Forum

Article : Les Russes jubilent

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

Une victoire sans doute, mais où est le mérite ?

Ni ANDO

  05/12/2008

Faire reculer l’OTAN n’est pas la bataille de Moscou. D’autant, qu’en l’occurence, l’adversaire est peu résolu.Il déteste prendre des risques (il préfère bombarder les civils de Belgrade). Il y a tant en jeu. Mais… qu’y-a-t-il à défendre au fait ?

L’Europe dont on parle aujourd’hui ressemble à une sorte d’ectoplasme, sans consistance ontologiquement identifiable, animée par une molle énergie, essoufflée sitôt qu’apparue, dont on suppose qu’elle puise son élan laborieux dans le mythe fondateur de l’agrégation des impuissances. D’ailleurs, l’Europe est devenue triste. Des siècles passés, il semble qu’il ne reste que le souci du confort et de la sécurité, et encore, pas pour tous. Vivant d’une prospérité illusoire car confondant croissance et endettement, massivement endettée donc, cachant sa pauvreté morale dans le discours conceptuel et sa pauvreté matérielle dans ses banlieues, elle est bourgeoise et “bobo”. Elle adore transformer en musée les innombrables beautés héritées de son passé. Accro aux tranquillisants, devenue banale, froide, “moderniste” évidemment et si fière de l’être, elle a un bel avenir encore davantage moderniste c’est-à-dire bidon et sans intérêt. A l’image de son art contemporain, conceptuel lui aussi (et très verbeux).

C’est une Europe sûre de ses constructions technocratiques mais qui a peur de son ombre et de ses utopies passées. Elle est sans âme mais prétentieuse, sans force et sans vitalité mais arrogante. Généreuse de manière très narcissique car alors la pose est plus importante que l’acte. Une Europe animée par des “élites” prêtes à sacrifier, à la moindre occasion si nécessaire, les idéaux conceptuels qu’elle vocifère haut et fort (exemples: complicité dans l’extermination, sans vergogne, de l’Irak en tant qu’Etat indépendant, en paix, laïc et relativement prospère, ce qui restera LE crime international de ce début de XXI siècle; ou le massacre programmé des Ossètes par le régime de Tbilissi, décision de massacrer parfaitement connue de quelques gouvernements de l’UE, etc). C’est aujourd’hui un club (il faut en être !) de “vieux-beaux” revenus de tout, en fin de compte assez ennuyeux, mais un club bien défendu à Lampedusa par nos videurs siciliens. Un club éperdument amoureux de son reflet dans le miroir du “modernisme technocratique” (encore un concept), épris de son propre conformisme, conformisme à un modèle encore plus échoué que le sien, celui de ses cousins d’Amérique.

La beauté de l’Europe a toujours été ailleurs que dans le projet étasunien: la conquête du “bonheur” par le seul idéal de l’accumulation des richesses. La beauté de l’Europe a résidé dans la culture de l’esprit (voire dans la culture de l’Esprit), l’humilité et la remise en question. La beauté de l’Europe a résidé dans sa ferveur puisée au creuset de son histoire spirituelle millénaire, transmise par Byzance, et jamais, au grand jamais, dans le matérialisme comme seule et unique perspective (l’euro comme idéal collectif…). Il n’y a rien dans le matérialisme.

Des trois branches de la civilisation chrétienne, deux sont en piteux état. Peut-être que la troisième branche, la branche slave, rachètera un jour ou l’autre ces deux désastres. Le fil de civilisation qui relie Roublev à Tarkovski est bien long, mais Andreï Arsenievitch Tarkovski n’a disparu qu’en 1986, en France précisément.