jc
27/10/2019
À propos d'idéologie il est piquant de voir que les communistes, formatés à la dialectique matérialiste, n'aient pas fait la synthèse de l'opposition individualisme-communisme (les néo-libéraux non plus, mais eux n'ont pas été formatés par cette dialectique, bien que le néo-libéralisme anglo-saxon soit, comme le communisme de l'URSS, un matérialisme).
Je suis convaincu que le travail de désidéologisation et d'ontologisation commence par l'harmonisation cyclique -la roue cosmique tournant inexorablement- de tous les conflits à deux actants (conflits bipolaires) selon le principe universel ago-antagoniste du "à chacun son tour", avec comme archétypes le cycle prédateur-proie¹ (Thom) ou le cycle de Carnot¹ (Roddier). Et en cette matière il vaut mieux prévenir (constitutionnellement en ce qui concerne la politique -cf. par exemple le conflit individualisme-communisme-) que guérir.
Remarque: En bonne (éthymo)logique l'idéologie est la science des idées et l'ontologie la science de l'être; aussi l'expression "l'ontologie de l'être" me paraît étrange, car elle renvoie à l'expression difficilement acceptable de "l'idéologie des idées".
¹: Thom: "Un programme pour moi c'est toujours une approximation discontinue d'une figure continue sous-jacente, qui figure en tant que projet. Le projet est continu, mais la réalisation est discontinue, catastrophique."
jc
28/10/2019
Pour moi un idéologue est quelqu'un qui pense qu'entre deux pôles qui s'opposent il y en un bon et un mauvais, et que l'enjeu de la rationalité consiste à trouver ce bon pôle. Je n'ai pas trouvé ça tout seul mais chez un certain Elie Bernard-Weil:
«Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance. La seule excuse, c'est que presque tout le monde considère que c'est là l'enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux!"
Comme le précise Thom: "Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être [le sommet de l'arbre de Porphyre, l'Être en soi] le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera très précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
(Pour fixer les idées sur des exemples précis et contemporains: les idéologies communiste de l'URSS et libérale, individualiste, de l'UE.)
Dans cette optique il s'agit, pour le métaphysicien, non seulement d'une recherche de la vérité mais surtout d'une montée vers le sommet de l'arbre de Porphyre, sommet où, seul, toute bipolarité disparaît¹. On pourra consulter les citations thomiennes à ce sujet (et plus si affinité) dans l'article "Le vrai, le faux, l'insignifiant" du mathématicien Alain Chenciner: https://perso.imcce.fr/alain-chenciner/Vrai_faux_insignifiant.pdf. Je retiens celle-ci en particulier (p.10):
Thom: "J’ai écrit un jour : Ce qui limite le Vrai, ce n’est pas le Faux, mais l’insignifiant. Mais il y a aussi le Faux limité, entouré par le Vrai, le principe erroné qui est au centre d’une auréole de vérités. Je ne serais pas éloigné de voir en ce Faux Générateur du Vrai l’essence même de la scientificité."
¹: Pas très loin du sommet de l'arbre de Porphyre (à mon avis…) on a les oppositions aristotéliciennes (et platoniciennes) puissance/acte et matière/forme. Leurs synthèses débouchent sur la notion "plus riche et mystérieuse" de quiddité (à la fois alpha et oméga?) dont Thom dit ceci:
- "Dira-t-on que l'œuf n'a pas de forme, mais qu'il a un to ti en einai dont la nature est ultérieurement de développer la forme adulte (s'il n'y a pas empêchement) ? Cela montre en quel point le concept de « quiddité » est infiniment plus riche et mystérieux que ceux de la forme et de l'acte. (...) La Science moderne ne peut accepter les quiddités qu'à condition de les géométriser, dans l'espace substrat ou dans des espaces dérivés (espaces fonctionnels). C'est le sens de mon « attracteur du métabolisme simulant la dynamique adulte ». (ES, p. 251.)
- "(...) la quiddité est l'ensemble de la forme spatiale et des prégnances qui l'illuminent, qui l'investissent, prégnances qui le plus souvent sont suscitées par l'histoire antérieure de cette forme en devenir et en découlent nécessairement : L’homme engendre l’homme – ainsi que le soleil (au nominatif : kai o hèlios). Il est permis de penser que c'est là une situation générale : une forme ne peut apparaître en tant que phénomène que par les perturbations qu'elle cause dans la propagation spatiale d'un flux. Toute forme ne peut ainsi être conçue que comme une figure due à un arrêt momentané (autour d'un obstacle) d'un flux partant d'un point-amont a [alpha?] et s'écoulant vers un point-but v [omega?]. Qu'on doive identifier a et v, c'est là un point que je laisse à mes auditeurs de décider…" (1993, Pouvoirs de la Forme)
jc
29/10/2019
Comme nous tous(?), humains, Thom est un idéologue. Pour lui c'est l'opposition discret/continu qui domine non seulement les mathématiques mais en fait toute la pensée, et il a choisi de considérer "idéologiquement" que c'est le continu qui est l'être premier parce que, selon lui, toute singularité, toute discontinuité, présuppose le continu. C'est pour cela que je le qualifie du néologisme de topocrate. De ce point de vue PhG, qui, j'en suis convaincu, est -et se dit?- un logocrate, est également un idéologue.
Dans l'opposition espace/temps, c'est pour Thom le temps qui est l'être premier¹, contrairement à Guénon pour qui c'est l'espace².
¹: Cf. "La mathématique essentielle" (AL, pp.317 à 325) où Thom définit le temps avant l'espace et le mouvement.
²: Le chapitre IV de "Le règne…" ("Quantité spatiale et espace qualifié") précède le chapitre V ("Les déterminations qualitatives du temps"), chapitre V qui commence par:
"(...) mais il y a cependant une grande distinction à faire entre les deux cas, du fait que, comme nous l’avons déjà indiqué, tandis qu’on peut mesurer l’espace directement, on ne peut au contraire mesurer le temps qu’en le ramenant pour ainsi dire à l’espace; Ce qu’on mesure réellement n’est jamais une durée, mais c’est l’espace parcouru pendant cette durée dans un certain mouvement dont on connaît la loi ; cette loi se présentant comme une relation entre le temps et l’espace, on peut, quand on connaît la grandeur de l’espace parcouru, en déduire celle du temps employé à le parcourir ; et, quelques artifices qu’on emploie, il n’y a en définitive aucun autre moyen que celui-là de déterminer les grandeurs temporelles."
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