Dedef
28/04/2014
Le site Bruxelles2 B2 a écrit le 18 avril 2014 un article curieux sur la Russie et l’Ukraine pour un correspondant plutôt compréhensif des objectifs de l’OTAN.
Au fur et à mesure qu’on le lit on se demande pourquoi l’UE a plongé dans cette galère si tout celà était aussi évident.
Ci dessous l’article.
http://www.bruxelles2.eu/zones/asie-centrale-georgie-russie-europe-caucase/le-dessein-de-poutine-une-nouvelle-russie.html
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Le dessein de Poutine ? Une nouvelle Russie
(BRUXELLES2) Si les desseins du président russe paraissent clairs à saisir sur la Crimée, pour lUkraine on peut encore avoir quelques doutes (un peu) mais, au-delà, il faut sinterroger si une nouvelle donne nest pas en train de se dessiner au Kremlin : est-on simplement en présence dune opportune tactique consistant, à courte vue, à saisir un bien et un territoire à sa portée (la Crimée), à moyen terme, à réduire une menace ressentie ou réelle à sa frontière (lUkraine) ou à plus long terme, à redessiner une politique mondiale. On peut ainsi tracer quelques pistes de réflexion sur les contours dune (nouvelle) politique russe
La Crimée ? Lannexion « blietzkrieg » de la Crimée parait logique au regard de son importance stratégique, économique et militaire pour la Russie. La volonté de protéger les minorités russes au-delà des frontières, annoncée ouvertement par le Kremlin, comme sa capacité à mobiliser les troupes, également annoncée, ne laissait pareillement aucun doute sur la volonté russe de déstabiliser lest de lUkraine. Mais lhistorique des discussions entre Russes et Ukrainiens pour renouveler le bail de leur base militaire conclu difficilement par un accord en 2010 a certainement pesé. Face à un pouvoir ukrainien affichant ostensiblement non seulement un penchant pro européen mais aussi pro atlantique, Moscou navait plus à hésiter. On assisterait donc à une attaque soigneusement planifiée qui a été, ensuite, mise à exécution et adaptée aux circonstances. Une offensive qui sera sans doute durant des années, détaillée, analysée, au plan tactique dans toutes les écoles de guerre et de (contre-)insurrection.
Lavenir de lUkraine ? Chacun sait quune Ukraine ancrée fortement dans leuro-atlantiste nest pas seulement un chiffon rouge pour Moscou. Cest une menace que la Russie se doit de neutraliser. Le nouveau pouvoir à Kiev, aveuglé par un soutien, fort dans les mots, faibles dans les actes, des Européens comme de lOTAN, a mis du temps à comprendre cette donne. En cafouillant sur la langue russe, tout dabord. En refusant ensuite la fédéralisation, quil se voit aujourdhui contraint daccepter comme dernier recours. En refusant de parler de neutralité auquel il pourrait bien se raccrocher comme une bouée de secours, il a signé là un certain arrêt de mort. LEst du passe est en passe dêtre déstabilisé durablement. Les forces armées ukrainiennes y sont faibles et désorganisées. Puis viendra le Sud Est et le Sud (Mykolaïv et Odessa décrits eux-même par Poutine comme ayant appartenu à la Russie lors de lépoque tsariste !). Et on verra si le reste (Kiev) tiendra tout seul ou tombera comme un fruit mûr. A suivre.
Les voisins touchés ? LUkraine reste cependant un cas très particulier dans le dispositif politique et économique de la Russie et dans son imaginaire, culturel comme historique. Conclure que la Russie ne sarrêtera pas là pour reprendre des territoires où lOTAN est installé est une vraie question. Lintention de Moscou est certainement de garder sa zone dinfluence, un réservoir économique, un tampon de respiration, qui irait ainsi de lArménie à lOuzbékistan, en passant par la Belarus, avec une Géorgie et une Moldavie, sinon neutralisées du moins bienvaillantes. Commencer à fantasmer autour dune idée du type « les Rouges sont de retour » et dune « invasion » des pays Baltes serait erroné. La politique russe est pour linstant « défensive », reconquérir les terres perdues. Pour autant, il ne faut pas rester naïf.
La Russie puissance ? Cest une évidence. La Russie veut retrouver sa place dans lélite internationale. Elle veut récupérer laura perdue avec la chute de lURSS. Moscou veut discuter avec les Grands : les Etats-Unis, la Chine, éventuellement lUnion européenne Elle entretient une série de relations avec dautres pays. Cette place sur la scène internationale a été reconquise ces dernières années dans quelques crises, en soufflant le chaud et le froid, notamment en Syrie et en Iran. En bloquant toute initiative au niveau international sauf celle négociée par Moscou avec Washington sur les armes chimiques Moscou sest servi comme dun levier du conflit syrien pour servir sa propre influence au Moyen-Orient, et ailleurs. En pesant dun certain poids en faveur dune solution sur le nucléaire iranien, il a contre-balancé cette attitude jugée négative par un rôle plus positif (aux yeux des occidentaux). Nous sommes là dans le classique.
Un certain manque de confiance entre Russes et occidentaux ? Si on peut voir la Crimée comme un acte contre le droit international, les Russes retournent également largument. Lintervention au Kosovo en 1999 et surtout la reconnaissance en 2008 de lindépendance du nouvel Etat détaché de la Serbie est un premier exemple. Mais ce nest pas le seul. Le conflit en Libye en 2011 est un accroc très sérieux pour les Russes. Lutilisation par lOTAN et les Occidentaux de la résolution du Conseil de sécurité non pas seulement pour sinterposer mais pour abattre le pouvoir en place a semé plus que le trouble dans les esprits. A cela, on peut ajouter la volonté dinstaller un bouclier anti-missiles en Europe, tourné a priori vers lIran, mais non dénué dintérêt face à lEst (le cas échéant). Citons encore la violation de laccord oral Gorbatchev-Baker de non installation de base permanente de lOTAN dans les pays « libérés » du Pacte de Varsovie. On peut concevoir quà Moscou, la coupe est pleine. Tous les moyens, dès lors, sont permis.
Une équipe au pouvoir ? Voir ensuite dans cette politique loeuvre dun seul homme, Vladimir Poutine, limposant tel un tsar à un pays tout entier, et à son entourage pourrait relever sans doute dune certaine vue de lesprit. Pour être autoritaire, et adorer le culte de la personnalité, le président russe ne semble pas décider tout seul. Sans revenir à lère des Soviets, on est dans un collectif russe, une nouvelle organisation, plus économico-politique, que politico-idéologique peut-être. « Abattre » (au sens figuré) lhomme ne changerait pas automatiquement la donne en Russie, voire laggraverait. A étudier.
Une nouvelle pensée russe ? un anti-modèle. Il faut cependant sinterroger sil ny pas autre chose que lambition dun homme et dun pays. Nest-on pas là devant un tournant ? La Russie nambitionne-elle pas de redevenir dune certaine façon un anti-modèle face au monde occidental. Un modèle fondée sur une certaine puissance, un refus dune certaine arrogance, dun certain diktat des pays occidentaux. Lasile donné à Snowden serait en quelque sorte précurseur de cette nouvelle politique. En accordant sa protection par lutilisation du droit de veto à lONU au régime syrien de Bachar, elle développe une idée de La Russie nest-elle pas en train de prendre la tête de « non alignés » version XIXe siècle ?
La fin de la Russie gentille ? La vision (occidentale) de voir la Russie perdre toute crédibilité au plan international, perdre son rôle de « gentil » partenaire, car elle commet des actes (Syrie, Crimée ) qui paraissent contraires aux intérêts européens ou américains est sans doute une erreur. La Russie ne veut pas être classée parmi les gentils. Elle préfère être crainte quadulée, jouer le rôle du puissant brutal, le hard power que le soft power. Comme le confiait en 2008, Dimitri Rogozine, alors ambassadeur de lOTAN, lors dune interview à propos de linstallation du bouclier anti-missiles : « on frappe dabord, on discute après ».
La Russie isolée ? Les liens tissés avec plusieurs pays : lIran et la Syrie au Moyen-Orient, lAfrique du Sud et lAlgérie deux pays opposés à lintervention de lOTAN en Libye, lArgentine ou le Brésil, sans oublier le Vénézuela ou le Nicaragua en Amérique latine, lInde dans une certaine mesure et la Chine mi partenaire, mi concurrent en témoignent. Cela forme autour de laxe euro-atlantique et de ses alliés asiatiques comme africains un ensemble qui sans avoir la cohérence économique et politique de laxe « bleu-orange », un axe « vert-rouge-noir » qui peut largement contrecarrer ses vues.
Une stratégie de tension ? A lheure de la mondialisation, ce changement de stratégie peut induire une perte de confiance, la perte de certains contrats, la baisse du rouble Certes cest un risque à prendre. Mais le pouvoir russe investit : dans le temps. Il va perdre cette crédibilité quelques mois, quelques années. Mais il mise sur une certaine dynamique de « crises » et de tensions internationales, renaissantes ou sous-jacentes. Certains préconçus européens comme la diversification énergétique ont certaines limites ainsi. A part en Norvège, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ainsi que dans certains Etats pétroliers et gaziers du Golfe, la manne énergétique se retrouve dans des pays soit pas très éloignés de Moscou (Iran, Syrie), soit à risque (Libye, Syrie, Irak, Algérie, Soudan ).
Un dirigisme économique ? Au niveau économique, cette nouvelle doctrine russe ne refuserait pas le marché ou le business. Au contraire. cest là toute une de ses différences avec lURSS dantan. Elle commerce. Mais elle ne veut pas du libre marché à loccidentale. Cest un marché organisé, structuré autour de quelques grandes sociétés, reliées à lEtat de façon sinon organique au moins personnelle. On est dans un « capitalisme étatique ». Une sorte de pays protecteur, de ceux qui ne trouvent pas place dans le monde euro-atlantique. Un modèle économique de la Russie de Catherine II ?
Trois atouts économiques ? Cette « Russie nouvelle » se fonderait sur deux-trois piliers politico-économiques : lénergie (gaz et pétrole), lindustrie darmements (prête à équiper toutes les armées du monde que ne voudraient ou ne pourraient pas équiper les Euro-Atlantiques) et le transport (une flotte aéronautique et maritime en voie de reconstitution), sans oublier sa puissance politique. Sur le point de lénergie, il ne faut pas oublier que Poutine nest pas un néophyte en la matière. En témoigne le titre de sa thèse présentée en 1996 : « la planification stratégique du renouvellement de la base minérale et des matières premières de la région de Leningrad dans le contexte du passage à une économie de marché ». Un programme en quelque sorte !
Damien
28/04/2014
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