Ni Ando
21/12/2015
Charles de Gaulle - août 1940 : “Le sort de la guerre est joué. L’Amérique ne va pas tarder à entrer en guerre avec toute sa puissance industrielle, l’Allemagne a perdu. Il nous faut maintenant songer à l’après-guerre…”.
Que s’est-il réellement passé ?. Dix mois plus tard l’Allemagne envahit le territoire de l’Union soviétique avec prés de 4 millions d’hommes et vient culbuter une Armée rouge dont quasiment tous les officiers supérieurs et d’état-major ont été fusillés par le régime, dont prés de 20% des officiers ont péri dans les camps, et à qui un Staline tétanisé refuse l’ordre d’engager le combat, condamnant à une extermination épouvantable toutes les grandes unités de l’Armée rouge placées trop près des frontières de l’Union. En manque cruel d’encadrement, paralysées par l’incompétence des commissaires politiques, tronçonnées par les percées de la Wehrmacht, les unités soviétiques sont liquidées les unes après les autres. Quand il peut encore combattre le soldat soviétique le fait dans des conditions inimaginables, payant d’un sang répandu à gros bouillons les efforts désespérés et inutiles pour bloquer l’avancée allemande. A compter de septembre 1941 les pertes de la Wehrmacht en officiers et soldats tués au feu atteignent un niveau encore jamais vu lors des campagnes de Pologne et de France. Les pertes de l’armée rouge se comptent en millions d’hommes. Les temps sont eschatologiques dans les plaines russes où, comme avant au 12 iè siècle, un exterminateur cette fois-ci industriel et non plus nomade, venu de l’ouest, fauche la jeunesse soviétique par centaines de milliers, moments rougeoyants de mort et de désespoir. A Moscou les ambassades étrangères fuient la capitale russe, certaines de l’effondrement imminent de l’Union et de la victoire du Reich. Pourtant, le rouleau compresseur allemand vient buter en novembre 1941 dans les faubourgs de Moscou sur une résistance inexpugniable. A compter de la fin de 1941 toute l’Union soviétique se mobilise dans un effort de guerre total et implacable pour vaincre l’Allemagne. Toutes les grandes unités industrielles du pays situées à l’ouest sont transférées en plein hiver dans l’Oural au terme d’une gigantesque et incroyablement complexe migration industrielle pharaonique sans aucun équivalent à l’ouest. De 1942 à 1945 l’Union soviétique va livrer entre douze et quinze batailles d’ampleur continentale, autant de Verduns à la puissance x, où les moyens humains et matériels engagés des deux côtés (les armées qui s’affrontent concentrent chaque fois des millions de combattants de chaque côté) sont sans le moindre début d’équivalence à l’ouest, concentrant les plus grandes défaites militaires de l’histoire allemande. Le peuple russe fait la preuve d’une détermination qui laisse pantois et paye pour vaincre, sans hésiter, un prix du sang que bien peu de nations sont capables d’assumer. Quand les Alliés débarquent en juin 1944 en Normandie l’Allemagne est virtuellement vaincue par l’Union soviétique qui a libéré alors et occupé au prix de pertes considérables toute l’Europe centrale, Autriche inclue.
Après que l’infanterie soviétique eut planté son drapeau dans la tête de l’hydre nazi le 9 mai 1945 on fera les comptes pour réaliser que 80% des pertes totales de la Wehrmacht subies de 1940 à 1945 l’ont été contre l’Union soviétique et que la Seconde Guerre mondiale en Europe a été pour l’essentiel une affaire germano-soviétique. Les pertes étasuniennes en Europe de 1941 à 1945 ne dépassent pas les 200.000 tués, soit moins que les tués de l’armée française de 1941 à 1945.
Conclusions :
1- « Le sort de la guerre est joué ».
Erreur de prévision. C’est l’entrée en guerre forcée de l’Union soviétique qui scelle la défaite de l’Allemagne et non l’entrée en guerre des Etats-Unis. Militairement et humainement l’apport étasunien a été négligeable, certainement pas déterminant pour vaincre l’Allemagne (moins de 20 divisions à peine jetées dans la bataille des Ardennes quand plus de 320 divisions soviétiques enfoncent le Reich à l'est). L’on doit à une propagande hollywoodienne constante depuis les années 50 la promotion de l’idée historiquement absurde que les Etats-Unis auraient joué un rôle décisif quelconque dans la victoire sur l’Allemagne.
2- « …avec toute sa puissance industrielle ».
Erreur de diagnostic. Le New Deal de Roosevelt a été un quasi échec. C’est précisément et au contraire la guerre en Europe et dans le Pacifique qui permet aux Etats-Unis de relancer une industrie domestique mal en point (les EU « arsenal des démocraties») et sans prendre le risque de pertes humaines significatives en Europe. Et c’est la puissance industrielle de l’Union soviétique qui permet de briser celle de l’Allemagne (la production de guerre soviétique en 1944 et 1945 est de 2 à 4 fois plus importante selon le type de matériel que celle de l’industrie allemande).
Charles de Gaulle se montre ici un bien pietre visionnaire, doublé d’une cécité étonnante quand il regarde le monde dans lequel il vit en 1940. Il ne sait pas, et ne voit littéralement pas, la puissance industrielle qu’est devenue l’Union soviétique en 1940. A l’image des stratéges allemands qui s’apprêtent à attaquer l’Union pour l’éliminer et qui ne considèrent que les échecs et les tares du régime stalinien sans même s’apercevoir de ses réussites industrielles, Charles de Gaulle ne « voit » pas la Russie soviétique, comme si celle-ci était sortie de l’histoire en 1917.
La puissance industrielle n'est pas un facteur suffisant à défaut du facteur culturel.
Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier