Ni ANDO
02/10/2009
Stratégique ? Peut-être mais pas dans le sens d’un armement dont le potentiel aurait un effet stratégique. Avant l’annonce de ces négociations, un certains nombre de commentateurs militaires russes ont relevé que cet achat avait un caractère étrange: la Russie n’éprouverait pas le besoin opérationnel (ou “stratégique”) d’un ou de plusieurs porte-hélicoptères de type Mistral. Par ailleurs, cet achat (on parle de 800 millions d’euros) va grever le budget de la marine russe de haute mer dont les besoins de modernisation restent criants. L’objectif semble être non pas militaire mais effectivement politique, via un geste spectaculaire consenti en faveur de la France. La Russie veut peut-être ainsi acheter “quelque chose” qui ne soit pas un système d’arme aussi évolué soit-il. L’ouverture possible du gisement géant de gaz naturel de Chtokman (le plus grand du monde) à Total, ou l’association éventuelle de EDF, avec l’italien ENI, au futur North Stream de Gazprom, indiquent la même chose : le gouvernement russe a décidé de se rapprocher de la France, et il multiplie les gestes dans ce sens. Cela ressemble à une stratégie réfléchie.
Morbihan
02/10/2009
Il est grand temps que la France se rappelle l’existence de la Russie, et qu’elle engage avec elle un partenariat. Stratégique? Je crois, en effet, que l’on peut le qualifier ainsi.
Car je suis convaincu que nous avons, avec les Russes, une proximité culturelle et une vision de la vie et du monde infiniment plus grande qu’avec les Américains. Voire avec les Britanniques?
Cela ferait contrepoids avec le retour (n’y sommes-nous pas revenus sur la pointe des pieds depuis fort longtemps?) affirmé dans l’OTAN, pour lequel nous avons été fort peu payés en retour (cf le refus des four eyes - USA, GB, Canada, Australie) de communiquer toutes infos aux Français en Afghanistan…).
Cette ouverture vers la Russie est INDISPENSABLE, selon moi. Elle renforce ce qui pourra être fait avec le Brésil. Il n’y manque qu’une main tendue vers l’Inde et, pourquoi pas, vers la Chine.
Ceci pouvant être fait avec les quelques nations d’Europe (Allemagne, Belgique, Italie peut-être…) qui ne sont pas totalement aveuglées par les scintillements US.
PS: je n’ai pu lire tout l’article, l’idée des difficultés potentielles relatives aux procédures de virement vers la Belgique me bloquant bien plus que le coût :-)
steph steph
02/10/2009
Les bâtiment dits de projection et de commandement, nommés BPC, représentent une forme de renouveau de la canonnière pour les pays qui ont font ou en envisagent l’acquisition.
Première élément, le nombre de bâtiment de ce type entrant en service ou mis sur cale dans le monde. La France envisage la mise en service de 4 navires de cette classe (en remplacement des TCD foudre et Tonerre), ensuite l’Australie s’équipe des HMAS Canberra et Adélaide basé sur un design espagnol des chantiers Navantia (Buque de Proyección Estratégica, bâtiment de projection stratégique ou BPE), l’espagne avec son BPE Juan Carlos, l’Italie avec le Cavour (non équipé de radier toutefois), les USA ne sont pas en reste avec la série de 8 LHD de la classe WASP, sans oublier la corée du sud et le japon qui misent aussi sur ces nouveaux navires équipés d’un pont d’envol pour hélicoptères ou avion de type V/STOL.
D’autres nations suivent où se montrent très intéressées : Turquie, Malaysie, Afrique du Sud par exemple envisagent l’acquisition d’unités de ce type.
C’est un véritable phénomène de mode, un engouement pour ces navires. Que la Russie se montre à son tour séduite par le concept, n’est pas franchement étonnant. D’autant plus que les capacités amphibies de la flotte russe n’ont pas été renouvelées depuis la période de la guerre froide.
Ensuite, avec l’affaire géorgienne (avec cette importance stratégique jamais citée de la mer noire dans les opérations : blocage des ports, blocus, présence de l’US Navy…) les Russes incorporent la problématique maritime dans à la notion de gestion des crises. Ils s’aperçoivent qu’il leur manque une sorte de “baignoire à tout faire”, du médical, de la projection, du commandement, de la coordination, de la présence, du soutien, etc.
La croisière du plus grand croiseur nucléaire du monde - le Pierre le Grand- qui a fait un passage à Toulon avant d’aller en Amérique latine- a été une image forte du retour de la russie sur un plan “projection de force”. De la même façon la reprise des vols de bombardiers à long rayon d’action participent de cette volonté de faire retrouver à la Russie la place qui est la leur.
Seulement, ces expéditions restent des démonstrations de force, des coups d’éclats en direction des médias et des autres nations, des signaux avertisseurs qui disent : “on est bien là”.
C’est exactement la même logique qui préside lors des déploiements des porte-avions de l’US Navy. A l’occasion de la sortie du dernier vaisseau de la classe Nimitz (amélioré) le USS George H. W. Bush , il a été dit qu’il s’agissait de ” 98.000 tonnes de diplomatie “. Cette anecdote résume a elle seule la vision qu’ont les USA de la notion de projection : un Porte-avions et sa suite, des dizaines d’avions de combats, un bulle projetée, comme une chape de plomb qui doit recouvrir, écraser un éventuel adversaire. De fait, la gesticulation de ces machines de guerre restent très médiatisée (on l’a vu dans le golfe persique avec les rumeurs annonçant des frappes sur l’Iran à l’occasion du déploiement d’un second groupe aéronavale US).
Traditionnellement, la Russie partage plus ou moins cette vision des choses (la force brute) avec des nuances propres -ou sans nuances- à leur culture et leur manière de faire. D’un autre côté, la Russie change. Peu de gens, dans les médias main stream ou les canaux diplomatiques, le réalisent vraiment et à quel point. La marine russe en a fini avec sa période Gorshkov et, historiquement, elle a toujours regardé avec un regard envieux la possibilité d’accéder aux mers chaudes désormais sacrées “arc des crises” par la pensée occidentale.
Certes, ils ne peuvent pas -question de moyens mais aussi de capacités de leur chantiers navals- mettre en ligne de gros porte-avions. En revanche, un porte-avions projette une image forte, dissuasive, un moyen de pression, un outil qui annonce un signal fort (Kadhafi qui avait le Foch dans son dos durant la crise tchadienne des années 80 le savait parfaitement).
Cependant, la nature des crises, leurs fondements, leur évolution et donc la grille de lecture que l’on doit appliquer pour les comprendre a connu des bouleversement. Aujourd’hui envoyer un porte-avions au large du Liban ou pour lutter contre la piraterie ne véhicule aucun sens. Tout au plus, les médias vont insister sur l’usage d’un fusil à pompe pour casser une noix, etc.
C’est là qu’entre en jeu la nature psychologique de ces vaisseaux qui sont aussi, il faut bien le dire, le fruit d’un retour d’expérience de nombreuses nations sur des théâtres d’opérations particuliers (australie par exemple, au timor-oriental). Mois puissants qu’un porte-avions, et donc de fait une sorte de symbole de ce que les spécialistes nomment le “soft power” appliqué ici à la sauce maritime.
Là où la construction d’un deuxième porte-avions fait couler tant d’encre (France) , la plan d’équipement de 4 BPC (tout aussi dispendieux) fait l’unanimité. Ces bâtiments sont spéciaux parce qu’ils ne véhiculent pas l’image d’une force brutale qui s’exprime sans faire de détail. Les français aiment leur BPC (du moins la presse) qui deviennent peu à peu les bonnes à tout faire de la marine nationale.
On insiste sur des caractéristiques de projection de capacités lors de crises : tsunami (Indonésie 2007), évacuation de ressortissants (Liban crise hezbollah - israël), la présence des équipements dits “duaux” : hôpital, capacité d’accueil, hélicos EVASAN, etc… ce sont des bateaux peu protégés (dans le sens capable d’assurer leur protection contre des menaces aériennes et sous-marines). La présence d’un porte-avions dans un lieu de crise impressionne, fait peur en regard de sa puissance, celle d’un BPC semble rassurer les populations. Cette perception est une dimension nouvelle dans la gestion des crises.
Or, la Russie, depuis la Tetchénie et la Géorgie traine une image déplorable, détestable derrière elle. Partout ou elle intervient, les “habitants trépassent”.
D’une certaine manière, la russie évoluent, change, se rend compte qu’autour d’elle, ses voisins ont changés et que le méthode forte, utile sur de brèves périodes, ne peut faire office de “politique” ou de “méthode” lors des furures interventions. Les exemples US en Iraq et Afghanistan démontrent au monde entier les limitations de cette vision des choses.
Enfin, puisque les Russes aiment les symboles, leurs futurs BPC pourraient bien signer là une nouvelle orientation de la façon de gérer les crises. Du moins, sur le plan de l’image.
Des canonières des temps modernes.
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