par de nombreux Etats démocratiques, et non des moindres. Barack Obama s’est déclaré favorable à la reconnaissance de ce génocide par les Etats-Unis. La position de la Turquie sera-t-elle encore tenable dans l’avenir?
Je peux parler de la question arménienne. Mais que l’on nous force à reconnaître quelque chose qui n’a pas eu lieu, simplement parce que des hommes politiques l’ont compris dans ce sens, n’est pas une attitude honnête. Ce serait plutôt un problème pour Barack Obama. N’oubliez pas que, pendant un millénaire, les Turcs et les Arméniens ont toujours vécu en paix ensemble. Il n’y a pas eu de conflit entre ces deux peuples. Sauf dans les conditions particulières de la Première Guerre mondiale. Il ne faut pas instiller de la haine pour l’avenir. Aujourd’hui, l’Arménie et la Turquie sont deux pays voisins. Et nous souhaitons développer notre amitié et nos relations avec l’Arménie.
Est-ce que vous avez parlé avec le président arménien du génocide ou est-ce que vous l’avez laissé de côté pendant les entretiens que vous avez eus ensemble?
Je vais vous dire une chose: nous sommes des gens qui vivent côte à côte dans cette région ! Nous sommes obligés de penser à l’avenir des habitants de l’Arménie. Il faut qu’ils vivent dans la prospérité, qu’ils soient heureux. Il faut qu’ils soient en bons termes avec la Turquie. Il faut que la Turquie soit en bons termes avec eux. C’est pour cela que nous devons aider le processus entre la Turquie et l’Arménie. Regarder les choses de loin et essayer de protéger sa propre identité, se focaliser sur cette animosité, rabâcher tout le temps le même sujet, l’utiliser sans cesse comme un instrument politique ne servira à personne. J’ai écrit au président arménien, M. Sarkissian, pour le féliciter quand il a été élu. Et je lui ai dit que j’espérais pouvoir résoudre les problèmes que nous avons en commun et améliorer nos relations pendant que nous sommes tous les deux présidents. Et le président de la République arménienne, avec beaucoup de courage, m’a invité dans son pays. Je le félicite. J’ai été, moi aussi, critiqué par beaucoup de gens en Turquie. Mais, avec courage, également, j’ai accepté cette invitation et je me suis rendu en Arménie. J’ai été très heureux d’y aller. Nous avons a eu des conversations très constructives. Et je souhaite que ces échanges se poursuivent. Il y a beaucoup de sujets, beaucoup de problèmes ; je ne suis pas entré dans les détails de chacun. C’était notre premier échange et je ne voulais pas aborder tous les sujets fâcheux. Le plus important était de créer un bon climat.
Que pensez-vous des intellectuels turcs, comme Orhan Pamuk, qui n’ont pas de difficulté à parler du “génocide” des Arméniens?
Cela montre justement que tous les points de vue peuvent être exprimés aujourd’hui en Turquie. Que tout peut être désormais débattu. Certains croient que des gens sont jetés en prison dès qu’ils émettent des opinions de ce type. Mais ce n’est pas le cas. On débat de tout. On écrit ce que l’on veut. Il y a même des livres qui sont écrits à ce sujet. Même si je ne suis pas d’accord avec certains points de vue, je ne suis pas d’avis de faire taire les gens qui les expriment. Cependant, s’il y a une idée que je ne veux pas accepter, je ne vais pas non plus m’y soumettre simplement parce qu’elle fait l’objet d’une pression internationale. Les actions de la diaspora arménienne empêchent la normalisation des relations turco-arméniennes.
Concernant les rapports entre l’islam et l’Occident, certains s’inquiètent de voir votre pays participer à la Conférence islamique tout en aspirant à entrer dans l’Union européenne.
Je ne vois pas de contradiction entre le fait que la Turquie soit membre de la Conférence islamique et qu’elle négocie son adhésion à l’Union européenne. La Conférence islamique et l’Union européenne ne sont pas des alternatives exclusives l’une de l’autre dans le monde d’aujourd’hui, caractérisé par la mondialisation. La majorité de la population de la Turquie est musulmane. C’est pour cela que la Turquie est membre de la Conférence islamique. La Russie en est également un membre observateur parce qu’elle a une forte population musulmane. Mais la Turquie a également commencé à négocier son adhésion à l’Union européenne et continue d’adopter les acquis communautaires. Le fait d’être musulman n’est pas un obstacle pour devenir membre de l’Union européenne. Je ne le pense pas. Quelles sont nos valeurs communes? La démocratie, le respect des droits de l’homme, l’économie de marché. Nous avons accepté ces principes-là. Par ailleurs, les efforts de la Turquie sont soutenus d’une façon très importante dans le monde musulman. Je pense que la Turquie va apporter une très grande richesse à l’Union européenne en jouant le rôle de pont entre les civilisations.
Nicolas Stassen
06/04/2009
Barack Obama à la reconquête de l’allié turc
Laure Marchand, à Istanbul
06/04/2009 | Mise à jour : 06:46 | Commentaires 6 | Ajouter à ma sélection
Des manifestants ont protesté contre la venue de Barack Obama en Turquie et appelé au départ des Américains d’Afghanistan, hier à Istanbul. Crédits photo : AFP
La Turquie, gratifiée d’une visite officielle de deux jours, est bien placée pour servir d’intermédiaire à Washington sur plusieurs dossiers importants.
En menaçant de mettre son veto à la nomination de M. Rasmussen à la tête de l’Otan, le premier ministre turc n’a pas failli à sa réputation d’homme politique au caractère bien trempé. Il a fallu la garantie de Barack Obama d’uvrer au rapprochement entre l’Otan et le monde musulman pour que Recep Tayyip Erdogan se laisse fléchir. Ce coup d’éclat, à la veille de la venue du président américain en Turquie, confirme qu’Ankara, prête à défendre ses intérêts, n’est plus un allié docile mais qu’elle prend également en compte ceux de Washington. Barack Obama lui a d’ailleurs aussitôt rendu la politesse en plaidant à Prague pour son entrée dans l’UE.
Les Turcs ne boudent pas leur plaisir : inclus dans la tournée du président américain, ils sont les seuls à être gratifiés d’une visite officielle. Arrivé dimanche soir en Turquie, Barack Obama y séjournera jusqu’à mardi. Cette attention particulière accordée à son vieil allié dans l’Otan exprime la volonté de la Maison-Blanche de reconquérir la confiance de ce pays à cheval sur deux continents et d’en faire une de ses cartes maîtresses au Proche-Orient.
«La Turquie a une valeur ajoutée évidente pour les Amé¬ricains qui veulent renouer avec le monde islamique», analyse Sinan Ülgen, président du think-tank Edam. La diplomatie turque, qui repose sur le concept «zéro conflit avec nos voisins», a conduit Ankara à se rapprocher de l’Iran et de Damas, à parrainer des négociations de paix indirectes entre Israël et la Syrie, à favoriser la coopération afghano-pakistanaise
Les Turcs sont bien placés pour servir d’intermédiaires dans de nombreux dossiers prioritaires de Barack Obama.
En 2003, le refus de laisser passer les soldats américains sur le territoire turc pour entrer en Irak avait rompu la confiance entre les deux partenaires. L’hostilité anti-Bush avait atteint des records dans l’opinion. Mais aujourd’hui, Ahmet Davutoglu, le chef de la diplomatie turque, appelle à «un nouvel âge d’or» dans les relations. Le premier ministre ne manque pas de ¬rappeler que le deuxième prénom d’Obama est Hussein, celui du petit-fils du Prophète. Au-delà, l’annonce du retrait des troupes d’Irak, la fermeture de ¬Guantanamo ou le message d’ouverture adressé à l’Iran sont reçus avec soulagement en Turquie.
Les Turcs attendent un appui sur deux dossiers cruciaux
Ces réorientations «ouvrent la voie à une coopération dans les domaines où nous avons des intérêts communs», souligne Murat Mercan, président de la commission des affaires étrangères au Parlement. La Turquie, deuxième plus gros contributeur de l’Otan, pourrait renforcer sa présence civile et militaire en Afghanistan. Surtout, Ankara a déclaré être prêt à faciliter le départ des soldats américains d’Irak. La mise à disposition de sa base aérienne d’Incirlik et de ses ports sera au centre des discussions.
En retour, les Turcs attendent un appui sur deux dossiers cruciaux. Que Washington continue à faire pression sur le gouvernement autonome kurde en Irak pour qu’il lutte contre les rebelles du PKK dans le nord du pays. Et la reconnaissance du génocide arménien par la ¬Chambre des représentants ou la Maison-Blanche serait perçue comme un casus belli diploma¬tique.
Mais la Turquie ne veut pas rester cantonnée dans un statut de médiateur : elle entend être associée «à l’élaboration de la politique régionale», selon Murat Mercan. Pour Faruk Logoglu, ancien ambassadeur aux États-Unis, ces ambitions sont «surévaluées». Le président iranien a déjà opposé une fin de non-recevoir à la proposition de médiation turque.
http://www.lefigaro.fr/international/2009/04/06/01003-20090406ARTFIG00257-barack-obama-a-la-reconquete-de-l-allie-turc-.php
Obama entame sa visite en Turquie
AFP
dimanche 05 avril 2009, 22:07
Le président américain Barack Obama est arrivé dimanche à Ankara pour une visite de deux jours en Turquie, « allié déterminant » des Etats-Unis et plus grand pays musulman de lOtan, dont il a appuyé la candidature à lUnion européenne.
Lire aussi : Obama et Sarkozy s’opposent sur l’entrée de la Turquie dans l’UE
epa
Le président Barack Obama, qui effectue en Turquie la dernière étape dune tournée en Europe, est arrivé à 21H10 à laéroport Esenboga. Il a été accueilli par le ministre de lEconomie Mehmet Simsek, et son épouse américaine. Après des entretiens lundi à Ankara avec les dirigeants turcs et un discours au parlement, M. Obama est attendu à Istanbul, où il rencontrera mardi les autorités religieuses, puis un groupe détudiants, et visitera deux mosquées.
« Le président va réaffirmer son sentiment que la Turquie est un allié déterminant, et constitue une partie importante de lEurope. Il a voulu se rendre en Turquie parce quil pense quil faut relancer les relations entre les deux pays, distendues ces dernières années », a déclaré à la presse un responsable américain qui fait partie de la délégation.
Entrée de la Turquie dans lUE
Les relations entre les deux pays sétaient tendues en 2003, après lintervention militaire américaine en Irak. « Le président sentretiendra du progrès des réformes démocratiques en Turquie, et réaffirmera le soutien américain à la demande de la Turquie dentrer dans lUnion européenne », a ajouté le responsable avant larrivée de M. Obama, qui effectue sa première visite dans un pays musulman. A Prague dimanche, M. Obama a clairement soutenu lentrée de la Turquie dans lUE, qui enverrait selon lui « un signal important ». Plusieurs pays européens sont opposés à cette adhésion, dont le président français Nicolas Sarkozy, qui la immédiatement rappelé haut et fort.
Selon le même responsable, M. Obama souhaite discuter des défis régionaux communs tels que « la menace terroriste, la guerre en Afghanistan, les relations avec lIran, et lobjectif partagé dune paix durable entre Israël et ses voisins. » La Turquie occupe une position stratégique entre Europe, Proche-Orient et Caucase. Alliée dIsraël, elle joue les intermédiaires dans des négociations entre lEtat hébreu et la Syrie, et partage des frontières avec lIrak et lIran.
Lors de sa tournée, M. Obama a réclamé de ses alliés lenvoi de troupes supplémentaires en Afghanistan, où la Turquie a 900 hommes. Ankara ne souhaite pas pour linstant aller au delà. La lutte contre les insurgés kurdes de Turquie, qui ont des bases de repli en Irak, ainsi que la question arménienne, pourraient être évoquées lors de cette visite.
Génocide arménien
Ankara souhaite aussi que M. Obama renonce à qualifier de génocide les massacres dArméniens sous lempire ottoman (1915-1917), comme il la fait pendant sa campagne électorale.
Autre dossier : lOtan. Samedi, lors du sommet de lalliance, M. Obama est intervenu pour dénouer une crise à propos de la nomination, finalement annoncée, du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen comme nouveau secrétaire général de lOtan.
M. Rasmussen est mal vu de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan—dont le parti est issu de la mouvance islamiste—pour son soutien au journal danois qui avait publié en 2005 des caricatures controversées de Mahomet. M. Erdogan lui reproche aussi le refus de Copenhague dinterdire une chaîne kurde émettant du Danemark et accusée dêtre le porte-voix dun groupe rebelle kurde. Selon la presse turque, Ankara a monnayé son feu vert à la nomination de M. Rasmussen contre de fortes exigences, dont la nomination de personnalités turques à des postes clés de lOtan.
(afp)
http://www.lesoir.be/actualite/monde/obama-entame-une-visite-en-2009-04-05-699601.shtml
Abdullah Gül
‘‘La Turquie a accompli une révolution silencieuse’‘
Par Christian Makarian, Gosset Ulysse, publié le 07/11/2008 15:35 - mis à jour le 07/11/2008 17:51
Il a été Premier ministre, puis ministre des Affaires étrangères, avant d’assumer la charge de président de la République turque au terme d’une élection mouvementée. C’est dire si ce quinquagénaire, proeuropéen tout en étant issu de la mouvance islamiste, connaît les arcanes politiques et diplomatiques. Pour L’Express et France 24, il a accepté de répondre aux questions qui se posent au sujet de la Turquie, y compris les plus embarrassantes.
La Turquie est-elle vraiment à l’abri d’un nouveau complot ou d’un coup d’Etat?
Ces hypothèses ne sont plus plausibles dans la Turquie actuelle. Les dangers dont vous parlez étaient hier imaginables mais ne sont plus vraisemblables aujourd’hui. Certes, quand on regarde notre passé politique, on trouve des hauts et des bas. C’est vrai. Mais aujourd’hui, vous le voyez, nous menons à bien des procès importants, avec des actes d’accusation en bonne et due forme, et la défense peut s’exprimer librement… Si un crime ou si un délit a été commis, quel qu’il soit, des tribunaux indépendants sont parfaitement en mesure de procéder à un jugement. Il existe en Turquie un système de droit qui fonctionne. Cela s’inscrit dans la perspective des négociations visant à l’adhésion à l’Union européenne. Il nous faut remplir les critères politiques de Copenhague : la démocratie, la suprématie du droit (au niveau des normes européennes), et le respect des droits de l’homme (là aussi, au niveau des normes européennes). On ne peut pas démarrer les négociations d’adhésion si ces conditions ne sont pas remplies. Nous avons donc procédé à des réformes vraiment radicales, que certains ont qualifiées de “révolution silencieuse”.
Abdullah Gül
1950 Naissance à Kayseri.
1983 Economiste à l’Islamic Development Bank, à Djeddah.
1991 Professeur d’économie internationale. Elu député du Refah Partisi (Parti du bien-être).
1996 Ministre d’Etat, porte-parole du gouvernement turc.
2001 Membre fondateur de l’AKP (Parti de la justice et du développement).
2002 Premier ministre.
De 2003 à 2007 Ministre des Affaires étrangères.
28 août 2007 Elu président de la République.
La Commission européenne vient de rendre son rapport d’avancement portant sur la modernisation de la Turquie. Ce constat contient des réserves. Est-ce que cela vous inquiète?
Le processus de négociation d’adhésion à l’Union européenne est un processus de transformation de la Turquie. Nous avons effectué des réformes tout à fait radicales, mais nous sommes loin d’avoir fini. Nous avons encore beaucoup à accomplir. Nous ne le faisons pas pour satisfaire l’Union européenne, pour que les Européens nous voient d’un bon oeil. Nous le faisons parce que notre peuple a le droit d’avoir accès à ces réformes. Même si l’Union européenne n’existait pas, nous devrions moderniser la Turquie de nous-mêmes, élargir les libertés de la façon la plus étendue possible pour que le peuple turc puisse en jouir. Le pluralisme, la transparence, l’égalité... ce sont des besoins qui vont dans le sens de l’intérêt de la Turquie et du peuple turc. Nous y travaillons. Peut-être aurait-il fallu agir plus rapidement. C’est ce que je pense. Mais, comme vous le savez, il y a des considérations économiques, des questions de politique intérieure qui ont ralenti les choses, notamment l’année dernière.
Vous êtes issu d’un mouvement politique d’inspiration islamiste. Est-ce que vous êtes très religieux, est-ce que vous effectuez vos prières tous les jours, est-ce que vous allez à la mosquée tous les vendredis?
Il faut séparer la religion de la politique. Dans notre pays, une grande majorité du peuple est musulmane. Cela relève du domaine personnel. J’ai la foi et, dans la mesure de ma force, je ferai ce que ma foi juge nécessaire. Mais ce sont des questions privées, qui ne concernent que moi, ou ma famille. Je ne fais pas de distinction entre mes concitoyens, parmi lesquels certains ne sont pas musulmans. Je n’effectue aucune discrimination. Il n’en est pas question. Ma propre conviction, ma propre foi, ne regarde que moi.
REUTERS/Osman Orsal
Des manifestants brandissent des drapeaux turcs et scandent des slogans contre l’AKP et la levée de l’interdiction du voile à l’université, près de l’Université d’Istanbul.
Pendant des décennies, il y avait un consensus en Turquie autour de la question de la laïcité. Pourquoi le gouvernement a-t-il voulu modifier ce principe pour autoriser, par exemple, le port du voile à l’université, qui était jusque-là interdit?
Il n’y a pas que le gouvernement qui ait souhaité cet amendement constitutionnel, voté par une vaste majorité. Au moins deux des partis de l’opposition l’ont également voté. Un seul groupe de partis d’opposition s’est prononcé contre. Plus de 400 députés sur 550 ont voté pour cet amendement constitutionnel destiné à supprimer cet interdit. Mais la Cour constitutionnelle a considéré que cela était contraire à la laïcité et a annulé l’amendement en question. Nous nous plions à cette décision de la Cour suprême.
Ce besoin de pouvoir porter le voile à l’université est difficile à comprendre d’un point de vue occidental…
Pourquoi?
Parce que, jusque-là, l’université fonctionnait très bien sans cela…
Que voulez-vous dire par “fonctionnait très bien”?
Le fonctionnement des universités, des écoles, des administrations se faisait dans un consensus laïque - qui était l’une des spécificités de la Turquie. Pourquoi vouloir le modifier aujourd’hui?
Il faut poser cette question aux partis politiques qui ont voulu changer cette règle. C’est sans doute qu’il y avait une demande en ce sens. La Turquie est une société ouverte. Tout cela est débattu. Ce qui est important, c’est que tous ces sujets puissent être discutés et que tout le monde participe à la discussion. Après quoi les instances constitutionnelles décident, pour ou contre. Et la règle de droit s’impose à tous au final.
REUTERS/Jean-Paul Pelissier
Orhan Pamuk, en mai 2007.
Le Prix Nobel de littérature Orhan Pamuk considère qu’il y a toujours une véritable menace pesant sur les libertés des journalistes et des écrivains en Turquie, en raison de l’existence de l’article 301 du Code pénal, qui sanctionne durement “l’humiliation de l’identité turque”. Que répondez-vous? Et que dites-vous aux Européens concernant cet article, qui devait être aboli mais qui ne l’a jamais été?
Orhan Pamuk est un écrivain turc qui a obtenu le prix Nobel, et nous en sommes naturellement très fiers. Les intellectuels, les écrivains doivent nourrir la critique. Ils souhaitent pour l’avenir une situation meilleure que celle d’aujourd’hui. Je considère que c’est tout à fait naturel de leur part. Il est vrai qu’il y a eu dans un passé récent une série de procès intentés en vertu de l’article 301. Mais cet article a été modifié. Précisément pendant la période où l’on a dit que le rythme des réformes avait ralenti. Cette disposition a été changée cette année. Désormais, les écrivains ne sont plus jetés en prison pour avoir pris la parole. Vous pouvez dire ce que vous voulez en Turquie.
Vous vous êtes récemment rendu en Arménie, pour assister à un match de football, ce qui a représenté un événement historique. Est-ce que cela signifie que la Turquie est susceptible d’évoluer sur la question arménienne?
Si vous voulez parler des événements qui se sont produits lors de la Première Guerre mondiale, je tiens à rappeler que tout le monde a souffert durant cette période : les Turcs, les Arméniens, et d’autres. Il y a eu des circonstances tragiques de part et d’autre. Toutes ces souffrances nous attristent tous. Mais dire que les Turcs ont, de façon délibérée, mené un massacre contre leurs propres concitoyens n’est pas vrai. Il faut comprendre ces événements à la lumière de la guerre. Tout le monde était en guerre à l’époque. Nos concitoyens arméniens ont été provoqués par un autre pays alors que nos troupes se battaient sur trois fronts. Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais nous répondons aux allégations sur cette question de la façon suivante: étudions ces allégations. Ce n’est pas aux hommes politiques de prendre position sur ces questions. Quelle est l’attitude honnête ? C’est de créer une commission d’historiens indépendante. Mettons nos archives sans restriction à la disposition de cette commission! Que cette commission fasse son travail. Et nous devrons tous accepter ses conclusions. La République de Turquie a fait cette proposition. Nous sommes même allés un peu plus loin : si la France s’intéresse de près à ce sujet, que la France participe à cette commission.
REUTERS/Anatolian-Mustafa Oztartan
Le président turc assiste, à côté du président arménien Sarkissian, au match Turquie-Arménie, à Erevan, le 6 septembre dernier. Un événement sans précédent.
Néanmoins, le génocide des Arméniens est désormais reconnu par de nombreux Etats démocratiques, et non des moindres. Barack Obama s’est déclaré favorable à la reconnaissance de ce génocide par les Etats-Unis. La position de la Turquie sera-t-elle encore tenable dans l’avenir?
Je peux parler de la question arménienne. Mais que l’on nous force à reconnaître quelque chose qui n’a pas eu lieu, simplement parce que des hommes politiques l’ont compris dans ce sens, n’est pas une attitude honnête. Ce serait plutôt un problème pour Barack Obama. N’oubliez pas que, pendant un millénaire, les Turcs et les Arméniens ont toujours vécu en paix ensemble. Il n’y a pas eu de conflit entre ces deux peuples. Sauf dans les conditions particulières de la Première Guerre mondiale. Il ne faut pas instiller de la haine pour l’avenir. Aujourd’hui, l’Arménie et la Turquie sont deux pays voisins. Et nous souhaitons développer notre amitié et nos relations avec l’Arménie.
Est-ce que vous avez parlé avec le président arménien du génocide ou est-ce que vous l’avez laissé de côté pendant les entretiens que vous avez eus ensemble?
Je vais vous dire une chose: nous sommes des gens qui vivent côte à côte dans cette région ! Nous sommes obligés de penser à l’avenir des habitants de l’Arménie. Il faut qu’ils vivent dans la prospérité, qu’ils soient heureux. Il faut qu’ils soient en bons termes avec la Turquie. Il faut que la Turquie soit en bons termes avec eux. C’est pour cela que nous devons aider le processus entre la Turquie et l’Arménie. Regarder les choses de loin et essayer de protéger sa propre identité, se focaliser sur cette animosité, rabâcher tout le temps le même sujet, l’utiliser sans cesse comme un instrument politique ne servira à personne. J’ai écrit au président arménien, M. Sarkissian, pour le féliciter quand il a été élu. Et je lui ai dit que j’espérais pouvoir résoudre les problèmes que nous avons en commun et améliorer nos relations pendant que nous sommes tous les deux présidents. Et le président de la République arménienne, avec beaucoup de courage, m’a invité dans son pays. Je le félicite. J’ai été, moi aussi, critiqué par beaucoup de gens en Turquie. Mais, avec courage, également, j’ai accepté cette invitation et je me suis rendu en Arménie. J’ai été très heureux d’y aller. Nous avons a eu des conversations très constructives. Et je souhaite que ces échanges se poursuivent. Il y a beaucoup de sujets, beaucoup de problèmes ; je ne suis pas entré dans les détails de chacun. C’était notre premier échange et je ne voulais pas aborder tous les sujets fâcheux. Le plus important était de créer un bon climat.
Que pensez-vous des intellectuels turcs, comme Orhan Pamuk, qui n’ont pas de difficulté à parler du “génocide” des Arméniens?
Cela montre justement que tous les points de vue peuvent être exprimés aujourd’hui en Turquie. Que tout peut être désormais débattu. Certains croient que des gens sont jetés en prison dès qu’ils émettent des opinions de ce type. Mais ce n’est pas le cas. On débat de tout. On écrit ce que l’on veut. Il y a même des livres qui sont écrits à ce sujet. Même si je ne suis pas d’accord avec certains points de vue, je ne suis pas d’avis de faire taire les gens qui les expriment. Cependant, s’il y a une idée que je ne veux pas accepter, je ne vais pas non plus m’y soumettre simplement parce qu’elle fait l’objet d’une pression internationale. Les actions de la diaspora arménienne empêchent la normalisation des relations turco-arméniennes.
Concernant les rapports entre l’islam et l’Occident, certains s’inquiètent de voir votre pays participer à la Conférence islamique tout en aspirant à entrer dans l’Union européenne.
Je ne vois pas de contradiction entre le fait que la Turquie soit membre de la Conférence islamique et qu’elle négocie son adhésion à l’Union européenne. La Conférence islamique et l’Union européenne ne sont pas des alternatives exclusives l’une de l’autre dans le monde d’aujourd’hui, caractérisé par la mondialisation. La majorité de la population de la Turquie est musulmane. C’est pour cela que la Turquie est membre de la Conférence islamique. La Russie en est également un membre observateur parce qu’elle a une forte population musulmane. Mais la Turquie a également commencé à négocier son adhésion à l’Union européenne et continue d’adopter les acquis communautaires. Le fait d’être musulman n’est pas un obstacle pour devenir membre de l’Union européenne. Je ne le pense pas. Quelles sont nos valeurs communes? La démocratie, le respect des droits de l’homme, l’économie de marché. Nous avons accepté ces principes-là. Par ailleurs, les efforts de la Turquie sont soutenus d’une façon très importante dans le monde musulman. Je pense que la Turquie va apporter une très grande richesse à l’Union européenne en jouant le rôle de pont entre les civilisations.
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