jc
17/10/2022
PhG : " Cette guerre n’est pas faite pour vaincre mais pour nous convaincre qu’au-delà des temps-devenus-fous, une chose inconnue nous attend ; et cette chose-là (le “je” de la citation), immense comme l’éternité, qui nous dit, comme le poète mais sans savoir moi-même si jamais il pensa comme j’y pense en reprenant ses propres mots, car c’est comme si nous allions retrouver une Unité perdue, partant vers l’avenir qui rejoindrait le passé grandi d’un cycle cosmique accompli".
Pour moi chaque cycle cosmique se compose de deux hémicycles :
- un hémicycle de différenciation (quasi cellulaire) à partir de l'Unité, qui dégénère en séparation, analyse, déstructuration (étymologie de lyse), déconstructuration (pour reprendre un néologisme de PhG), entropisation, pour finir par une désintégration quasi "post-atomique";
- un hémicycle d'intégration, de réunion, de synthèse, de structuration, de retour vers l'Unité perdue.
Nous sommes à mon avis à la fin du premier cycle et donc au début du second. En tant que scientifique (mon formatage initial) la vision éternelle-retouriste s'oppose frontalement à ce que je crois comprendre du moderne deuxième principe (scientiste?) de la thermodynamique (je n'ai pas du tout ce qu'on appelle communément "le sens physique"). J'ai été à ce propos tout-à-fait étonné -et ravi- de lire dans l'article "Induction (logique)" de Wikipédia (ce n'est malheureusement pas nécessairement un critère…) (1):
"L'accumulation de faits concordants et l'absence de contre-exemples permet, ensuite, d'augmenter le niveau de plausibilité de la loi jusqu'au moment où on choisit par souci de simplification de la considérer comme une quasi-certitude : ainsi en est-il du deuxième principe de la thermodynamique.".
Les physiciens classiques (je ne sais pas ce que font les physiciens quantiques) se représentent le temps par la "droite réélle" orientée du passé vers le futur. En tant que matheux (basique) je préfère un temps à la fois plus complexe et plus cyclique, représenté par le compactifié de H. Bohr de cette droite réelle (H pour Harald, frère de Niels). Mon gourou Thom opte clairement pour cette représentation (2). Mais, pour des raisons que je ne comprends pas complètement -donc pas du tout-, il est passé d'une vision éternelle-retouriste à l'adolescence (3), à "Peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée?" (Esquisse d'une sémiophysique, p.216).
1 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Induction_(logique) ;
2 : Cf. l'article "La mathématique essentielle" (Apologie du logos) ;
3 : "Un univers dans lequel il y aurait l'éternel retour" ( http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html ) :
- Nimier: Et au cours de votre scolarité est-ce que c'était, sous une forme ou sous une autre, des problèmes qui vous intéressaient ?
- Thom: Oh ! à ce moment-là, j'étais beaucoup plus scolaire, je pense. Je ne me souviens pas d'avoir pensé des choses sous cette forme. Mais je me souviens que vers dix-sept ans, j'ai commencé à m'intéresser à la dynamique. Je ne me souviens plus à quelle occasion j'avais remis un papier à mon professeur de math-élem, où je parlais de l'éternel retour vu d'un point de vue dynamique, les théories de l'éternel retour ... C'était l'idée qu'on pouvait avoir un espace-temps, un univers dans lequel il y aurait l'éternel retour, c'est-à-dire où la dynamique serait périodique, mais je crois que c'est à peu près la première fois que j'ai réellement pensé les choses en terme de dynamique ...
jc
17/10/2022
Pour ceux qui, comme mon gourou Thom (et donc moi), pensent que tout est lié (1), nous quittons l'hémicycle du passage du global au local (au seuil du "chaos thermique", j'espère pas plus loin) pour rentrer dans celui du local au global. Politiquement cela correspond à l'abandon du jacobinisme (subsidiarité descendante) pour le girondisme (subsidiarité ascendante). Les matheux ont, je crois, une certaine avance en ce domaine -où, comme dans les autres, tout est lié- des rapports du local au global.
Thom : " (...) l'explication scientifique, c'est essentiellement la réduction de l'arbitraire dans la description. On a reproché à cette définition son caractère subjectif : les explications magiques, ou mystiques, permettent
aussi de réduire l'arbitraire d'une description empirique. Cette objection est certes fondée, mais elle vaut aussi pour toutes les explications fondées sur l'emploi de concepts non formalisés. Il est de fait que le langage de la
biologie moderne est truffé de mots tels que : ordre, désordre, complexité, information, code, message… Tous ces concepts ont le caractère commun de définir des corrélations spatio-temporelles à longue portée ; ce sont des concepts « trans-spatiaux », selon la terminologie de R. Ruyer. De ce fait, ils ne peuvent guère se distinguer de notions à caractère magique, comme l'action à distance. La pensée scientifique, si elle veut devenir rigoureuse, c'est-à-dire démonstrative et formalisable, devra nécessairement se purger de ces concepts ambigus ; elle devra recourir à la formalisation, c'est-à-dire à une pensée qui repose uniquement sur l'agrégation locale de formes. Il lui faudra donc exorciser l'espace, la distance, et cela par des outils dont la validité est reconnue par tous. Or le mathématicien dispose, pour aller du local au global, d'une notion sûre : l'analyticité. Un germe de fonction analytique détermine (par prolongement analytique) la fonction dans tout son domaine d'existence. Pour passer du global au local, le mathématicien dispose d'une autre notion, celle de singularité ; en effet, une singularité en un point n'est autre chose qu'une figure globale qu'on a concentrée en ce point (par exemple, si on concentre en un point O un cercle méridien G d'un cylindre, on obtient le sommet d'un cône).
C'est par l'emploi alterné de ces deux techniques, comme en théorie des catastrophes, qu'on peut espérer aboutir à une synthèse dynamique de situations globales complexes. Et quelle discipline autre que la
mathématique pourrait fournir de pareils outils ? Dans cette optique, le concept n'aurait plus qu'un rôle heuristique et devrait faire place, comme dans la combinatoire de Leibniz, à un pur jeu de formes… " .
Le alors jeune Lautman (moins de trente ans lors de son Rapport et de ses deux Thèses) a écrit de belles pages à ce sujet : https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2010-v37-n1-philoso3706/039710ar/ :
"Nous voulons donc montrer que la construction d’un tout par un cheminement progressif d’éléments locaux à éléments locaux n’est possible que si des considérations globales sont déjà impliquées dans les éléments locaux." .
C'est, selon moi, exactement ce que Thom dit lors de son incursion en métaphysique extrême (Esquisse d'une sémiophysique p.216) que j'ai maintes fois citée ici.
À bon entendeur/lecteur ...
1 : "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme [et des autres espèces, c'est moi qui rajoute] et des sociétés".
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