PEB
17/08/2009
Dans un article paru dans Alternate le 07/08/2009, Sara Robinson envisage, à la lumière de Paxton, l’hypothèse d’une transformation fasciste des USA.
La fascisme selon Paxton serait un rejet de la démocratie, accusé du déclin de la nation au profit d’une idéologie de la masse, de l’unité, de la pureté et de l’énergie de la collectivité. Le fascisme doit recevoir évidemment le soutien des élites.
Selon l’auteur, Paxton décrit l’arrivée du fascisme en cinq étapes:
1. Le réveil paysan en faveur de l’ordre et de la pureté. Main Street en serait déjà là. (Le film pour ado, Hanna Montana en est miroir éclatant NDC).
2. Le réveil paysan s’incarne dans le débat politique et s’excite contre une partie de la population, aujourd’hui les malheureux Latinos, auparavant les Nègres (pour le KKK), les Juifs, les Autres, le rest of the World (ROW).
3. Nous y sommes, c’est l’instant de vérité, le point critique. Il est caractérisé par un blocage institutionnel généralisé (NDC: le Reich de 1932, la France de juin 1940, l’Italie de 1919-1922), la prégnance des fascistes en herbe au cur du système et la menace d’une mobilisation politique hors de contrôle.
4. Au delà de la crise, un régime fasciste prend le contrôle effectif du corps social.
5. La guerre apparait comme l’exutoire ultime de la crise sous peine de dégénérescence du régime.
Si j’ai bien compris l’étrange bataille, la tragédie d’Obama oscille entre volontarisme pour faire marcher le système malgré lui et l’incapacité des institutions à refonder le contrat social. Le blocage entraînerait sans soute le pays dans une spirale périlleuse.
Dans ce cas, le BRIC acceptera-t-il d’anéantir la toute puissance monétaire &c. du jeune empire, préférant le péril de sa ruine à celui d’une puissance hors de tout contrôle?
Note anthropologique:
L’adjectif correspondant à” crise” n’est pas” crisique” mais “critique”. En Physique, le “point critique” désigne un état instable d’un système susceptible de basculer à tout moment.
A ce sujet, on peut noter, suivant René Grirad, que la tragicomédie fasciste est une parodie de la crise sacrificielle originelle qui se déroule en plusieurs phase:
1. Exaspération des luttes internes, mythifiée en doubles monstrueux et autres masques et miroirs déformants. Le corps social apparaît comme disloqué sans réelle identité ni différences assumées.
2. Polarisation de la violence sur une victime arbitraire.
3. Sacralisation mythique de la victime émissaire et plus généralement de la violence.
4. Création des rites et des interdits d’où procèdent les institutions et la différenciation des personnes selon leur rang et position.
5. La violence, devenue transcendante, est rejetée dans les marges de la communauté.
Ainsi, le fascisme est un moyen désespéré de faire revire l’ancienne transcendance, le sacré archaïque de la violence collective, la violence paradoxalement mère de la paix civile, qui ne fonctionne plus dans la société moderne. Notre société est, en effet, dans un état de crise sacrificielle, non plus synchronique comme à la fondation du Monde, mais diachronique, et de fait, de plus en plus profonde, générale et globale.
Sources:
http://www.alternet.org/politics/141819/is_the_u.s._on_the_brink_of_fascism/?page=entire
Ni ANDO
17/08/2009
Pour être charitable, soit BHO a effectivement un potentiel de chef dEtat mais il ne peut sappuyer sur une vraie base politique, autre que partisane, soit il est la manifestation dune opération de relation publique dont lobjectif est de redonner un semblant de légitimité à un système à bout de souffle (légitimité vue davantage comme un habillage propagandiste que comme le résultat de réalisations concrètes). Dans les deux cas, loin de ressembler au Gorbatchev de 1989 ou de 1991 ou à un Poutine modèle août 2008, il est dominé par lenchaînement des évènements. Contrairement à un politicien, un chef dEtat se juge à ses décisions et à ses réalisations, pas vraiment à ses déclarations. De BHO, limpression est que lui-même ne sait pas ce quil peut, et ne sait pas ce quil doit. A moins quil ne le sache que trop bien. BHO dans lattente ? Il peut attendre que les évènements lui tendent ce pouvoir quil na pas encore, mais lattente ne constitue pas une politique. Attendre une « révolution » que ce pays na jamais connue depuis son indépendance risque de le faire rejouer « Le désert des Tartares » plutôt que « Potemkine » dautant que le pouvoir de la communication a effectivement celui de diluer tous les ferments révolutionnaires dans une bouillie pour chat inhibante pour laction. Aucun chef dEtat ne sest jamais imposé en attendant.
La base électorale réformiste qui a assis son élection existe bien dans le pays, et même plus encore aujourdhui quen 2008, mais elle nest pas réellement représentée dans un système de parti unique qui cadenasse très bien lexercice réel du pouvoir. Dans les années trente, il me semble que la classe politique étasunienne avait acté la crise et reconnu son potentiel destructeur. Cest aussi cette acceptation de la crise qui a permis à FD Roosevelt dimposer des décisions politiquement impopulaires mais socialement nécessaires. Tout montre depuis 2008, que la classe politique actuelle des Etats-Unis est dans le déni du caractère déstructurant de la crise en cours : toutes ses décisions depuis la liquidation de Lehman visent simplement à la réplication envers et contre tout (même à une échelle plus modeste) du système politico-financier davant septembre 2008. Cest un système qui fonctionne de plus en plus en circuit fermé.
Lacteur de fond qui verrouille encore et toujours le champ politique est le monde des affaires, celui en particulier qui tire encore profit du libre-échange (les échanges dérégulés). Sa psychologie nest pas celle de la compassion et de largumentation raisonnée mais celle de la domination, du cynisme et de la brutalité. Il occupe le terrain depuis les origines et il ne semble pas avoir lintention de le quitter. Son potentiel de violence est considérable comme le montre la « right-wing rage » des opposants à cette réforme (ou linvasion de lIrak), rage qui dépasse la distinction artificielle démocrates/républicains, qui dépasse le seul cadre du monde des affaires, mais englobe en fait lessentiel de la société étasunienne. Il ny a pas de révolution parce que les plus nombreux croient toujours aux vertus de l “american dream”, même aussi sans doute les exclus et miséreux qui dorment sous les tentes. Lesprit ne supporte pas lidée dune stagnation, de larrêt de cette illusion quest le « progrès perpétuel».
Ce nest pas une rage qui sexprime à loccasion dun simple projet de réforme sectorielle mais une rage qui sexprime contre une volonté de réforme elle-même, qui pourrait conduire à modifier ce système, même seulement à la marge. Cest dire la gravité de la sclérose et lépaisseur de lentêtement rentré que BHO doit affronter, sil en a vraiment lintention.
Philippe Le Baleur
17/08/2009
Il est assez curieux que les Etats-Uniens aient élu Barack Obama comme président juste au moment où ils ne supportent plus la façon « après-guerre » de faire de la politique. Apparemment, il a été élu parce quil est Noir donc représente une image auto-gratifiante du « peuple-gentil-qui-nest-plus-raciste »-, et aussi parce quil a ce talent des politiciens contemporains, la faculté de plaire à tout le monde. Le président semble constituer lachèvement ultime de l homo politicus tel quil évolue depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Partout où il passe, Barack Obama rayonne une puissante illusion de Bien. Il est tellement éloquent que même ses opposants ont envie de paraître sages eux-mêmes en lapprouvant le plus vite possible
Mais quand il est passé, le charme sestompe. La réalité triste et prosaïque reprend ses droits. On se retrouve encore plus perdu quavant, dautant plus que lon a beaucoup espéré. Cest ce que lon pourrait appeler un « effet virtualiste ». On a un problème, on nest pas content, on se révolte. Le président paraît, il démontre de façon éclatante que tout sera bientôt résolu, tout ira mieux. On se reprend à espérer en un monde meilleur. Et puis le président disparaît, et on se retrouve encore plus désespéré quavant, parce que déçu.
Au moins, avec GW Bush, on sendurcissait, le monde était dur, et on résistait. Mais à présent, on a un homme bon, intelligent, beau, un magicien du verbe
Mais le monde de GW est toujours là, peut-être encore pire quavant.
La fureur des Américains ne vient pas du tout dun projet de sécurité sociale. Dans le fond, qui ne voudrait être soigné aux frais de la communauté ? Non, il sagit dautre chose. Les gens ont supporté toutes les vicissitudes de lépoque Bush. Ils ont attendu. Puis ils ont espéré en un président meilleur. Ils y croyaient dur comme fer, au génie qui viendrait assainir la pourriture du système, au Heraklès qui viendrait nettoyer les Ecuries dAugias
Mais en fait, bercés par des années de mensonges, ils ont fini par se mentir à eux-mêmes. Ils se sont accrochés à lidée du génie qui résoudrait tous les problèmes. Mais cela nexiste pas. Un système nest pas le fait dun homme seul ! Un système politique est constitué de la somme des comportements de chaque individu.
Or, il faut bien constater que le comportement des Américains, depuis lassassinat de Kennedy, a été de mal en pis : Arnaques financières, meurtres, guerres injustifiées contre des adversaires plus faibles, drogues en quantités énormes, passion immodérée pour largent et la puissance, fabrication et vente darmes, construction dun appareil militaire disproportionné, diplomatie de la torsion de bras, on pourrait détailler à linfini la décadence dun système naguère « démocratique ».
Adonc, Barack Obama est le fruit dune culture de refus de la réalité. Intelligent, actif, éloquent, il prolonge le rêve dun système hollywoodien qui a perdu jusquau sens de la Vérité. Il est là, on la élu pour partir dIraq, mettre de lordre dans les finances, par exemple
Et on est toujours en Iraq, et on a monté la pression en Afghanistan, et on a attaqué le Pakistan. Et les banques dévorent impunément des centaines de milliards de largent public, se bourrent les poches avant la vraie crise.
Tout se passe comme si lon se trouvait au stade de la « goutte deau qui fait déborder le vase ». Le peuple pourrait très bien se révolter violemment contre ce projet de « sécurité sociale », non à cause du projet, mais pour se détendre les nerfs après avoir supporté tant de stress en quelques années.
Stephane Eybert
17/08/2009
Le commentaire de NiAndo ma rappelle un film documentaire, ou une professeur de Harvard ou du MIT, montrait comment en une generation, le pourcentage des americains croyant en leur chance de grimper en haut de l’echelle sociale avait augmente, quand en fait, cette probabilite d’ascention sociale avait elle diminue.
Elle montrait comment la perception de la chose etait diametralement opposee a sa realite.
Mais elle ne faisait pas l’association avec l’American Dream.
Voila ce que dit NiAndo:
“les plus nombreux croient toujours aux vertus de l “american dream”, même aussi sans doute les exclus et miséreux qui dorment sous les tentes”.
En effet, cette croyance est la croyance en l’American Dream. Il semble s’agir presque d’un devoir, pour chaque citoyen americain, de croire, en cet American Dream.
Ilker de Paris
24/08/2009
Personnellement j’ai l’impression qu’Obama a été “embauché” plutôt qu’élu, afin de sortir les Etats-Unis des crises qu’ils vivent, sorte de “Sauveur” ou “Messie” donc quelqu’un d’extérieur au système (système qui a failli), “d’étranger” que représenterait sa couleur de peau(...)
La vision qui voudrait que l’élection d’Obama est un tournant post-racial aux Etats-Unis est idéaliste à mon avis, ça aurait été le cas si cette élection l’avait été en “temps normal”. Comme je l’ai dit il s’agit plutôt d’une sorte d’embauche, c’est pour cette raison qu’on a l’impression qu’Obama est à son tour comme distant de sa fonction, étranger à sa fonction.
Ayant embauché un “Messie”, on attend d’Obama qu’il résolve les problèmes sans y toucher, autant dire qu’on attend des miracles, mais Obama ne marche pas sur l’eau, et il faudra qu’il mette les mains dans le cambouis à un moment c’est à dire qu’il agisse, son attitude consensuelle volera en éclat et avec son image de sauveur, avec retour puissant de la question raciale. A moins qu’il passe ses 4 ans à sourire.
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