jc
08/11/2023
PhG : "le P-51 ‘Mustang’ est le plus bel avion et le meilleur avion de combat de la guerre, et le pays qui a fabriqué cette merveille pour un coût de recherches et de développement (R&D) de $75 000 bouclé en six mois de l'année 1940 pour en arriver au F-35 (je ne vous dis pas le coût d'un processus de R&D commencé en 1993-1995 et toujours pas fini) est vraiment au bout du rouleau… »
Pour moi c'est une très belle illustration du délire dans lequel s'enfonce le monde de l'AO, de l'Assistance par Ordinateur.
René Thom (mon maître à penser) :
"C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques." .
Et c'est parce que l'IAO n'y échappe pas que le F35 ne décolle pas !
Que tout soit nombre in fine, comme le croyaient les pythagoriciens, pourquoi pas (n'en déplaise à Guénon). Mais les pythagoriciens étaient également des géomètres et considéraient -par exemple typique- comme une hérésie d'identifier la tétraktys (nombre triangulaire 1+2+3+4) avec 1+1+1+1+1+1+1+1+1+1.
Deux millénaires et demi plus tard on lit encore 9³ "neuf au cube", même dans le 9 cube !
Nicolas Piot
11/11/2023
ce texte je pense intéressera JC :
"On commencera, le cas échéant, par lire cet article[1]. Il fait état des avancées russes en la matière et évoque les potentielles inquiétudes du monde occidental quant à sa capacité à les suivre, États-Unis en tête. Nous nous posons ici la question non pas d’un retard qui serait dû à un développement plus tardif, mais ce qui nous semble être une réelle difficulté conceptuelle à faire marcher de tels engins.
Puisque nous sommes à l’Ouest, rappelons-nous ces paroles de Richard Feynman, prix Nobel de physique : « le but du physicien est de faire parler les équations ».
Remarquons alors qu’au sortir de la Guerre froide, nous nous trouvons dans une situation assez étrange au premier abord. L’Occident a poussé l’électronique et l’informatique bien davantage que l’Union soviétique. Il n’effleura l’idée de personne que cette dernière avait tenu tête sans cela et l’on se contenta de penser, ici, que ses équipements étaient désuets et inefficaces. Le conflit ukrainien a démontré le contraire !
Or, ceux qui ont travaillé sur du matériel adverse à l’effondrement du mur de Berlin savent très bien que « l’ennemi » d’alors avait mis en œuvre des trésors de réflexion pour justement faire parler les équations et comprendre ce qui était vraiment en jeu sans avoir à passer par des calculs sur ordinateur. Ainsi en était-il, par exemple, des moteurs de propulsion spatiale dits « ioniques ».
Pendant ce temps, chez nous, on se reposa de plus en plus sur les logiciels. Ils constituaient une boîte noire dont on ne maîtrisait rien et on « gobait » les résultats, quels qu’ils soient, comme si c’était la vérité toute nue sortie du puits.(...)"
lien complet ici :
https://cf2r.org/rta/quelles-peuvent-etre-les-raisons-du-retard-occidental-en-matiere-darmements-hypersoniques/
jc
11/11/2023
I. "Pour toucher un tel niveau [Mach 9 -ou 27 en haute altitude] il faut impérativement renouer avec les études se focalisant sur le papier et le crayon."
Jean-Pierre Petit, fin connaisseur de la MHD, explique ça très bien, à mon avis : https://www.jp-petit.org/science/mhd/mhd_fr.htm
II. Démiurgie et herméneutique.
René Thom : "On s'imagine que le monde a été construit par un Démiurge intelligent, grâce à certaines formules simples. Le but de la Science, c'est de retrouver ces formules, qui permettront à l'Homme de réaliser le rêve prométhéen de dominer le monde.
(...)
À cela s'oppose une attitude que j'appellerai "herméneutique". Là on se place dans la situation de l'homme assis dans la caverne de Platon, qui voit les ombres projetées par la lu0mière d'un feu sur le mur de la caverne. Et l'on essaie de reconstruire les êtres réels dont on voit les ombres.
(...)
La Science moderne a eu tort de renoncer à toute ontologie en ramenant tout critère de vérité au succès pragmatique. Certes, le succès pragmatique est source de prégnance, donc de signification. Mais il s'agit alors d'un sens immédiat, purement local. Le pragmatisme -en ce sens- n'est que la forme conceptualisée d'un certain retour à l'animalité. Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique. Mais dès qu'on reconnaît aux autres l'existence, qu'on accepte de dialoguer avec eux, on s'engage ontologiquement. Pourquoi ne pas accepter alors les entités que nous suggère le langage ? Quitte à contrôler les hypostases abusives, c'est là la seule manière d'apporter au monde une certaine intelligibilité. Seule une métaphysique réaliste* peut redonner du sens au monde." (Esquisse d'une Sémiophysique, p.223-225).
Si vous voulez savoir ce que Thom pense de la science moderne, c'est :
- dans https://www.youtube.com/watch?v=fUpT1nal744 de 38' à 40'40 (oubli de v0.t -v0>0- à 38'55 !) ;
- p.127 de "Paraboles et catastrophes" (1980) : "Il faudrait, comme dit Habermas, revenir à l'idée selon laquelle à côté de la vérité proprement dite d'un résultat on doit aussi considérer son intérêt. c'est la fameuse formule que j'ai utilisée tant de fois : "Ce qui limite le vrai n'est pas le faux, mais l'insignifiant!" Et la science moderne, au point où elle en est, est un torrent d'insignifiance proprement dit."
Que dire près d'un demi-siècle plus tard avec les "fulgurents progrès" de l'IAO !
* : Thom qualifie de minimale celle qu'il propose.
jc
12/11/2023
L'artificiel s'oppose au naturel. L'ordinateur est un artifice.
IA : Intelligence Artificielle.
IAO : Intelligence Naturelle Assistée par Ordinateur Artificiel.
Je pense l'IAO comme une INAOA.
Quelle est la part de l'intelligence naturelle dans l'IA ? Elle est :
- d'une part dans la conception de l'ordinateur qui, faut-il le rappeler, a été conçu par des intelligences humaines, donc naturelles :
Thom : "Encore une fois, comme le disait Aristote, ce n’est pas la nature qui imite l’art, c’est l’art qui imite la nature. C’est parce que nous avons implicitement le schéma de la pompe réalisée dans le cœur que nous avons pu ultérieurement construire des pompes technologiques. Et maintenant, les gens vous disent, le cerveau, c'est un ordinateur ! On continue…"
- d'autre part dans les instructions pensées par le programmeur humain qu'exécute l'ordinateur.
Quelle est la part de l'intelligence humaine dans l'IAO. Pour moi elle est beaucoup plus grande :
-car l'ordinateur n'y est pas en situation de celui qui donne des ordres mais de celui qui les reçoit ;
- l'ordinateur est dans ce cas un ordonnataire qui reçoit un ordre d'un ordonnateur (sur le mode donateur/donataire), à savoir l'intelligence humaine qui a choisi de se faire assister par ordinateur ;
IAO : Intelligence assistée par ordonnataire.
La différence est pour moi considérable. Les récents logiciels comme ChatGPT sont du premier type. Pour moi ChatGPT tient typiquement le discours de l'universitaire, celui qui détient le savoir, et le but recherché de la part des "maîtres" est évidemment de rendre progressivement évident pour la "masse" que c'est ChatGPT qui détient le savoir. C'est la même stratégie qui est à l'œuvre avec le GPS qui nous donne des ordres en permanence (tourner à gauche, tournez à droite), avec les correcteurs d'orthographe, avec le mot le plus probable -selon ceux qui ont programmé l'ordi- qui s'affiche dès qu'on a tapé les deux ou trois premières lettres, bientôt avec la phrase la plus probable à partir de ce qu'on a déjà écrit. Le "maître" Pozzo pourront alors tenir posément le discours du maître à l'esclave : "Pense! Porc!" et celui-ci obéira docilement.
En résumé l'IA, dans la direction qu'elle prend, c'est bien pire, selon moi, que l'IAO.
Cela ne veut pas du tout dire que je sois un fan de l'IAO (ce qui est le cas de Paul Jorion -cf. éventuellement son blog où il parle essentiellement de ça !-).
Pour moi la différence entre lN et INAO se voit très bien en architecture, par analogie avec la différence entre Conception humaine et CAO et entre Dessin humain et DAO.
Depuis maintenant plus d'une décennie il y a eu une série de dialogues entre Philippe Grasset et Jean-Paul Baquiast*, en particulier https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-a-propos-du-grain-de-sable-divin par PhG et sa réponse par JPB https://www.dedefensa.org/article/dialogues-4-lindividu-dans-lhistoire à propos de la différence entre l'architecture de nos cathédrales conçues sans l'aide de l'ordinateur et celles des tours de Doubaï, conçues (CAO) et dessinées (DAO) avec.
Pour revenir au sujet initial, pour moi, sans hésitation Doubaï est à Reims ce que le JSF est au P-51.
[ Jadis, sur la planche à dessin, les courbes étaient dessinées à l'aide d'une réglette souple en poirier. Après la WW2 on a vu apparaître les réglettes en plastique souple, puis avec l'arrivée des ordinateurs on a vu arriver les logiciels traçant automatiquement une courbe astreinte à passer par un nombre donné de points. Je pense qu'un véritable artiste dessinateur 2D -pas moi!- est capable de déterminer au premier regard comment a été tracée la courbe effectivement dessinée (main levée, poirier, plastique, DAO). J'ai eu la même impression à Budapest où, coup sur coup, je suis allé au théâtre XIXème et à l'auditorium ultra-moderne signé Siemens. Résultat : acoustique exécrable dans le Siemens (pour que je m'en aperçoive, il faut que ce soit grave!). ]
Remarque. L'imbécillité peut être elle aussi être assistée par ordinateur ; et dissimuler son imbécillité derrière l'intelligence de "son" ordinateur, c'est peut-être là un jeu qui risque de devenir à la mode.
* : "Ancien élève de l'ENA (promotion Albert-Camus, 1960-1962), diplômé d'études supérieures en droit public et en économie politique, Jean-Paul Baquiast a consacré sa carrière de haut fonctionnaire aux technologies de l'information et de la communication dont il a été l'un des pionniers au sein de l'administration française." (Wikipédia). Un fonctionnaire n'est pas un fonctionneur.
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