Alex Kara
05/01/2019
Comme tous les lecteurs, j'ai parcouru nombre de sites, blogs, journaux etc. jusqu'à tomber sur dde (parmi d'autres). Pourquoi s'arrêter sur dde ? Parce qu'on y trouve une correspondance entre ce qui est écrit et l'idée que se fait de la vérité du monde. Il y a beaucoup de perception différentes du monde.
La communication-Système a un point commun avec les Systèmes précédents, c'est qu'elle a fonctionné. Pendant longtemps, la plupart des gens y ont cru, et aujourd'hui encore beaucoup s'y raccrochent faute de pouvoir franchir le gouffre qui les séparent d'autres visions de la réalité. Il est extrêmement important de rappeler qu'il y a une part conséquente de la population qui veut continuer à entendre ce que les Prêtres ont à dire, surtout lorsque l'édifice se lézarde et que tout part à vau-l'eau.
Je me souviens par exemple du tollé qu'avait suscité le documentaire “Le cauchemar de Darwin” il y a quinze ans, il a fallu dépêcher des vrais-faux Africains sur les plateaux de télé pour colmater la brèche et restaurer la confiance dans le Système.
Claas Relotius est le Jérôme Kerviel du Spiegel. Il a fait ce pour quoi il a été payé, c'est-à-dire ici inventer des histoires publiables, en lieu et place des milliers d'autres histoires dont il faut absolument veiller à ne pas parler. Les histoires-bidon continueront à couler tant qu'il y a aura des abonnés au Spiegel (et à tout le reste de la presse-contrôlée-à-95%-par-des-grands-groupes).
jc
05/01/2019
PhG vs Dedefensa: "il y a une plume qui écrit, emportée par la rigueur du raisonnement et toute entière concentrée sur les obstacles de la description du cheminement de la chose ; il y a une autre main, qui tient une plume plus légère, qui virevolte, de-ci de-là, plutôt comme un chevau-léger autour de la cavalerie lourde des cuirassiers ; ici, les mots volent et virent parce qu’ils sont laissés à leur liberté et n’ont pas l’intention de s’aventurer dans des expéditions lointaines et mystérieuses, là ils sont regroupés et harnachés en phrases parcourues et maintenues de structures qui les protègent comme ferait une cuirasse qui pourrait aisément paraître contraignante." ( http://www.dedefensa.org/article/ma-verite-de-situation )
PhG: "Dis-moi, ô miroir, ô gentil miroir, est-ce que mes articles sont les plus “beaux” maintenant que Relotius a dégagé ?"
Relotius en Voltaire des temps modernes? Je vois le communicationnalisme comme un nominalisme post-moderne.
Pour moi PhG n'est pas nominaliste; logocratie oblige, PhG écrit*: "d’après Georges Steiner dans Les Logocrates : «Il est intéressant de signaler que Thomas Huxley, vers la fin de sa carrière, en arriva à la conclusion que le darwinisme n’avait offert aucune explication plausible des origines du phénomène du langage**». Ce qui ne l'empêche pas d'écrire des vérités profondes avec une plume légère et acérée.
*: http://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin
**: Thom n'est pas darwinien. Et il n'est pas non plus nominaliste (pour moi cela va de pair); plus précisément il propose une explication géométrique à l'origine du phénomène du langage: "Aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les modernes)".
GEOO
05/01/2019
Je vous propose "Créationnisme", en un sens nouveau du mot.
Salutations et tous mes voeux pour 2019.
patrice sanchez
06/01/2019
Appelons encore une fois à la rescousse René Guénon qui disait que rien de ce qui arrive dans le monde ne saurait être inutile ... et que la vérité triomphera toujours sur l'obscurité et le mensonge !
Eh bien, je vois l'épisode de ce triste pitre de journaliste comme ces G J justiciers à l'insu de leur plein gré, comme une boîte de Pandore inversée, où le bon grain est séparé une bonne fois pour toute de l'ivraie, du mensonge omniprésent, un mensonge qui n'en pouvant plus de mentir en plein jour est démasqué...
" MIROIR MON BEAU MIROIR ... " , et si les lecteurs de Dedefensa nommaient cette boîte providentielle, " la boîte de Grasset "???
Luc Meystre
06/01/2019
L’évolution que vous signalez là ressemble beaucoup, me semble-t-il, à celle qui a triomphé depuis longtemps déjà dans la publicité, ou plus exactement dans la tête des professionnels de la publicité. Dans le « Système », la publicité représente l’archétype de toutes les formes de communication existantes, et elle pratique depuis longtemps cette « démarche créatrice de produire des œuvres de communication, de pure information, crées de toutes pièces (…) »
On connaît la formule de Marcel Bleustein Blanchet, fondateur du groupe Publicis et figure emblématique de la publicité en France : « Il n’y a pas de bonne publicité pour un mauvais produit ». Assertion évidemment fausse, puisqu’il est clair que la publicité a pour but premier de faire vendre tout et n’importe quoi – et qu’elle y parvient. On peut aussi y voir une simple tautologie : en langage commercial un « bon produit » est un produit qui se vend bien, et une « bonne publicité » est une publicité qui remplit avec succès sa mission, qui est justement de faire en sorte que le produit se vende bien, etc.
Mais l’affaire va plus loin que cela. Quand j’étais étudiant (ça fait longtemps) j’ai été stupéfait de rencontrer des étudiants en publicité qui prenaient en quelque sorte la formule de la manière suivante : si la publicité est bonne, alors le produit est forcément intrinsèquement bon. Et certains allaient jusqu’à acheter réellement tel produit parce qu’ils estimaient que la publicité le vantant était réussie ! On aboutit là à une étonnante inversion où l’on voit la personne qui étudie les techniques permettant de devenir un professionnel de la manipulation d’autrui, s’auto-manipuler soudain avec enthousiasme et se retrouver, en apparence du moins, dans la même situation que sa victime idéale, le consommateur lambda courant acheter la lessive parce qu’on a su lui faire croire que c’était un super produit.
Par quoi l’étudiant dont je parle était-il mû en réalité, sinon par la « dimension esthétique qui est comme une justification vertueuse et désormais affichée de la pratique faussaire » ? Pour lui, « Ce n’est plus du tout “trop beau pour être vrai”, c’est au contraire “vrai parce que très beau” ». Le produit est bon parce que la publicité est bonne : la publicité – ou plus exactement encore une fois, le cerveau malade des professionnels de la chose – baigne depuis longtemps dans le « communicationnisme » dont vous parlez.
Evidemment, notre étudiant en publicité ne va quand même pas acheter pour de vrai toutes les lessives vantées par la pub. Ca c’est une fois ou quelques fois, au début, j’assimile cela à un rite de passage, un acte d’allégeance concret au Système. Ce serait comparable au journaliste qui produit ses premiers articles narrativistes et se met à y croire de manière redoublée, « achetant » ainsi, à travers ses propres élucubrations, ce que lui souffle le Système. Mais il y a une logique d’évolution dans tout cela et le vrai aboutissement « communicationniste » exige de s’affranchir toujours plus de la réalité concrète, et c’est beaucoup plus difficile qu’on ne le croit : ici, il ne faudrait surtout pas rétorquer « mais c’est fait depuis longtemps déjà » ou quelque chose du même genre. Le publicitaire a toujours besoin de faire vendre de la lessive et le journaliste a toujours besoin de sembler nous parler du monde réel. « L’esthétisme éclatant et même bouleversant » est un moyen opérationnel permettant, ou, pourrait-on dire : autorisant, simultanément, une mise à distance toujours plus grande du réel et une liberté accrue dans l’exercice du métier (qui est en même temps une fuite hors du métier).
Depuis longtemps déjà certaines publicités donnent l’impression, par leur esthétisme éclatant et bouleversant, de n’être plus que de la publicité pour la publicité, c’est-à-dire directement pour le Système, le produit des produits. Suivant le mouvement, les journalistes se mettraient donc maintenant à pondre des articles qui ne seraient plus que des narratives de narratives, donc aussi des sortes d’œuvres abstraites n’« exprimant » plus que le Système. Et le rendant du coup dangereusement visible…
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