Denis Monod-Broca
14/07/2022
Conférence de Yalta, bombes sur Hiroshima et Nagasaki, tribunal de Nuremberg, création de l’ONU, accords de Bretton Woods, FMI, Banque Mondiale, DUDH, rôle quasi-monarchique des USA, construction européenne… l’ordre mondial est né de la dernière guerre, il est né de cet holocauste originel, du sang de ces millions de morts, de cette horreur rédemptrice.
Ne disait-on parfois, à propos d’adolescents récalcitrants, « il leur manque une bonne guerre » ?
Quand tout va de travers, quand le désespoir gagne, quand l’ordre établi se défait tragiquement de toutes parts, quoi faire pour le rétablir sinon, justement, recréer les conditions qui virent sa naissance, c’est-à-dire une bonne guerre ?
Nous y sommes, la guerre est de nouveau là, sur le sol européen. Nous en espérons la rédemption, la confirmation de nos « valeurs », l’apparition d’un nouvel ordre.
Hitler, Pétain, Munich, nazis, collabos, résistants… toutes ces références sont omniprésentes dans la description de ce qui se passe en Ukraine. Nous voulons rejouer la partie, car nous en espérons les mêmes bénéfices, l’élimination du Mal et le triomphe du Bien. Rejouer la partie mais en mode mineur tout de même, il ne faudrait pas que ça dégénère, ou plutôt en mode symbolique pour n’y risquer ni notre vie ni notre âme.
L’Ukraine est la victime sacrifiée, le bourreau est la Russie, parfaite dans le rôle, et nous, nous USA et alliés, nous sommes les commanditaires, nous sommes la foule unanime, installée sur les gradins, faisant cercle autour de l’arène. De toutes les façons possibles, à grands renforts de cris, de dollars, d’armes, de sanctions… nous encourageons la victime et nous excitons le bourreau, mais, prudents, sans nous salir les mains (« nous ne sommes pas cobelligérants ! ») : la foule est coupable mais aucun de ses membres ne l’est.
Nous sommes, collectivement, convaincus de la justesse de notre cause, convaincus de notre bon droit, comme la foule qui, dans la bible, veut lapider la femme adultère. Celui qui dit le contraire est voué aux gémonies. Celui qui appelle à ne pas lancer sa pierre passe pour un ennemi. Celui qui sort de la foule et parle de paix est vu comme un traître.
Mais comment croire encore dans les vertus du sang versé, comment croire que tant de destructions et de morts auront bien les effets bénéfiques attendus ?
Tous nos dirigeants font le voyage à Kiev, avec photo aux côtés de Zelensky, parfait dans le rôle de la victime sacrifiée. Cela vaut pour eux bénédiction sacrée. En sauvant l’Ukraine, ils pensent se sauver, ils pensent nous sauver.
Mais comment les croire ?
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