Christian Steiner
30/06/2010
« Cest certainement un bien grand mystère de déterminer pourquoi un système dune telle puissance matérielle, dune puissance évidemment invincible si elle est maniée avec subtilité et habileté, est conduit à produire un destin absolument contraire à ses intérêts pour lessentiel, jusquà devenir absolument autodestructeur comme il lest aujourdhui. »
Je vais vous prendre à votre propre jeu, cher dedefensa, puisque cest vous qui avez armé notre main de la réponse. Mystère ? Ou est le mystère, alors que justement vous définissez ce système en train de sautodétruire comme porteur de lidéal de puissance, lui-même précisément définit par labsence de prise en compte (ou de compréhension profonde) des interactions et de léquilibre entre les choses du monde de ce monde humain et non humain qui nen font quun dailleurs et donc de leur autolimitation mutuelle.
(Cest ce que dit la jolie définition de lidéal de perfection que Ferrero donne et que vous nous mettez à disposition (http://www.dedefensa.org/article-genie_latin_et_germanisme_de_guglielmo_ferrero_1917_08_12_2008.html, paragraphe IV), et que je remets pour le plaisir :
« Quinze jours durant ( ) nous avons discuté pour savoir ce qui valait mieux, ou produire des richesses, ou créer des uvres dart, ou découvrir des vérités, et jusquà quel point il était bon de désirer la richesse Or ce faisant, quavons-nous fait, sinon rechercher les rapports qui existent entre lArt, la Vérité, la Morale, lUtilité, le Plaisir, le Devoir, le Droit, cest-à-dire entre les biens de la vie ? ( ) Mais la vie ne se charge-t-elle pas de leur répondre chaque jour ? Est-il donc si difficile de comprendre que ces choses sont des limites les unes pour les autres ? Le Devoir peut mettre un frein au Plaisir et le préserver dabus périlleux ; le sentiment du Beau, préserver la morale de certains excès de lascétisme; la Morale, détourner lArt de certains sujets déshonnêtes ; lUtilité, tenir un peu en bride la Vérité ( ) ou empêcher la Morale et lArt de se déshumaniser en devenant à eux-mêmes leur propre fin, et ainsi de suite. Quest-ce que lhistoire, sinon le perpétuel effort de la volonté pour trouver de nouveaux équilibres et de plus parfaites limitations entre ces éléments de vie ?»
Voilà donc notre système globalisé qui ne sait pas jusquoù il peut pousser trop loin, et qui pousse donc trop loin (à ses dépens et contre ses propres intérêts bien sûr), et qui ne sait pas comment y remédier, c’est-à-dire retrouver une situation déquilibre, puisque ce concept lui est totalement étranger (contrairement à nimporte quel enfant de deux ans qui apprend à marcher puis a partager avec ses frères et soeurs). Et on scie la branche sur laquelle on est assis : le système financier est détruit au moment où il fournissait les plus gros gain par ceux là même qui empochaient ces gros gains ; on saborde lindustrie pétrolière au moment où on en a le plus besoin, idem avec lindustrie de larmement au moment où elle fournit le plus gros hold-up sur les impôts des gens, idem avec lagriculture, la pêche etc. etc.
Il y a quelque chose de terriblement humain à nier létat de catastrophe intégrale où lon se trouve je parle de létat culturel, humain etc. On se dit : est-il diantre possible dêtre aussi nul ? Non, bien sûr ! Il doit y avoir autre chose, faisons confiance. Et puis quoi faire dautre ? Arrêter de travailler, mettre le système en cause à la racine, ne plus croire même dans ce système qui ne croit pourtant à rien ?
Pas possible ! Trop désespérant !
Où est le mystère là-dedans (bis) ? On croyait avoir une bonne combine, on en a oublié la sagesse des anciens (*), on a été impressionné par la pénicilline et autre réels bienfaits, et on sest retrouvé un beau jour prisonnier de la dynamique et de la logique concomitante du système, devant payer le prix et faisant tout pour ne pas le voir
(*) cf votre bloc-note « Une vision sacrée », http://www.dedefensa.org/article-une_vision_sacree_22_06_2010.html
Christian Steiner
30/06/2010
A la place dun mystère, je ressens plutôt, de manière récurrente, une espèce de stupeur, débahissement, de choc au ventre respectivement lorsque je constate (jai été vingt ans géologue, donc cest dans ce domaine que je fais mes constats) lincroyable décalage quil y a entre notre vie quotidienne, littéralement inconsciente boulot, train train, famille, « loisirs » , le tout sous un ciel bleu, et linfrastructure énorme, hors norme, gigantesque, proprement stupéfiante qui sous-tend lactivité journalière de notre civilisation. Je parle de lénergie que nous utilisons quotidiennement, et dont on ne veut surtout pas voir doù elle vient, comment on la trouve et ce que cela impliue.
A cet égard, ce qui se passe dans le Golfe du Mexique me stupéfie une fois de plus. Ce sont des choses que je sais depuis longtemps, mais qui ne cesse de me stupéfier à chaque fois que je les considère.
Au-delà, ou plutôt en-deça de la catastrophe, ou du crime contre les vivants, les riverains, la culture, lhabitat et la raison dêtre des riverains, la flore, la faune, le delta du Mississipi, la source du Gulf Stream, léquilibre des migrations animales et des flux océaniques, puisquil sagit de cela en premier lieu mais oublions un moment ceci pour une considération triviale :
Avec un chiffre moyen de 100’000 baril/jour pour la fuite (puisque la ute pourrait aussi bien se monter à cent vingt mille baril/jour, voir cent soixante mille à cent huitante mille baril/jour à quoi il faut ajouter, semble-t-il, 81 m3 de méthane par baril, plus un peu de dispersant chimique non testé, mais on est plus à ça près), il sest déjà écoulé dans le Golfe 6’900’000 barils (6.9 Mb ; Mb pour mégabaril : millions de barils). Et si la fuite devait continuer jusquà Noël (je prends cette date pour le folklore, puisque ça été dit et quil ne nous reste plus quà en rigoler), ça fera 24’600’000 barils (24 Mb). Soit effectivement plus que nimporte quelle autre catastrophe pétrolière de tous les temps (3.3Mb pour Ixtoc en 1972, et 11 Mb ou un peu plus pour le Golfe persique en 1992 suite à la guerre).
Mais savez-vous ce que ces chiffres, cette quantité de pétrole qui fuit, représente ? Par exemple par rapport à notre consommation journalière mondiale ?
Respectivement le 8 pour cent et le 30 pourcent de la consommation mondiale JOURNALIERE de pétrole (qui tourne autour de 84 Mb/jour)
Je vous laisse méditer là-dessus.
Cette catastrophe environnementale record est causée par une fraction seulement de ce que lon consomme de pétrole dans le monde en un seul jour. Dit autrement, ce quon consomme en un seul jour est absolument faramineux, quasiment diabolique dans sa capacité à détruire potentiellement lenvironnement, nos habitats etc., comme ce qui se déroule sous nos yeux.
Voilà le risque que nous avons pris. Voilà ce avec quoi nous vivons tous les jours. Voilà ce quest la civilisation thermodynamique et ce quelle a mis en son cur (le 80% de notre énergie provient des hydrocarbures fossiles). Voilà ce qui découle du « Choix du feu ».
Et ne blâmez surtout pas lindustrie pétrolière (je ny ai jamais travaillé directement, donc je ne suis pas partie prenante) : avec moins de 1% de fuite dans cette quantité de pétrole véhiculée et manipulée quotidiennement, cest un système de tuyeauterie tout à fait sûr (nimporte quel réseau deau de nos villes a des taux de déperdition bien plus grand). Et ne blâmez surtout pas lindustrie pétrolière : tout le pétrole facile à trouver a été consommé (en un peu plus dun siècle), et le pétrole restant devient de plus en plus difficile à trouver, sous des tranches deau de plus en plus grande, technologiquement de plus en plus dur, financièrement de plus en plus cher, avec des risques de plus en plus grands évidemment aussi encore plus si lon veut garder les taux de rendement indécent auxquels les actionnaires, les bourses et le système économique sest habitué. Ne blâmez pas lindustrie pétrolière pour aller explorer les régions de parcs naturels ou les endroit dangereux à grande profondeur : cest là que se trouve le pétrole quil nous reste à découvrir pour alimenter la quantité journalière exigée…
Moloch au centre de notre société.
Auquel il faut régulièrement sacrifier quelques uns de nos enfants.
Vielle histoire. Rien de nouveau.
Mais toujours aussi terrifiant.
A condition bien sûr de ne pas détourner la tête.
Francis Lambert
30/06/2010
Vous nous invitez aussi à la méditation. En voici une.
La nature n’est pas anthropique : c’est à dire dédiée à l’homme (“antropos”). L"hubris” humaine défie son créateur naturel dans sa prétention de le soumettre. Cette folie annexe la raison pour s’affirmer civilisation.
Pourtant à l’échelle des temps autant que de l’espace l’homme est cette poussière éphémère quasi imperceptible dans un rayon de lumière. Combien d’hominidés, combien de races et de “civilisations” dont nous avons perdu toute trace se sont cru “conscience”, et même unique dans l’éternité des galaxies ! Cette poussière impalpable dominerait le monde ? La réalité n’est pas ce rêve éveillé.
Ainsi le pétrole c’est nos ancêtres accumulés, enfouis toutes vies confondues, puis “rescucités” de strates immémoriales pour disparaître définitivement ... consumés à l’instant dans nos bagnoles. Nos archives millénaires sont livrées au cannibalisme d’une modernité fugace.
Consommés autant que l’avenir désormais, nous ne réalisons qu’une extinction bien à notre mesure.
Catastrophe insignifiante en réalité, plus que normal je trouve cela rassurant.
Le monde vit après comme avant, ce n’est pas nous le monde.
laurent juillard
01/07/2010
De Defensa a dit : “Cest certainement un bien grand mystère de déterminer pourquoi un système dune telle puissance matérielle, dune puissance évidemment invincible si elle est maniée avec subtilité et habileté, est conduit à produire un destin absolument contraire à ses intérêts pour lessentiel, jusquà devenir absolument autodestructeur comme il lest aujourdhui. “
Voici un resume de mes reflexions sur ce point, pour alimenter les votres.
Quest ce quune crise ?
Cest le symptôme dun système qui, pour pouvoir évoluer, doit abandonner certaines composantes, manière dêtre ou de faire, bref certains de ses éléments afin de faire place nette pour des éléments nouveaux, mieux adapter a ce temps nouveau. Comme le serpent doit abandonner son ancienne peau pour pouvoir en créer une nouvelle et grandir.
Comme lenfant doit abandonner sa dépendance aux parents pour devenir un individu a part entière, a travers sa crise dadolescence.
Donc pour quun système puisse évoluer il doit passer par des crises. Cest une nécessité du a lantagonisme entre son besoin de stabilité qui lempêche de lâcher facilement ses anciens éléments et son besoin dévoluer qui le pousse paradoxalement a lâcher ces mêmes éléments. Une période crisique est donc effectivement une période schizophrénique mais nécessaire entre deux phases de croissance et de stabilité.
Le véritable danger survient en général non par la crise elle-même, naturelle, mais dans la résistance du système au message véhiculé par cette crise. Car si le système refuse dévoluer, alors il meurt dans une phase que lon peut effectivement qualifié dauto destructrice, vu de lextérieur, mais qui, vu de lintérieur du système sera au contraire perçu comme une lutte pour sa survie.
Mort qui ne se fera pas sans être passé par cet état dagonie paroxystique quest ce que vous appeler une structure crisique.
Mais le système occidental, après avoir annoncé la « fin de lHistoire » sest convaincu quil était un système abouti, quasi parfait donc qui ne connaitra plus de crise dévolution. Quelle mortelle, autodestructrice, vanité.
Christian Steiner
01/07/2010
En mettant mon post précédent, et à lire M. Lambert, je maperçois que jai présenté quune partie de la question (la face sombre ). Mon intention nétait certes pas de rajouter une note encore plus noire ou catastrophique que lhumeur présente ne lest. Je voulais juste donner la mesure de ce à quoi jai finalement dit Non. Non à cette « deuxième civilisation occidentale » si bien aperçue et chroniquée ici même, cette « civilisation » irréformable. Un Non qui ne fut pas facile à dire, quon sent confusément et qui ne veut pas venir, qui prend du temps à franchir nos lèvres. Mais un beau jour il sort tout seul, expulsé du corps, et perd son caractère terrible et terrifiant, car, en même temps quil nous met dans cette situation étrange de nêtre « ni dedans ni dehors » du système c’est-à-dire participant superficiellement au système mais sans plus y croire ni se faire dillusion , en même temps vient un Oui, évident. Un Oui qui ne peut être que hautement personnel, que je ne vais pas détailler ici, mais un Oui qui a à voir avec la vie dans son sens plein et haut. Un Oui profondément humain. (De toute méditation dans le sens de létat du chef perdu le regard au loin, amené à prendre une décision qui lengagera , nest-ce pas aussi un Non et un Oui qui doit sortir ? Qui définit une éthique, un comportement, trace une route, une voie)
(Si vous avez 40 minutes, voici une vidéo de linterview (Montpellier, 2009) dun intéressant bonhomme, qui travaille depuis quarante ans précisément à ouvrir un espace culturel au delà du vide culturel moderne
http://www.dailymotion.com/video/x9jzn0_le-poete-arpenteur-du-monde-rencont_creation
Si vous avez moins de temps, ou pour faire plus rapidement connaissance avec son travail, voici une vidéo plus courte : http://www.dailymotion.com/video/x1gyon_kenneth-white_travel, datant de 2007. Le bonhomme sappelle Kenneth White. Cest une proposition. Il y en a dautres bien sûr).
Dedef
01/07/2010
Le dit du géologue (II/II) :Excellent post Mr Steiner ; Merci.
Ceci vous intéressera peut-être: la même chose dite autrement, d’un autre point de vue (financier US), et sans chiffres.
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Monday, July 7, 2008
Peak Oil
Those of you who do not believe Peak Oil Theory should first make sure you fully understand it. According to this theory, after a reservoir has been depleted by half of its total volume, the output begins to plateau or remain constant for some unknown period. At some later time (which is unpredictable) the output begins a permanent decline of variable duration (which is also unpredictable) until the remaining quantity of oil is no longer economically feasible to extract with current technology.
Therefore, Peak Oil Theory does not state that the earth is running out of oil per say. It states that the earth is running out of inexpensive oil, otherwise known as conventional oil the high-grade oil that comes out by drilling on land and requires minimal refinement costs.
What this means is that we could have enough total oil (conventional plus non-conventional) say for the next 100 years, but that does not matter. What really matters is how much conventional oil reservoirs remain because this is the lowest cost oil to produce. In other words, Peak Oil is concerned with how much crude we can produce and refine per given day per dollar.
The United States reached its peak oil period in the early 1970s. Ever since that time, we have relied more and more on foreign oil imports. Interestingly, since that time we have also relied more and more on imported goods, while both consumer and federal debt have ballooned. According to many independent (and unbiased) oil experts, the world will soon have reached this peak oil period, causing even more dependence on exploration for non-convention oil.
Over the past two decades, new conventional oil finds around the world have been far and few. And what was once thought as large finds have turned out to yield much less than first thought. Throughout this period oil demand has continued to increase. It has especially strengthened over the past few years due to the rapid expansion of Asia.
As demand has increased and new finds have diminished, OPEC has fudged oil reserves data for many years, causing concerns about Peak Oil to remain hidden up until recently. As a result, oil prices have soared. And this has made exploration for non-conventional oil not only more feasible, but mandatory.
Consequently, over the past few years, we have become increasingly reliant on more non-conventional oil sources, such as tar, oil sands and deep water drilling. These are considered non-conventional sources because they require large expenditures of money to produce finished petroleum products.
Two variables increased demand and decreased supplies of conventional oil have been the main forces responsible for record oil prices. Over the past year, oil has also risen due to the inflationary effects from the Federal Reserve, which has weakened the dollar. The dollar-oil link explains many things which you were probably unaware of.
Oil industry giants such as Exxon continue to insist that we have plenty of oil for decades, but then add that more investments are needed for offshore exploration. What they are really saying is that higher oil prices are due to Peak Oil the decline in conventional oil reservoirs, which is forcing companies to focus on non-conventional oil.
They use word games to hide the truth because they realize any possibility of Peak Oil will cause a push for alternative energy, which would threaten their monopoly.
OPEC plays the same game. Washington goes along with these fantasies as well for a much bigger reason the preserve the dollar-oil link.
But alas, Washington has opened the door for the illusion to continue with the recent SEC rule change which now allows oil companies to book reserves from non-unconventional oil and gas and some deep-water projects, as proven reserves.
In addition, the new rule now allows companies to report data on probable and possible reserves.
But this does not end with U.S. companies. It extends even to the big boys in Europe like BP and Royal Dutch Shell. The importance behind this is that companies will now report larger reserves although these reserves have a much lower possibility of being found. Ultimately, it will lead to larger reserves and calm the globe regarding concerns of supply constraints. As well, it will allow analysts to place a much higher valuation on these companies. This sounds like SEC-endorsed accounting fraud to me.
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http://www.avaresearch.com/article_details-93.html
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